Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission des affaires économiques, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 232 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Développement du transport ferroviaire
Adoption d’une proposition de résolution
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de résolution pour le développement du transport ferroviaire, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Gérard Lahellec, Mme Marie Claude Varaillas et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 144).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution.
M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il n’y aura pas de transition écologique sans le train et il n’y aura pas de train sans que notre pays décide, enfin, des financements fortement accrus et garantis sur le long terme ! ». Nous faisons nôtre cette formule de Jean Rottner, président de la région Grand Est, tant il est vrai que le ferroviaire est la colonne vertébrale de la mobilité verte.
Tout le monde, sans exception, s’accorde à dire qu’il faut défendre le transport ferroviaire, qui constitue la pierre angulaire de la stratégie du développement des transports des personnes et des marchandises.
Dans le cadre du débat de la semaine passée relatif à la loi de finances pour 2023, les trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances et notre collègue rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et développement durable n’ont pas manqué de pointer « la trop grande faiblesse des moyens accordés au développement du ferroviaire ». Nous n’avons d’ailleurs pas manqué de voter ici un amendement tendant à y consacrer des moyens plus importants.
Le Gouvernement s’est également montré confiant. Il s’est d’ailleurs engagé à apporter des financements en conséquence, une fois des études complémentaires réalisées, pour « faire mieux, plus et plus vite ».
Les déclarations récentes du Président de la République en faveur du développement des TER (trains express régionaux) métropolitains ou RER (réseaux express régionaux) dans les métropoles de France ne constituent, au fond, que la confirmation des ambitions qu’il convient de nourrir pour la desserte de nos territoires et de nos villes.
Ce développement doit être solidaire, harmonieux et partagé. Nous savons que le mode de transport retenu sera le ferroviaire, mais cela ne saurait être en aucun cas un type d’aménagement opposant la ville et la campagne, l’urbain et le rural. Il ne faudrait pas que, demain, nous ayons d’un côté le rail des villes, et, de l’autre, le rail des champs. (Sourires.)
Comme le disait en d’autres temps un beau slogan publicitaire : « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ! » (Mme Martine Filleul approuve.)
Pour y parvenir, nous avons besoin de changer de paradigme et de nourrir une grande ambition publique, sans laquelle rien ne sera possible. Nous ne pourrons y arriver sans un soutien de l’État à l’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité. Permettez-moi de pointer au passage les dispositions qui ont été annoncées hier, auxquelles nous ne sommes évidemment pas insensibles.
Le ferroviaire, qui est le mode de transport écologiquement le plus vertueux, est le seul qui paie l’intégralité de ses coûts ! En ces temps de crise de l’énergie, réaffirmons que le fer est plus résilient que l’aérien et la route. Il serait d’ailleurs légitime de reconnaître les externalités négatives des autres modes quand il s’agit d’aborder le coût réel du ferroviaire.
La transition aura aussi une incidence sociale, qui peut se révéler positive. Il faut, pour cela, que les tarifs du train soient attractifs, quand on sait qu’un véhicule individuel, en comptant l’assurance, l’entretien ou encore le carburant, coûte en moyenne 5 000 euros par an aux automobilistes.
Le transport ferroviaire n’est pas seulement écologique. Il est aussi un soutien majeur au pouvoir d’achat des Français, à condition que nous nous en donnions les moyens.
Malgré la reprise de 35 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau et les fonds du plan de relance en faveur du fret et des trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins 1 milliard d’euros par an aux gestionnaires d’infrastructures pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une solution de mobilité de rechange à nos concitoyens.
Et comme nous raisonnons sur le long terme, il eût été raisonnable de commencer dès maintenant. Tel fut d’ailleurs l’objet – je l’indique au passage – de l’un des amendements que nous avons soumis au débat dans le cadre du PLF, vendredi dernier, en séance publique dans cet hémicycle.
Nous savons que notre réseau vieillit. Sa moyenne d’âge est en effet de 29 ans, contre 17 ans en Allemagne. Accélérons donc sa régénération et sa modernisation, pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, en adoptant une réelle stratégie, ce qui n’est, hélas, pas le cas aujourd’hui.
Nous ne pouvons pas nous contenter de considérer qu’il suffit d’ouvrir le ferroviaire à la concurrence pour répondre aux besoins de modernisation du réseau, ainsi qu’à la nécessité de développer les territoires et de sauver les petites lignes ferroviaires.
