Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous reste une petite étape à franchir, mais nous sommes presque à la fin du chemin. Je tiens à rappeler une nouvelle fois les trois grands axes qui ont guidé ma réflexion sur ce texte.
Premièrement, il s’agissait d’assurer le respect des équilibres naturels et de la biodiversité en permettant la libre circulation de la faune sauvage.
Deuxièmement, il s’agissait de garantir le respect de la propriété privée.
Troisièmement– ce dernier axe étant tout aussi important que les précédents –, il s’agissait de revenir vers une chasse naturelle dans laquelle l’éthique l’emporte sur la performance. On assimile toujours la chasse au tir et c’est une grave erreur : ce n’est pas parce que l’on tire bien que l’on chasse bien.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Bien dit !
M. Jean-Noël Cardoux. Ce travail n’a pas été un long fleuve tranquille ; il a inspiré beaucoup d’incrédulité. On me disait encore il y a peu de temps : « Vous n’y arriverez jamais. »
Ce texte a également soulevé des oppositions. Ce n’est pas un hasard si, en même temps, on m’a traité de bolchevik et de défenseur du grand capital. (Sourires.)
M. Laurent Somon, rapporteur. C’est un bon équilibre ! (Nouveaux sourires.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
M. Jean-Noël Cardoux. C’est en effet la preuve que ce texte est équilibré.
Le Sénat, chambre de réflexion, s’est montré fidèle à sa réputation : il a pris son temps tout en prenant du recul. Tout le monde parlait de ce problème, tout le monde gesticulait, tout le monde communiquait depuis plusieurs années déjà. Nous, nous avons réfléchi. Nous avons étudié la question. Loin des déclarations, loin du simple affichage, nous avons travaillé. Nous avons agi en étroite collaboration avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement et, maintenant, nous touchons au but.
Madame la secrétaire d’État, nous nous sommes découverts au cours de ce travail commencé avec Mme Abba, avec qui nous avions d’excellents contacts : vous lui avez succédé au pied levé en faisant preuve du même esprit constructif. Je tenais à vous en remercier.
Il faut également le souligner : il n’est pas si fréquent de voir une proposition de loi approuvée à l’unanimité, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. On pourrait en compter les exemples.
Mes chers collèges, cette proposition de loi a de nouveau recueilli l’unanimité lors de sa deuxième lecture en commission, la semaine dernière : une quatrième unanimité aujourd’hui serait parfaite pour montrer le chemin à nos collègues députés, en vue de la dernière lecture ! (Sourires.)
Je pense évidemment à l’article 5, car tous les autres articles ont été votés conforme. Il faut dire que les diverses améliorations, dont les précédents orateurs viennent de parler, ont toutes été négociées avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Richard Ramos, que je connais bien : il est de mon département.
Notre collègue député a proposé d’inscrire cette proposition de loi dans l’une des niches de son groupe parlementaire, ce que j’ai bien sûr accepté. Nous avons travaillé de manière très étroite et – j’y insiste – toutes les avancées votées par l’Assemblée nationale ont fait l’objet d’une concertation entre lui et moi ; nous pouvons tous deux en être satisfaits.
L’article 5, dont nous avons déjà parlé, pose un problème de discrimination pour certains territoires. En outre – Jean-Paul Prince l’a souligné –, il faut prendre en compte le cas des territoires entièrement clos. À ce titre, il reste un grand travail à accomplir en aval, avec les décrets d’application, qu’il s’agisse de l’affouragement, de l’agrainage ou d’autres sujets. Nous entamerons bientôt cette nouvelle étape, en concertation avec les services du ministère.
Espérons que cet article puisse être voté très vite par l’Assemblée nationale : il ne compte que quatre lignes ! Si nos collègues députés se rallient à la rédaction que nous avons adoptée en commission, ce texte que tout le monde attend sera mis en œuvre très vite.
Je réitère mes remerciements au Gouvernement. Je remercie également Richard Ramos – nous avons beaucoup travaillé ensemble –, Laurent Somon, notre rapporteur poète (Sourires.), qui, s’il n’est pas chasseur, est originaire d’un département où la chasse est une institution, les membres du groupe d’études Chasse et pêche, Annie Charlez – elle doit être en tribune –, ancienne directrice juridique de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui a apporté une contribution fondamentale à la rédaction des différents articles, ainsi que tous les services impliqués dans l’élaboration de ce texte.
