Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ». Au début des années 1990, la SNCF reprenait fièrement cette citation d’Aristote, en guise de slogan publicitaire.
Pourtant, aujourd’hui, à l’heure où le développement du rail s’impose comme une arme incontournable pour limiter nos émissions de carbone et éviter la congestion du réseau routier, des voyageurs, partout dans notre pays, vivent au rythme de la galère des transports. Il s’agit de cette France qui se lève tôt et qui arrive en retard, de la France des trains à l’arrêt.
Dans ma région des Hauts-de-France, les mêmes scènes se répètent quotidiennement pour les usagers du TER. Dans les gares devenues des salles des pas perdus, les voyageurs craignent chaque matin de découvrir que leur train a été supprimé, faute de conducteur, de contrôleur ou de matériel.
En quelques années à peine, la situation s’est dégradée à tous les étages, partout en France. Liaisons régionales, TGV, aucun train n’est épargné. Le taux de régularité que la SNCF tente de maintenir difficilement tous les jours est un exploit au regard de la vétusté de notre réseau. À la lumière de ce constat, nous pouvons affirmer que, oui, la SNCF est en voie de clochardisation.
Pour autant, les Français ont envie de trains. Quelque 12 millions de billets ont été vendus pour le seul été 2022 – un record ! –, alors même que les billets étaient hors de prix pour une partie de nos concitoyens et que les trains, pris d’assaut, affichaient complet.
En cette période où les prix de l’essence se sont envolés, le train est porteur de la promesse d’une concurrence optimale de la voiture. Et les Français sont au rendez-vous tant que le service est de qualité et abordable.
Ayons de l’ambition ! Il est plus qu’inadmissible que nous soyons aujourd’hui rendus à baisser la vitesse commerciale d’exploitation parce que le réseau n’a pas été entretenu ou modernisé. Nous sommes à l’os, alors que, en parallèle, nos voisins européens se lancent dans des dispositifs innovants, comme la digitalisation de leur réseau, opérant une maintenance prédictive par le biais de capteurs pour intervenir avant que le matériel ne casse et ne mette le réseau à l’arrêt.
Le réchauffement climatique met de plus nos infrastructures ferroviaires à rude épreuve. Les équipements doivent être adaptés et homologués face à ces changements.
Alors que la SNCF est déjà à la peine pour entretenir son réseau en raison du manque de soutien de l’État, je comprends qu’il paraisse inconcevable de mettre en place des dispositifs innovants, de développer ou de redévelopper le train de nuit, le fret et l’intermodalité.
Je citerai, par exemple, l’abandon de deux plateformes trimodales connectées au réseau ferré pour le projet de canal Seine-Nord. Que d’argent public et de possibilités de développement économique gâchés !
De manière plus globale, Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a reçu à plusieurs reprises, évalue les besoins de la SNCF à 100 milliards d’euros sur quinze ans.
Une grande loi de programmation ferroviaire de planification et d’évaluation des besoins annuels au long cours s’impose. Au lieu de cela, par le contrat de performance 2021-2030, le Gouvernement a renforcé la règle d’or de SNCF Réseau, contraignant sa capacité d’endettement et l’obligeant à réaliser des efforts de productivité inatteignables.
Faute d’un niveau d’investissements suffisants et dans un contexte d’ouverture à la concurrence, cette disposition risque d’affaiblir la SNCF et de susciter chez les usagers une hostilité accrue.
Nous refusons de voir cette stratégie mener à une privatisation. L’erreur serait majeure. Le rail a historiquement besoin de subventions publiques, que ce soit dans notre pays ou chez nos partenaires européens, qui n’hésitent pas y recourir.
C’est en ce sens que mon collègue Olivier Jacquin a déposé, en juillet dernier, une proposition de loi visant à développer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises en libérant SNCF Réseau de son carcan réglementaire et budgétaire, afin de répondre à l’urgence écologique.
Le groupe socialiste du Sénat a également déposé un amendement au PLF visant à renforcer le soutien au ferroviaire à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce montant est certes important, mais il est indispensable pour répondre à l’impératif de régénération et de modernisation du réseau.
Le même amendement, déposé par les députés socialistes, a d’ailleurs été largement adopté par l’Assemblée nationale en séance publique, mais il n’a pas été retenu par le Gouvernement dans le texte soumis au 49.3.
Dans ces conditions, le groupe socialiste ne peut que saluer cette proposition de résolution relative au développement du transport ferroviaire, qu’il votera.
Il est grand temps de renverser la vapeur. Faisons le pari du train, afin que, à l’heure de l’impératif climatique, les Français retrouvent confiance dans leur réseau ferré ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ferroviaire est un volet central de nos politiques publiques, car nous nous trouvons à un tournant en matière de mobilité. Nous devons en avoir conscience.
Cette proposition de résolution vise à donner tort au dicton selon lequel « la seule façon d’être sûr de prendre un train est de manquer le précédent ».
La mobilité est un droit universel, qui devrait être accessible à tous et toutes. L’exposé des motifs le précise : « Se déplacer, c’est pouvoir aller étudier, travailler, faire vivre des relations sociales, amicales, familiales, c’est accéder aux soins, c’est pouvoir partir en vacances. » Or ce droit à la mobilité est mis à mal.
Il faudrait mieux se déplacer, en réduisant la consommation d’énergies fossiles. C’est le moins que l’on puisse faire quand on voit les ravages de la pollution sur notre santé et notre environnement. Mais on ne trouve pas suffisamment de solutions de rechange efficaces à la voiture, si bien que le transport public devient un moyen de transport par défaut, alors qu’il devrait être un choix consenti – pardonnez-moi ce pléonasme, mes chers collègues.
