Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2023, non sans réserves ni recommandations.
Non sans réserves, dis-je, car, après analyse, les augmentations de crédits sont trop souvent modestes, ne couvrant pas même l’inflation prévue pour 2023 ; je pense notamment aux crédits de la LBU ou à ceux qui sont alloués à la continuité territoriale. Reste que nous considérons ce budget comme un budget de transition vers la méthode renouvelée que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre.
Ma première observation porte sur le logement. Le constat demeure inchangé d’année en année, celui d’un manque cruel de constructions comme de rénovations. Pour l’année 2021, ce sont 3 036 logements locatifs sociaux et très sociaux qui ont été livrés, alors que le besoin annuel est estimé à plus de 8 000. De même, 1 628 réhabilitations de logements sociaux ont été menées à leur terme, en dépit des financements importants du plan de relance.
Concernant la lutte contre l’habitat insalubre, les crédits de 2022 sont reconduits, alors même que les besoins sont immenses. C’est pourquoi je défendrai, au nom de notre commission et en concertation avec les rapporteurs spéciaux, un amendement visant à les porter à la hauteur des enjeux qui s’attachent à cette question.
Je souhaite également insister, dans la continuité des travaux menés par la délégation aux outre-mer, sur la nécessité d’organiser des assises de la construction, en préalable à l’établissement d’un troisième plan Logement outre-mer.
Ma seconde observation a trait à la formation au sens large. Je tiens à souligner la nouvelle montée en puissance du service militaire adapté, lequel, s’il ne saurait constituer la seule réponse aux maux de notre jeunesse, reste un outil puissant d’insertion socio-économique. Il permet de donner à nos jeunes en difficulté une chance réelle, par la rigueur de l’encadrement, l’écoute et les formations proposées.
Je veux mettre en exergue la réussite de nos jeunes diplômés du baccalauréat ou sortant de classes préparatoires. Je m’étonne toujours que les territoires ultramarins, forts de leurs 2,8 millions d’habitants, ne disposent d’aucune école de commerce, école d’ingénieur ou institut d’études politiques. Pourquoi les jeunes Ultramarins devraient-ils toujours aller étudier dans l’Hexagone ?
Il est temps d’ouvrir une réflexion par bassin géographique sur l’offre d’enseignement supérieur présente en outre-mer. S’il est positif que les jeunes souhaitant étudier à Paris puissent le faire dans de bonnes conditions, pourquoi ne pas imaginer, demain, que de jeunes hexagonaux viennent suivre une formation d’excellence dans un territoire ultramarin ?
Si l’on souhaite créer de la valeur sur place, conformément à votre souhait, monsieur le ministre, il faut s’en donner les moyens.
Enfin, le constat de l’inadaptation des normes aux réalités de chaque territoire est unanime. Les élus expriment leur volonté de les coconstruire avec le Gouvernement pour rendre les politiques publiques plus efficientes. Une telle démarche constituerait de surcroît un levier indéniable de création de valeur. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Gérard Poadja et Stéphane Artano applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si elle ne s’est pas opposée à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023, la commission des lois a émis des réserves sur trois points qu’il m’appartient aujourd’hui de vous présenter.
Tout d’abord, le contexte dans lequel s’inscrit l’examen du projet de loi de finances pour 2023 n’est pas neutre : la persistance de la crise énergétique et les tensions inflationnistes exacerbent les problématiques de la vie chère et les difficultés propres aux territoires ultramarins.
Pourtant, force a été de constater le défaut d’adaptation des mesures nationales aux spécificités des collectivités et des entreprises ultramarines. Un chiffre suffit à illustrer cette assertion : six communes ultramarines seulement ont bénéficié du filet de sécurité en 2022.
Nous appelons donc à une meilleure prise en compte des territoires ultramarins dans les dispositifs proposés pour compenser en 2023 la hausse des prix de l’énergie pour les collectivités, les ménages et les entreprises. Nous resterons vigilants quant au suivi et à l’application territorialisée de ces mesures dans nos outre-mer.
Par ailleurs, la principale problématique à laquelle est confrontée la mission « Outre-mer » est celle de la sous-exécution chronique des crédits votés, bien que des efforts aient récemment été entrepris en la matière.