De ce travail intense, mené en équipe, c’est la biodiversité et la faune sauvage qui sortent vainqueurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer à mon tour Jean-Noël Cardoux, à qui nous devons cette proposition de loi : elle est le fruit d’un travail intense, qui aboutit à un résultat consensuel.
Cette proposition de loi est très attendue et largement soutenue par les associations, notamment par la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Il s’agit d’un texte important et courageux, dont la qualité s’est confirmée lors des échanges en commission.
Ce travail constructif, collégial et transpartisan a été couronné de succès en première lecture, ce texte ayant été adopté à l’unanimité dans nos deux assemblées.
Je salue également le travail accompli par le rapporteur, Laurent Somon.
Ensemble, nous nous sommes accordés sur des mesures justes et équilibrées pour réguler et limiter le développement de l’engrillagement. Cette pratique néfaste est, en effet, en pleine expansion. Elle frappe désormais un certain nombre de territoires, à commencer par la Sologne, où 3 000 à 4 000 kilomètres de clôtures ont été érigées.
La beauté de cette région a été chantée par Maurice Genevoix, dont la voix résonne encore dans mon département de la Meuse, pour d’autres raisons. Dans son ouvrage Raboliot, qui lui valut le prix Goncourt, il dépeint ainsi la Sologne, ses étangs, ses chaumes, la fulgurance des odeurs.
Mes chers collègues, en votant ce texte, nous nous inscrirons aujourd’hui dans la droite ligne d’une chasse éthique, respectueuse de la faune, de la flore et des traditions ancestrales. Les valeurs qui les animent sont précisément celles que nous défendons au sein du groupe d’études Chasse et pêche du Sénat (M. Jean-Noël Cardoux le confirme.), dont vous êtes le président, monsieur Cardoux.
Plusieurs modifications notables ont été introduites par l’Assemblée nationale. Je pense notamment à la rétroactivité, fixée à l’année 1992. En outre, pour ce qui concerne la mise en conformité des clôtures, les députés ont retenu comme date butoir le 1er janvier 2027, ce qui assure la solidité juridique du dispositif.
L’Assemblée nationale a également remanié le texte en y ajoutant un article 5, qui interdit l’agrainage et l’affouragement en enclos. Cette disposition soulève toutefois une difficulté. En effet, elle est source d’iniquité entre les territoires déjà ouverts et ceux qui le seront par la future loi.
Ce problème a été résolu en commission, par un amendement de M. le rapporteur tendant à confirmer le principe de l’interdiction tout en ouvrant un certain nombre d’exceptions, qui seront encadrées par décret.
Ces évolutions vont dans le bon sens. Elles témoignent de débats sereins et constructifs avec l’ensemble des forces politiques, qui font honneur au Parlement.
La proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale garantit la liberté de circuler tout en mettant l’accent sur la protection de la biodiversité et en protégeant le droit de propriété.
Ce texte relève un autre défi : préserver un équilibre entre défense de la propriété privée et lutte contre l’engrillagement des espaces naturels. En effet, il sanctuarise le respect de la propriété privée en durcissant les sanctions en cas d’intrusion illégale, même si l’Assemblée nationale a rétrogradé la contravention prévue de la cinquième à la quatrième classe.
Il est important de rappeler que la forêt et le foncier agricole ne sont en aucune manière des biens communs : détenus par des propriétaires, ils sont le fruit de leur engagement et de leur travail.
Cette proposition de loi permet aussi de répondre aux problèmes causés par les pratiques abusives d’engrillagement, qui créent de graves difficultés, notamment en matière sanitaire. L’absence de brassage entre les espèces, qui ne peuvent plus circuler librement, engendre des hausses de consanguinité et un certain nombre de maladies.
Enfin, la prolifération des clôtures aggrave les risques d’incendie, les pompiers se trouvant parfois dans l’impossibilité d’accéder à certaines parcelles. Le réchauffement climatique que nous vivons nous rappelle l’importance de ces enjeux.
Pour toutes ces raisons, les élus de notre groupe se prononcent évidemment en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat en commission. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est unanime : l’engrillagement est un véritable fléau pour nos territoires ruraux et pour la faune. Non seulement il entrave la libre circulation des animaux, mais il entraîne souvent une surpopulation artificielle de gibier, dont découlent des problèmes sanitaires et des effets négatifs pour tout l’écosystème, qu’il s’agisse de la faune ou de la flore.