Je citerai, par exemple, la situation catastrophique des transports en Île-de-France : l’attente des bus, les suppressions et les retards de RER et de métros, sans parler des suppressions de postes et de la criminalisation des syndicats de cheminots, perdurent depuis des années, monsieur le ministre. La situation, déjà pénible, est devenue insupportable.
Au conseil régional, nos collègues du groupe Gauche communiste, écologiste et citoyenne ont lancé le mouvement « Stop galère » et ouvert une pétition pour demander des moyens et refuser la hausse du prix du pass Navigo.
Ce matin, de nombreux élus et citoyens étaient rassemblés devant le conseil régional, à raison : le service est dégradé, rétrogradé, et les passagers, alors même qu’ils voyagent entassés, devront désormais payer presque 10 euros supplémentaires – on le sait depuis hier soir – pour cette expérience de transport scandaleuse. Pourtant, hier soir, précisément, vous annonciez une aide de 200 millions d’euros à Île-de-France Mobilités. Le seul changement auquel cela a donné lieu, c’est une augmentation du prix du passe Navigo de 10 euros au lieu de 15 euros ! Le prix reste excessivement élevé, mais il faudrait que les usagers se considèrent comme privilégiés !
En quoi le sont-ils quand les lignes sont surchargées, quand les rames circulent à des fréquences réduites et aléatoires, et quand le matériel roulant est parfois vieillissant ?
Ailleurs, il n’y a plus de service. En un siècle, la moitié du réseau ferré français a fermé, monsieur le ministre. Les gares sont devenues des reliques, parfois transformées pour d’autres usages ou bien encore abandonnées, ce qui contribue au sentiment d’oubli que nourrissent certains de nos concitoyens vivant en zone rurale.
Le transport de marchandises en pâtit aussi et ne représente que 9 % du secteur, contre 89 % pour le transport routier, pourtant plus coûteux pour l’environnement. Mes collègues connaissent mon engagement pour le maintien du train des primeurs entre Perpignan et Rungis. Rappelez-vous les débats que nous avons eus sur ce sujet, ici, dans l’hémicycle.
Le transport ferroviaire n’est au niveau nulle part. Nous avons tous entendu les engagements qui ont été pris pour rattraper le retard de la France, notamment par rapport à nos voisins allemands. Tout d’abord, dans le contrat de performance, il est prévu que la part du ferroviaire double d’ici à 2030.
Ensuite, le Gouvernement s’est engagé à relancer les trains de nuit et il est vrai que quelques lignes ont rouvert ; pour l’instant, elles sont encore en nombre insuffisant et nous restons loin des performances attendues dans un pays comme le nôtre, qui a les moyens d’avoir de belles autoroutes – privées – et qui pourrait en retour se doter de transports publics de qualité.
Enfin, le Président de la République a pris l’engagement de développer des lignes de RER dans dix métropoles : on attend des précisions, on attend des financements et on attend aussi des garanties pour que le transport soit public et desserve les territoires afin d’assurer le droit à la mobilité. En effet, il ne s’agit pas d’apporter sur un plateau un nouveau secteur lucratif aux prophètes de la privatisation des transports.
Il ressort de tout cela que l’on peut distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui parlent des transports – le sujet est incontournable – pour faire connaître cette situation lamentable et ceux qui agissent. Désormais, il faut agir. Cette proposition de résolution est un pas de plus que nous ferons dans la transition des mobilités. Mes chers collègues, agir c’est la voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui pour exposer la position du groupe Union Centriste sur la proposition de résolution présentée par nos collègues du groupe CRCE.
Comme président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je n’ai eu de cesse de rappeler l’impérieuse nécessité du développement ferroviaire de notre pays.
Le secteur du transport est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France. Or une tonne de marchandise transportée par voie ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 que par la route. Le développement massif du ferroviaire pour le fret comme pour les personnes représente donc un levier considérable de décarbonation à l’échelle de notre pays.
Lors de l’audition du président-directeur général de la SNCF comme lors de celle du ministre délégué chargé des transports, il y a quelques semaines, devant la commission, j’ai souligné la nécessité absolue de faire croître le secteur ferroviaire dans notre pays, tout en rappelant que les moyens mis sur la table n’étaient pas conformes à nos ambitions.
Si nous souhaitons atteindre l’objectif, d’ici à 2030, d’un doublement de la part modale du rail à 20 % pour les voyageurs et à 18 % pour le fret, il nous faut investir massivement dans notre réseau, et cela sans perdre plus de temps.
Afin de parvenir à ce doublement de la part modale du ferroviaire, la proposition de résolution prévoit de réduire la TVA sur les titres de transport en commun. Partageant ce souhait, je suis très heureux de vous rappeler, mes chers collègues, que l’amendement visant à abaisser à 5,5 % la TVA sur les titres de transport, porté au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par Hervé Gillé et Philippe Tabarot, a été adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Je suis donc parfaitement en phase avec les auteurs de cette résolution.
Le plan de relance avait alloué plus de 4 milliards d’euros supplémentaires à SNCF Réseau, dont 2,3 milliards pour les investissements en faveur de la régénération du réseau, afin d’aider le secteur. Toutefois, le nouveau contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, qui faisait l’objet de très fortes attentes, constitue une occasion manquée tant il déçoit par son manque d’ambition : seulement 2,9 milliards d’euros par an sont prévus pour le réseau sur la période 2021-2030. Cette enveloppe est très insuffisante pour assurer la régénération des infrastructures ferroviaires.
