Sommaire
Présidence de M. Roger Karoutchi
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Loi de finances pour 2023. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Demande d’examen séparé des amendements nos II-888 et II-916. – M. Claude Raynal, président de la commission des finances. – Adoption.
Immigration, asile et intégration
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances
Immigration, asile et intégration (suite)
Amendement n° II-826 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° II-827 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° II-825 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° II-922 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Rejet des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
Demande d’examen séparé d’amendements. – M. Claude Raynal, président de la commission des finances. – Adoption.
Pouvoirs publics (suite)
Conseil et contrôle de l’État (suite)
Direction de l’action du Gouvernement (suite)
Budget annexe : Publications officielles et information administrative (suite)
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
direction de l’action du gouvernement
Amendement n° II-923 rectifié de M. Michel Canévet. – Rejet.
Amendement n° II-764 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° II-910 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B, modifiés.
budget annexe : publications officielles et information administrative
Vote sur les crédits du budget annexe
Adoption des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° II-961 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-901 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° II-809 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Retrait.
Amendement n° II-769 rectifié ter de Mme Annick Petrus. – Adoption.
Amendement n° II-394 rectifié de M. Stéphane Artano. – Adoption.
Amendement n° II-757 rectifié bis de Mme Lana Tetuanui. – Adoption par scrutin public n° 89.
Amendement n° II-927 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° II-808 de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° II-810 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Adoption.
Amendement n° II-811 de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° II-18 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-929 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Amendement n° II-92 rectifié ter de Mme Nassimah Dindar. – Adoption.
Amendement n° II-393 rectifié bis de M. Stéphane Artano. – Retrait.
Amendement n° II-899 rectifié ter de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° II-902 rectifié ter de Mme Victoire Jasmin. – Adoption.
Amendement n° II-928 de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B, modifiés.
Articles 44 quater et 44 quinquies (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° II-19 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la commission de la culture
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Amendement n° II-916 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° II-888 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-866 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Amendement n° II-887 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-914 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° II-873 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-937 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-898 de M. Laurent Somon. – Non soutenu.
Amendement n° II-915 de M. Thomas Dossus. – Retrait.
Amendement n° II-918 de M. Thomas Dossus. – Retrait.
Amendement n° II-756 rectifié quater de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° II-875 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-504 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° II-920 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° II-933 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-936 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-883 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-934 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-890 rectifié de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° II-911 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° II-877 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-879 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-864 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° II-932 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-935 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-885 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-234 rectifié de M. Jean-Claude Anglars. – Retrait.
Amendement n° II-450 rectifié de M. Jean-Marc Boyer. – Retrait.
Amendement n° II-601 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° II-942 de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° II-880 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-235 rectifié bis de M. Jean-Claude Anglars. – Retrait.
Amendement n° II-881 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-938 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-878 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-600 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° II-939 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-882 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-454 rectifié sexies de Mme Nathalie Delattre. – Adoption.
Amendement n° II-776 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° II-886 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-943 de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° II-1256 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-940 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-884 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-913 de M. Jean-François Longeot. – Retrait.
Amendement n° II-948 de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Amendement n° II-275 rectifié ter de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° II-276 rectifié ter de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° II-598 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Rejet.
Amendement n° II-891 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° II-917 de M. Thomas Dossus. – Retrait.
Amendement n° II-912 de M. Jean-François Longeot. – Retrait.
Amendement n° II-919 rectifié bis de M. Lucien Stanzione. – Rejet.
Amendement n° II-931 de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Amendement n° II-889 de Mme Annie Le Houerou. – Rejet.
Amendement n° II-673 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption, par scrutin public n° 90, des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B, modifiés.
Amendement n° II-1181 de la commission. – Retrait.
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis nos 116 à 121).
Motion d’ordre
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. En application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, et afin de faciliter l’organisation de nos débats, la commission des finances demande l’examen séparé des amendements nos II-888 et II-916 portant sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », que nous examinerons ce soir.
M. le président. Je suis saisi, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, d’une demande de la commission des finances d’examen séparé des amendements nos II-888 et II-916 portant sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Immigration, asile et intégration
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne dispose que de cinq minutes pour présenter un budget sur l’immigration, l’asile et l’intégration, alors que, sur toutes ces travées, ces sujets sont considérés comme des questions politiques majeures pour l’avenir de notre pays.
À l’heure des bouleversements géopolitiques multiples – guerres, explosions démographiques, épidémies, changements climatiques –, nous devrions parler de frontières, de souveraineté de la France et de la volonté européenne de protéger, ou non, les frontières extérieures de l’Union européenne : des frontières à l’extérieur pour une tranquillité publique à l’intérieur, sans contrôles d’accès multiples, sans caméras jusque dans nos écoles, sans vigiles dans tous les magasins, sans police devant les lieux de culte, pour vivre dans une société libre et apaisée.
Au Parlement, nous devrions parler objectifs, chiffres, nombres, savoir combien de personnes nous voulons accueillir, pourquoi, combien de personnes nous avons accueillies, combien de personnes sont déboutées du droit d’asile et combien cela coûte au pays.
Hélas ! Comme les années précédentes, ce budget n’est que le symbole de l’impuissance publique et de l’absence de volonté.
Ce budget apparaîtra comme le traité de Versailles, « trop dur pour ce qu’il a de doux et trop doux pour ce qu’il a de dur ».
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Trop dur pour tous ceux qui pensent que les moyens ne sont pas suffisants pour accueillir, soigner, loger, intégrer. Trop doux pour ceux qui pensent que la France ne peut pas, je résume, « accueillir toute la misère du monde ». (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Quand on apprend cette semaine par les services du ministère de l’intérieur que 93 % des vols dans les transports en Île-de-France sont le fait d’étrangers, y a-t-il des personnes honnêtes pour contester le lien entre insécurité et immigration ? (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Éliane Assassi. Moi, je le conteste ! Il n’y a pas de rapport !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Y a-t-il dans cet hémicycle une personne honnête pour contester que notre droit des étrangers est inopérant, captant plus de la moitié du droit administratif, que nos procédures généreuses sont détournées par des associations militantes trop souvent financées par des deniers publics ? (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
M. Castaner, ancien ministre de l’intérieur, constatait la complicité des organisations non gouvernementales (ONG) avec les trafiquants.
Le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), dans Ce Grand Dérangement, l’immigration en face, écrit : « L’hospitalité nationale pour tous, c’est l’hospitalité pour personne. » Il nous faut des règles ; il nous faut choisir.
Depuis le début de 2022, 40 000 migrants sont passés en Grande-Bretagne, et 30 000 ont été interceptés et sauvés par nos forces de l’ordre. Cela représente plus de la moitié de l’action de l’État en mer.
Malgré tous ces efforts, des personnes se noient, prenant tous les risques pour venir dans un eldorado qu’on leur a vendu. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit : ces personnes sont prises dans des filières criminelles organisées et nous laissons faire, subissant la loi des passeurs.
Ce n’est pas inéluctable.
Le Danemark, l’Australie, le Japon ont pris à bras-le-corps, sans tabou ni angle mort, ces questions d’immigration de masse, qui transforment et bouleversent nos sociétés. Les récentes élections en Suède, en Italie, les émeutes à Bruxelles ou en ce moment même à Mayotte devraient nous inciter fortement à arrêter de faire semblant.
C’est notre mission de parlementaires de contrôler la politique migratoire, et cela devrait être de la responsabilité du ministre de la mettre en œuvre. En fait de politique, nous ne voyons que la politique des petites phrases.
En 2019, le Président de la République affichait sa volonté de faire exécuter 100 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF). En 2021, ce chiffre s’élevait à 6 %. Sur les six premiers mois de 2022, nous sommes à 6,9 %. J’ai une pensée pour la petite Lola, sa famille et tous ceux qui ont été meurtris par la faillite de l’État en la matière. (Mme Éliane Assassi manifeste son exaspération.)
De Georges Marchais en 1980, qui voulait mettre fin à l’immigration illégale et légale, au séminaire UDF-RPR de Villepinte sur l’immigration de 1990, en passant par les innombrables déclarations et ouvrages récents sur les « territoires perdus de la République », « l’islamisation de nos villes », « la partition du territoire », nous devrions, nous, parlementaires, nous emparer avec courage et lucidité de ces questions.
Mes chers collègues, le 15 novembre dernier, l’Amicale gaulliste du Sénat a reçu l’ancien patron de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l’ambassadeur Pierre Brochand.
Mme Marie Mercier. Oui !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Son constat lucide, factuel, implacable appelle une réponse à la hauteur des enjeux qui sont immenses.
Cet État qui a confiné le peuple français est incapable de savoir combien il y a d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire. Le rapport parlementaire d’information de Rodrigue Kokouendo, ancien député La République en Marche, et de François Cornut-Gentille, ancien député Les Républicains, nous apprenait que l’État ne savait pas en 2018 combien il y avait de clandestins dans le seul département du 93, à 150 000, 200 000, voire 400 000 près… Qu’avez-vous fait depuis ?
Cette réponse, monsieur le ministre, nous ne la voyons pas dans ce budget, qui est une caricature – une de plus ! – du « en même temps ».
Le temps qui m’est imparti me contraint à m’arrêter. Mes chers collègues, je vous invite bien entendu à voter contre ces crédits. (MM. Philippe Pemezec et Stéphane Ravier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », pour des raisons qui variaient selon les groupes et qui vous seront expliquées au fil de la discussion.
Le budget de cette mission atteint 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation faciale de 6 %. Cette augmentation, répétée depuis plusieurs années, a permis de trouver un certain nombre de solutions et d’apporter un certain nombre d’améliorations à la situation en France, notamment grâce à l’engagement de tous ceux qui, dans les services de l’État, ont à traiter les questions relatives à l’accueil des étrangers et à l’immigration.
Cependant, il n’est pas suffisant d’augmenter un budget. Il faut aussi examiner les effets de cette augmentation sur l’action publique.
Les mesures relatives à l’immigration légale et à l’intégration correspondent à 27 % du budget. Les délais de traitement sont en augmentation sensible, atteignant 117 jours, alors que le délai maximal est fixé à 90 jours. Toutefois, je dois à la vérité de dire que c’est l’accueil des réfugiés ukrainiens qui a très largement accru le délai de traitement des dossiers.
Il a été procédé à 270 000 primo-délivrances de titres de séjour, dont 31 000 au titre de la circulaire Valls, c’est-à-dire pour des personnes arrivées illégalement sur le territoire. Le stock de titres valides se monte à environ 3,5 millions.
Avons-nous, sur ce territoire, une politique d’immigration légale, c’est-à-dire une politique d’immigration qui ne soit pas clandestine ?
Les dépenses relatives à l’asile représentent 63 % du budget de la mission, alors que seulement 10 000 dossiers sont traités par mois, que 58 % des demandeurs du droit d’asile sont hébergés et que les délais de traitement devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont extrêmement importants, de l’ordre de 336 jours, contre 180 jours, et ce malgré l’attribution de 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires à l’Ofpra. Tout cela aboutit à un taux d’admissions définitives pour des personnes ayant demandé le droit d’asile de 40 %.
Avons-nous une politique de lutte contre le dévoiement du droit d’asile ?
Les dépenses relatives à l’immigration illégale représentent 8,5 % du budget. La situation est extrêmement inquiétante. L’augmentation aux frontières de l’Europe du nombre de personnes arrivant de façon clandestine est massive, avec une hausse de 60 % en 2021 et de 77 % pour les premiers mois de 2022. Pour la route des Balkans, nous sommes passés en deux ans de 27 000 personnes à 128 000 personnes arrivant de façon illégale sur le territoire français.
Si 124 000 obligations de quitter le territoire français ont été délivrées, 7 500 ont été exécutées. Nous sommes dans une situation difficile.
Un budget se veut la traduction d’une politique. L’abondement d’un budget n’est pas une politique.
Avons-nous une politique migratoire, légale et illégale, sur ce territoire ? Je ne le crois pas. Nous traitons les problèmes au fil de l’eau.
Il va falloir définir une politique. C’est ce que, je l’espère, nous ferons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement fait suite à l’intervention du rapporteur spécial, M. Meurant.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappelle que nous sommes réunis ce matin pour examiner les crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration », et non pour entendre une diatribe contre les musulmans et contre celles et ceux qui pensent qu’il faut accompagner les migrants dans leur parcours, souvent difficile, parce qu’ils ont le souci de l’humain. Nous ne sommes pas là pour entendre ces éléments de langage, comme ceux dont vous avez pu user, qui sont à la limite de l’insulte.
Nous avons des responsabilités à l’égard de ces personnes. Nous les assumons.
C’est d’autant plus gênant que je ne suis pas certaine que vos propos reflètent bien la teneur des débats ayant eu lieu en commission des finances sur cette mission.
J’en appelle donc à la raison et à la sagesse. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
M. le président. Ma chère collègue, ce n’est pas un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Si !
M. le président. Je maintiens que non.
Vous aurez l’occasion d’exprimer à la tribune la position de votre groupe sur les crédits de la mission dans quelques minutes. Nul n’est ici pour censurer les propos de qui que ce soit.
En l’occurrence, votre intervention n’était pas un rappel au règlement sur l’ordonnancement de nos travaux.
Pour autant, il vous est donné acte de vos observations.
Immigration, asile et intégration (suite)
M. le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que nous attendons toujours l’analyse de la position de la commission des finances sur ce budget !
Les diatribes, pour ceux qui les estiment nécessaires, seront possibles le 13 décembre prochain. D’ici là, je préfère me concentrer sur des remarques générales, ainsi que sur les crédits de cette mission et aux actions qu’ils permettent.
J’espère d’ailleurs qu’avant le 13 décembre prochain, date où aura lieu le débat faisant suite à la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration, nous recevrons le rapport qui, selon la loi, est censé être remis avant le 1er octobre de chaque année et préciser les éléments de la politique d’immigration du Gouvernement. Un tel document sera utile à nos travaux.
Je formulerai cinq remarques avant d’examiner dans le détail les questions budgétaires.
Premièrement, cette année, la France fait face à une demande d’asile soutenue, mais beaucoup plus stable que nos partenaires européens. Nous l’avions constaté en 2015 ; nous le constatons également aujourd’hui à l’occasion de la crise ukrainienne. Par rapport aux à-coups que vivent un certain nombre de nos partenaires européens, notre schéma est beaucoup plus stable, et notre capacité beaucoup plus prévisible.
Deuxièmement, je salue la mise en place rapide de la protection temporaire par l’Union européenne et par l’ensemble des administrations dans les États membres. Il est important que les préfectures incitent les Ukrainiens vers ce dispositif plutôt que vers une procédure de demande d’asile. Par ailleurs, il est important pour l’avenir d’offrir une stabilité aux personnes qui sollicitent cette protection temporaire dans le cas où elles trouveraient un emploi en France.
Je note également que la liberté de circulation dans l’Union européenne et le droit de travailler immédiat que permet la protection temporaire produisent des effets très positifs. Ces outils doivent aussi être mis en œuvre et nous faire réfléchir sur l’évolution du pacte européen sur la migration et l’asile.
Je m’inquiète toutefois que, face aux destructions des infrastructures vitales en Ukraine, rien n’ait été budgété pour anticiper un éventuel nouvel afflux en 2023.