Je me félicite donc de cette proposition de loi et du travail constructif d’amélioration mené de concert par l’auteur du texte et les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale.
J’avais proposé en première lecture un amendement, malheureusement rejeté, visant à réduire le délai de mise en conformité de sept à cinq ans : finalement, un délai de quatre années a été retenu. (M. le rapporteur rit.) C’est une excellente décision, qui permettra l’application rapide de ce texte et qui démontre une véritable volonté d’agir. Resteront les enclos antérieurs à 1992, ce que nous ne pouvons que regretter, exception faite, bien entendu, des enclos dits patrimoniaux.
Je me félicite également de l’interdiction, introduite dans ce texte, de l’agrainage et de l’affouragement dans les enclos hermétiques. Une interdiction plus générale eût été préférable, même si je comprends que cette technique puisse perdurer exceptionnellement dans une logique de protection des cultures.
Toutefois, madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur ce point : les exceptions dont il s’agit, et qui seront encadrées par décret, devront être strictement limitées. N’oublions pas que le nourrissage participe de l’explosion démographique des populations de grand gibier et que l’on justifie ensuite leur chasse par cette prolifération, au motif que ces animaux sont devenus des nuisibles.
Se pose également la question des contrôles. Comment faire en sorte que l’agrainage et l’affouragement ne soient plus pratiqués dans les enclos ? Qui s’en assurera ? Ce sont là de véritables questions.
Je me dois à présent d’ajouter quelques bémols.
Je pense notamment à l’article 2, qui crée une contravention de quatrième classe pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière. Si l’ajout d’un critère de matérialisation physique des limites d’une propriété privée permet de prévenir tout risque d’infraction involontaire, j’ai été alerté sur le fait que les chasseurs pourraient continuer à pénétrer des propriétés privées au prétexte du passage des chiens de chasse et de leur récupération. À ce titre, il faut à tout prix éviter le « deux poids, deux mesures ». (Mme la présidente de la commission manifeste sa circonspection.) Cette situation pourrait susciter des conflits : aussi un éclaircissement semble-t-il nécessaire.
Enfin, ce texte fait l’impasse sur la chasse commerciale en enclos de manière générale. Or nous ne pourrons pas esquiver le débat quant à cette pratique, jusqu’alors méconnue, mais qui n’est pas pour autant anecdotique : je rappelle qu’elle concerne environ 1 300 parcs et enclos, détenant au total 50 000 à 100 000 animaux – en majorité des cerfs, des chevreuils, des mouflons et des daims.
C’est la question de l’éthique de cette pratique qu’il faut se poser. Je sais que l’auteur de cette proposition de loi est très attaché à l’éthique de la chasse et, à mon sens, il s’agit là d’un vrai sujet. Il faut compter 500 euros pour tirer sur un mouflon, 600 euros pour abattre un daim, le sanglier étant, lui, coté autour de 300 euros. Ces safaris organisés sans aucune logique de régulation ne sont plus acceptables aujourd’hui. Nous devrons bel et bien nous pencher sur ce problème.
Malgré ces quelques réserves, ce texte permet des évolutions indéniables et j’en remercie une nouvelle fois son auteur. Il participe à la fois à une reconquête du paysage et à la libre circulation de la faune sauvage : les élus du groupe écologiste le soutiendront.
Lorsque des jours sans chasse auront été édictés nationalement,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Oh là là…
M. Laurent Somon, rapporteur. Vous ne pouviez pas ne pas le dire !
M. Daniel Salmon. … nous aurons fait un grand pas vers le retour de la sérénité, dans nos forêts et sur nos chemins ruraux.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous avons le droit de ne pas être d’accord !
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dès le début de l’examen de ce texte en séance publique, au mois de janvier dernier, nous avons été nombreux sur ces travées à souligner la menace que l’engrillagement faisait peser sur la biodiversité et, plus largement, les problèmes environnementaux qu’il suscitait.
En limitant, voire en empêchant la libre circulation de la faune sauvage, cette pratique entrave la satisfaction par les différentes espèces de leurs besoins écologiques essentiels. Elle peut nuire à leur reproduction ou, à l’inverse, à l’intérieur des parcs et enclos, conduire à une surconcentration d’espèces aggravant les risques sanitaires et menaçant la flore.