En outre, ces crédits seront majoritairement issus des fonds propres de SNCF Réseau, en particulier du produit des péages, dont le montant en France est déjà le plus élevé d’Europe.
Cette déception est d’autant plus grande que l’inflation grève les marges d’action de SNCF Réseau à hauteur de 500 millions d’euros en année pleine, perte non compensée dans le projet de loi de finances. À moyens constants, cette situation risque de conduire à un resserrement du périmètre d’investissement de cet acteur.
Des inquiétudes particulières portent sur l’état des petites lignes ferroviaires, parent pauvre du réseau national, dont le Sénat avait souligné l’importance lors de l’examen du projet de loi 3DS et dont le maintien représente des enjeux financiers considérables. Selon le rapport Philizot de février 2020, quelque 40 % des lignes de ce réseau de proximité sont menacées faute de régénération ; le rapport estime nécessaires des investissements de l’ordre de 7,6 milliards d’euros d’ici à 2028. À ce titre, on peut se réjouir de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, d’un amendement présenté au nom de notre commission par notre collègue Philippe Tabarot, visant à abonder de 150 millions d’euros supplémentaires les crédits alloués à la régénération des petites lignes ferroviaires.
Dans ce contexte de tensions budgétaires et de nécessité d’accélérer rapidement nos efforts, la proposition de résolution présentée par nos collègues me semble tout à fait intéressante et bienvenue.
Je souhaite à présent aborder avec vous, mes chers collègues, l’analyse des deux objectifs à viser afin d’atteindre le doublement de la part modale du transport ferroviaire.
Il existe à mon sens un double enjeu : la régénération des petites lignes et des lignes d’équilibre du territoire d’un côté, et le développement des lignes urbaines, voire métropolitaines, de l’autre.
Bien sûr, en tant qu’ancien maire et conseiller départemental, je ne peux qu’être sensible aux arguments avancés par nos collègues quand ils exposent, à raison, que la moitié du réseau ferroviaire a fermé depuis 1930. Partout sur nos territoires, nous avons constaté la déprise ferroviaire qui a eu lieu, avec son lot de fermetures de petites lignes et de petites gares.
Il faut briser ce cercle vicieux et donner une nouvelle dynamique, puissante, aux lignes locales, qui font l’objet d’un engouement considérable de la part de nos concitoyens.
La deuxième priorité impérieuse à laquelle nous devons apporter une réponse puissante est le besoin de transport ferroviaire dans les grandes métropoles françaises. La densité du réseau ferroviaire en Île-de-France fait figure d’exception par rapport aux autres grandes villes. Il faut poursuivre les travaux d’agrandissement du réseau qui sont en cours, le Grand Paris Express, le projet Eole, la prolongation des lignes de métro existantes et la finalisation du vaste réseau de tramway francilien. Ces projets permettront de décarboner sur le long terme les mobilités au sein de notre région capitale.
Quant à nos métropoles régionales que sont Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Toulouse et d’autres encore, elles mériteraient de bénéficier d’investissements d’ampleur dans les réseaux, afin d’y permettre l’éclosion de véritables réseaux de trains de banlieue, à l’image des S-Bahn en Allemagne, qui sont présents dans de très nombreuses villes.
Je salue l’annonce du Président de la République de doter ces métropoles de réseaux express métropolitains, car le potentiel de décarbonation au sein de ces zones est énorme, tant les mobilités par voie automobile y sont courantes. Espérons que les moyens budgétaires seront à la hauteur de ces engagements.
Étant en phase avec cette proposition de résolution et ses objectifs, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens subissent des hausses de prix sur tous les fronts, en particulier, sur l’énergie, l’alimentation et les transports. Inflation galopante et durable, d’un côté, endettement aggravé, de l’autre, tout cela dans un contexte d’urgence climatique : cette équation insoluble ne peut susciter, tôt ou tard, que l’explosion sociale.
La politique ferroviaire, grande oubliée des dernières décennies, a fait l’objet d’un regain d’intérêt relativement récent. Nous payons au prix fort l’inertie des gouvernements qui se sont succédé.
La régénération et la modernisation du réseau, quand elles sont progressives, sont bien moins coûteuses qu’un coup d’accélérateur porté sur des infrastructures dont l’âge moyen est d’une trentaine d’années, ce qui se traduit par un prix des péages deux fois plus élevé par rapport au reste de l’Europe.
Pour ce qui est des trains de nuit, après les avoir tout simplement abandonnés en 2016, il aura fallu que nos voisins européens s’y intéressent pour que le Gouvernement décide finalement de les relancer. Cependant, les moyens engagés ne correspondent pas aux besoins actuels, soit 800 millions d’euros dans les cinq prochaines années.
Nous payons le choix d’avoir favorisé les métropoles et la concentration des richesses au détriment du reste du territoire. Quarante-sept ans après le plan annoncé par Valéry Giscard d’Estaing, le Massif central n’a toujours pas été désenclavé par le train. Au XXIe siècle, des pans entiers du territoire se retrouvent mal desservis, ce qui revient à méconnaître le droit à la mobilité.
À cela s’ajoutent de grands projets aux procédures interminables, comme la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP), décidée dans les années 1980, abandonnée puis relancée. Un espoir se dessine avec le vote de nouveaux financements dans le projet de loi de finances pour 2023 – monsieur le ministre, je vous en remercie.