Troisièmement, on dénombre 17 000 morts en Méditerranée depuis huit ans. C’est un drame et un échec absolu à la fois de l’Europe et de l’Afrique. Ce drame, qui nourrit les passeurs, rend indispensables une coopération et une compréhension entre les États des deux côtés de la Méditerranée. Je le rappelle, l’action des ONG est fondamentale pour sauver des vies, et seulement 15 % des personnes qui débarquent sur les plages de l’Union européenne proviennent de ces bateaux. Il faut absolument avoir cela en tête.
Quatrièmement, la solidarité européenne est primordiale. Elle suppose le respect du droit. N’excusons pas l’Italie, qui refuse de respecter le droit de la mer, mais n’excusons pas non plus la France lorsqu’elle refuse de respecter le droit de l’Union européenne en matière de délivrance des visas ou de contrôle des frontières intérieures de l’Union européenne. Je sais que le Conseil d’État refuse d’envoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Toutefois, lorsqu’une juridiction autrichienne le fait et précise que les contrôles intérieurs dans l’espace Schengen ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne, la France fait comme si de rien n’était.
Monsieur le ministre, ce sujet est trop sérieux pour laisser les États membres faire « bac à sable » : c’est ensemble que nous ferons face à ces difficultés, qui sont nombreuses, que ce soit pour la Grèce, pour l’Italie, pour l’Espagne, qui fait face à la situation au Venezuela, mais aussi pour les pays Baltes et la Pologne face à la situation en Biélorussie.
Cinquièmement, sur les questions d’asile, il est absolument indispensable de changer de paradigme en s’inspirant de ce qui a été fait avec la protection temporaire. Il faut favoriser l’autonomie des demandeurs, c’est-à-dire délivrer sans délai des cours de français et le droit au travail : c’est plus économique, et ce sont des facteurs d’intégration pour la suite.
Monsieur le ministre, je formulerai quelques remarques sur l’action du Gouvernement ces derniers mois.
Les consignes données aux postes consulaires pour les instructions de demandes de visas sont contraires au code des visas Schengen, en particulier pour les ressortissants d’Afrique du Nord. Une grave crise de confiance émerge entre la France et l’Afrique en général compte tenu de votre politique.
Les communautés d’affaires à l’étranger se plaignent, parce qu’elles ne peuvent plus avoir de relations d’affaires normales entre la France et leur pays de résidence. Il ne faut pas s’étonner de l’évolution de la place de la Turquie, par exemple en Afrique, si nous ne délivrons plus de visas pour des échanges normaux et une mobilité normale entre notre territoire et les pays africains.
Cette évolution vers des mobilités nouvelles est à la fois une nécessité humanitaire, économique et géopolitique.
Si les files d’attente devant les préfectures ont disparu, c’est parce qu’il n’est pas possible de prendre rendez-vous. Quelle hypocrisie ! Pour reprendre une expression employée par des membres du tribunal administratif de Versailles, les tribunaux administratifs sont devenus « les Doctolib des préfectures ». C’est inadmissible !
Cela représente 100 000 requêtes dans le cadre du contentieux des étrangers auprès des tribunaux administratifs et plus de 55 % de l’activité des cours administratives d’appel. Ce n’est pas normal, et cela coûte très cher à l’État. Nous ferions mieux d’investir cet argent dans des équivalents temps plein (ETP) dans les préfectures pour mieux servir les demandes et faire en sorte que les personnes en situation régulière le restent.
Il en est de même pour les questions d’éloignement, monsieur le ministre. Un bilan s’impose. La situation n’est pas satisfaisante.
Les collectivités locales subissent votre politique vis-à-vis des « dublinés ». Tous les jours, elles doivent accueillir et héberger des personnes qui n’ont pas de droits en France, parce que nous n’avons pas une politique digne vis-à-vis des « dublinés ».
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, vous l’aurez compris, compte tenu de ces éléments critiques à l’égard de votre politique, nous ne pouvons pas donner de moyens à une politique que nous contestons en profondeur.
Par conséquent, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » pour 2023 sont en hausse de 6 % par rapport au budget pour 2022, mais c’est encore bien loin d’une réelle prise en compte des besoins et des enjeux en la matière.
De plus, cette mission s’inscrit dans la perspective d’un prochain projet de loi qui, si j’ai bien compris, sera présenté au Parlement au début de l’année 2023.
Cela fait des années que la politique migratoire est marquée par une dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement, par des atteintes à des droits fondamentaux, notamment à l’égard des mineurs isolés étrangers. De nombreuses associations, les Défenseurs des droits qui se sont succédé, la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des organisations internationales pointent du doigt la France pour tous ces manquements.
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, à laquelle nous nous sommes fermement opposés, n’était ni équilibrée ni efficace. Elle a complexifié le droit de l’asile et des étrangers. Elle a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles, afin d’entraver l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.
Les dispositifs mis en œuvre, tels que le raccourcissement des délais de recours ou le doublement de la durée de rétention, n’ont pourtant pas eu l’effet « dissuasif » escompté par le Gouvernement. En revanche, la rétention des enfants a continué de croître, les centres de rétention administratifs sont saturés et l’externalisation de la politique de contrôle migratoire est renforcée.
Je rappelle que le droit d’asile est un droit fondamental, profondément ancré dans notre tradition républicaine. À ce titre, il est tout à fait regrettable que l’une de ses institutions, l’Ofpra, soit confrontée depuis plusieurs années à des départs et à une forte rotation de ses agents. Cette situation s’explique par la difficulté des missions confiées à ces agents, par les pressions dont ils font l’objet pour accélérer l’examen des dossiers de personnes qui ont vécu le plus souvent des drames dans leur pays d’origine.
La pression de la politique du chiffre à laquelle sont soumis ces agents influe directement sur la qualité des décisions. De ce point de vue, le recours à des cabinets de conseils privés pour réduire les délais de traitement des demandes d’asiles n’a pas été, d’une part, des plus appréciés par les personnels, d’autre part, des plus efficaces.
Les personnels de la CNDA sont dans la même situation et dénoncent une « logique comptable » dans la gestion des dossiers de l’asile.
Par ailleurs, notons que le montant de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) a diminué d’un tiers dans les crédits de la mission que nous examinons. Cette baisse est justifiée par des crédits non consommés l’an dernier. Rappelons que le montant de l’ADA s’élève aujourd’hui à 6,80 euros par jour pour une personne, auxquels s’ajoutent 3,40 euros, par jour, par personne supplémentaire, avec une majoration en cas d’absence d’hébergement. Vous l’avouerez, cela demeure manifestement insuffisant pour vivre dignement.
Malgré les créations de places d’hébergement intervenues ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile demeure marqué par un important sous-dimensionnement. Notre dispositif d’asile continue de souffrir d’une saturation des dispositifs d’hébergement. Il convient de souligner encore une fois que les autorités françaises ont le devoir d’offrir un dispositif d’accueil aux demandeurs d’asile et réfugiés et peuvent être tenues responsables de la défaillance du dispositif national d’accueil.
Sur l’état des centres de rétention administrative, nous rejoignons la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui déplore des investissements immobiliers prioritairement orientés vers un accroissement de la sécurité, et non vers un entretien et une réfection des locaux permettant d’assurer a minima un accueil digne des personnes retenues.
À l’occasion du futur débat sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration, nous aurons l’occasion de revenir plus précisément sur ces points. Pour l’heure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission budgétaire, qui sont bien loin de répondre à des situations humaines, parfois dramatiques dont les causes sont trop souvent ignorées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Muriel Jourda de son rapport pour avis.
Comme Mme Assassi, je regrette que la position de la commission des finances ne nous ait pas été donnée. Comme le dirait l’Ecclésiaste, que vous devez connaître, monsieur le rapporteur spécial, il y a un temps pour tout : un temps pour les discours et un temps pour être rapporteur spécial. L’éclairage de la commission des finances manque à ceux qui n’en sont pas membres. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, GEST, SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.) Heureusement que nous disposons du rapport écrit.
Monsieur le ministre, je commencerai par vous interpeller sur la disparition du fichier Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) et son remplacement par l’Administration numérique pour les étrangers en France (Anef), pour un budget d’environ 28 millions d’euros. Les rapporteurs pour avis de la commission des lois se sont à juste titre interrogés sur ce projet dans leur rapport sur les crédits de cette mission.
Pour avoir vécu Louvois et la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), je dois dire qu’une telle disparition m’intrigue et m’inquiète. J’aimerais que vous nous communiquiez quelques renseignements sur ce nouveau système.
Pourrez-vous assurer que les communes, les collectivités ainsi que les organismes de sécurité sociale auront un accès à ce fichier ? Le Gouvernement a récemment rappelé que les personnes faisant l’objet d’une OQTF, qui figureront donc dans ce fichier, ne pourraient plus bénéficier de certaines prestations. Il a fallu attendre une crise récente pour que l’on s’en préoccupe. Pourtant, nous n’avons rien vu à ce propos dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Comment pouvez-vous garantir qu’avec la disparition d’Agdref et la mise en place du nouveau fichier Anef, aucune attribution de numéro d’inscription au répertoire (NIR) n’aura lieu sans vérification des identités ?
Monsieur le ministre, dans cette maison, lorsque nous voulons améliorer un logiciel ou un fichier, nous subissons les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution. En effet, en améliorant un dispositif, nous créons une dépense, même si celle-ci est destinée à permettre des économies. Par conséquent, il revient au Gouvernement d’améliorer le dispositif en tenant compte de notre vision.
Ce dispositif et les dispositifs transitoires m’inquiètent. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez me fournir quelques renseignements sur le sujet.
J’en viens à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dite Frontex, puisque tout ce dont il est question y est directement lié. Le 30 novembre dernier, le Parlement européen a auditionné trois candidats pour mettre un terme à la période transitoire résultant de la démission de l’ancien directeur de cette agence et à l’intérim de Mme Aija Kalnaja. Nous l’avons entendue dans le cadre d’une audition commune organisée par la commission des affaires européennes et la commission des lois ; le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas été rassurés !
En effet, l’agence la plus puissante de l’Union européenne est sous pression depuis 2020. Son ancien directeur est accusé de complicité de violation de droits fondamentaux. Une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) est en cours ; vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre. Qui plus est, il faut déplorer les divergences existantes entre les priorités de Frontex au sein des institutions européennes.
Comme pour le budget de cette mission, ce sont les mêmes questions qui se posent : quelle stratégie, quelle volonté, quelle priorité ?
Monsieur le ministre, vous le savez, le trafic d’êtres humains représente 150 milliards de dollars et touche 40 millions de personnes, 25 millions d’entre elles se trouvant en situation de travail forcé. L’étude que j’ai menée dans le cadre de l’ouvrage que j’ai écrit sur le financement du terrorisme atteste que ces trafics procurent entre 5,5 milliards d’euros et 7 milliards d’euros de revenus par an. Je suis certaine que l’instauration d’une Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains ne répondra pas à cette problématique.
La question de la lutte contre le crime transfrontalier renvoie à la problématique de la gestion des frontières.
Il est urgent que l’agence Frontex puisse obtenir de nouveaux résultats. Entre les mois de janvier et septembre 2022, elle a enregistré une augmentation de 70 % des franchissements irréguliers. Le nombre de franchissements illégaux a progressé de 70 % au sein de l’Union européenne : on dénombre 130 000 franchissements irréguliers par le corridor des Balkans au cours de ces derniers mois.
Depuis le mois d’août dernier, 70 000 franchissements illégaux ont été recensés aux frontières de la Turquie, de la Hongrie et de la Serbie, ce qui est à mettre en rapport avec le très faible nombre de retours.
Monsieur le ministre, nous attendons des mesures européennes. En effet, celles-ci conditionnent un certain nombre de dispositions du droit national. Or ni l’Union européenne ni le gouvernement français ne semblent décidés à avoir une stratégie volontaire sur cette question, qui est un irritant permanent partout dans notre pays, y compris dans des départements où il y a très peu d’immigration.
Il s’agit donc là d’un sujet majeur, sur lequel, comme l’a souligné Mme le rapporteur pour avis, nous avons du mal à identifier une stratégie. Pourtant, il nous faut régler ce problème, qui est non seulement légal, mais aussi humain. Je ne crois pas que nous soyons en mesure de le faire avec ce budget. C’est pourquoi notre groupe ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Moins d’une trentaine de parlementaires sont présents ce matin pour contrôler la politique migratoire du Gouvernement… Voilà qui est révélateur et extrêmement inquiétant !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour bien saisir la réalité de l’action gouvernementale, il faut se pencher sur son financement, les chiffres étant bien plus parlants que les mots. La mission « Immigration, asile et intégration » en est la parfaite illustration.
Derrière les discours, voici quelle est la réalité immigrationniste du ministère de l’intérieur pour 2023, mes chers collègues : 2,7 milliards d’euros sont alloués à l’immigration, soit une hausse de 34 % – 34 % ! – par rapport à l’an dernier ; 1,3 milliard d’euros à la politique de l’asile, soit 63 % du budget ; 543 millions d’euros, soit un quart du budget, au volet intégration ; 8,5 % seulement des crédits sont consacrés à la maîtrise des flux migratoires.
Le dévoiement de l’asile – on est passé en seulement vingt ans de 38 000 demandes par an à 135 000 – a conduit à en faire une filière d’immigration clandestine de premier plan, que vous refusez de combattre.
C’eût été pourtant salvateur et ô combien justifié ! En effet, l’agence européenne Frontex annonce que le nombre d’entrées illégales de migrants en Europe en 2022 a connu une hausse de plus de 70 % par rapport à l’année 2021, 275 000 entrées illégales ayant été dénombrées en dix mois seulement. Du jamais vu depuis la crise migratoire de 2016 !
M. Darmanin lui-même a confessé lors de son audition par le Sénat que 600 000 à 900 000 clandestins étaient présents sur notre territoire, soit l’équivalent de la population de la ville de Marseille !
Plutôt que d’alimenter toutes les pompes aspirantes de l’immigration, il est urgent de les couper. Selon une étude réalisée par African Youth Survey, 52 % des jeunes Africains souhaitent émigrer en Europe. C’est de la survie de la France française qu’il est désormais question, mes chers collègues !
Mme Éliane Assassi. Mieux vaut entendre ça qu’être sourd !
M. Stéphane Ravier. Vous confirmez votre xénophilie et votre volonté d’accueillir toujours plus en créant des emplois à temps plein à l’Ofpra et à l’Ofii et en augmentant les budgets de ces offices respectivement de 11 % et de 16 % !
Alors que des dizaines de milliers de Français dormiront dans la rue cet hiver, que certains y mourront peut-être, alors que des millions de nos compatriotes ne pourront pas se chauffer, vous augmentez les crédits en faveur de l’hébergement des demandeurs d’asile de 840 millions d’euros.
Alors que vous réduisez la durée d’indemnisation de nos chômeurs, vous augmentez les allocations des demandeurs d’asile, pour un montant total de 315 millions.
Alors que nos administrations sont à l’os, vous accordez 103 millions d’euros à l’Ofpra.
Pendant que vous réduisez le pouvoir d’achat des Français, chaque clandestin placé dans un centre de rétention administrative (CRA) nous coûte la bagatelle de 700 euros par jour ! Le coût total de ces centres, dont vous voulez augmenter le nombre, s’élève 830 000 euros par jour, soit 350 millions d’euros par an ! La sobriété, manifestement, ce n’est pas pour tous !