Cet état de fait n’est acceptable ni pour les citoyens, qui ne comprennent pas que les crédits ne parviennent pas jusqu’à eux ; ni pour les collectivités ultramarines – leur situation et les défis auxquels elles font face imposent une politique particulièrement volontariste et pleinement engagée de l’État ; ni pour nous, législateurs, qui voyons notre intention contrariée par la sous-consommation de crédits pourtant votés, parfois même obtenus de haute lutte, dans l’hémicycle.
L’accompagnement des collectivités ultramarines est rendu d’autant plus nécessaire que la situation financière et budgétaire de certaines d’entre elles est fortement dégradée et que le contexte actuel emporte des risques d’aggravation.
Cet accompagnement passe par les contrats de convergence et de transformation, qui doivent impérativement être consommés et améliorés pour l’avenir, par le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), mais également par le dispositif des Corom, que nous vous proposerons de renforcer.
Le budget pour 2023 démontre ainsi une nouvelle fois que les problèmes d’ingénierie dans nos collectivités méritent une réponse adaptée et volontariste ; comme je l’ai annoncé en commission des lois, je déposerai prochainement une proposition de loi pour y remédier.
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable sur l’adoption de ces crédits. (M. Dominique Théophile et Mmes Nassimah Dindar et Annick Billon applaudissent.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens de la mission « Outre-mer » pour 2023 affichent une hausse de plus de 300 millions d’euros par rapport à l’année précédente ; il faut s’en réjouir. Dans cet exercice récurrent, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les parlementaires vous diront rarement merci, monsieur le ministre ; ils préféreront vous interpeller sur les attentes de nos concitoyens ou sur les manquements criants qu’ils relèveront.
Je citerai le mal-logement et l’habitat indigne, qui restent un fléau ; l’insécurité, dont les récents événements survenus à Mayotte et en Guyane sont un exemple ; l’eau potable, inégalement disponible en Martinique et en Guadeloupe ; les déchets, pour la gestion desquels des collectivités déjà endettées doivent encore réaliser des investissements ; les difficultés des PME ; la vie chère, du prix billet d’avion au panier de la ménagère en passant par la facture d’électricité. Notre éloignement engendre des surcoûts permanents causés par la faiblesse concurrentielle et une situation oligopolistique consolidée d’année en année.
Concernant l’emploi, monsieur le ministre, on vous renverra aux chiffres du chômage plutôt que de rappeler l’augmentation des crédits du FEI ou le travail salutaire du régiment du service militaire adapté (RSMA).
Non, nous ne sommes pourtant pas des ingrats !
S’il leur arrive de susciter de l’agacement chez nos compatriotes de l’Hexagone, qui estiment que l’on pleure facilement au soleil, il est aussi vrai que les Domiens se sentent incompris.
Permettez-moi, à titre liminaire, quelques grandes considérations.
Tout d’abord, l’archipel que sont nos territoires demeure une chance exceptionnelle pour la République, car être la première puissance maritime au monde ouvre des perspectives sur des trésors inexploités. Dans cette perspective, nous devons penser en « mériens » et non pas en terriens.
Cela n’est pas toujours simple, alors que l’État exerce une compétence exclusive sur les taxes et sur le domaine de la pêche et que l’Union européenne détient toutes les compétences sur les eaux communautaires, sans qu’aucune collectivité ultramarine y soit associée.
Ensuite, constat sans appel, nos territoires restent les plus inégalitaires de la République. Chez nous, les salaires de la fonction publique sont indexés, car la vie est plus chère, mais le Smic est le même et le taux de chômage plus élevé qu’en métropole.
Chez nous, le foncier est plus rare, mais le prix du mètre carré est identique à celui de la grande capitale parisienne.
Chez nous, c’est la France, mais qu’en est-il vraiment, entre surcoûts de fret, octroi de mer, frais de poste exorbitants et droits de douane particuliers ?
Chez nous, c’est la France, mais quid de ceux qui sont partis sans espoir de retour en famille, de retour au pays ?
Non, nos compatriotes ne sont pas des ingrats, mais une large majorité d’entre eux a exprimé son mal-être et son malaise au travers de votes extrêmes.
Qu’ont-ils voulu dire ? Ce que nous savons déjà : notre modèle économique monopolistique fondé sur des échanges commerciaux exclusifs entre la France et l’Europe n’est plus viable. Un cycle se termine. Ce modèle a permis des progrès évidents dans le monde d’avant, mais il a creusé des inégalités et suscité des frustrations.