Depuis la première lecture de ce texte au Sénat, la France a connu une importante vague de chaleur, directement imputable au réchauffement climatique. Cette dernière s’est traduite dans plusieurs régions par des incendies de forêt d’une ampleur inédite.
Si la problématique de l’engrillagement est intimement liée à la pratique de la chasse, ces récents événements légitiment d’autant plus l’encadrement de ce phénomène, tant la présence de clôtures peut se révéler un frein à l’intervention des services de secours.
Les membres du groupe RDPI et moi-même tenons à saluer l’esprit de coconstruction qui a marqué l’examen de cette proposition de loi. Le texte auquel nous parvenons parvient ainsi à concilier différents intérêts qui, sur ce sujet, pouvaient sembler inconciliables.
Le Gouvernement, en coordination avec l’auteur de cette proposition de loi, Jean-Noël Cardoux, le rapporteur pour le Sénat, Laurent Somon, et les rapporteurs pour l’Assemblée nationale, François Cormier-Bouligeon et Richard Ramos, a su faire évoluer efficacement ce texte.
Mes chers collègues, deux points ont fait plus particulièrement l’objet de discussions : d’une part, la définition des clôtures visées par l’obligation de mise en conformité ; d’autre part, l’agrainage et l’affouragement en enclos.
Pour ce qui concerne les clôtures, les deux assemblées sont parvenues à un consensus : ne seront visées que les clôtures postérieures à 1992. Ce choix n’entraîne pas de remise en cause fondamentale du droit de propriété, puisque les propriétaires non concernés par l’obligation de mise en conformité sont supposés bénéficier de la protection de la prescription trentenaire.
La mesure relative l’agrainage en espace clos, votée par l’Assemblée nationale, a été légèrement modifiée par notre rapporteur : celui-ci a à la fois confirmé et précisé le champ d’application de l’interdiction tout en ouvrant la voie à des exceptions, qui seront définies par décret.
Hormis cette précision, le Sénat a approuvé les avancées adoptées par l’Assemblée nationale. Voilà qui nous laisse espérer une entrée en vigueur rapide du texte, pour que ces espaces forestiers, trop longtemps défigurés, puissent enfin entamer un nouveau chapitre.
Les sénateurs du groupe RDPI voteront donc ce texte, porteur d’une avancée significative en faveur de la biodiversité.
Saluons encore une fois le travail réalisé par son auteur ainsi que par son rapporteur. Tous ont avancé de façon pragmatique, animés par un seul objectif : redonner du sens à la forêt, ne serait-ce que pour préserver des joies aussi simples que la traversée sans entrave de ces espaces sauvages. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons été appelés à examiner en deuxième lecture, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.
Preuve qu’elle répondait à une problématique observée sur de nombreux territoires, cette proposition de loi est devenue un texte transpartisan, soutenu par plusieurs groupes politiques du Sénat, où elle a été adoptée à l’unanimité en commission et en séance publique en première lecture. Elle a d’ailleurs connu le même sort à l’Assemblée nationale.
Les députés ont néanmoins apporté quelques modifications, qui, si elles ne remettent pas en cause l’esprit du texte voté au Sénat, ont nécessité un nouvel examen.
Pour rappel, cette proposition de loi a émergé en réponse au développement incontrôlé des clôtures en milieu naturel, en d’autres termes de l’engrillagement, observé singulièrement dans le pays de grande Sologne. Ce phénomène rompt avec l’obligation pour les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels d’assurer la libre circulation de la faune sauvage dans le cadre des trames vertes et bleues.
De plus en plus de propriétaires installent des enclos de chasse sur leurs parcelles en édifiant des clôtures de plus de 1,80 mètre imperméables au passage de l’homme et des animaux.
Non seulement ces enclos dégradent le couvert forestier, mais ils nuisent à la continuité écologique et à la biodiversité. J’ajoute qu’ils ne respectent pas les usages locaux.
Comme le spécifiaient, dans leur rapport du mois d’août 2019, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), ces enclos hermétiques « sont un non-sens cynégétique […] et échappent partiellement au contrôle des élus et de l’État sur des interprétations juridiques discutables ».