De l’argent, il y en a, mais pour les autres – toujours pour les autres ! –, pas pour nos agriculteurs, pas pour nos étudiants, pas pour l’hôpital, pas pour nos pauvres. Ces derniers sont pourtant 10 millions – 10 millions ! – dans notre pays ! Vous vous obstinez à financer la disparition des Français avec leur propre argent. Il est grand temps de s’occuper de nos compatriotes d’abord, en présentant un budget de non-immigration et une loi de remigration.
Je ne voterai pas les crédits d’une mission qui contribue de toute évidence au grand remplacement du peuple de France !
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d’examiner les crédits de cette mission. Comment en effet savoir s’il faut se réjouir de l’augmentation des moyens alloués ? Alors que ceux qui migrent quittent rarement leurs racines de gaîté de cœur, notre Nation rencontre de réelles difficultés pour accompagner ces flux migratoires.
Comme cela a déjà été indiqué, les moyens de la mission augmentent tant en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement. Cette hausse est-elle le signe annonciateur d’une meilleure gestion ou est-elle synonyme d’une dépense incontrôlable ? Peut-être qu’il n’y a pas là de contradiction ?
Toujours est-il que nous nous réjouissons évidemment de la création de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile dans les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) et dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada).
De même, je me réjouis, par exemple, de l’augmentation des crédits de l’action n° 16, Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants, qui devrait permettre, je l’espère, le financement du plan visant à mettre fin aux habitats hors-norme et indignes. Il est important que les travailleurs migrants puissent accéder à un logement individuel, autonome et conforme aux standards actuels en matière de logement.
Ces arguments vont dans le sens d’une meilleure gestion, mais un autre sujet pose des difficultés et devrait bientôt nous occuper : je pense aux décisions d’éloignement, ou obligations de quitter le territoire français, les OQTF. Cet acronyme administratif particulièrement froid semble désormais faire partie du langage courant dans les débats politiques, alors qu’il était encore récemment peu connu du grand public.
On ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure. En revanche, la question de l’exécution des OQTF s’invite – hélas ! – trop souvent dans le débat public. Je dis « hélas ! », car on en parle souvent lorsqu’un drame survient, mais pas seulement ; on nous rapporte aussi parfois l’histoire de jeunes artisans menacés d’expulsion. Je dis aussi « hélas ! », car ce sujet suscite trop souvent polémiques, idées reçues, raccourcis et populisme. Il n’est que trop rarement traité avec le sérieux, la rigueur, l’humanité, mais aussi le réalisme qu’il mérite.
Nous devrions bientôt traiter de ces sujets, les concertations en vue de l’élaboration d’un projet de loi relatif à l’immigration étant engagées. Nous connaissons d’ores et déjà quelques-uns de ses contours possibles : renforcement de l’effectivité des fameuses OQTF ou création d’un titre de séjour pour les métiers en tension.
Ce n’est pas encore le moment de parler du fond ; mais, sur la forme, le Parlement devra se saisir de l’occasion de traiter ces questions, dans un état d’esprit de travail, de modération et de compromis.
Bref, il faudra nourrir le débat de manière constructive et laisser de côté invectives et petites formules, qui n’apportent rien. Sauf rares exceptions, cette dynamique est celle du Sénat. Tant mieux ! Espérons que cela sera également le cas au-delà de notre hémicycle.
Mes chers collègues, dans l’attente de ces débats, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les ans, nous nous retrouvons sur ces travées pour débattre des moyens alloués à l’État pour traiter de ce qui est aujourd’hui, aux yeux des Français, la question numéro un : l’immigration et l’intégration des populations étrangères. Tous les ans, on nous demande plus de moyens pour conduire cette politique, sans réfléchir à la question fondamentale : quelle politique ? Pour nous conduire où ?
Permettez-moi de rappeler les termes du ministère en 2021, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2022 : « Une approche adaptée et équilibrée de l’immigration. Les flux migratoires restent importants et leur maîtrise demeure un enjeu essentiel. Pour lutter contre l’immigration irrégulière, avec l’appui de ses partenaires européens, la France se dote d’outils et de processus efficaces. »
Pour tenir ces jolies promesses, le contribuable français a mis de l’argent, beaucoup d’argent : près de 2 milliards d’euros. Mais pour quel résultat ?
Je n’ai pas envie de tirer sur l’ambulance, mais je me dois de revenir, chers collègues, sur deux affaires qui ont été très médiatisées sur le moment, mais dont les suites ont été beaucoup moins entendues dans les médias.
Je m’attarderai d’abord sur les OQTF.
Suite à l’effroyable meurtre de la petite Lola au mois d’octobre dernier, la question de l’exécution des obligations de quitter le territoire français a été remise sur le tapis. Le constat est sans appel : l’exécution des OQTF est en baisse constante depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012. Alors que le taux d’exécution s’établissait à 22,34 % à l’arrivée de François Hollande, il était de 5,67 % à la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron, soit une baisse de 12 % en rythme annuel.
Pourtant, les crédits sont là. Ils sont en hausse de 6 % en 2023. Cela prouve que la mise en œuvre des OQTF n’est donc pas uniquement une question de moyens. J’y reviendrai.
J’évoquerai à présent l’affaire de l’Ocean Viking, dont je vous rappelle l’histoire : ce navire de 234 migrants a erré en Méditerranée avant d’arriver à Toulon, grâce à « l’humanité » du Gouvernement. Bilan : 66 personnes se sont vu accorder le droit d’asile, 123 autres ont été interdites de territoire avant d’être remises en liberté par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la justice n’ayant pas eu la possibilité de se saisir de tous les dossiers dans les temps. La moitié des 44 mineurs isolés accueillis ont fui pour rejoindre leur famille dans le nord de l’Europe. Enfin, seules 2 personnes ont été renvoyées au Mali.
C’est un camouflet pour le Gouvernement. Il aura beau jeu de s’abriter derrière le manque de moyens de la justice et notre incapacité à faire face à la vague migratoire, qui enfle année après année.
Le problème est que notre système, fondé sur la confiance, est en train de craquer de partout, sous les yeux consternés des Français, qui le constatent tous les jours et nous reprochent, à nous, l’ensemble de la classe politique, notre incapacité à juguler cette vague qui envahit tout.
On peut toujours discuter du nombre de cartes vitales en circulation en France – les chiffres varient –, mais il y a entre 3 millions et 7 millions de cartes de plus que d’habitants dans notre pays.
On peut toujours essayer de cacher le lien entre immigration et délinquance, mais le taux officiel d’étrangers dans les prisons est de 24,5 %, alors qu’il n’y a officiellement que 10 % d’étrangers en France.
On peut toujours dépenser des milliards dans la politique d’intégration, mais il faut savoir – c’est le politologue Jérôme Fourquet qui l’écrit – que 40 % des enfants naissant en Seine-Saint-Denis portent un prénom d’origine arabo-musulmane.
À ce stade, ce n’est plus une question de moyens ; c’est une question de volonté politique.
Vous avez comme moi suivi l’actualité et vu le résultat des dernières élections en Suède. Quand la classe politique se voile les yeux sur ce qui se passe dans son pays, ce sont les populistes qui prennent le pouvoir. En Suède, berceau de la social-démocratie, société que l’on dit « avancée », ils se sont baptisés Démocrates de Suède.
À l’inverse, au Danemark, les sociaux-démocrates ont senti le vent venir et ont totalement fait machine arrière : fermeture des frontières, lutte contre l’immigration clandestine, contrôle de l’aide sociale. La confiance dans les dirigeants de ces formations classiques a été rétablie et le vote populiste réduit à 2,5 % des voix, soit à peu près le score de Jean-Marie Le Pen en 1981.
Ces deux exemples sont à méditer. La question est bien de faire preuve de volonté politique et de rétablir la confiance.
Je n’ai pas le temps d’énumérer les mesures nécessaires, ce n’est pas le lieu pour le faire ici, mais elles sont relativement simples et claires : fermeture des frontières et remplacement de l’immigration subie par une immigration choisie ; renforcement des critères d’acquisition de la nationalité française ; mise en œuvre d’une véritable lutte contre la fraude sociale et le travail au noir ; fermeté totale à l’égard des pays maghrébins qui nous demandent des visas, mais ne reprennent pas leurs délinquants ; fin du gouvernement des juges en contrepartie de l’octroi de véritables moyens à la justice, afin qu’elle puisse travailler et retrouver la confiance perdue des Français.
Que l’on me comprenne bien : mon propos n’est évidemment pas d’ostraciser toutes les personnes étrangères ou d’origine étrangère qui sont en France.
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Pemezec. Il y a des cas individuels qui méritent que l’on fasse preuve d’humanité. J’ai moi-même plusieurs fois interpellé…
M. le président. Concluez !
M. Philippe Pemezec. … le ministre sur des cas qui méritaient notre soutien.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une polémique couve depuis plusieurs années désormais, pour ne pas dire plusieurs décennies, sur le très faible taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français. Voilà dix ans que ce taux ne dépasse pas 20 %. Au cours des trois dernières années, il était en dessous de 7 %.
« Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre », disait Richelieu. Émettre ces obligations et ne pas les exécuter, c’est affaiblir notre droit.
Monsieur le ministre, nous savons que vous faites beaucoup pour modifier cet état de fait. Nous examinerons bientôt un projet de loi relatif à l’immigration destiné à redéfinir notre politique en la matière.
Le projet de budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation. Le coût de la politique française de l’immigration et de l’intégration s’élèvera en 2023 à 7,1 milliards d’euros.
Cette augmentation est une bonne chose, car il y a fort à faire en la matière. Les flux migratoires comprennent des individus qui sont dans des situations différentes : certains cherchent à améliorer leur situation économique, d’autres fuient les persécutions et les conflits.
La guerre en Ukraine a entraîné une augmentation des demandes d’asile, à juste titre. Beaucoup de nos collectivités et de nos concitoyens accueillent des citoyens ukrainiens. C’est l’honneur de la France.
Il apparaît donc nécessaire de prévoir une augmentation des moyens de l’administration, proportionnée à l’accroissement de ces demandes, pour que nous puissions les traiter efficacement et dignement.
Il est indispensable d’augmenter le budget consacré à la gestion de l’immigration. L’affaire de l’Ocean Viking démontre que l’administration ne dispose pas des moyens suffisants pour faire face à une telle situation. Cela ne doit pas se reproduire.
Je veux dire ici que ces sujets ne concernent pas uniquement la métropole. De nombreux territoires ultramarins font face à une forte pression migratoire. C’est le cas de mon île, La Réunion, mais aussi, bien sûr, de Mayotte ou encore de la Guyane.
L’accueil des migrants doit se faire selon un principe de solidarité. Il doit être réparti, bien entendu, entre partenaires européens. C’est effectivement à l’échelon européen qu’est fixée une part importante de la politique migratoire des États membres.
L’Union européenne dans son ensemble est concernée par la guerre en Ukraine. Elle l’est aussi par les flux migratoires en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Alors que ces flux avaient été fortement freinés par la pandémie, ils ont repris leur rythme à présent que la situation sanitaire s’est améliorée.
L’Union a pris conscience de sa vulnérabilité à l’égard du chantage turc. Le budget de Frontex est en constante augmentation, cela ne dispense cependant pas les États membres de faire leur part.
L’immigration a en effet un impact majeur sur la politique de nombreux pays européens : le Royaume-Uni, la Suède, l’Italie et, bien sûr, la France.
Si l’asile représente la majeure partie des fonds de cette mission, nous ne devons pas oublier l’importance cruciale de l’intégration. Nous souhaiterions que davantage de moyens soient consacrés à cet objectif. C’est en effet la cohésion de notre Nation qui est en jeu.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce projet de budget, qui bénéficie d’une augmentation nécessaire. Il nous reste cependant fort à faire en matière d’immigration.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, le Président de la République déclarait : « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. »
Le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui pourrait prêter à sourire tant il est en décalage avec cette position : les crédits octroyés à l’allocation des demandeurs d’asile sont en baisse de plus d’un tiers – 36 % –, dans le contexte de guerre que l’on connaît.
« Je crois au vrai “en même temps” sur la politique migratoire aussi », a ajouté le chef de l’État dans ce même entretien.
Faut-il pour autant augmenter l’aspect sécuritaire de la politique migratoire et « en même temps » rendre plus difficiles les prises de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres ? Organiser les défaillances de la CNDA, qui manque de moyens et de personnel, et « en même temps » justifier une réflexion sur les modifications des règles de droit afin de limiter les recours en arguant que les délais de réponse sont trop longs ?
En 2017, le candidat à l’élection présidentielle promettait pourtant l’examen des demandes d’asile « en mois de 6 mois, recours compris. » « C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés, qui ont droit à la protection de la France », déclarait-il alors. Sur ce point, le projet de loi de finances marque un recul criant. Nous le constaterons lors de l’examen des crédits des juridictions administratives, dont je suis rapporteur pour avis.
Vous l’aurez compris, ce projet de budget, reflet de la politique de ce gouvernement en matière d’immigration, est extrêmement problématique.
La question qui se pose désormais, et qui a fait l’objet de discussions dans cet hémicycle et lors de la présidence française de l’Union européenne, c’est la célérité du traitement des dossiers et de l’accueil, que ce soit en matière de permis temporaire de travailler ou de logement.
La crise ukrainienne a montré que l’Europe et notre pays pouvaient accueillir, bien accueillir, et rapidement accueillir, lorsque la volonté politique est là.
Mais alors qu’on délivre des permis de travail aux réfugiés ukrainiens, on délivre « en même temps » des arrêtés anti-repas à Calais, lesquels ont d’ailleurs été jugés illégaux voilà un mois.
Alors que les crédits de cette mission connaissent une hausse de 38 % afin d’accroître les placements en centres de rétention administrative, on enterre « en même temps » la promesse qu’avait faite le Président de la République à Orléans en 2017 de faire en sorte que plus aucun demandeur d’asile ne dorme dehors.
À Calais toujours, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. C’est inacceptable, monsieur le ministre !
Je rappelle que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements est un non-sens, tout comme l’est l’émission d’un mandat d’arrêt pour expulser une personne visée par une OQTF alors qu’elle a déjà quitté le territoire !
En 2022, le président candidat voulait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible ». Comme toujours, sous couvert de simplification, ce gouvernement éloigne le demandeur d’asile du juge, physiquement, par exemple, avec la visioconférence, et le prive de ses droits, en imposant parfois la procédure accélérée.
Tout le monde souhaite aller plus vite. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits. Aller plus vite, c’est mettre en place un système de prise de rendez-vous plus efficace en préfecture.
À cet égard, je rappelle que le tribunal administratif de Paris a condamné l’Ofii et la préfecture pour la mauvaise gestion de la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous destinée aux demandeurs d’asile. Il leur a en outre intimé l’ordre de rendre son numéro gratuit et de mettre en œuvre des mesures, afin qu’il soit répondu plus rapidement aux appels. Où sont les crédits pour cela ? Où sont les crédits permettant d’avoir en nombre suffisant les personnels pour répondre aux demandeurs d’asile ?
La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement. Dont acte. À cet effet, les crédits de l’action n° 03 ont augmenté de 68 % entre 2017 et 2021, quand ceux de l’action Garantie du droit d’asile n’ont connu une hausse que de 12,8 %.
Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver des migrants ; c’est son honneur. Je regrette toutefois qu’il n’ait pas toujours autant d’honneur, qu’il fasse des différences entre l’Aquarius et l’Ocean Viking par exemple.