Quand bien même la République reste présente lors de chaque crise – passage d’un cyclone, soulèvement à Mayotte, plan Sargasses, soutien à Air Austral ou gros chèque pour achever la nouvelle route du littoral (NRL) à La Réunion –, aucun pansement n’arrête une hémorragie.
Que veulent ces Français de là-bas ? De la simplification, monsieur le ministre.
Un exemple : les élus de La Réunion doivent appliquer la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. Mais notre département est bloqué entre montagne et océan et fortement contraint par de multiples couches de protection : classement au patrimoine mondial de l’Unesco ; exigences de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral ; protection des espaces agricoles ; plan de prévention des risques naturels (PPRN), qui gèle les possibilités d’extension. Bref, vous ne pouvez qu’être d’accord avec moi : un élu réunionnais est face à un véritable casse-tête chinois.
Que veulent ces Français de là-bas ? Payer moins cher leur électricité et utiliser l’énergie radiative du soleil. Pour cela, l’aide à l’investissement dans les énergies renouvelables est nécessaire ; à défaut, comment parvenir à l’autonomie énergétique ? Monsieur le ministre, je sais pouvoir compter sur l’ancien président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que vous êtes pour répondre favorablement à l’amendement concernant les énergies renouvelables que j’ai déposé en première partie.
Vous l’aurez compris, nous voulons moins de contraintes normatives de la part de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) ou de la haute administration.
Qu’attendent les Ultramarins de leurs représentants politiques ? Tout simplement que nous agissions pour qu’ils vivent mieux, pour faire rimer « ultramarin » avec « ultra-humain ».
Je vous demande donc de prendre en compte les différents amendements qui seront défendus par mes collègues et par moi-même, dont celui qui vise à augmenter les crédits alloués à la lutte contre les violences intrafamiliales dans les outre-mer. Un signal de votre ministère serait apprécié, au-delà du droit commun.
Il est temps d’inscrire un vrai changement dans la loi. Monsieur le ministre, oui à la création de valeur ! Répondons « chiche ! » à la proposition que nous a faite ici Gabriel Attal et écrivons ensemble un nouveau plan destiné à tous.
Des propositions existent déjà. Nous pourrions ainsi développer les échanges économiques avec les bassins régionaux voisins. À cette fin, le Gouvernement devra déléguer des compétences aux collectivités que nous sommes. Il faudra en outre renforcer la continuité territoriale pour les marchandises et pour les passagers ; je sais que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) y travaille, sous l’impulsion de votre ministère. Veillez, en outre, à ne pas négliger l’aide au fret.
Vous l’aurez compris, s’agissant de travailler avec vous, nous sommes vitaminés ! Le groupe Union Centriste, malgré toutes les réserves que j’ai formulées, votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur les crédits de la mission « Outre-mer » à l’Assemblée nationale, le 28 octobre dernier, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que la priorité absolue de cette mission était de répondre aux préoccupations du quotidien, en portant une attention particulière aux sujets environnementaux.
Je tiens tout d’abord à vous encourager dans cette volonté de réduire les inégalités entre tous les territoires, une tâche difficile dans un contexte inflationniste marqué par la menace d’une crise énergétique majeure. S’y ajoutent les problématiques sécuritaires, l’immigration, l’insuffisance du pouvoir d’achat aggravée par la vie chère, le chômage de masse ou encore les conséquences de la crise sanitaire. Toutes ces crises rendent le quotidien de nos compatriotes ultramarins souvent insupportable.
Avant de traiter ces différents sujets, je souhaite revenir brièvement sur quelques chiffres. Nous notons une augmentation globale des crédits de 1,15 % en autorisations d’engagement et de 0,69 % en crédits de paiement. Nous vous en donnons acte, mais cette croissance doit être relativisée, car elle est encore insuffisante au regard des besoins réels et des nombreux problèmes que nos territoires ont à affronter. Je sais que vous en êtes pleinement conscient, monsieur le ministre.
Nous ne pouvons examiner les crédits de la mission « Outre-mer » sans aborder des sujets plus larges, comme la question sécuritaire à Mayotte.