En ce qui concerne le transport de marchandises, il s’effectue essentiellement par la route dans notre pays. Le plan de soutien au fret ferroviaire, s’il est bienvenu, est malheureusement arrivé un peu tard. Pour être un jour compétitif, le ferroviaire doit être performant et efficace : le système européen de gestion de trafic des trains et la commande centralisée du réseau doivent impérativement être mis en place.
Enfin, comment inciter au report modal sans protéger l’usager de la hausse des prix ? L’alternative à la route doit être crédible et pleinement soutenue par l’État. Or, non seulement le transport ferroviaire n’est pas suffisamment compétitif, mais il devra aussi subir 1,7 milliard d’euros de surcoûts liés à la flambée du prix de l’énergie. On n’hésite pas à instaurer un bouclier tarifaire énergétique de manière aveugle et coûteuse, quelle que soit la situation économique ou professionnelle des ménages ; il est logique que cet effort soit poursuivi en matière de transports collectifs.
Nous soutenons donc la proposition visant à ce que des dispositions exceptionnelles soient prises pour contenir l’incidence du prix de l’énergie sur les finances de SNCF Réseau et sur les autorités organisatrices de transport, et nous soutenons aussi la baisse de la TVA sur l’achat des titres de transport, mesure qui est votée tous les ans au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
S’il faut améliorer le maillage ferroviaire du territoire, nous devons également ralentir l’étalement urbain et mieux réfléchir à l’organisation spatiale. Que de temps perdu ! Le Gouvernement travaille à le rattraper et je salue ses efforts. Il y a eu des progrès importants en matière d’investissement, que nous ne pouvons pas nier.
Lors de l’examen du projet de loi de finances, M. le ministre délégué chargé des transports a évoqué plus de 6 milliards d’euros investis en 2023 dans la politique ferroviaire.
Si les sommes paraissent désormais considérables et si nous nous situons dans la trajectoire établie par la loi d’orientation des mobilités, nous pouvons faire davantage, car la décarbonation du secteur des transports repose pour beaucoup sur le mode ferroviaire. Nos voisins allemands, britanniques ou suisses ont récemment mis la main au portefeuille, alors que leur réseau est en bien meilleur état que le nôtre. Aussi, nous invitons le Gouvernement à rehausser les ambitions françaises, notamment pour les petites lignes.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE, qui partage l’ensemble des constats établis par les auteurs de ce texte et la quasi-totalité des propositions avancées, soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution a l’avantage de faire porter le débat sur une passion française, celle de la vie du rail. Avec comme étendard le TGV, le rail est une fierté française en même temps qu’un instrument de cohésion nationale. Plus encore que la prouesse technologique qu’il représente, c’est l’engouement du public pour un moyen de transport confortable, massifié, sûr et peu polluant qui fait du train une grande réussite nationale.
Le train, c’est une carte de France qui se dessine et le témoignage de notre patrimoine, comme aurait pu le dire Marc Laménie. Le train, c’est un défi qui coche les cases de notre temps, dont celle de la nécessaire décarbonation, notamment pour le fret. Aussi, je partage bien volontiers les constats de cette proposition de résolution, dans la droite ligne des travaux transpartisans de notre commission, cher président Longeot, que nous avons menés, notamment avec notre collègue Lahellec.
Il n’y a pas un train de gauche et une rame de droite.
M. Michel Dagbert. Ils avancent « en même temps » ! (Sourires.)
M. Philippe Tabarot. Nous avons le devoir de nous hisser au-dessus de ces clivages pour prendre des décisions. Nous encourageons ce sursaut qui doit naître sur les mobilités ferroviaires, car nous devons donner la priorité à l’aboutissement des projets comme le Grand Paris Express ou les voies d’accès au tunnel Lyon-Turin, sujet cher à Martine Berthet, ou bien encore la sauvegarde des petites lignes, vitrine d’une France périphérique trop souvent laissée de côté.
Nous sommes tous, sur ces travées, un peu amers que les transports soient continuellement les grands absents des campagnes présidentielles et des débats qui se tiennent alors. Malgré cela, le train envahit l’actualité et devient un élément pivot de réponse aux crises de notre temps.
Toutefois, l’acuité médiatique du train demeure inversement proportionnelle au pourcentage de PIB injecté chaque année dans le financement du transport public. Le retard pris est si grand que les investissements de régénération permettent tout juste de stopper la dégradation du réseau. Le montant d’investissement par habitant est ridiculement bas, seulement 40 euros en France quand il est de 395 euros en Suisse et 95 euros en Italie.
Ce sous-investissement chronique s’est dernièrement manifesté par son nouveau totem – vous l’avez mentionné, mon cher collègue –, le contrat de performance. Ce document-cadre fait courir un risque majeur à nos infrastructures : il prévoit des investissements de renouvellement notoirement insuffisants et fait l’impasse sur la modernisation du réseau.
Pour traduire l’ambition du train et favoriser le retour des Français dans les rames, il faut investir davantage, rattraper le temps perdu et ne pas dépenser en décisions vaines celui que l’on devrait consacrer à l’action.
En cohérence, certains de mes collègues l’ont rappelé, nous avons fait voter au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, 150 millions d’euros supplémentaires pour la régénération du réseau.
Monsieur le ministre, sans vous cacher éternellement derrière le Conseil d’orientation des infrastructures, donnez au ferroviaire des chances au moins équivalentes à celles qui sont octroyées aux filières automobile et aéronautique sans pour autant les opposer.
Nos attentes sont vives, car elles portent une exigence rehaussée et équilibrée. Il ne s’agit pas de se tourner vers la facilité d’annonces solennelles aux pieds d’argile, comme celles qu’a faites le Président de la République sur les RER métropolitains : pour l’instant, ils sont remisés aux ateliers de maintenance sans aucune trajectoire financière.