Chers collègues, ne voyez ni naïveté ni idéalisme utopique dans mes propos. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol et de mieux respecter leurs demandes, pour faciliter leur intégration et pour l’avenir de notre pays.
L’acceptabilité des refus doit reposer sur le respect des personnels, des procédures et des personnes accueillies, sur une prise en charge digne, de l’accueil jusqu’au traitement des demandes.
Ce projet de budget reflète une vision éloignée de toutes ces préoccupations. C’est pourquoi notre groupe ne pourra pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure n’est plus aux petites phrases politiques sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », le champ de cette mission s’étendant évidemment au-delà des entrées illégales sur le territoire. Il s’agit aussi d’un budget de fonctionnement, d’un budget opérationnel permettant de traiter des phénomènes bien réels.
L’heure n’est plus non plus aux discussions sur les flux ou les reflux. Nous parlons de drames individuels, d’êtres humains, qu’il convient de traiter avec humanité comme une réalité collective.
L’heure n’est plus enfin aux grandes déclarations d’intention. Il faut à présent décider de quelle façon mieux traiter l’ensemble des réalités complexes de l’immigration.
En effet, chers collègues, les grands équilibres budgétaires de la mission ne sont pas déstabilisés dans le projet de loi de finances pour 2023 dont nous débattons aujourd’hui.
Comme on pouvait s’y attendre, la commission des finances et la commission des lois proposent de rejeter les crédits de la mission.
Mes collègues l’ont rappelé, les crédits de cette mission et ceux des deux programmes qu’elle comporte s’élèvent à 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 34 % et de 6 % par rapport aux montants de 2022. Près des deux tiers de ces crédits sont fléchés vers la politique de l’asile.
La France accueille des personnes qui vivent des drames, qui sont menacées, en détresse, qui n’ont pas d’autre choix que de quitter leur pays en conflit. Ce n’est pas une pratique nouvelle.
Permettez-moi de faire un peu d’histoire : la France s’inscrit dans une tradition dont les origines pourraient en surprendre plus d’un, puisque, après la reconnaissance du principe de l’asile par Ramsès II dans le traité de Qadesh en 1280 avant Jésus-Christ, c’est bien le concile des évêques catholiques réuni par Clovis à Orléans en 511 qui l’a entériné.
Il convient par ailleurs de se réjouir de l’augmentation des moyens attribués aux deux opérateurs rattachés à la mission : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, d’une part, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, d’autre part, dont les crédits augmentent respectivement de 11 % et de 6 %.
En matière d’asile, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de redonner sa pleine portée au droit d’asile en réduisant les délais d’examen des demandes.
En ce qui concerne l’immigration, nous nous réjouissons d’abord collectivement de la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la part de l’immigration professionnelle par rapport à l’immigration familiale. Ensuite, les premiers résultats positifs du dialogue avec les principaux pays d’origine concernés par l’immigration irrégulière ouvrent aussi la voie à une nouvelle intelligence collective en la matière. Enfin, la poursuite de la mise en œuvre du plan d’ouverture de places en centre de rétention administrative permettra de soulager les familles et les personnels confrontés à des situations parfois très difficiles à gérer.
En matière d’intégration, mes collègues et moi-même sommes satisfaits du renforcement du volet professionnel du contrat d’intégration républicaine et du déploiement du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés. Ce programme est déjà mis en œuvre dans mon département de l’Eure, ce dont je me réjouis. La poursuite de la rénovation des foyers de travailleurs migrants est un autre motif de satisfaction. Mon département en compte trois.
Sur ces trois volets, le groupe RDPI, en accord avec l’action volontaire menée par le Gouvernement, votera sans hésitation les crédits de la mission. Nous sommes conscients que certains parmi vous, chers collègues, ont la volonté de contribuer à l’efficacité de cette mission en affinant et retravaillant certains mécanismes financés par ces crédits.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (M. Michel Savin applaudit.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui me permet d’aborder la question de l’immigration sous un angle budgétaire, avant le débat relatif à la politique de l’immigration qui sera prochainement organisé dans notre assemblée, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
De prime abord, je relève que les crédits de la mission connaissent une hausse bienvenue, que nous saluons, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement. Cette augmentation s’inscrit dans un contexte de forte inflation et, plus encore, de sortie désormais marquée de la parenthèse du covid-19, durant laquelle les flux migratoires demeurèrent fortement perturbés et, à certains égards, en deçà des chiffres de 2019.
Il convient d’ailleurs de le relever, les crédits de cette mission, tout comme ceux de la mission « outre-mer », ne recoupent qu’une fraction – un peu moins d’un tiers – des dépenses des politiques françaises de l’immigration et de l’intégration. La majorité des crédits de la mission – un peu moins des deux tiers – sont consacrées à l’asile, des portions limitées étant réservées à l’intégration et à la lutte contre l’immigration illégale.
Dans ce contexte, la hausse des crédits de la mission n’est pas suffisante et ne saurait occulter les insuffisances des politiques traitant des questions migratoires et de l’asile.
En effet, les indicateurs dont nous disposons, qui sont malheureusement souvent imparfaits, révèlent les difficultés croissantes que nous connaissons pour gérer certaines problématiques majeures, en particulier la maîtrise de l’immigration illégale.
C’est ainsi que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire est structurellement bas. Il s’est encore dégradé durant la crise sanitaire, passant sous la barre des 10 %.
En 2021, ce taux était de 6 % : sur les 124 111 décisions qui ont été prononcées, seules 7 488 ont été exécutées. Même en considérant que cet indicateur présente des faiblesses, comme le ministre Darmanin s’est longuement efforcé de l’expliquer devant la commission, le taux demeure particulièrement bas.
Ce constat sur ces graves insuffisances n’est pas nouveau : nous l’avions déjà dressé lors des précédents budgets, et, encore récemment, la commission des lois a formulé des recommandations dans le rapport présenté par son président François-Noël Buffet, intitulé Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité.
En parallèle, le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) et des admissions exceptionnelles au séjour achève de dresser un tableau préoccupant du dynamisme des flux de personnes en situation irrégulière.
D’importantes marges de progression existent donc.
L’annonce d’un texte sur l’immigration l’année prochaine, d’ailleurs déjà repoussée, démontre, si besoin en est, que de nombreux chantiers demeurent à lancer et que l’exécutif en a conscience.
Or les moyens de cette mission demeurent insuffisants pour faire face aux enjeux de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Trop souvent, nous avons l’impression qu’il s’agit ici d’un budget d’accompagnement, et non de maîtrise de l’immigration.
En parallèle, des interrogations, par ailleurs récurrentes d’un projet de loi de finances à l’autre, subsistent sur la sincérité des crédits. Ainsi, est-il réaliste, monsieur le ministre, dans le contexte de rebond post-covid que nous connaissons, d’envisager une baisse de 36 % des dépenses de l’ADA en 2023 ?
En outre, comme l’ont souligné les rapporteurs, le traitement de la question des réfugiés ukrainiens s’est révélé insatisfaisant. Ceux-ci sont actuellement bénéficiaires d’un dispositif de protection temporaire. Or, malgré ce statut temporaire et les incertitudes entourant inévitablement la situation de guerre régnant en Ukraine, l’accueil administratif et physique, l’hébergement et d’autres éléments, tels que la scolarisation des enfants, nécessitent une préparation et une visibilité en amont. Il paraît incompréhensible que les évaluations fournies au législateur dans le cadre de l’examen de ce projet de budget soient aussi limitées.
Par conséquent, même si la hausse des crédits et un certain nombre d’éléments tels que la consolidation du réseau des centres de rétention administrative ou des locaux de rétention administrative ou encore l’amélioration des délais de traitement des demandes de l’Ofpra vont effectivement dans le bon sens, il n’en demeure pas moins que les faiblesses et les lacunes de la mission demeurent considérables.
En tout cas, monsieur le ministre, ils ne sont pas de nature, nous semble-t-il, à juguler et à corriger les différents manquements que nous venons de relever. Aussi, nous suivrons les avis défavorables des rapporteurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’abord d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui est en Nouvelle-Calédonie ; j’y étais, à ses côtés, hier encore.
Je souhaite ensuite, avant d’entrer dans le vif du sujet, répondre au rapporteur spécial : personne ne peut dire que l’immigration n’est pas un sujet qui préoccupe le ministre de l’intérieur ! Vous pourrez le constater lorsqu’il viendra ici même présenter son projet de loi sur l’immigration : c’est sa préoccupation quotidienne.
Je donne par ailleurs quelques chiffres, afin de poser les termes du débat.
Le nombre de places autorisées pour l’hébergement des demandeurs d’asile, qui est rendu public depuis des années, était de 82 362 en 2017 ; il sera de 118 732 en 2023. Je m’adresse surtout à vous, madame Assassi, qui avez contesté ces chiffres. Quant au délai de traitement des dossiers par l’Ofpra, il est passé de 261 jours en 2021 à 128 jours en 2022. Vous mesurez l’effort : nul ne peut le contester. Je précise aussi qu’il y a en tout 26 centres de rétention administrative, dont 22 en métropole.
La mission « Immigration, asile et intégration » compte deux programmes. Les crédits de paiement demandés sont en hausse de 4 % par rapport à l’an dernier. Pour l’ensemble de la mission, nous demandons 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Partons de données fiables pour éviter les fantasmes. Les flux migratoires sont en progression dans le monde entier. Cette tendance n’est pas propre à la France : elle concerne l’Europe, l’Amérique, le monde entier, qu’il s’agisse d’immigration ou de demandes d’asile. Notre pays compte ainsi 7,7 % de ressortissants étrangers et a délivré environ 270 000 titres de séjour en 2021. En 2022, 110 615 premières demandes d’asile ont été enregistrées, chiffre comparable au niveau observé en 2019.
Notre pays n’a pas cessé – et ne doit pas cesser – de respecter le droit international. Il appréhende avec humanisme les situations dramatiques, même les plus difficiles, les problèmes d’échelle européenne, comme celui de l’Ocean Viking, ayant tendance à se multiplier.
Pour autant, nous continuons à lutter contre l’immigration clandestine. Nous demandons à cet effet 170 millions d’euros pour 2023, soit 18 % de plus qu’en 2022. Aucun des orateurs qui m’ont précédé ne l’a dit, mais, au 31 octobre 2022, 274 filières avaient été démantelées et 1 023 passeurs interpellés.
La politique dont ce projet de loi est la traduction budgétaire est cohérente avec ce que je viens d’énoncer : nous continuons à mener une politique ferme face à l’immigration irrégulière.
Un effort sans précédent est réalisé en faveur du développement des capacités de rétention, puisque nous visons un total de plus de 3 000 places à l’horizon 2027, contre 1 500 aujourd’hui. Plus de 125 millions d’euros de crédits sont prévus à cet effet dans ce PLF, qui prévoit aussi 10 millions d’euros pour l’externalisation de certaines tâches non régaliennes qui sont pour l’heure effectuées, sans bénéfice évident, par la police aux frontières. Par ailleurs, conformément au cadre fixé par la Lopmi, près de 60 millions d’euros seront ajoutés chaque année à la trajectoire budgétaire, afin d’augmenter les moyens dévolus à la rétention administrative.
J’en viens à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière pour motif d’ordre public. Quelque 3 000 étrangers délinquants ont été éloignés du territoire à leur sortie de détention en 2021 et en 2022. En deux ans, plus de 2 500 titres de séjour ont été retirés par les préfectures pour motif d’ordre public et plus de 70 000 refus de délivrance ou de renouvellement de titre ont été notifiés. Le ministre de l’intérieur vous en reparlera plus précisément : il a souhaité que la direction générale des étrangers en France clarifie la situation en distinguant notamment entre les éloignements après OQTF, les départs volontaires et les départs accompagnés, entre la France métropolitaine et l’outre-mer… Il est trop simple de réduire l’analyse à un seul chiffre.
Personne ne m’en voudra de dire un mot sur Mayotte, compte tenu de mon portefeuille ministériel. Depuis 2019, notre stratégie repose sur le plan Shikandra, qui associe action civile et action militaire. Quelque 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé à Mayotte, soit 78 % de plus qu’en 2020. Au 30 novembre 2022, plus de 22 400 éloignements ont été réalisés. Nous continuons cependant et toujours à vouloir traiter de façon objective et humaine les demandes d’asile.
Sur l’accueil et l’examen des situations, plusieurs axes d’effort méritent d’être mentionnés.
D’abord, je l’ai dit, les délais de traitement des demandes ont pu être améliorés grâce aux efforts budgétaires consentis au cours des deux dernières années. En 2020, l’ouverture de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra a permis de réduire les délais d’instruction. Ainsi, 170 000 décisions ont été prononcées en 2020 et en 2021, dans le délai d’instruction de deux mois qui avait été fixé par le Gouvernement ; promesse tenue, donc, alors même que les délais de recours devant la justice administrative rendent les choses plus longues et plus difficiles.
Le délai de traitement des demandes d’asile a évidemment un impact direct sur le montant consacré à l’allocation pour demandeur d’asile. Oui, ce montant baisse d’un tiers, madame Assassi, mais il s’agit d’une allocation obligatoire : nul demandeur éligible n’en a été privé. Inutile de dire que les crédits dédiés sont insuffisants : les allocations dues sont versées !
Pour ce qui est de l’hébergement, nous allons créer 4 900 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et 1 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les réfugiés.
Le dispositif d’orientation régionale directive, introduit dans la loi du 10 septembre 2018, permet d’orienter les demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France, qui concentre 50 % de la demande, vers des hébergements en province. C’est ainsi que 16 000 demandeurs ont été orientés vers la province en 2021, première année de mise en œuvre de ce dispositif.
La politique de l’immigration a trait aussi à d’autres types de situations. Je pense à l’accueil des primo-arrivants et à des outils comme le passeport talent ou les mesures d’attractivité prises en faveur des étudiants étrangers. Je veux souligner, si c’est nécessaire, que cet accueil est non seulement la marque de notre solidarité en matière de développement des pays, mais aussi la garantie d’un meilleur rayonnement de la France à l’étranger.
Conscients de ces réalités, nous attribuons des moyens importants à la politique d’intégration, dont les crédits augmentent de 24 %. J’insiste en particulier sur le déploiement progressif du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir), qui doit globaliser l’accueil sous l’autorité des préfets de région et avec le concours d’associations compétentes ; il s’agit de favoriser l’intégration des réfugiés via l’emploi et le logement.
Par ailleurs, les formations linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) sont renforcées pour améliorer la maîtrise du français.
Nous sommes tout à fait conscients que nous avons continûment besoin, parce que le monde lui-même change continûment, d’adapter notre politique d’accueil et d’immigration, non tant pour pallier des manques que pour s’adapter, précisément, à ce monde en évolution, où les crises se multiplient et où, partant, nos besoins se diversifient.
La vérité de 2017 n’est pas la vérité de 2022, et celle de 2025 sera encore différente ! Il est donc tout à fait logique que nous revisitions régulièrement notre politique d’immigration ; le projet de loi annoncé par le Président de la République pour le début de l’année 2023 en sera prochainement l’occasion.
Sur le plan international et communautaire, nous poursuivons la discussion du Pacte européen sur la migration et l’asile, après les étapes franchies dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE). Le remplacement de l’Agdref par le système de l’Anef, qui a débuté en 2019, se fait de manière progressive ; c’est un projet de longue haleine. Je dis au représentant du Front national que ce « grand remplacement » de l’Agdref par l’Anef sera achevé en 2023. (M. Stéphane Ravier proteste.)