On remarquera, du reste, que les initiatives locales et solidaires et autres coopératives ou ferroviaires qui ont émergé dans les territoires qui nourrissent des ambitions de réouverture de certaines lignes se heurtent aussi à des difficultés résultant de l’insuffisance des moyens affectés à la réhabilitation des infrastructures.
Nous devons soutenir l’industrie, car celle-ci emporte des conséquences positives sur l’emploi. Cela passe par la relance et la pérennisation de filières utiles à notre économie.
Enfin, pour mesurer les limites du pari de l’ouverture à la concurrence, il suffit de se référer à ce qui s’est passé dans le fret ferroviaire pour constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour reconnaître que, si rien d’exceptionnel n’est fait au plus vite, les objectifs annoncés pour 2030 ne seront atteints ni pour le fret ni pour le transport des voyageurs. De petites lignes risquent d’être fermées, des réseaux ne seront pas entretenus et les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre seront manqués.
Plus près de nous, lors des débats sur la future loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et dans le cadre d’une mission d’évaluation conduite par le Sénat, des préconisations en faveur d’une reconquête du transport ferroviaire, qu’il s’agisse du fret ou des voyageurs, ont été retenues.
Depuis le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, tous les groupes politiques du Sénat sont d’ailleurs intervenus pour pointer cet objectif. Ce fut encore le cas la semaine passée, à l’occasion des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2023.
La présente proposition de résolution (PPR) nous donne l’occasion d’y revenir. Et l’argument de la reprise de la dette ne doit pas être utilisé pour s’interdire de nouveaux investissements ou le nécessaire développement du ferroviaire, en France comme en Europe.
La résorption de la dette doit maintenant se conjuguer avec le développement du mode ferroviaire. Telle est bien l’ambition que se fixe cette PPR. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – MM. Marc Laménie et Philippe Tabarot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions parler une nouvelle fois du transport ferroviaire dans cet hémicycle.
La proposition de résolution du groupe communiste républicain citoyen et écologiste met en lumière les enjeux du rail en matière d’aménagement du territoire, d’approvisionnement de notre chaîne logistique, de mobilité des personnes et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le transport ferroviaire émet en effet, chacun le sait dans cet hémicycle, neuf fois moins de CO2 à la tonne transportée que la route. On ne parle jamais assez du rail – mon éminent collègue Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le budget des transports, ne me contredira pas. (Sourires.) Il le confirmera sans doute tout à l’heure lors de son intervention.
Cependant, comment ne pas être dubitatif en entendant les annonces du Président de la République relatives à la construction de dix nouveaux RER, quand on sait sur ces travées qu’il manque des financements importants pour l’entretien du rail en France ?
De l’avis de tous les acteurs du secteur, les montants prévus en matière de régénération du réseau par le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État sont très insuffisants. Ils ne permettront même pas d’enrayer la spirale de dégradation de ce réseau.
Où sont passés les engagements d’investissements votés dans le cadre de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, dont j’étais le rapporteur ?
La LOM devait garantir une programmation des investissements de 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022, soit une augmentation de 40 % par rapport à la période 2013-2017, et assurer une enveloppe quinquennale en progression à 14,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027. Qu’en est-il, monsieur le ministre ?
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur ce projet de loi n’a pas été conclusive, car nous déplorions le défaut de financements, notamment pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui auraient pris la compétence organisation des mobilités. Le temps nous a donné raison.
À l’horizon 2040 et faute de moyens, les ralentissements sur le réseau structurant classique risquent d’augmenter de plus de 50 %. Combien de fois faudra-t-il tirer la sonnette d’alarme pour être entendus ? Faudra-t-il attendre d’être au pied du mur, comme en matière de nucléaire, pour que l’on comprenne que ne pas accorder les fonds suffisants était une erreur ?
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a toujours porté avec constance des ambitions fortes en faveur du développement du transport ferroviaire, notamment dans le rapport d’information intitulé Le Transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dans lequel nous plaidions pour un plan d’investissements massifs en faveur de la régénération et du développement des réseaux ferroviaire et, par la même occasion, fluvial.
De même, la loi Climat et résilience, dont l’article 131, introduit en commission par l’adoption d’un amendement proposé par Philippe Tabarot, rapporteur de ce texte, fixe l’objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire, qui s’établit aujourd’hui à 9 %, d’ici à 2030.
Je me satisfais donc de constater que, sur ce sujet, tous les groupes partagent les mêmes constats, les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs.
La présente proposition de résolution reprend notamment plusieurs propositions que nous portons régulièrement, comme la réduction du taux de TVA sur les titres de transport, que nous avons d’ailleurs votée récemment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le soutien aux trains de nuit et aux petites lignes et, surtout, la nécessaire révision du contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État.