Depuis plusieurs jours, une escalade de violence secoue Mamoudzou, où des affrontements entre jeunes de quartiers rivaux ont fait un mort, un homme de 20 ans tué à la machette. À cela s’ajoute l’attaque d’un bus scolaire, sans compter le nombre de blessés qui ne cesse d’augmenter.
Comme l’ont rappelé nos collègues la députée Estelle Youssouffa et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ce phénomène d’extrême violence ne date pas d’hier.
Naturellement, je m’associe aux élus, qui sont démunis, ainsi qu’aux habitants de Mayotte, pour demander au Gouvernement de rétablir l’ordre le plus rapidement possible. Vous revenez d’un déplacement important avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer et nous sommes sensibles et attentifs aux annonces qui ont été faites.
N’oublions pas que d’autres collectivités sont concernées par ces questions sécuritaires ou d’immigration incontrôlée. En Guyane et aux Antilles, l’État doit y apporter une réponse efficace pour protéger nos concitoyens et préserver l’attractivité de ces territoires.
J’en viens maintenant à la vie chère, qui ne fait que s’accentuer dans nos territoires. Dans les outre-mer, la situation socio-économique est beaucoup plus fragilisée que dans le reste de la France.
Lors de la rencontre organisée avec les maires ultramarins au Sénat, le 21 novembre dernier, de nombreux élus ont de nouveau sonné l’alerte quant à la dégradation du cadre de vie. Les plus modestes souffrent et sont les premiers touchés par ce fléau de la vie chère, amplifié, ces derniers mois, par la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières.
Par ailleurs, il est inadmissible que nous n’ayons pas partout sur nos territoires accès à l’eau, aux soins ou encore à un logement décent – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Enfin, comment ignorer le désarroi de nos compatriotes ultramarins face à l’explosion des prix des billets d’avion ? Notre délégation va se pencher dans les prochains mois sur le sujet de la continuité territoriale. Nous savons qu’une réflexion est en cours avec Ladom ; vos arbitrages, monsieur le ministre, sont attendus pour le courant du premier trimestre 2023. Il est vraisemblable, d’ailleurs, qu’à l’avenir les moyens financiers et humains de Ladom évoluent en fonction des missions qui lui seront confiées et d’un élargissement de son périmètre, que nous appelons de nos vœux.
Monsieur le ministre, je n’ai pas la prétention d’être le seul porte-parole des outre-mer ; je sais en tout cas que les populations espèrent des réponses fortes à leurs difficultés quotidiennes : plus de justice et une véritable égalité de traitement entre tous les territoires de la République.
Nous devons apporter une solution commune afin de faire face à cette fracture sociale, pour que soit tenue la promesse de fraternité si chère à Aimé Césaire et si centrale dans nos valeurs républicaines. Je vous sais sensible au rôle de l’État en la matière.
Conformément à la tradition du Sénat, vous trouverez ici des partenaires déterminés à réfléchir avec vous en ce sens, dans un climat apaisé et serein. Cela n’a pas toujours été le cas à l’Assemblée nationale, mais le Sénat cultive cette tradition républicaine, sur laquelle je vous encourage à vous appuyer pour faire avancer les dossiers dont vous êtes chargé.
Il nous faut également travailler à améliorer l’exécution des crédits sur nos territoires et à accompagner le développement de l’ingénierie territoriale afin de permettre aux projets de voir le jour.
Lors du Congrès des maires, j’ai rencontré, à l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) comme au Sénat, des élus en plein désarroi, qui n’obtenaient aucune réponse à leur besoin d’ingénierie. Cette situation nous interpelle, d’ailleurs, quant au déploiement en outre-mer de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Mes chers collègues, s’il restera vigilant lors des débats à venir, le groupe RDSE votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI et sur des travées des groupes GEST, SER, UC et LR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », je tenais à saluer le fait que le Gouvernement ait abondé le budget initial d’un peu plus de 53 millions d’euros de crédits nouveaux, issus des amendements discutés en première lecture à l’Assemblée nationale.
Cela va permettre de renforcer les moyens consacrés au dispositif Corom à l’attention des communes en difficulté, de consolider le développement du RSMA, de compenser la hausse du gazole non routier (GNR) pour les industries ultramarines, mais aussi d’améliorer les moyens alloués à la continuité territoriale.