M. Didier Mandelli. C’est malin !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous proposons est juste au regard de l’équilibre, complexe à tenir, entre différents objectifs : le respect de nos valeurs républicaines, avec lesquelles nous ne pouvons pas transiger ; nos impératifs de sûreté, qui nous obligent à l’endroit de nos concitoyens ; notre nécessaire solidarité à l’égard des pays amis ; le rayonnement que nous voulons pour notre pays ; la réponse aux besoins de nos entreprises en matière de main-d’œuvre.
Il semble au Gouvernement qu’un tel équilibre est atteint dans les crédits de cette mission ; je déplore donc que vous ayez décidé de les rejeter.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure quarante-cinq.
En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à douze heures trente, celui-ci serait reporté à la fin des missions de cette semaine, et nous passerions à l’examen de la mission « Pouvoirs publics ».
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Immigration, asile et intégration |
2 674 824 290 |
2 009 102 104 |
Immigration et asile |
2 131 713 796 |
1 465 938 178 |
Intégration et accès à la nationalité française |
543 110 494 |
543 163 926 |
M. le président. L’amendement n° II-826 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
80 000 000 |
|
80 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
80 000 000 |
|
80 000 000 |
TOTAL |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Alors que l’on estime à 135 000 le nombre de demandes d’asile en 2023, le budget de l’allocation pour demandeur d’asile baisse de 176 millions d’euros, soit de 36 %, pour atteindre 314 millions d’euros. Pour expliquer cette chute, le ministère de l’intérieur explique que les délais d’instruction seront réduits et que la lutte contre les fraudes sera renforcée, ce qui permettra de faire des économies. En somme, le budget diminue par anticipation d’un résultat hypothétique… Le bleu budgétaire ne fait même pas mention des réfugiés ukrainiens, qui bénéficient pourtant de cette allocation.
Cette baisse drastique est un choix purement politique, monsieur le ministre, qui porte la marque des orientations sécuritaires voulues par le Gouvernement, au détriment de l’accès aux droits et de la solidarité. Elle est difficilement justifiable au regard des conflits internationaux et de la guerre en Ukraine. Les problèmes engendrés par la sous-budgétisation de l’ADA ne feront qu’accroître les difficultés quotidiennes de personnes en détresse que la France a l’obligation d’accueillir et de traiter avec dignité.
Contraints par les règles de recevabilité financière prévues à l’article 40 de la Constitution, nous devons proposer, pour pouvoir abonder de 80 millions d’euros l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, « Immigration et asile », la diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, comme sur l’ensemble des amendements qui vont être présentés sur les crédits de cette mission.
Nul ne conteste les paroles du ministre de l’intérieur sur l’immigration ; le problème, ce sont les actes.
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Nous verrons… Pour l’instant, nous n’avons pas vu grand-chose…
Bien que je sois d’accord avec mon collègue Benarroche sur l’optimisme excessif du Gouvernement, je demande le retrait de l’amendement n° II-826 rectifié ; à défaut, comme je l’ai dit, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Avis défavorable.
Je formule deux précisions.
Premièrement, le budget consacré aux réfugiés ukrainiens est inscrit ailleurs dans ce PLF.
Deuxièmement, l’ADA est une allocation obligatoire, que touchent – demain comme hier – tous ceux qui y ont droit. Si les services estiment que ces crédits sont suffisants compte tenu de la réduction des délais, rien ne permet de dire que cette prestation ne sera pas servie. S’il le faut, le budget sera modifié ultérieurement.
M. le président. L’amendement n° II-827, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à créer un fonds destiné à l’accompagnement et au suivi psychologique et psychiatrique des personnes exilées arrivant sur le territoire français.
La santé mentale, et plus particulièrement la souffrance psychique, est un angle mort des politiques publiques concernant les personnes exilées. Pourtant, lors de la prise en charge des primo-arrivants, les professionnels constatent que les personnes exilées sont atteintes de troubles psychiques multiples.
En effet, elles subissent souvent, de leur situation prémigratoire à leur arrivée, de multiples situations traumatisantes. Les violences ayant provoqué leur départ, les ruptures souvent brutales que celui-ci occasionne et le parcours d’exil lui-même, semé de violences et de pertes, sont la cause de troubles psychiques graves, renforcés par la grande précarité sociale et administrative vécue à l’arrivée.
La forme la plus courante de ces troubles est le syndrome psychotraumatique. Cette affection complique les témoignages devant l’Ofpra ou la CNDA – leurs agents nous le signalent –, des troubles de la concentration et de la mémoire affectant notamment la capacité des demandeurs d’asile à mettre en récit leur parcours d’exil. Ceux-ci peuvent oublier jusqu’au prénom de leurs enfants. Le stress des entretiens décuple généralement ces effets.
Désemparés face à ce phénomène, plusieurs organismes ont signalé la multiplication des cas de suicide et demandent la création d’un suivi psychotraumatique de ces personnes dès leurs premières mises en relation avec les centres d’accompagnement.
Tel est le sens de notre amendement : le fonds que nous proposons de créer financerait l’emploi des professionnels de santé, tant psychologues que psychiatres, spécialisés dans la prise en charge des pathologies traumatiques, au sein des centres gérés par l’État et des organes associatifs habilités à accompagner les personnes exilées.
Le financement de cette mesure se ferait par un transfert de 10 millions d’euros depuis l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », vers un fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable, en dépit des bonnes intentions des auteurs de cet amendement.
Nul ne conteste la nécessité d’accompagner des migrants qui viennent, pour certains, de zones de guerre, et qui ont vécu des situations extrêmement douloureuses, voire tragiques. Sans doute est-il dangereux, d’ailleurs, de laisser sans soins psychologiques des personnes qui arrivent d’Afghanistan ou d’ailleurs, comme tend à le montrer la multiplication des attaques au couteau ces trente dernières années. L’insuffisance des moyens est-elle en cause ? Le Gouvernement les accroît, d’une manière générale – les budgets augmentent –, mais les besoins sont immenses…
Telle est la question : la France a-t-elle les moyens d’une telle politique ? Le seul hôpital psychiatrique de mon département est condamné à la fermeture… Et nos filières de psychiatrie et de psychologie manquent cruellement de praticiens et d’étudiants.
Je m’en tiens aux réalités, donc, sans nier les bonnes intentions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. L’ancien préfet que je suis aurait pu aimer cette idée d’une administration administrante et s’occupant de tout.
Mais, quelle que soit l’acuité du sujet, bien soulignée par le rapporteur spécial, il est compliqué de tout faire faire par l’administration ou par un fonds spécialisé.
Pour réconforter les auteurs de cet amendement, je précise que 3,5 millions d’euros de subventions sont versés chaque année à des associations qui s’occupent de la question : en la matière, les actions sont financées.
Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-825, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. En somme, vous reconnaissez que l’intention qui motive nos propositions est bonne – c’est agréable à entendre –, mais, ajoutez-vous, nous n’en avons pas les moyens… Tirons-en la conclusion qui s’impose : notre politique migratoire est totalement hors sol !
L’amendement n° II-825 du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet d’augmenter le budget consacré à l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).
Comme l’écrivent les rapporteurs pour avis de la commission des lois Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, « [l]e développement capacitaire du parc d’hébergement du dispositif national d’accueil a connu un coup d’arrêt en 2022. Alors que la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait la mobilisation d’une provision exceptionnelle de 20 millions d’euros, initialement destinée à couvrir un éventuel dépassement de l’ADA, pour financer 4 900 places d’hébergement supplémentaires, ces crédits ont finalement été utilisés pour financer l’accueil des déplacés ukrainiens. Les créations de places ont été reportées à 2023, conférant de fait un caractère d’année blanche à 2022 ».
En 2023, faute de place disponible dans les HUDA, de nombreux demandeurs d’asile continueront donc de solliciter un hébergement en dehors des structures d’accueil, et notamment au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun, dont les capacités sont elles-mêmes saturées.
L’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile est pourtant capital : certaines places d’HUDA sont notamment spécialisées pour prendre en charge des femmes victimes de violence ou de la traite des êtres humains. De ce fait, il nous paraît primordial de créditer davantage ce budget en augmentant la part qui revient à ce type d’hébergement.
Le présent amendement vise ainsi à retirer 5 millions d’euros à l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », pour abonder la création d’un nouveau programme, qui s’intitulerait « Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable.
Comme l’a dit M. le ministre, le nombre de places d’hébergement augmente, toutes formes confondues, HUDA, Cada, etc. Le problème est toujours le même : nous traitons les conséquences et non les causes, à savoir le nombre trop important de personnes à loger. Il suffit d’ouvrir les yeux, à Paris et ailleurs, pour voir des personnes provenant certainement de l’étranger qui, faute d’hébergement disponible, se retrouvent à la rue (M. Guy Benarroche et Mme Esther Benbassa le confirment et le déplorent.), ce qui oblige les départements – l’élu local que je suis connaît bien ce genre de situations – à réserver pour eux des chambres d’hôtel.
Or, pour 2023, nous empruntons 270 milliards d’euros ; nous allons franchir le cap des 3 000 milliards d’euros de dette. Pouvons-nous nous le permettre ? Je vous dis non… Cet amendement a beau être plein de bonne volonté, je vous appelle à voter contre, mes chers collègues : la politique n’est pas affaire de bonne volonté et d’idéologie ; la politique, ce sont des faits. (M. Jean-Yves Leconte proteste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le budget alloué à l’hébergement des demandeurs d’asile est déjà doté de 395 millions d’euros. Il s’agit ici de l’augmenter de 1,25 %, demande purement politique…. Le PLF pour 2023, fort de cette enveloppe, prévoit la création de 4 900 places dans le cadre du DNA,…
Mme Nathalie Goulet. Dernières Nouvelles d’Alsace ? (Sourires.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … le dispositif national d’accueil.
Je dis un mot sur les HUDA, en réponse au rapporteur spécial de la commission des finances. L’idéal serait que tous ceux qui en ont besoin soient hébergés dans un CAES ou dans un Cada, plutôt que d’avoir à recourir à l’HUDA, voire à des chambres d’hôtel. Reste qu’il est nécessaire de conserver l’HUDA en outre-mer – c’est là que porte l’effort – et pour traiter des sujets spécifiques et des difficultés particulières – je pense aux femmes isolées.
En parallèle de l’augmentation du nombre global de places dans le DNA, il faut clarifier – c’est absolument indispensable et je le fais avec plaisir – la part respective des CAES, de l’HUDA et des Cada. (Marques d’amusement sur plusieurs travées.) Quant à l’effort, je l’ai dit, il est réel !
Mme Nathalie Goulet. Assez d’acronymes, monsieur le ministre !
M. François Bonhomme. Il nous faut un guide !
M. André Reichardt. Un atlas !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-828 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° II-921 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
200 000 |
|
200 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
200 000 |
|
200 000 |
|
TOTAL |
200 000 |
200 000 |
200 000 |
200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° II-828.
M. Guy Benarroche. La politique, c’est aussi de la volonté, monsieur le rapporteur ! Si la volonté n’est pas politique, je ne sais pas ce qu’est la politique… (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
Par ailleurs, monsieur le ministre, gouverner c’est prévoir. Quand on se retrouve à dépenser beaucoup plus faute d’avoir prévu ce qui devait l’être, peut-on parler d’économies ? Les politiques actuelles nous coûtent beaucoup plus cher, en définitive, que si nous anticipions.
L’amendement n° II-828 vise à ouvrir les cours de français aux personnes étrangères exclues du parcours d’intégration du contrat d’intégration républicain, le fameux CIR. Le CIR est conclu entre l’État français et tout étranger non européen admis au séjour en France. Il offre un parcours personnalisé d’intégration, comprenant notamment une formation à la langue française.
Or certaines personnes étrangères présentes sur le territoire – elles y sont déjà : nul appel d’air d’aucune sorte dans ma proposition – mais non signataires du CIR ont besoin d’apprendre la langue française, ne serait-ce que pour s’insérer, pour éviter la précarité sociale et pour accéder à leurs droits. Cet amendement a donc pour objet, à titre expérimental, d’ouvrir l’accès à la formation linguistique à un public étranger non signataire du CIR.
À cette fin, nous proposons de gager l’augmentation de 200 000 euros des crédits de l’action n° 12 du programme « Intégration et accès à la nationalité française » sur une baisse équivalente des crédits de l’action n° 03 du programme « Immigration et asile ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° II-921.
Mme Éliane Assassi. Il vient d’être très bien défendu.
Mon groupe a toujours souligné que la connaissance de la langue française était l’une des conditions de l’intégration dans notre pays ; elle est d’ailleurs exigée par l’administration. Cette exigence sera au cœur du projet de loi sur l’immigration qui devrait être présenté au début de l’année 2023. Sans moyens mis en œuvre pour l’apprentissage de la langue, cette exigence peut devenir discriminatoire ou, pire encore, un facteur d’invisibilisation, voire d’exclusion, des étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je suis heureux que nous tombions d’accord : parler le français est l’une des conditions de l’intégration – à entendre certains propos, on pourrait en douter.
Le montant de la dotation proposée est de 200 000 euros : de nouveau, on est dans les bonnes intentions.
J’invite Mme Assassi à écouter ce que j’ai dit en ouverture de ce débat : rien d’insultant ni d’ostracisant dans mes propos. Je l’ai connue beaucoup moins idéologue lors des travaux de la commission d’enquête sur McKinsey…
Mme Éliane Assassi. Quel rapport ? C’est de la provocation !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je ne m’intéresse qu’aux faits : je me défends de l’idéologie. Lorsque j’évoquais le lien entre insécurité et immigration, je ne faisais que relever un fait, puisque tout le monde reconnaît ce lien, y compris le Président de la République et le ministre de l’intérieur.
Peut-être n’aurais-je pas dû évoquer Georges Marchais, paix à son âme ? Vous avez dû bien le connaître… (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Pas de provocation, monsieur le rapporteur spécial : quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Tous les étrangers en situation régulière et qui souhaitent s’installer durablement dans notre pays bénéficient, vous l’avez rappelé, de cours de langue dans le cadre du bien nommé contrat d’intégration républicaine.
Par contre, pour ce qui est des autres, votre proposition me semble soit en dehors de la loi soit satisfaite : un certain nombre d’associations financées par l’État s’occupent activement, entre autres, de donner des cours de français à ces personnes. Pourquoi créer des doublons, et ce, au surplus, d’une manière contestable ?
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-828 et II-921.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-922, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Régularisation des travailleurs sans papiers
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
1 |
|
1 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Régularisation des travailleurs sans papiers |
1 |
|
1 |
|
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je ne vais pas entrer dans la polémique avec M. Meurant. Pour ma part, je refuse catégoriquement que l’on fasse l’amalgame entre les migrants et la délinquance. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais ces propos sont inadmissibles. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Cet amendement vise à relayer une revendication qui ne plaira pas à tout le monde, celle qui est portée depuis une quinzaine d’années par les travailleurs et travailleuses sans papiers, dont beaucoup sont exploités. Leur lutte a mis en lumière un véritable système qui pousse à la clandestinité. Depuis l’automne 2021, trois grèves de travailleurs sans-papiers se sont succédé ; tous disent les conditions infernales dans lesquelles certains employeurs les font ou les ont fait travailler, y compris pendant la crise de la covid-19.