Pour autant, le texte que nous étudions aujourd’hui n’aborde pas deux points essentiels que sont l’ouverture à la concurrence et la nécessaire amélioration de la gestion des conflits et des revendications salariales.
Comment inviter les Français à choisir massivement le rail s’ils sont régulièrement méprisés par les organisations syndicales, qui les utilisent comme bouclier ou monnaie d’échange, ce qui est une nouvelle fois le cas en cette fin d’année si chère au cœur des familles de France ?
L’absence de ces deux points dans cette proposition de résolution ne nous permettra pas d’y donner une suite favorable. Le groupe Les Républicain s’abstiendra donc, avec la plus grande bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes tous favorables au développement du transport ferroviaire dans notre pays, je tiens à indiquer d’emblée que cette PPR ne répond pas à l’objectif auquel nous souscrivons.
Le ferroviaire est l’une des solutions clés pour décarboner efficacement nos transports. Je rappelle que, en vertu des engagements internationaux, européens et nationaux que nous avons pris, nous sommes tenus de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Nous avons voté des évolutions importantes dans le cadre des derniers projets de loi sur la question du ferroviaire, notamment pour le fret et l’intermodalité – je pense en particulier à la loi Climat et résilience.
Le Président de la République et le Gouvernement ont récemment fait des annonces sur le ferroviaire – ce point est d’ailleurs rappelé dans l’exposé des motifs du présent texte. Je pense notamment à l’annonce du lancement d’un projet de dix RER dans les grandes métropoles. Si je salue cette annonce, nombre de questions se posent.
Certaines métropoles, comme Strasbourg ou Bordeaux, qui ont conclu des accords avec leur région, ont déjà beaucoup avancé sur cette question. Je crois que Toulouse travaille également en ce sens.
Vous comprendrez, ministre le ministre, que j’attire tout particulièrement votre attention sur la métropole de Montpellier (Sourires.), qui souhaite légitimement être incluse dans ce projet, compte tenu des efforts massifs d’investissements qu’elle a consentis en faveur des mobilités.
En tout état de cause, on ne peut avancer sans réaliser au préalable un inventaire précis des disponibilités techniques dans chaque métropole.
Dans mon département, qui dit RER dit multiplication des stations de RER et des gares intermédiaires. Mais quid des sillons ? Nos lignes sont déjà terriblement sollicitées, avec les conséquences techniques que cela emporte, nous le savons, pour le trafic. Nous devons être précis sur nos besoins en infrastructures intermédiaires.
J’en profite pour vous rappeler toute l’importance de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan, monsieur le ministre.
Pour accélérer les projets et simplifier les procédures, comme de nombreux acteurs de terrain, j’imagine – sur ce sujet comme sur d’autres, monsieur le ministre – une grande loi d’accélération. La Ve République a su prendre de tels textes par le passé, lorsqu’elle a estimé que cela relevait de l’intérêt national.
Les besoins sont là, de même que les exigences climatiques. On ne peut plus attendre vingt ans pour répondre aux besoins d’infrastructures.
Cette PPR aborde le sujet du prix des billets de train. En effet, la crise énergétique a mécaniquement des conséquences sur les prix des transports.
Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires vous a interrogé le mois dernier dans le cadre d’une question d’actualité sur le prix des billets de train. Nous déplorions l’absurdité qui veut que le transport en commun le moins carboné soit aussi l’un des plus chers. Ce constat, de même que les multiples annulations de trains qui perturbent la vie quotidienne des Français, appelle une réponse.
Le développement du transport ferroviaire suppose également la modernisation et l’extension des infrastructures, afin d’améliorer le maillage territorial et de gagner en sillons. C’est essentiel.
Notre groupe ne peut adhérer aux propositions de diminution du taux de TVA applicable aux titres de transport ou de développement de pôles multimodaux dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants formulées dans cette PPR. En effet, non seulement le financement de tels pôles multimodaux interpelle, mais leur développement induirait un ralentissement mécanique des trains circulant sur les lignes à grande vitesse et des trains du quotidien.
Depuis la mise en service de la première ligne de chemin de fer en France, en 1827, le rail rythme la vie des Français. Soyons aujourd’hui fidèles à cette belle histoire, les révolutionnaires du rail ! En ce début de XXIe siècle, cette révolution est toutefois trop sérieuse pour la faire reposer sur cette seule PPR.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ferroviaire est une réponse à de nombreux enjeux : la mobilité et la réduction des ségrégations spatiales, la fin des énergies fossiles, la défense du pouvoir d’achat et la reconquête industrielle. Il est également un vecteur de la transition écologique.
Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires saluent donc l’initiative de leurs collègues du groupe communiste et voteront la présente proposition de résolution.
Sans un changement de braquet, les prochaines années seront marquées par un déclin inexorable de la performance du réseau – ce n’est pas moi qui le dis, c’est SNCF Réseau.
Monsieur le ministre, c’est peu de dire que la politique globale des transports que vous menez aujourd’hui paraît insuffisamment structurée pour parvenir à l’objectif ambitieux de doublement de la part modale d’ici à 2030, tant pour les voyageurs que pour le fret.
Pour le fret, l’atteinte de cet objectif de doublement nous permettrait simplement – il faut le noter – de rejoindre la moyenne européenne actuelle, qui s’établit à 20 %, sachant que l’objectif européen pour 2030 est de 30 %.
Si votre gouvernement a commencé à pallier le manque criant d’investissements des dernières décennies, les 2,9 milliards d’euros par an prévus pour SNCF Réseau au titre de son contrat de performance sont insuffisants. Je note d’ailleurs qu’une bonne part de cette enveloppe dépend de la forte hausse programmée des tarifs des péages ferroviaires, qui sont déjà parmi les plus chers d’Europe.
Il faudra aller plus loin – vous le dites vous-même, monsieur le ministre. Mais, on le sait, un tien vaut mieux que deux tu l’auras.
Le tant attendu rapport du Conseil d’orientation des infrastructures sera bien sûr déterminant : il sera la référence à l’aune de laquelle une loi de programmation ferroviaire pourra être votée pour planifier l’effort et permettre à nos collectivités de plancher, en concertation, sur la définition, la déclinaison et le déploiement de projets structurants pour nos territoires.
Le redéploiement d’un véritable réseau de trains de nuit en France et vers l’Europe devra être intégré à cette programmation pluriannuelle. On ne peut en effet se contenter de deux lignes de train de nuit.
Si la Commission européenne a récemment donné le feu vert à l’interdiction, en France, des liaisons aériennes d’une durée inférieure à deux heures trente, elle relève que, sur les six liaisons qui pourraient entrer dans le champ de cette interdiction, trois en seront exclues en raison de l’absence d’une solution de rechange ferroviaire adaptée.
Sans changement urgent de braquet, de nombreuses lignes risquent de dépérir. En vingt-cinq ans, nous avons perdu l’équivalent du réseau ferroviaire suisse en France.
Le réseau ferroviaire est vieillissant et, pour sa modernisation, pour garantir une offre de transport structurée, aucun modèle de financement durable n’a vraiment été défini. Nous payons le renoncement historique à rééquilibrer la concurrence entre le rail et la route par l’instauration d’une redevance pesant sur les donneurs d’ordres du fret routier. C’est pourtant l’un des leviers de réussite du transfert modal dans d’autres pays d’Europe.
Au lendemain de nos débats budgétaires, aucun basculement d’ampleur vers le ferroviaire ne se lit de façon précise. À ce titre, puisqu’il n’a pas été politiquement possible d’actionner le levier du versement mobilité, la réduction du taux de TVA à 5,5 % sur les titres de transport en soutien aux opérateurs, qui font face à la hausse des coûts de l’énergie, doit absolument être adoptée par la commission mixte paritaire.
Il est vital de prendre des mesures exceptionnelles pour maintenir ces services publics essentiels des transports en commun du quotidien et pour éviter d’envoyer le signal désastreux selon lequel les hausses des tarifs des transports en commun coïncideraient avec les aides au carburant consenties en faveur des « autosolistes ».
À ce titre, l’aide qui vient d’être annoncée en faveur des transports en commun, d’un montant de 300 millions d’euros – 200 millions d’euros pour Île-de-France Mobilités et 100 millions d’euros pour les régions – va assurément dans le bon sens, car sans soutien au secteur ferroviaire, la part du train s’érodera.
Enrayons cette dérive, en construisant avec les autorités organisatrices de transports (AOT) et avec les territoires les conditions d’un choc de l’offre ferroviaire.
Telle est la voie ouverte par l’Eurométropole de Strasbourg, qui, avec le soutien de la région Grand Est, a récemment mis en service le réseau express métropolitain européen. Elle a ainsi réalisé le potentiel de développement ferroviaire et intermodal permis par un renforcement des infrastructures, lui-même obtenu par feu la région Alsace et réalisé conjointement par l’Europe, l’État et la région en dix ans.