Il s’agit bien là de pratiques d’accaparement conduisant à la privatisation et à la perturbation de l’espace naturel et public. Elles heurtent aussi bien les usagers et les élus que les chasseurs eux-mêmes.
Ces espaces permettant la pratique de la chasse sans interruption saisonnière, sans contrôle possible des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) et sans plan de chasse sont donc des zones de non-droit, qui privatisent des espaces issus de notre patrimoine commun.
La prolifération de ces parcs de chasse privés était devenue intolérable et démontrait bien que les seules dispositions du code de l’urbanisme, inscrites dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), étaient insuffisantes pour permettre aux maires ruraux de lutter contre leur édification.
Il nous a donc fallu légiférer pour les doter d’un indispensable arsenal législatif.
L’Assemblée nationale a ainsi précisé, en première lecture, un certain nombre de dispositions, sans remettre en cause la philosophie de la proposition de loi.
L’article 1er a été sensiblement enrichi. Il précise désormais les types de clôtures interdites et autorisées. En outre, son champ d’application a été élargi à toutes les zones naturelles ou forestières, et ne concerne plus seulement celles qui sont situées dans des trames verte et bleue.
Par ailleurs, le délai de mise en conformité passe désormais de sept ans – avancée obtenue par le Sénat – à cinq ans, contre dix ans dans le texte initial de la proposition de loi. À cela s’ajoute un autre progrès : les nouvelles règles s’appliqueront aux clôtures édifiées dans les trente années précédant la promulgation de la présente proposition de loi. Cette extension du délai de prescription permettra ainsi de mettre en conformité un plus grand nombre de parcs de chasse.
En revanche, il reste permis de se demander, ainsi que je l’ai déjà signalé en première lecture, qui appréciera l’antériorité de la construction des clôtures : les services de l’État ou bien le ou les maires des communes concernées ? Les risques de connivence avec le propriétaire sont une possibilité que nous ne pouvons exclure ! Voilà un flou juridique que le Parlement n’a pas su éclaircir.
J’aborderai deux sujets qui suscitent encore un certain nombre de réflexions.
L’Assemblée nationale a introduit un article 5 – nous l’avons déjà largement évoqué – visant à interdire l’agrainage et l’affouragement dans les enclos sauf exception. Cet article modifie le code de l’environnement en précisant que l’agrainage et l’affouragement sont interdits dans tous les espaces clos. Il prévoyait initialement quatre exceptions : cette interdiction ne s’appliquait pas dans un cadre scientifique ; au sein des enclos créés pour la protection des cultures et des régénérescences forestières, ainsi que pour le maintien du bétail ; au sein des établissements de chasse à caractère commercial disposant d’un enclos. En séance publique, seule l’exception pour l’agrainage et l’affouragement menés dans un cadre scientifique a été finalement retenue par les députés.
Dans sa rédaction actuelle, cette interdiction aura donc une portée assez large, que le rapporteur a néanmoins souhaité redéfinir.
J’émettrai quelques réserves sur d’autres points. Je pense en particulier aux dérogations prévues à l’article 1er. L’Assemblée nationale a maintenu les dérogations prévues par le Sénat et en a ajouté d’autres. Celles-ci s’élèvent donc désormais à neuf.
J’en citerai deux : les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse et les clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières. Pour autant, comment s’assurer qu’une parcelle déclarée comme « parc d’entraînement de chiens de chasse » ne soit pas détournée de son usage originel afin d’être transformée en parc de chasse ? Combien de temps doit-on maintenir une clôture qui est indispensable à la régénération forestière ? Qui s’assurera de sa conformité avec les dispositions de la présente proposition de loi ? Comme toujours, il faut poser la question du contrôle et des moyens afférents à celui-ci.
Hormis ces quelques réserves, mon groupe politique partage la position du rapporteur, qui propose un vote conforme sur l’ensemble des articles, à l’exception de l’article 5, qui est le seul point de désaccord demeurant à l’issue de la navette parlementaire.
De nombreuses questions relatives à la mise en application de cette proposition de loi restent en suspens.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Christian Redon-Sarrazy. Pour autant, félicitons-nous d’avoir déjà pu obtenir de grandes avancées pour encadrer cette dérive d’accaparement des espaces publics et naturels.
En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme le président. La séance est reprise.