Je suis conscient de la complexité de notre demande et des capacités limitées de SNCF réseau. C’est pour cela que nous ne pouvons pas nous cantonner aux seules sirènes de cette proposition de résolution, qui affiche de grandes ambitions sans y adjoindre les solutions pour y arriver : performance, productivité, trajectoire de l’État en très forte révision, ou bien lutte contre le poison des péages ferroviaires.
Je ne peux pas non plus en valider totalement la portée tant elle cache mal, en arrière-boutique, une opposition plus dogmatique que réaliste et une certaine complaisance.
L’opposition dogmatique, tout d’abord, tient au fait de rejeter en bloc le champ de l’ouverture à la concurrence. À la différence des auteurs de ce texte, je crois à cette ouverture, car elle responsabilise les acteurs et leur évite de se complaire dans les travers du monopole. La concurrence ferroviaire doit se traduire, selon moi, par une offre accrue de trains et par des péages ferroviaires rendus à terme plus accessibles.
La complaisance, ensuite, vient du refus de porter un regard objectif, voire quelquefois critique, par idéologie, sur le champ social miné. Alors que l’État s’est engagé à reprendre 35 milliards d’euros de la dette de la SNCF et que l’entreprise a également bénéficié d’une recapitalisation, les contribuables français ne cachent plus leur crispation face aux grèves à répétition, qui ruinent nos efforts collectifs, ainsi que ceux de l’opérateur pour satisfaire les usagers à des moments importants et souvent festifs de leur vie.
Toutefois, je sais bien que parmi les syndicats et les cheminots, beaucoup se distinguent en restant attachés à la qualité du service et à l’amour de leur travail.
Fidèle à mon héritage politique et sans être prisonnier des vieilles lunes dogmatiques, je crois au ferroviaire par conviction. Notre groupe, cher Didier Mandelli, s’honore de réclamer un effort de rattrapage, de modernisation et de performance ferroviaire, mais il s’abstiendra sur cette proposition de résolution, qui malgré des constats bienveillants que je partage, reste prisonnière d’une idéologie quelquefois un peu trop politique sur les deux sujets que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Lahellec, je vous remercie d’avoir ouvert ce débat qui porte, comme l’a dit à l’instant le sénateur Tabarot, sur une passion française. Vos interventions successives en témoignent et ont au moins un point commun avec celle de l’orateur qui s’exprime à présent au nom du Gouvernement : cette passion est partagée et la volonté de faire du ferroviaire une grande priorité est également la mienne.
Permettez-moi toutefois, avant de revenir sur quelques points prioritaires de notre politique en matière de transport, en particulier ferroviaire, de réagir à quelques propos que j’ai trouvés « excessifs », pour le dire sincèrement. Je pense notamment à ceux qu’a tenus la sénatrice Filleul.
On ne peut pas parler de « clochardisation » du système ferroviaire français. Ce n’est ni juste ni vrai et je m’indigne contre ce genre de propos. Je crois que cela ne fait pas avancer le débat. Le terme ne figure pas d’ailleurs dans le texte de la proposition de résolution et je m’en félicite. On ne peut pas traiter notre système ferroviaire de cette façon.
Bien sûr – j’y reviendrai dans un instant –, nous devons évoquer la galère que vivent de nombreux Français ; nous ne pouvons pas ignorer les difficultés évidentes et nous devons y répondre et prendre nos responsabilités – peut-être aurons-nous des désaccords et j’y reviendrai.
Mais on ne peut pas partir de ce constat qui est faux biaisé et outrancier. Je ne m’y résous pas, car ce serait une autoflagellation collective, un SNCF bashing, si vous me permettez cet anglicisme, auquel je ne m’associe en rien.
Oui, notre système ferroviaire est confronté à des difficultés, mais partons quand même de ce qui fonctionne et de ce qui fait la vie quotidienne des salariés du secteur public ferroviaire et des usagers : malgré les difficultés, ces derniers recourent aux transports publics et utilisent le train.
J’ai beaucoup voyagé en Europe, car les hasards de la vie ont fait que, avant d’être ministre délégué chargé des transports, j’ai été ministre délégué chargé des affaires européennes. Or il n’est pas vrai que l’herbe est plus verte ailleurs et que tout est sombre et noir dans notre pays. Nous avons en partage de véritables succès français, comme l’ont rappelé plusieurs de vos collègues, dont les sénateurs Tabarot et Dagbert. Je ne cherche aucunement à me les attribuer, car ils sont l’œuvre des collectivités locales, toutes sensibilités politiques confondues, et des gouvernements successifs.
Ainsi, la politique du TGV, qu’il est aujourd’hui commode et commun de dénigrer, a été une grande politique d’aménagement du territoire, de développement économique et a constitué un succès industriel et ferroviaire pour la France. Soyons-en fiers !
D’ailleurs, parmi d’autres de vos collègues, le sénateur Grand a défendu l’idée qu’il fallait ouvrir des lignes ferroviaires dans certains endroits où l’on constate un manque de compétitivité, ainsi qu’un besoin de désenclavement et d’attractivité économique. Sans doute faudra-t-il trouver une autre manière de les financer : je salue le soutien du Sénat en la matière et le vote de trois amendements dont l’objet est de permettre le financement des projets du Grand Paris Seine Ouest (GPSO), de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) et de la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), par des ressources locales affectées, qui pèsent sur le monde économique et le monde touristique et qui sont décidées en concertation avec eux ; ainsi, l’on évitera de prélever sur les ressources du système ferroviaire et l’on financera intelligemment de futures lignes à grande vitesse dans le cadre de projets ciblés.