Qu’une telle ténacité et une coopération aussi positive puissent inspirer l’action publique nationale et décentralisée pour lancer, dès maintenant, ce renouveau ferroviaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un appel à une ambition forte, que nous partageons très largement, dans le domaine des transports ferroviaires. Il est en effet nécessaire de porter un engagement important dans ce domaine, les enjeux étant à la fois écologiques, économiques et sociaux.
Je souhaite tout d’abord rappeler que la France est le pays de l’Union européenne qui a le taux d’investissement le plus important en matière de ferroviaire.
Dans le projet de loi de finances pour 2023, plus de la moitié des crédits alloués pour l’ensemble des transports sont affectés au ferroviaire, ce qui ne représente pas moins de 6 milliards d’euros, et 85 % des crédits inscrits au programme 203, « Infrastructures et services de transport », sont consacrés au ferroviaire.
Le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), a quant à lui été revalorisé à hauteur de 150 millions d’euros.
La présente proposition de résolution souligne la nécessité d’assurer la régénération du réseau. Nous ne pouvons que partager cette ambition. Mais là encore, le contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau prévoit une hausse des investissements, de manière à atteindre 2,9 milliards d’euros pendant les dix prochaines années. Il convient de prendre acte de cet effort sans précédent.
En ce qui concerne le fret ferroviaire, celui-ci doit sans aucun doute être soutenu, comme le préconise le texte proposé. Je le rappelle, une stratégie nationale a d’ores et déjà été établie il y a un peu plus d’un an dans cette perspective, et des investissements d’un montant total de 1 milliard d’euros sont prévus à ce titre jusqu’en 2027.
En outre, différentes aides au fret ont été instaurées, comme les aides aux wagons isolés, pour un montant de 170 millions d’euros par an, et le Gouvernement vient d’annoncer que celles-ci seront prolongées jusqu’en 2027.
L’État affiche ainsi la volonté de doubler la part du transport de marchandises via le ferroviaire, afin de la porter de 9 % en 2019 à 18 % en 2030 et d’atteindre 25 % à l’horizon 2050.
Pour les transports de voyageurs – les transports du quotidien et les petites lignes –, des protocoles d’accord ont d’ores et déjà été signés entre l’État et huit régions pour investir dans près de 6 000 kilomètres de voies, afin de les préserver, de les entretenir, voire de rouvrir certaines lignes. J’en veux pour preuve l’inauguration, qui aura lieu lundi prochain, de la nouvelle ligne Gap-Grenoble.
Depuis février 2020, date du premier accord, quelque 550 millions d’euros ont été déployés par l’État pour les petites lignes, en sus des financements régionaux. Les financements consacrés aux petites lignes en donc triplé depuis 2020, et ces dernières seront de nouveau visées par les contrats de plan État-région pour la période 2023-2027.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce chantier se poursuit, dans un dialogue constant et étroit avec les régions.
J’en viens aux trains de nuit, qui ont également fait l’objet de dispositions nouvelles. Plus de 100 millions d’euros de crédits sont en effet prévus dans le PLF pour 2023, et des commandes de voitures sont programmées pour l’année prochaine. Nous nous félicitons par exemple du rétablissement de la Palombe bleue, qui parcourra de nouveau les plaines landaises et les vallées du Pays basque dès 2024.
Il convient toutefois de le souligner, on ne peut pas répondre simultanément aux deux injonctions contradictoires que sont, d’une part, le développement du fret et des trains de nuit, et, d’autre part, la régénération du réseau, qui nécessite des travaux effectués bien souvent de nuit.
La proposition de diminuer le taux de TVA sur les billets de train s’apparente à une fausse bonne idée, car il n’est pas certain que les AOM décisionnaires répercutent la totalité de cette baisse.
De plus, une telle mesure emporte un coût substantiel pour les finances publiques – jusqu’à 1 milliard d’euros selon certaines estimations.
Mes chers collègues, si cette PPR a vocation à nous unir autour d’une ambition forte pour le ferroviaire, alors, oui, nous la faisons nôtre. Et puisque nous sommes nombreux à aimer le train et qu’il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour, s’il fallait une preuve supplémentaire, au-delà de tout ce que je viens de rappeler, je me bornerai à citer la reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros.
Pour conclure, si les objectifs visés par cette PPR sont louables, elle ne nous paraît pas opportune, d’autant qu’une nouvelle programmation pluriannuelle pour le ferroviaire sera établie sur le fondement du prochain rapport du Conseil d’orientation des infrastructures. Le groupe RDPI s’abstiendra donc sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)