Décider de les régulariser, c’est ne pas fermer les yeux sur ce système qui, dans la clandestinité, s’arrange d’une armée de réserve. C’est aussi reconnaître leur apport à notre société et au marché du travail, et mettre en garde les patrons qui s’accommodent trop facilement de cette situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Il est défavorable.
Nous avons 5,5 millions de chômeurs – certes, ce chiffre est en baisse –, et la gauche et l’extrême gauche souhaitent régulariser les sans-papiers…
Il est assez étonnant de constater que cette partie de l’hémicycle se retrouve sur la ligne du grand capital, qui profite en effet de cette armée de réserve. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Éliane Assassi. Qui l’exploite !
M. Mickaël Vallet. Allez voir dans les cuisines des restaurants où vous dînez !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je citerai l’exemple de Mayotte : la moitié de la population, grosso modo, y est clandestine. De surcroît, une moitié de cette moitié est arrivée récemment sur l’île et pose d’infinis problèmes en matière de sécurité et d’accès à l’emploi, beaucoup de Mahorais étant à la recherche d’un travail.
J’aurais pu citer la Guyane ou d’autres départements. À propos de celui que je représente, le procureur général parlait, à la rentrée de septembre, de « seine-saint-denisation », ce qui n’était pas exactement un qualificatif positif dans sa bouche.
Mmes Éliane Assassi et Marie-Claude Varaillas. C’est honteux pour Mayotte et c’est honteux pour la Seine-Saint-Denis !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Il s’agit, selon l’expression consacrée, d’un amendement d’appel.
Par respect pour le travail à venir du Gouvernement et du Parlement sur le projet de loi relatif à l’immigration qui sera déposé courant décembre, je vous propose d’ajourner ce débat. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. On verra ce que vote M. Meurant sur ce texte !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. J’émets donc, à ce stade, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, il ne serait sans doute pas inutile de ne pas attendre la prochaine loi pour que toutes les préfectures puissent au moins recevoir les demandes d’admission exceptionnelle au séjour. Le simple dépôt de ces demandes est rendu parfois impossible par la situation de certaines préfectures.
Rappelons que la régularisation permet à une personne qui travaille et qui cotise sans bénéficier des droits afférents de revenir dans le droit commun.
La régularisation est le meilleur moyen d’éviter le dumping des salaires ; elle permet d’assurer l’égalité, mais aussi la croissance économique indispensable à notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. La circulaire Valls le permet déjà !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. J’ajoute aux propos de mon collègue Jean-Yves Leconte qu’en cette période de tension dans certaines professions il serait adéquat de régulariser davantage de personnes pouvant assumer des fonctions dans ces secteurs.
M. Jérôme Bascher. Ce ne sont pas ceux-là qui viennent ! (M. François Bonhomme renchérit.)
Mme Esther Benbassa. Pourquoi tenir toujours le même discours de rejet des migrants alors que l’on a tant besoin d’eux dans certaines professions ?
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
Mme Éliane Assassi. Nous avons voté contre, mais pas pour les mêmes raisons !
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Pouvoirs publics
Conseil et contrôle de l’État
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. Michel Canévet applaudit.)
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit qu’une mission spécifique regroupe les crédits alloués sous forme de dotations aux pouvoirs publics, pour lesquels le juge constitutionnel a rappelé le principe d’autonomie financière, qui relève de la séparation des pouvoirs.
Les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics », confrontées à des exigences croissantes d’efficacité et d’exemplarité, participent à l’effort de redressement des comptes publics, puisque, depuis plus de dix ans, leurs dotations ont progressé d’un montant nettement inférieur à celui de l’inflation constatée sur la même période.
Pour autant, en 2023, il est prévu d’augmenter cette dotation, bien que de manière modérée. Ainsi, dans le contexte inflationniste que nous connaissons, et en raison de la volonté des différentes institutions de préserver un niveau élevé d’investissements, le montant total des dotations consacrées aux pouvoirs publics augmente de 2,76 % par rapport à 2022, pour s’établir à un peu plus de 1 milliard d’euros.
Concernant tout d’abord la présidence de la République, après trois années de stabilité, la dotation augmente de 4,9 % et s’élève à un peu plus de 110 millions d’euros.
Parmi les faits notables, je signale qu’après un ralentissement constaté au cours de la période du covid-19 les dépenses de la présidence de la République font face à la reprise de l’activité internationale et, comme nous le verrons pour les autres institutions, à des dépenses de fonctionnement soumises à la forte inflation actuelle. Malgré cela, la présidence de la République souhaite maintenir ses investissements – nos interlocuteurs nous l’ont rappelé lors de nos auditions, en particulier Patrick Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République –, notamment en matière de sécurité informatique ou d’économie d’énergie.
Je pense en particulier au projet de géothermie qui est en cours de déploiement dans les jardins de l’Élysée – celles et ceux qui les fréquentent assidûment pourront y jeter un œil. (Sourires.) D’un montant de 1,4 million d’euros, ce projet devrait permettre de réduire de 80 % les émissions de CO2 de l’Élysée.
Concernant, à présent, les dotations des assemblées parlementaires, la hausse octroyée cette année est de 3,35 % pour l’Assemblée nationale et de 2,28 % pour le Sénat. Les dotations s’élèvent ainsi respectivement à 571 millions d’euros et à 346 millions d’euros.
J’évoquerai principalement le budget du Sénat, dont les dépenses augmentent de 1,18 %. Les charges de fonctionnement augmentent de 6 %, pour les deux tiers en raison de l’inflation et pour un tiers du fait du renouvellement sénatorial de 2023. Quant à l’effort d’investissement, après une année où il a été exceptionnellement élevé – 33 millions d’euros –, il est ramené à 17,25 millions d’euros, soit une baisse de 48 %. Il servira à financer des projets d’envergure tels que la restauration des façades et des couvertures des pavillons situés à l’est du palais.
Pour ce qui est des chaînes parlementaires, leur budget augmente légèrement, de 0,6 %, celui de LCP-Assemblée nationale s’inscrivant en hausse de 1,2 % et celui de Public Sénat étant reconduit à l’identique.
Terminons par le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.
Le Conseil constitutionnel voit certes son enveloppe se réduire de 16,71 %, pour s’établir à 13,3 millions d’euros, mais cela fait suite à une forte augmentation l’année dernière en raison des élections présidentielles. Les moyens consacrés au contrôle des normes représentent 62 % de la dotation et sont en augmentation par rapport à l’année dernière, ce qui semble cohérent au moment où se déploie le portail de référence de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Concernant, pour finir, la Cour de justice de la République, sa dotation, qui est de 984 000 euros, est identique à celle de l’an passé. L’été 2021 avait été marqué par un nombre de plaintes sans précédent : en raison de la crise du covid-19 et des opérations groupées menées par certains cabinets d’avocats, plus de 20 000 plaintes avaient été enregistrées. Depuis 2022, le phénomène s’est nettement ralenti, le nombre de plaintes s’élevant à 349 depuis le 1er janvier 2022.
Au vu de ces éléments, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. Jérôme Bascher applaudit.)
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en masse budgétaire, la mission « Conseil et contrôle de l’État » est une petite mission, puisque les crédits demandés pour 2023 s’élèvent à 817 millions d’euros. Elle n’en demeure pas moins d’une importance fondamentale pour notre État de droit.
Dès lors qu’elle est composée essentiellement des crédits des juridictions administratives et financières, l’efficacité du contrôle des actes de la puissance publique dépend de la dotation de cette mission. Celle-ci doit être suffisante et adaptée aux enjeux contemporains, notamment aux volumes contentieux, qui ne tarissent pas, tant s’en faut. Il apparaît ainsi que la mission est intrinsèquement liée à l’exercice des fonctions régaliennes de l’État.
Le budget du Conseil économique, social et environnemental (Cese) relève également de cette mission, mais ne représente que 5 % des crédits. Pour l’année 2023, l’enveloppe allouée à la participation citoyenne est de 4,2 millions d’euros, notamment destinée à l’organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie. Je tiens à saluer l’internalisation en cours des procédures de participation citoyenne, qui devrait permettre d’en diviser les coûts par deux. Cela illustre une nouvelle fois l’efficacité de l’État, à moindre coût, par rapport aux cabinets de conseil, déjà mise en lumière par les travaux de la commission d’enquête du Sénat.
Si les crédits sont en hausse de 8,5 % par rapport à l’an passé, cette augmentation, corrigée de l’inflation, n’est en réalité que de 4 %, soit du même ordre que celle qui avait été prévue dans la loi de finances pour 2022.
En effet, l’inflation et la crise énergétique n’épargnent pas le budget de la mission « Conseil et contrôle de l’État », avec plus de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement pour la consommation énergétique des juridictions administratives, contre 2 millions d’euros en 2022.
Par ailleurs, le volume de la mission est largement tributaire des moindres variations qui peuvent affecter les dépenses de personnel, lesquelles représentent 81 % des crédits demandés.
Pour 2023, ces dépenses sont mécaniquement accrues sous l’effet de la hausse de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique.
Pour les juridictions administratives, cette revalorisation du point d’indice représente un coût de 10,9 millions d’euros en année pleine. Pour les juridictions financières, dont les effectifs sont moins nombreux, cette augmentation représente 4,4 millions d’euros en année pleine.
Une revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers a également été décidée pour maintenir l’attractivité financière de ces corps par rapport au nouveau corps des administrateurs de l’État, issu de la réforme de la haute fonction publique. Concrètement, la revalorisation équivaut à quelque 8 000 euros annuels pour les magistrats du premier grade et 6 000 euros annuels pour ceux du deuxième grade.
L’alignement des traitements est d’autant plus nécessaire que l’obligation de mobilité a été accrue pour les magistrats administratifs et que cette dernière n’est pas identique dans toutes les administrations de l’État.
Pour la haute fonction publique, la mobilité au sein des ministères consiste à passer d’une rue à l’autre du VIIe arrondissement de Paris. (M. Jérôme Bascher s’esclaffe.) Pour les magistrats, la mobilité consiste à changer de région, avec toutes les conséquences que cela implique pour la vie familiale.
Vous le voyez, mes chers collègues, derrière la hausse des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » se cachent des femmes et des hommes, essentiellement des magistrats administratifs et financiers, qui pourront exercer au mieux les missions de service public qui leur sont confiées.
C’est la raison pour laquelle, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. Jérôme Bascher applaudit.)
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » connaît cette année un rétrécissement attendu de son périmètre, puisque l’un de ses trois programmes a été supprimé, la présidence française de l’Union européenne s’étant achevée le 30 juin 2022.
Corrigée de cette importante mesure de périmètre et de l’inflation, l’augmentation des crédits de la mission est de 3,5 % en crédits de paiement et de 9 % en autorisations d’engagement. Il s’agit d’une hausse non négligeable, qui doit néanmoins être relativisée, puisqu’elle ne représente, en valeur absolue et hors inflation, que 30 millions d’euros en crédits de paiement et 73 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Ces nouvelles dépenses semblent en outre justifiées, puisqu’elles reflètent la priorité accordée par le Gouvernement à la cybersécurité et, dans une moindre mesure, à l’écologie, deux enjeux dont l’actualité ne cesse de nous rappeler l’importance.
Le nombre de cyberattaques touchant aussi bien l’État que des collectivités territoriales, des entreprises ou des hôpitaux – on l’a vu récemment à l’hôpital de Corbeil-Essonnes –, a en effet triplé en seulement deux ans. Dans ce contexte, le renforcement des moyens alloués à la cybersécurité apparaît nécessaire afin de mieux prévenir ces attaques et d’aider les organismes touchés à y faire face. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) bénéficiera ainsi en 2023 d’un schéma d’emplois de 46 ETP supplémentaires, ainsi que d’une nouvelle dotation de 25 millions d’euros qui lui permettra d’acquérir de nouveaux locaux à Rennes.
L’écologie est le second enjeu justifiant la hausse des crédits alloués à la mission « Direction de l’action du Gouvernement », avec la création du secrétariat général à la planification écologique, dont les moyens sont définis par le présent projet de loi.
Ce nouveau secrétariat est placé directement sous l’autorité de la Première ministre, ce qui témoigne de la prise de conscience de la nécessité d’inscrire l’écologie comme une priorité transversale de l’action publique. Il aura pour mission d’assurer la coordination interministérielle de l’ensemble des politiques publiques visant à assurer la transition écologique du pays et il disposera pour ce faire de l’appui d’une équipe de 15 ETP et d’un budget de fonctionnement de 500 000 euros en 2023. Cela peut sembler peu au regard de l’immensité de la tâche que représente la planification écologique d’un pays de 68 millions d’habitants, mais nous attendons de ce secrétariat qu’il monte en puissance ces prochaines années afin de tenir la promesse de « faire de la France une grande nation écologique ».
Je terminerai mon propos par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Ce budget annexe tire principalement ses ressources des recettes d’annonces légales, qui dépendent fortement de l’activité économique. Pour cette raison, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hypothèse de recettes prudente, à hauteur de 167 millions d’euros, soit une baisse de 7 millions d’euros par rapport aux recettes estimées pour l’année 2022. Malgré cette prévision prudente, le budget annexe devrait dégager en 2023 un nouvel excédent, estimé à 14 millions d’euros, grâce notamment à la maîtrise renouvelée des dépenses de personnel.
À la lumière de ces différentes observations, la commission vous propose d’adopter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avis que nous allons vous présenter, mon collègue Mickaël Vallet et moi-même, sur les crédits du programme 129 porte sur la coordination de la sécurité et de la défense, et plus précisément sur la cyberdéfense et les stratégies d’influence, que le Président de la République vient d’élever au rang de nouvelle fonction stratégique lors de son récent discours de Toulon.
L’enjeu de la guerre informationnelle, que j’avais mentionné lors des débats sur la loi de programmation militaire (LPM) en 2018, est enfin pleinement reconnu, et je m’en félicite.
J’avais salué, l’an dernier, la création de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, mais je reste circonspect en observant le champ restreint de ses missions, qui s’arrêtent à la caractérisation de situations d’ingérence et de désinformation, sans faculté d’intervenir dans la réponse ou la contre-attaque. Nous sommes loin de Taïwan, qui répond à une désinformation en deux heures et 200 mots.
J’espère que l’impulsion donnée par la revue nationale stratégique sera de nature à rendre plus efficaces nos actions de contre-ingérence.
La passivité est une erreur qui nous a coûté très cher. Je parle de l’opération de désinformation dont l’armée française a été victime dans l’affaire de Bounti au Mali en janvier. Les leçons en ont été tirées ; l’efficace riposte pour déjouer le stratagème de Wagner à propos du charnier de Gossi l’a démontré. Il nous faut maintenant assumer une posture plus offensive, y compris dans le domaine de la cybersécurité.
Un nouvel ordre de bataille s’impose, car les menaces de cybersécurité croissent suivant un rythme exponentiel. L’augmentation, cette année comme les précédentes, des moyens humains et budgétaires du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) doit être saluée, quoiqu’elle n’ait pas permis de ralentir la progression des attaques contre les services publics, les collectivités territoriales et les établissements de santé.
Nos capacités techniques, notamment l’expertise de l’Anssi, sont reconnues par nos partenaires. Mais allons-nous nous contenter de regarder chaque année le compteur s’affoler et tendre l’autre joue lorsque les hackers auront paralysé un hôpital de plus ?