Une autre grande réforme que nous avons réussie en France, et qui, en pratique, est largement l’œuvre des régions, concerne le TER. Certes, des difficultés ponctuelles ont été recensées, notamment dans les Hauts-de-France, que je connais et sur lesquelles je me suis engagé. Toutefois, elles n’ont rien à voir avec la situation que l’on a connue il y a vingt ou trente ans – vous le savez bien –, parce que les régions ont investi et réinvesti.
Dans un débat que nous avons eu lors d’une séance précédente, vous rappeliez, monsieur le sénateur Tabarot, le tarif que payent en moyenne les usagers français sur le prix du billet, tous types de ligne confondus, depuis le train du quotidien jusqu’au train à grande vitesse : il est le plus faible d’Europe si l’on met à part le Luxembourg. Cela devrait d’ailleurs faire l’objet d’un débat entre nous : toutes les collectivités publiques, dont l’État, donnent une subvention très importante au secteur ferroviaire.
Je sais que les tarifs donnent lieu à débat, en ce moment. Je remercie ceux qui ont bien voulu souligner que, par ma voix, l’État s’est engagé à accorder une aide d’urgence non seulement à Île-de-France Mobilités, parce qu’il y a un besoin particulier, mais aussi aux autres autorités métropolitaines organisatrices de transport, à hauteur de 100 millions d’euros. Nous pourrons débattre sur ce point, mais cette aide est essentielle pour faire face à la hausse du coût de l’énergie et pour ne pas faire exploser les tarifs.
Dans ce pays, nous subventionnons collectivement les usages du ferroviaire et les transports du quotidien : c’est une fierté et c’est très important.
Ensuite, certaines choses, il est vrai, fonctionnent mal depuis longtemps ou fonctionnent moins bien en ce moment : disons-le pour essayer de résoudre ces difficultés.
Je pense bien évidemment à la régénération du réseau que je considère comme nécessaire : je l’ai toujours dit, et vous m’avez entendu le répéter dans cet hémicycle. Il reste encore des étapes à franchir et je ne me cache pas derrière le Conseil d’orientation des infrastructures, monsieur le sénateur Tabarot : l’enjeu du réseau ferroviaire est plus large que cela. Oui, sur ce point, nous avons collectivement un problème français.
Toutefois, soyons honnêtes intellectuellement dans nos débats et allons jusqu’au bout : j’aurais aimé que l’on salue le fait que depuis six ans – voyez, je suis très précis et je fais preuve d’honnêteté – les gouvernements successifs ont réinvesti pour augmenter les crédits de régénération et de modernisation de notre réseau ferroviaire, ce qui était indispensable.
On était à moins de 2 milliards d’euros par an en 2015. J’entends les critiques et les contestations sur les 2,9 milliards d’euros par an prévus dans le contrat de performance. Toutefois, celui-ci a le mérite de nous placer à un niveau que nous n’avions pas atteint depuis plus de trente ans ; en outre, il prévoit une visibilité sur dix ans. Faut-il aller plus loin ? Oui, et j’y reviendrai dans un instant. Est-ce que cette proposition de résolution met l’accent sur ce point ? Oui, je reconnais qu’elle a cet avantage.
Toutefois, rappelons que le retard est en train d’être en partie rattrapé et que nous allons franchir des étapes supplémentaires. Je n’ai pas beaucoup entendu que notre système ferroviaire était dans un état de « clochardisation » lorsque l’on était à moins de 2 milliards d’euros par an, il y a de cela encore moins d’une décennie. Soyons justes et soyons honnêtes, pour être plus efficaces dans nos réponses.
Je considère également que, oui, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés particulières sur certains trains du quotidien. J’ai évoqué la hausse du coût de l’énergie : l’État a prévu une aide exceptionnelle pour y faire face, ce qui n’est pas négligeable. Mais, oui, certaines situations sont très particulières, comme celles de l’Île-de-France et des Hauts-de-France, que j’ai mentionnées. C’est la raison pour laquelle je me suis rendu à Lille, pour rencontrer le président de région Xavier Bertrand : j’ai discuté avec lui et j’ai demandé à la SNCF un plan exceptionnel de rattrapage des recrutements face aux pénuries de conducteurs. Il commence à se mettre en place et nous essaierons d’en accélérer la dynamique en mobilisant tous les moyens. Certains, sur ces travées, ont parfois moqué nos initiatives, mais je les assume : nous sommes dans une période difficile, ce qui justifie de faire appel à de jeunes retraités pour faire face aux pénuries temporaires. Il faut mobiliser tous les moyens et se montrer créatif et innovant, comme cela a été dit ; il faut aussi répondre plus structurellement aux pénuries de conducteurs qu’on connaît partout.
La problématique n’est pas seulement le fait de ce gouvernement ou de l’État ; les collectivités territoriales savent bien que nous connaissons les difficultés qui interviennent dans les recrutements de conducteurs de bus et de conducteurs de métro. Je m’engage à développer une politique d’attractivité et de recrutement renforcée en Île-de-France comme ailleurs.
Alors oui, le budget consacré au ferroviaire reste important. Je ne citerai pas les chiffres en détail, discutés voilà quelques jours à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais j’en rappellerai seulement deux ou trois.
Le Sénat a voté vendredi dernier les crédits du programme « Infrastructures et services de transports », dont 85 % sont consacrés aux transports collectifs et ferroviaire.