À périmètre constant, ce budget est donc en hausse d’un peu plus de 11 %, une augmentation non négligeable, mais qui sera quasiment annulée, compte tenu des prévisions d’inflation pour 2023.
Mon intervention portera sur deux thématiques parmi celles qui préoccupent le plus les populations ultramarines : le logement et la vie chère.
La première donne lieu à un constat saisissant : les logements indignes représentent près de 13 % du parc dans les outre-mer, contre 1,3 % dans l’Hexagone. Par leur insalubrité, ils exposent leurs occupants à des risques pour leur sécurité ou leur santé et entravent leur quotidien.
De tels logements sont de plus en plus présents sur nos territoires. C’est la raison pour laquelle je propose, avec plusieurs de mes collègues, d’augmenter les crédits alloués à la résorption de l’habitat indigne et insalubre en outre-mer, qui ont été surconsommés l’an dernier.
Par ailleurs, 80 % des Ultramarins sont éligibles à un logement social, mais 15 % d’entre eux seulement en disposent. Le besoin annuel en logements sociaux est estimé entre 9 000 et 10 000 unités. Ni le Plom 1 ni le Plom 2 n’ont répondu aux attentes, tout le monde en convient, et la production de logements outre-mer est en crise.
Monsieur le ministre, en dépit de l’augmentation de 1,8 % en autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique, nous continuons de déplorer une consommation peu efficace de ses crédits. Pour changer la donne, nous devons assouplir les procédures, qui sont longues et complexes, et mettre en adéquation les financements avec les besoins réels.
À La Réunion, par exemple, les Tl et les T2 sont construits en nombre insuffisant. Il faut donc impérativement concentrer les financements sur les logements destinés aux seniors et sur les petites surfaces, destinées aux jeunes ménages ou aux personnes seules. Une gouvernance plus décentralisée de ces crédits permettrait une meilleure consommation de la LBU.
À cette fin, la question de l’adaptation des normes doit être revue et celle du prix des matériaux doit être posée, car les coûts de construction, trop élevés, sont un frein pour le secteur. Pourquoi ne pas réfléchir à un bouclier qualité-prix sur les matériaux pour l’habitat ?
Il est temps de redresser la barre afin de proposer aux Ultramarins une politique du logement ambitieuse et efficace.
À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rendre compte de la réunion qui devait se tenir fin novembre avec les bailleurs sociaux, dont vous avez fait mention lors des débats à l’Assemblée nationale ?
Le logement, c’est aussi l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), laquelle doit impérativement réviser ses maquettes financières validées avant la crise sanitaire et économique. Les conséquences du covid-19 associées au contexte insulaire ont en effet conduit à une explosion des surcoûts.
Ainsi, la ville de Saint-Pierre a contractualisé avec l’Anru en mars 2020, soit à la veille de la crise du covid-19. La ville se voit désormais contrainte de solliciter une modification du calendrier ainsi qu’une subvention supplémentaire de 10 millions d’euros pour finaliser ce programme de rénovation urbaine. Je compte sur l’aide du Gouvernement dans le traitement de ce dossier.
Le logement relève également de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), dont le plein déploiement dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) est un combat qui reste à mener. Il est impératif de rendre les propriétaires occupants ultramarins éligibles aux aides délivrées par cet organisme.
Le logement, c’est, enfin, l’habitat individuel et collectif de nos seniors, qu’il faut adapter et rénover en innovant, pour le conformer à nos habitudes de vie.
Faisant écho à un amendement que j’avais déposé, le Gouvernement a rendu possible, par la loi du 21 février 2022 dite 3DS, le financement des résidences autonomie dans les territoires ultramarins. Il faut désormais que ces structures se déploient dans nos territoires, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour engager cette dynamique.
L’une des priorités de la feuille de route que vous avez reçue du ministre de l’intérieur et des outre-mer est la lutte contre la vie chère, qui doit se traduire par des résultats sensibles sur les prix des biens et des services, une action particulière étant portée sur les facteurs d’augmentation des prix.
La quasi-totalité des élus ultramarins s’entend pour considérer que la remise en cause de l’octroi de mer constitue un danger grave pour les finances des collectivités locales, dans la mesure où les recettes de cette taxe peuvent représenter jusqu’à 40 % des budgets de fonctionnement des communes.