Nos principaux partenaires, américains et britanniques, ont compris qu’aller entraver les cybercriminels sur leur terrain, c’est aussi prévenir les attaques avant qu’elles n’arrivent et ainsi pratiquer une forme de dissuasion numérique.
Je formule donc la proposition que nous nous dotions d’une stratégie offensive face aux cyberattaques et d’un directeur national de la cybersécurité, mais aussi que nous nous coordonnions avec nos principaux partenaires, car il s’agit d’un combat sans frontières.
Pour conclure, je voudrais insister sur deux points.
Il est nécessaire tout d’abord de continuer à former tous les acteurs de la cybersécurité, à commencer par les simples utilisateurs, et de responsabiliser les gestionnaires de collectivités ou d’administrations, auxquels incombe une obligation de suivi des recommandations en matière de sécurité informatique comme en matière de sécurité incendie.
Il faut ensuite alerter sur la nocivité du paiement des rançons : ceux qui sont contraints de payer pour sauver leur entreprise doivent savoir qu’ils contribuent au financement du terrorisme.
J’émets un avis favorable sur l’adoption de ce volet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Olivier Cadic vient d’exposer les aspects « macro » du sujet de la cyberdéfense tel qu’il est traité dans le cadre du programme 129. Je me concentrerai pour ma part sur les menaces du quotidien qui pèsent sur les citoyens, les entreprises et les collectivités.
Si nous faisons de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr un baromètre, nous constatons qu’elle a enregistré 2,5 millions de visiteurs en 2021, soit 101 % de plus en un an. Les grandes menaces demeurent l’hameçonnage, le piratage de compte et le rançongiciel.
En revanche, nos points de vigilance évoluent d’une année à l’autre. Je tiens ici à mettre en lumière la nécessité absolue de faire monter en gamme la sécurité informatique et la résilience dans les systèmes de santé, mais aussi de prendre conscience des faiblesses identifiées dans les outre-mer.
En effet, lorsque le système informatique de l’hôpital de Corbeil-Essonnes se trouve paralysé par une attaque au rançongiciel, le véritable préjudice n’est pas le coût de la rançon – 10 millions d’euros –, qu’un établissement hospitalier public est de toute façon dans l’incapacité de payer, mais bien l’atteinte portée à notre sécurité nationale.
La paralysie de tout un hôpital impose en effet de rediriger les patients vers d’autres établissements, avec le risque de perte de chances thérapeutiques que cela implique. Ce risque devient majeur dans les outre-mer : imaginez, mes chers collègues, une neutralisation du centre hospitalier dans une collectivité d’outre-mer, sans possibilité de redéploiement des lits à proximité…
Nous alertons par conséquent sur la nécessité de pérenniser et d’améliorer les nouveaux outils mis en œuvre dans le cadre du plan France Relance.
La fin de ce plan pose en particulier la question de la pérennité des centres de réponse à incidents (CSIRT, Computer Security Incident Response Teams) régionaux et sectoriels. Signalons que douze régions métropolitaines sur treize se sont inscrites dans le programme, la seule exception étant la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Se pose aussi la question de la montée en puissance des centres de réponse sectoriels, en outre-mer comme en métropole, vers la sécurisation et la labellisation des moyens informatiques du secteur de la santé, des collectivités territoriales et de l’industrie. Il s’agit de missions prioritaires vers lesquelles les moyens du plan de relance qui n’ont pas encore été engagés ainsi que les crédits dégagés pour 2023 doivent être fléchés.
Enfin, il est proposé que la plateforme numérique cybermalveillance.gouv.fr se transforme en un véritable centre d’appel apte à traiter les incidents de premier niveau et à rediriger les cas les plus graves vers des prestataires locaux ou vers l’Anssi.
Quand il y a le feu, on a le réflexe d’appeler le 18 ; les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) disposent de la compétence en matière de traitement des appels. Les incidents de cybersécurité pourraient faire l’objet d’une expertise coordonnée impliquant l’Anssi, le groupement d’intérêt public Action contre la cybermalveillance (GIP Acyma) et les régions qui ont mis en place des centres de réponse.
Pour résumer, nous approuvons l’augmentation des moyens de ce programme, non sans pointer certaines urgences et autres failles à combler. J’émets comme mon collègue un avis favorable sur l’adoption de ce volet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Mme Isabelle Briquet applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenter trente-cinq pages et six budgets en trois minutes n’a pas de sens. Je le dis chaque année !
Je tiens également à informer le Sénat que M. le directeur de cabinet du Président de la République a refusé, pour la troisième année consécutive, de recevoir votre rapporteur pour avis, pour des raisons que j’ignore… (MM. Jérôme Bascher et Mickaël Vallet, rapporteur pour avis, s’en amusent.)
Les crédits de la présidence de la République augmentent de 4,9 %, mais les dépenses de fonctionnement progressent de 18 millions d’euros, soit une hausse de 12,61 %, nettement plus que l’inflation.
Si les augmentations proposées pour les dépenses relevant de la sécurité du Président de la République nous paraissent tout à fait pertinentes et justifiées, le reste apparaît beaucoup plus flou. Le rapport qui nous a été adressé par la présidence de la République évoque « un recalibrage réaliste devenu indispensable, permettant de faire face aux coûts de gestion courante », une absconse langue de bois qui nous laisse dans l’incertitude.
Les dépenses du Conseil constitutionnel baissent – c’est très bien –, mais c’est surtout parce qu’il n’y aura ni présidentielles ni législatives, du moins en principe, l’année prochaine.
Je salue l’initiative prise par le Conseil d’établir une base de données recensant plus de 1 000 QPC étudiées par ses soins.
Je crois bon par ailleurs de mentionner le vote par lequel le Sénat, l’an dernier, par 322 voix sur 348, s’est prononcé en faveur de la ratification expresse des ordonnances par le Parlement ; nous avons tenu à rappeler ce principe aux Sages du Conseil constitutionnel.
Enfin, pour ce qui est de la Cour de justice de la République, il n’y a pas grand-chose à dire, sinon qu’elle a enregistré en un an 20 119 recours en lien avec le covid-19, dont 98 % provenaient d’un seul avocat qui a diffusé une plainte prérédigée sur internet. Cette procédure, qui intéresse aussi l’ordre des avocats, pose incontestablement problème.
En conclusion, la commission des lois vous propose de voter ces crédits, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois est saisie pour avis des programmes 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2023 au titre de ces deux programmes sont en augmentation de 9 % ; le schéma d’emplois est en hausse également, avec 41 équivalents temps plein supplémentaires pour les juridictions administratives et 5 équivalents temps plein supplémentaires pour la Cour des comptes.
Les juridictions administratives ont été confrontées en 2021 à une forte recrudescence du nombre des affaires reçues. Dans les tribunaux administratifs, ce nombre a dépassé de près de 4,5 % celui, déjà exceptionnellement élevé, de l’année 2019.
Parallèlement, le nombre d’affaires en instance enregistrées depuis plus de deux ans a progressé dans les deux niveaux de juridiction et le stock des dossiers en première instance s’est accru de 5 %.
Dans ces conditions, la programmation pluriannuelle, qui prévoit la création de près de 200 emplois au bénéfice des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel d’ici à 2027, est bienvenue. Elle ne doit toutefois pas masquer les importantes difficultés de gestion qui s’annoncent en raison de la réforme de la haute fonction publique – en particulier, des obligations de mobilité renforcées s’imposeront désormais aux magistrats administratifs.
Par ailleurs, la commission des lois a estimé qu’une attention particulière devait être portée à l’organisation et au fonctionnement des services chargés de rendre les ordonnances de tri ou, pour les cours administratives d’appel, les ordonnances rejetant les requêtes « manifestement dépourvues de fondement », compte tenu des volumes de dossiers qu’ils traitent et des conséquences d’une telle orientation pour le justiciable.
En 2021, ce traitement par ordonnance a concerné en moyenne 20 % des dossiers portés devant les tribunaux administratifs et 38 % des dossiers traités devant les cours administratives d’appel.
Or les services chargés de rendre de telles ordonnances reposent souvent sur le travail d’assistants de justice et de vacataires à la décision, qui, compte tenu de leur statut, sont formés en peu de temps et fréquemment renouvelés. À cet égard, la supervision d’un magistrat expérimenté semble nécessaire.
De ce fait, il ne semble pas satisfaisant de s’en remettre au seul contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d’État en cas de pourvoi ; certains justiciables peuvent en effet renoncer à cette voie de recours en raison de l’obligation de prendre un avocat aux conseils.
Le métier d’agent de greffe a quant à lui fortement évolué au cours des dernières années. Il recouvre de nombreuses fonctions, est mal connu et de nombreux postes sont pourvus non au titre de la mobilité statutaire, mais par un recours accru aux agents contractuels ou vacataires de longue durée. Il est donc important de donner des suites concrètes, en 2023, au rapport du groupe de travail sur l’avenir des greffes.
Pour ce qui concerne les juridictions financières, l’absence de moyens humains supplémentaires alloués aux chambres régionales et territoriales des comptes fait naître des inquiétudes quant à leur capacité à assumer leur rôle en matière de contrôle de la régularité des comptes et de lutte contre les atteintes à la probité au niveau local, et à nourrir par des déférés la chambre du contentieux de la Cour des comptes.
Le périmètre des compétences de ces juridictions s’est étendu de manière importante au cours des dernières années et le nombre des organismes soumis à leur contrôle s’est multiplié. En 2023 viendront s’y ajouter les nouvelles missions d’évaluation des politiques publiques territoriales.
Par ailleurs, le régime de responsabilité étant désormais répressif et ne visant que les fautes de gestion les plus graves, il devra reposer sur des contrôles plus minutieux demandant des compétences techniques plus fines.
Le projet de loi de finances pour 2023 fait enfin évoluer les indicateurs de performance du programme. J’aborderai cette question tout à l’heure, lors de la présentation de l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission des lois.
M. le président. Il faut conclure !
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois. En conclusion, monsieur le président, la commission des lois a rendu un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes 165 et 164, sous réserve de l’adoption de son amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » est principalement composée de deux programmes.
Le programme 129 représente 86 % des crédits ; la légère croissance de ce budget – notre rapporteur spécial l’a indiqué – est largement justifiée par le contexte sécuritaire et technologique.
Le programme 308 est celui qui dote en crédits les autorités administratives indépendantes ; il faut accompagner l’élargissement du périmètre de leurs missions et, compte tenu du fonctionnement de l’administration, l’ampleur nouvelle des tâches qui leur sont confiées.
Concernant le programme 129, je citerai, parmi les nouveautés de l’année, la mise en place du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), pour lequel le PLF prévoit la création de 15 ETP ; la montée en puissance de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), chargée d’évaluer et d’encadrer l’évolution de la haute fonction publique et dont les besoins croissent eu égard à la réforme engagée en la matière ; le renforcement nécessaire du Haut Conseil pour le climat ; les moyens supplémentaires alloués au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) en vue d’améliorer le suivi des crédits européens consommés dans le cadre du plan de relance et de renforcer, sur la base d’un tel reporting, notre capacité d’absorption de ces fonds.
J’émettrai une réserve sur les ETP qui sont alloués au Haut-Commissariat au plan et au Conseil national de la refondation (CNR) – vous savez ce que le Sénat en pense, monsieur le ministre.
En matière de cybersécurité, question déjà largement évoquée, la lutte contre les fausses informations et le nouveau cadre légal du renseignement exigent d’accorder des moyens complémentaires au groupement interministériel de contrôle (GIC) et à l’Opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés (Osiic), ainsi qu’au Viginum. Il est bon, en effet, d’identifier les fake news et les actes inamicaux ; il serait mieux d’être en mesure de les entraver et d’y apporter des réponses adéquates. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Concernant le programme 308, les périmètres ont beaucoup évolué ces derniers temps. L’année 2022 a été marquée par la naissance de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), issue de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).
La Défenseure des droits a besoin de moyens complémentaires pour traiter les réclamations qu’elle reçoit concernant l’accès au droit ou la dématérialisation des démarches administratives, mais aussi pour former et accompagner des délégués territoriaux.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui joue un rôle absolument essentiel, là encore, dans notre adaptation aux enjeux actuels, est sous tension compte tenu de la croissance du nombre de plaintes. Je note que son budget est de 25 millions d’euros, à mettre en regard avec le montant total des amendes qu’elle prononce, 214 millions d’euros – oui, la Cnil parvient à sanctionner – qui abondent le budget de l’État.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) joue elle aussi un rôle indispensable, en particulier pour identifier et lutter contre les atteintes au droit au respect de la dignité en rétention.
Enfin, la mise en place du nouveau cadre légal applicable à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) nécessite également des moyens complémentaires.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter les crédits de cette mission.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’attarderai, au sein de la mission « Pouvoirs publics », sur les dépenses de la présidence de la République, qui me paraissent de nature à légitimer les demandes que nous formulons pour nos concitoyens et pour les collectivités territoriales.
Dans ce projet de budget, les crédits de la présidence de la République augmentent plus vite que l’inflation, qui est estimée, pour l’année 2023, à 4,2 %. La dotation de la présidence croît ainsi de 5,5 millions d’euros quand, dans le même temps, les dotations des collectivités plafonnent, leur augmentation étant de deux fois inférieure – c’est une augmentation en trompe-l’œil, car en deçà de l’inflation.
M. André Reichardt. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Les dépenses élyséennes augmentent de 3,9 %, soit davantage que les 3,5 % accordés aux fonctionnaires du pays.
Quant aux dépenses de fonctionnement, pour lesquelles les collectivités territoriales se voient imposer un régime sec au travers du retour, par une voie déguisée, des contrats de Cahors, avec reprises financières à la clé, la présidence augmente les siennes de 12,61 %.
À juste titre, le rapporteur spécial souligne que cette hausse est la traduction budgétaire de l’inflation des dépenses générales – fluides énergétiques, denrées alimentaires, matériaux de rénovation, etc.
Il est plus surprenant de constater qu’à cette envolée des dépenses de fonctionnement participe l’évolution des outils informatiques et, singulièrement, des opérations de maintenance préventive, plus nombreuses et plus coûteuses.
Si nous dénonçons ces dépenses, leur nature n’est pas en cause – j’y insiste –, car nous approuvons bien évidemment la nécessaire lutte contre la cybercriminalité, notamment : nous dénonçons les conditions de réalisation de ces dépenses et, en particulier, l’augmentation du recours à des contractuels et à des entreprises extérieures pour assurer des missions régulières.
Ce recours accru ne doit pas être motivé par des raisons strictement budgétaires : il doit au contraire relever uniquement de la stricte nécessité.
Un plan de performance, qui concerne notamment les dépenses de déplacement, est prévu pour nous rassurer. Alors que leur montant était l’année passée de 7 millions d’euros, un journal observe à juste titre que l’usage des engins de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration n’est plus notifié dans les documents budgétaires, sûrement pour économiser quelques lignes de papier, gage de la sobriété que l’exécutif s’applique à lui-même, comme il l’applique sans détour aux citoyennes et citoyens du pays… (Sourires.)
Il est plus qu’indispensable que les services de l’État, au premier rang desquels la présidence de la République, s’adaptent à la demande de transparence formulée par les citoyens et par les élus, afin de concrétiser une ambition d’exemplarité.