Il n’est donc pas choisi de faire porter massivement les efforts sur la route ou sur l’avion, puisque 85 % du budget du ministère que je défends sont destinés à ces modes de transport.
Au total, en tenant compte de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, de la Société du Grand Paris et du budget affecté au programme déjà cité, l’effort national consenti par l’État en faveur des transports s’élève à 12 milliards d’euros cette année, soit une hausse de 10 % par rapport à l’an dernier, dont plus de la moitié est consacrée au transport ferroviaire.
Ces réalités doivent être rappelées.
Que doit-on faire pour améliorer la situation et répondre aux points qui ont été soulevés ?
D’abord, la priorité est donnée au réseau. Je l’ai dit ; c’est un signal. Considérons-le comme tel.
Pour atteindre ce niveau symbolique de 3 milliards d’euros d’investissement dans la régénération du réseau ferroviaire et sa modernisation, au-delà du contrat de performance, l’Afit France portera, lors du vote de son budget dans quelques jours – je le souhaite –, 100 millions d’euros pour 2023.
Vous me direz peut-être qu’il faut aller encore plus loin. Cependant, SNCF Réseau – son PDG, Matthieu Chabanel, en témoignerait – ne pourrait pas absorber un volume de travaux correspondant aux sommes additionnées trop rapidement. En la matière, il n’y a pas de magie !
Il s’agit donc d’un signal utile, concret et pragmatique.
Se posera également, sur la base du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, mais aussi plus largement, la question d’un investissement supplémentaire dans le réseau.
Ce sujet est encore en débat. Le Gouvernement, Christophe Béchu et moi-même vous ferons des propositions en début d’année, à partir desquelles nous pourrons discuter.
Ce contrat de performance n’est pas une religion, un tabou ou un totem. Prenons-le simplement pour ce qu’il est, à savoir une amélioration, que nous amplifions pour l’année 2023 et qui sera rediscutée ensemble, sur les plans politique et budgétaire, dans les semaines et les mois qui viennent.
Ensuite, une deuxième priorité est à accorder aux transports du quotidien. Je suis revenu sur les mesures d’urgence et je voudrais dire quelques mots des RER métropolitains, évoqués, monsieur le sénateur Lahellec, dans votre proposition de résolution.
Il s’agit non pas de communication ou de science-fiction, mais d’une réalité. Ce matin même, j’ai symboliquement lancé, avec le président de région, Jean Rottner, et la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, le RER métropolitain à Strasbourg, qui entrera en service à partir du 11 décembre prochain.
Fruit d’un effort d’investissement conjoint de l’État, de SNCF Réseau, de la région ainsi que de la métropole, il permettra d’augmenter significativement les dessertes ferroviaires autour de la métropole de Strasbourg. En cela, cette réalisation montre la voie. Une dizaine de projets de RER métropolitains ont d’ailleurs déjà été étudiés – c’est ce qu’évoquait le Président de la République.
Cette priorité doit être cofinancée, coconstruite, par l’État et les collectivités, au cours des prochaines années. C’est un chantier à conduire durant une décennie ; certains projets sont plus mûrs que d’autres.
Nous aurons aussi – comme je l’ai dit à l’instant au sujet des sociétés de projet pour les lignes à grande vitesse – à inventer de nouvelles modalités de financement, afin d’éviter de prélever des ressources, qui sont rares, partielles ou d’un niveau insatisfaisant, sur les revenus de transports qui doivent déjà être aidés aujourd’hui.
Imaginer des outils, comme les sociétés de projet, constituera aussi une partie du débat, fondé sur le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, dans les prochains mois.
Je voudrais revenir sur quelques axes sensibles et importants, évoqués aussi bien dans la proposition de résolution que dans différentes interventions.
M. le sénateur Dagbert a présenté les chiffres de manière précise. Aussi, sans être répétitif, j’insisterai sur quelques points.
S’agissant du fret ferroviaire, vous avez raison de dire que nous devons faire mieux. Toutefois, je n’ai pas entendu les mots « clochardisation » ou « abandon » lorsque la part modale du fret ferroviaire se réduisait, année après année, voilà quatre, cinq ou six ans.
Je me suis engagé personnellement à préserver cet opérateur essentiel qu’est Fret SNCF. Ce dossier difficile est en cours ; nous y arriverons.
Nous sommes en train de gagner collectivement, avec l’ensemble des opérateurs de fret ferroviaire, et pas uniquement la SNCF, la si difficile bataille du report modal, pour laquelle la France a été tant critiquée, tous gouvernements confondus.
Depuis deux ans, et pour la première fois depuis plus de vingt ans, la part du fret ferroviaire dans le fret total augmente dans ce pays. Cette réussite, que je ne m’attribue en rien, est collective.
Une stratégie nationale du fret a été définie par le précédent gouvernement et je m’engage à la poursuivre. J’ai donné à ce propos quelques indications et ce ne sont pas des montants négligeables : 170 millions d’euros par an garantis jusqu’en 2024 pour différents dispositifs dont l’aide aux wagons isolés, ce qui est essentiel ; 250 millions d’euros du plan de relance. Au total, il s’agit d’un plan mobilisant 1 milliard d’euros – vous l’avez dit, monsieur le sénateur Dagbert –, qui se déploie.
Je le confirme : nous prolongerons les aides, prévues actuellement jusqu’en 2024, jusqu’à la fin du mandat en 2027, si le Parlement confirme ces crédits.