Une telle remise en cause serait également un danger pour nos TPE et nos PME, cette taxe protégeant leurs produits des importations.
Dans la crise que nous connaissons, il nous paraît plus opportun, à l’instar de ce qui a été fait en Guyane et à Mayotte, d’instaurer une TVA à 0 % sur les produits et services de première nécessité ; je sais toutefois que vous n’y êtes pas favorable.
La vie chère, c’est aussi le coût du fret qui explose et le prix des billets d’avion qui flambe. Monsieur le ministre, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que des réflexions étaient en cours sur ces thématiques. Ont-elles avancé ? Peut-on envisager un travail commun ?
Je conclurai en vous rappelant à la promesse du Président de la République concernant la hausse du coefficient géographique, qui doit devenir réalité. Nous comptons sur votre soutien, monsieur le ministre, car il s’agit d’un enjeu majeur pour les centres hospitaliers universitaires (CHU), notamment pour celui de La Réunion.
Les sénateurs, dans leur sagesse habituelle, amenderont ces crédits alloués à l’outre-mer ; je forme le vœu que, si le Gouvernement devait de nouveau engager sa responsabilité sur la première et la seconde partie du PLF lors de la navette, certains des apports de la Haute Assemblée soient conservés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées des groupes RDPI, RDSE et SER.)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Tous nos apports ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire relative à l’outre-mer s’inscrit dans un contexte inflationniste et de renchérissement du coût de l’énergie, alors que nos concitoyens ultramarins sont déjà fragilisés par de nombreux facteurs : une balance commerciale déficitaire, des taux de chômage deux à trois fois plus élevés qu’en métropole ou encore un éloignement géographique favorisant la vie chère.
Aussi, dans ce contexte particulier, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent être mobilisés plus que jamais au service de nos territoires ultramarins. Il s’agit de donner à ces territoires les moyens de leur développement et de les aider à relever les multiples défis auxquels ils sont confrontés.
C’est donc avec satisfaction que je constate que ces crédits sont en légère augmentation par rapport à l’année 2022. Ils s’élèvent ainsi, pour 2023, à 2,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,58 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1,75 % et de 1,4 % par rapport à 2022.
Toutefois, il faut souligner que la mission « Outre-mer » ne constitue qu’une petite partie du budget de l’État consacré aux territoires ultramarins. En effet, la politique transversale de l’État en direction de l’outre-mer est portée par 101 programmes relevant de 32 missions.
L’effort budgétaire de l’État en faveur des territoires ultramarins s’élève ainsi à 20,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 21,7 milliards d’euros en crédits de paiement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Ainsi la hausse est-elle respectivement de 1,1 % et de 3,7 % par rapport à l’année 2022 ; elle est bienvenue, car les besoins sont importants.
À cet égard, je tiens à évoquer la nécessité de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes Ultramarins. Depuis plusieurs années déjà, leur situation du point de vue de l’emploi suscite des inquiétudes ; elle doit être rapidement améliorée si l’on veut que soit garanti non seulement leur avenir, mais également le développement des outre-mer.
Aussi, je me félicite de la hausse des crédits en matière de soutien à l’insertion et à la formation des jeunes Ultramarins – elle est de près de 10 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement.
Je veux également mettre l’accent sur l’état du parc de logements en outre-mer. Cette question est une préoccupation forte des Ultramarins et la situation de l’habitat indigne et insalubre impose une politique particulièrement volontariste.
Aussi, je salue l’initiative de nos rapporteurs de majorer de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits destinés à la résorption de l’habitat insalubre.
Avant de conclure, je tiens à souligner un problème récurrent : la sous-consommation des crédits outre-mer. Cette situation est extrêmement dommageable eu égard aux besoins impérieux des territoires ultramarins, notamment en matière de logement et d’emploi. Il est primordial de trouver les moyens pour y remédier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les outre-mer, ce sont douze territoires français répartis sur les deux hémisphères et rayonnant sur trois océans ; douze territoires qui sont la France. Nous avons le devoir d’instaurer une égalité réelle entre tous nos territoires afin que chaque citoyen puisse y vivre avec le sentiment d’appartenir à une seule et même communauté. Ce budget y contribue.
Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Mme Victoire Jasmin et M. Michel Dennemont applaudissent également.)