En effet, il est important de prendre cet engagement et de donner cette visibilité afin de prolonger le sursaut que connaît le fret ferroviaire, notamment le transport combiné, grâce à nos efforts conjoints depuis quelques années, sursaut qui demeure néanmoins fragile et qui doit être consolidé.
La question des petites lignes a été évoquée. Nous en parlions lors du débat budgétaire ; elle est aussi essentielle.
Il est vrai que, au cours des dernières décennies, bien des petites lignes ont fermé. Cependant, il est tout aussi vrai que nous sommes en train d’inverser la tendance, une fois encore collectivement, car il s’agit forcément d’un partenariat État-région en particulier.
Je rappelle rapidement les principaux chiffres. Le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait beaucoup insisté sur ce point, réinjecté des crédits et incité la SNCF à signer des conventions. Ainsi, huit protocoles d’accord entre l’État et les régions, toutes sensibilités politiques confondues, ont déjà été signés et ont permis de couvrir plus de 6 000 des 9 000 kilomètres de lignes identifiées dans le cadre de ce plan de soutien aux petites lignes ferroviaires.
L’État a triplé les crédits consacrés annuellement au cofinancement des petites lignes. Ainsi, ils représentaient 550 millions d’euros pour la période 2020-2022, contre 200 millions d’euros par an aujourd’hui, ce qui sera confirmé dans la prochaine génération de contrats de plan État-région conclus au cours de l’année 2023.
De nouveau, j’invite les régions n’ayant pas choisi cette démarche contractuelle proposée par l’État – la porte reste ouverte – à s’engager et à cofinancer avec nous la réouverture ou la préservation de petites lignes.
Un mot sur le train de nuit, qui a été aussi évoqué.
C’est un élément sur lequel il me semble important de réinvestir et qui a connu, parfois pendant des décennies, disons-le franchement, des reculs.
La transition écologique, un nouvel appétit pour le train permettent sans doute à une volonté collective plus importante de se réengager en faveur du train de nuit d’émerger.
Seules deux lignes subsistaient en 2021 ; nous en avons rouvert deux autres la même année : les lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes-Lourdes.
Comme je l’indiquais encore vendredi, la question des commandes de matériel roulant devra faire de nouveau l’objet de discussions parlementaires et budgétaires.
Certaines commandes ont déjà été engagées pour les lignes existantes. Ainsi, le matériel roulant des lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Toulouse est en train d’être rénové et le sera entièrement d’ici à la fin de l’année 2023, ce qui représente 50 millions d’euros d’investissement pour l’État.
Pour le reste, une commande industrielle et budgétaire supplémentaire sera nécessaire ; elle dépendra de la carte des nouvelles lignes de trains de nuit, qui seront ouvertes à la suite des deux premières qui ont été relancées en 2021.
Cela illustre un tournant – à amplifier, sans doute, à consolider, certainement –, que nous portons, que le gouvernement précédent et ce gouvernement défendent, en matière d’accessibilité, de développement du train dans toutes ses modalités, y compris fret, petites lignes, trains de nuit, qui sont des segments du ferroviaire, parfois oubliés, négligés ou cassés par les majorités et gouvernements successifs.
Je voudrais revenir sur la question des tarifs, que j’ai brièvement évoquée, qui est une des fiertés françaises.
En effet, la France est le pays qui aide le plus l’usager à recourir aux transports publics, grâce à une prise en charge publique, si bien que l’effondrement de l’utilisation de ce type de transports, pendant la crise de la covid-19, y a duré le moins longtemps.
Ainsi, une partie des mesures tarifaires prises par nos voisins visent également à inciter les usagers à réutiliser les transports publics, alors qu’en France, nous connaissons malheureusement plutôt des difficultés à satisfaire l’ensemble de la demande, ce qui se traduit malheureusement par des trains, des métros et des bus bondés.
En matière de tarifs, le Gouvernement a pris des mesures, que j’assume, en fixant des orientations claires à la SNCF.
Nous traversons une période de très forte inflation et de très forte hausse des coûts de l’énergie. Néanmoins, un effort de l’entreprise publique, reposant sur l’ensemble de ses activités et de ses salariés, a été fourni.
Un bouclier tarifaire, limitant à 5 % l’augmentation moyenne des prix, a donc été mis en place par la SNCF, ainsi que des protections pour ceux qui sont les plus exposés.
Les tarifs des abonnements à destination des usagers réguliers du train, notamment pour leur travail, ont été gelés, tout comme ceux du Ouigo, qui est un mode de transport et de mobilité plus social et qui s’adresse à des jeunes ou à des familles disposant de moins de moyens.
Il était également très important de prendre ces mesures.
Pour résumer, je considère cette proposition de résolution comme un appel, comme l’expression d’une exigence et d’une volonté d’aller plus loin.
Je ne retiens pas, dans les interventions et dans cette proposition, les éléments de discours qui renverraient à une forme de déclinisme ferroviaire ou de flagellation collective – bien que ce ne soit pas votre intention, monsieur Lahellec, je les perçois chez certains.
Néanmoins, vous comprendrez que le Gouvernement n’y sera pas favorable.
Je crois qu’il est nécessaire aussi de reconnaître les efforts engagés depuis plusieurs années et qui seront poursuivis. Je suis prêt sur certains points, notamment la question du réseau, à les amplifier.
Ce sera difficile, car gouverner, c’est choisir, y compris sur le plan budgétaire. Il faut le faire en responsabilité, en tenant compte des échéances qui arrivent, dont la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, la négociation des futurs contrats de plan et les discussions à venir à propos du réseau.
Je crois qu’ensemble, dans cet esprit, nous avancerons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)