Je dirai un mot, tout de même, sur le budget alloué au Conseil constitutionnel, qui lui aussi est en baisse cette année. Nous avons du mal à comprendre pour quelles raisons la dotation pour dépenses de fonctionnement diminue cette année de près d’un tiers par rapport aux crédits exécutés en 2021, 2 millions d’euros contre 3,6 millions d’euros. Le Conseil constitutionnel n’a-t-il plus de locaux à chauffer ni d’agents à nourrir ?
La situation de cette institution est intéressante, car elle illustre un phénomène commun à l’ensemble des juridictions : le nombre de dossiers augmente, mais les moyens humains ne suivent pas ou peu.
Les questions prioritaires de constitutionnalité, dont le volume connaît une progression constante depuis plusieurs années, sont un signe de démocratisation du droit constitutionnel. L’initiative prise par le Conseil constitutionnel en 2021 et consistant à déployer un système d’information de la QPC est louable, car ce portail permettra d’améliorer l’information des citoyens sur les décisions prises par l’institution.
Ce budget en demi-teinte est marqué par l’iniquité entre les crédits alloués à la présidence de la République et le sort réservé à l’administration centrale du pays, aux autres échelons de la puissance publique et, surtout, à nos concitoyennes et concitoyens ; nous ne pouvons donc que nous abstenir sur les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous parlerai moi aussi de cybercriminalité.
On ne compte plus les cyberattaques, nous en avons beaucoup parlé ce matin. La filière cyber a été renforcée par l’augmentation du nombre de gendarmes et de policiers cyberpatrouilleurs – c’est une bonne chose. Tracfin a aussi développé une cellule spécialisée dans la délinquance financière liée aux crypto-actifs.
Le 23 novembre dernier, le Parlement européen a subi une attaque informatique peu après l’adoption d’un texte concernant la Russie.
Si, comme dirait le doyen Badinter, les notables vieillissants confondent leurs discours avec leurs souvenirs, j’évoquerai pour ma part le cas désagréable, révélé dans un article du Sunday Times, des attaques et du piratage qu’ont subis mes comptes et ma boîte Gmail de la part du Qatar.
À ce jour, je n’ai reçu aucun appel du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères. J’ignore également si ma boîte Sénat a été piratée, ce qui est, derechef, assez désagréable. J’espère évidemment que la justice fera toute la lumière sur cette affaire.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur les problèmes liés aux crypto-actifs. Le ministre de l’économie et des finances a souhaité faire de la France une plateforme favorable aux cyberactifs. Je ne sais si la faillite de la plateforme FTX a ralenti ses élans, mais il me semble nécessaire de mettre le paquet sur la formation des cadres et des dirigeants quant à cette question spécifique des crypto-actifs, car j’ai le sentiment que personne n’y est vraiment préparé.
Il faut faire de la cybercriminalité une grande cause nationale. Le 23 novembre dernier, l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité a rendu un rapport sur les investissements des entreprises « essentielles », autrement dit les entreprises qui fournissent des services dont l’interruption par une cyberattaque de grande envergure pourrait gravement perturber l’économie, les prestataires numériques et la société de manière générale.
Ces entreprises ont dépensé pour leur protection 4 millions d’euros en 2021, contre 10 millions d’euros en 2020. Il y a là un problème ! Toutes ces questions sont liées, car un investissement moindre dans les mesures de lutte contre la cybercriminalité peut coûter très cher.
Le rapporteur spécial pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement » souligne par ailleurs la nécessité, pour le SGPE – voyez, mes chers collègues, je me laisse moi-même prendre au piège des acronymes ! (Sourires.) –, de faire preuve d’un « solide discernement dans le recours à des cabinets de conseil privés, a fortiori sur un sujet aussi sensible que la transition écologique ».
Cet avis est intéressant ; il prend en compte l’excellentissime travail de notre commission d’enquête sur les cabinets privés. Et j’espère que pour aider ce secrétariat général à faire preuve de discernement le Gouvernement fera mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, comme il s’y est engagé, la proposition de loi sur les cabinets privés qui a été votée au Sénat.
Par ailleurs, il existe encore beaucoup de comités Théodule ; on ne doute pas du tout qu’ils vont magnifier l’action publique… (Sourires.) Haut Conseil pour le climat, secrétariat général à la planification écologique, etc., tout cela dénote un manque de cohérence et probablement de coordination. En tout état de cause, le rapporteur spécial émet des doutes à ce sujet.
Il faudra juger dans la durée l’action de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, la Diese, créée par décret du 24 décembre 2021 et chargée du vivier des cadres dirigeants supérieurs de l’État.
À ce sujet, je m’interroge, monsieur le ministre : comment ce travail s’articule-t-il avec la casse de la haute fonction publique, notamment diplomatique, et la disparition, un lundi de Pâques, du corps diplomatique et des grands corps de l’État ?
Il faut savoir ce que l’on veut ! Vous ne pouvez pas à la fois former des viviers et casser les outils. J’y vois pour ma part une incohérence, sauf à placer dans lesdits viviers les recalés du suffrage universel…
M. André Reichardt. Oh !
M. Mickaël Vallet. À l’OCDE !
Mme Nathalie Goulet. Notamment ! (Sourires.)
Enfin, que penser de l’augmentation des budgets consacrés à la participation citoyenne ?
Il n’y a rien de mal dans la promotion de la participation citoyenne, sinon qu’elle finit, au bout du compte, par détourner les véritables sujets du Parlement.
Les participations citoyennes et le CNR, Conseil national de la refondation, à moins qu’il ne s’agisse de reconstruction ou, après tout, de ce que vous voulez, sont un moyen supplémentaire de procrastiner et de détourner les sujets de la décision des parlementaires ; ce n’est pas une bonne méthode de travail.
J’y insiste, ces sujets sont importants. Nous voterons néanmoins les crédits de cette mission.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention, comme l’ont fait mes collègues, sur les questions de cybercriminalité, mais surtout sur le besoin de cohérence en ce qui concerne la formation de notre haute fonction publique et le respect qui lui est dû, et qui est dû notamment à nos diplomates. La fin du corps diplomatique me semble à cet égard une erreur absolument fondamentale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Sueur, Mickaël Vallet et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, pour faciliter l’organisation de nos débats, la commission des finances demande l’examen séparé des amendements nos II-1082, II-1062, II-1077 et II-391, sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.
Mme la présidente. Je suis saisie par la commission des finances d’une demande d’examen séparé des amendements nos II-1082, II-1062, II-1077 et II-391, sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Pouvoirs publics (suite)
Conseil et contrôle de l’État (suite)
Direction de l’action du Gouvernement (suite)
Budget annexe : Publications officielles et information administrative (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons bientôt au terme de ce marathon budgétaire. Les missions qui nous occupent à présent sont assurément moins difficiles et moins débattues que d’autres, d’autant que leurs budgets sont relativement constants. Il n’empêche qu’elles traduisent, elles aussi, certaines tendances de nos politiques publiques.
Les montants annoncés de la mission « Pouvoirs publics » sont en légère hausse, pour répondre au contexte inflationniste.
Ce constat vaut pour toutes les institutions, présidence de la République, Sénat et Assemblée nationale. C’est une bonne chose, même si nous pourrons toujours regretter des imprécisions dans les crédits demandés, en particulier lorsqu’il est question de dépenses de fonctionnement.
J’observe qu’il est de plus en plus tenu compte de la performance énergétique des bâtiments – cela vaut aussi pour le palais du Luxembourg –, à l’heure de la lutte contre les passoires énergétiques ; nous y sommes vigilants.
Quoi qu’il en soit, le budget de cette mission est relativement stable et sans vagues. Dans des périodes où certains croient qu’il faudrait tout renverser, tout bouleverser, dans la précipitation, et ce sans même avoir de véritable perspective, on ne se plaindra pas d’observer un peu de stabilité dans nos institutions.
Nous ne pouvons qu’être satisfaits également des projections qui sont faites concernant la mission « Direction de l’action du Gouvernement », et en particulier son volet numérique.
Comme l’ont montré nos travaux, les crédits de cette mission sont en hausse, nonobstant les modifications de son périmètre ; la hausse principale va au renforcement des effectifs alloués à la cybersécurité et à la protection des données personnelles.
C’est l’occasion pour moi de dire mon inquiétude sur tous ces sujets. Certes, je suis d’une génération qui n’est pas toujours très au fait des dernières avancées technologiques : il est vrai que je préfère le papier aux écrans, le livre aux tablettes et le stylo à l’index. Toujours est-il qu’avec le développement de ces nouveaux outils je comprends bien qu’il faille faire face à une hausse constante des cyberattaques, lesquelles touchent directement les intérêts de l’État et de notre Nation.
Lors de l’examen de la mission « Sécurités », nous étions unanimes à reconnaître l’importance de renforcer les moyens de la lutte contre la cybercriminalité. Je me réjouis donc qu’elle fasse l’objet d’un travail transversal ; je salue notamment un nouveau renforcement des moyens attribués à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Je conclurai brièvement en abordant la question du contentieux administratif. Nous ne pouvons que nous féliciter de la hausse des crédits dans un contexte de croissance continue dudit contentieux. Nous le disions lors de l’examen de la mission « Justice », ces phénomènes d’inflation et d’engorgement des juridictions doivent être endigués ; espérons que ces moyens y participeront.
Je partage, à cet égard, certaines recommandations de notre rapporteur spécial Christian Bilhac, qui invite notamment le Conseil d’État à se saisir pleinement de son rôle de gestionnaire des juridictions administratives.
Il n’en demeure pas moins que notre groupe votera en faveur de l’ensemble de ces crédits.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi trois missions qui revêtent chacune un intérêt particulier : « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement ».
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » connaissent une faible progression, de l’ordre de 2,76 %, par rapport à 2022. Cette hausse très modérée résulte principalement du contexte inflationniste et de la volonté des pouvoirs publics de maintenir un certain niveau d’investissement. À cet égard, je tiens à rappeler, pour les saluer, les efforts budgétaires consentis par les différentes institutions depuis une dizaine d’années.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » rassemble notamment les crédits alloués aux juridictions administratives et financières. Son objet est de donner à ces institutions indispensables à notre démocratie les moyens de leurs attributions. Une hausse de ses crédits de l’ordre de 8,5 % est prévue ; elle est la bienvenue, car il est fondamental que l’État octroie des dotations suffisantes à son propre contrôle.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement », quant à elle, voit ses crédits augmenter de 3,5 % en crédits de paiement et de 9 % en autorisations d’engagement. Cette hausse traduit notamment la priorité donnée par le Gouvernement à la protection des données et à la lutte contre la cybercriminalité, dans un contexte de cyberattaques frappant aussi bien les collectivités territoriales et l’État que les entreprises et les centres hospitaliers. Nous gardons tous en mémoire le piratage informatique qui a visé l’hôpital de Corbeil-Essonnes en août dernier.
Aussi, je souhaite souligner le renforcement de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui verront leurs effectifs augmenter.
En parallèle, la nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique verra également ses moyens s’accroître, en réponse à l’extension de ses compétences à de nouveaux acteurs du numérique, tels que les réseaux sociaux, les plateformes et les sites de partage de vidéos.
Je me réjouis donc du renforcement substantiel des moyens destinés à la cybersécurité, car il s’agit d’un enjeu crucial face à une menace cyber qui ne cesse de croître.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ces crédits, quoique très hétérogènes, sont tous essentiels au bon fonctionnement de notre État de droit. Ils tendent à assurer aux pouvoirs publics, aux organes chargés de leur contrôle, ainsi qu’aux autorités indépendantes qui veillent au respect des libertés individuelles, les moyens nécessaires à leur action.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces trois missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’inverse du gouvernement d’Élisabeth Borne, qui est le plus cher de la Ve République, la mission « Direction de l’action du Gouvernement », dont je vous parlerai aujourd’hui, se voit octroyer des moyens insuffisants, malgré quelques hausses budgétaires.
Concernant la protection des droits, les budgets de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de la Cnil et de l’Arcom augmentent, ce qui est positif ; mais ils demeurent en deçà des besoins. Quant aux crédits prévus pour le Défenseur des droits, ils nous semblent bien trop faibles.
Concernant les enjeux de santé publique, nous nous étonnons de la faible hausse des crédits accordés à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), alors même que le ministre de la santé entend faire de la prévention un axe fort de politique publique.
Concernant la protection de notre démocratie et la diffusion des idées, nous nous inquiétons que les crédits alloués aux fondations politiques soient si bas. En encourageant ainsi leur recherche de financements privés, nous prenons le risque d’affecter leur fonctionnement. Eu égard à l’importance de leurs travaux et de leurs réflexions face aux nombreuses crises que nous traversons actuellement, nous défendrons une hausse de ces crédits.
En fait de crise, et pour ce qui est de la protection de l’environnement, nous saluons bien évidemment la création du secrétariat général à la planification écologique et les moyens alloués au Haut Conseil pour le climat ; mais ces mesures ne doivent pas être un joli affichage pastillé de vert dans votre budget…
Le Haut Conseil pour le climat est devenu un acteur indispensable du débat public en matière d’action climatique. Pourtant, notre collègue Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial de la commission des finances, note que les moyens qui lui sont alloués sont nettement insuffisants, compte tenu des sollicitations croissantes dont il fait l’objet de la part du Gouvernement, du Parlement, des collectivités territoriales, mais également de la presse et de la société civile.
Nous suivrons donc très attentivement l’évolution de son budget et veillerons à l’effectivité de la hausse des effectifs prévue.
Le secrétariat général à la planification écologique que vous proposez de créer bénéficiera, quant à lui, de 15 ETP et de 500 000 euros de budget. Au regard de la tâche que représente la planification écologique et de l’objectif qui a été fixé – faire de la France, face à l’urgence, une « nation verte » –, sachant par ailleurs que son travail risque de se superposer à celui des ministères, ce montant nous interpelle : en vérité, il nous semble bien indigent. Dit autrement, c’est un joli pansement sur une plaie béante.
Cette dotation de fonctionnement de 0,5 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2023 doit permettre notamment au SGPE de commander des études à des prestataires extérieurs. Nous suivrons de près l’utilisation de ce budget, afin d’éviter qu’il ne donne lieu à un recours abusif aux cabinets de conseil privés, s’agissant, de surcroît, d’un sujet aussi sensible que la transition écologique.
Alors que les risques environnementaux et sociaux s’enchevêtrent chaque jour davantage, compte tenu de la montée en puissance des effets du réchauffement climatique et, plus largement, des impacts de l’être humain sur l’environnement, nous avons besoin de mesures concrètes, prévues sur le long terme, prises dans une vue d’ensemble, pour assurer une réelle transition écologique.
Pour y pourvoir, nous proposons au Gouvernement la création d’un ministère des risques.
La situation mondiale nous montre que nous devons anticiper tous les risques, qui finissent par se recouper : crise sanitaire mondialisée, qui affecte notre économie ; conflit armé à nos portes, qui affecte notre sécurité et notre pouvoir d’achat ; augmentation de la fréquence des événements climatiques violents et ponctuels, mégafeux, canicules ; augmentation du nombre d’affections de longue durée dues à notre mode de travail et de vie sédentaire, à notre alimentation inadaptée et à l’absence de prévention globale.
Voilà quelques exemples des risques que pourrait prendre en compte et anticiper ce nouveau ministère. Il s’agirait de considérer les impacts différenciés des crises en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, de l’âge ou encore de la répartition géographique des personnes, afin de les prévenir ou d’y répondre plus efficacement.
Je conclurai en rappelant que ce budget, dans son ensemble, demeure insuffisant pour faire face aux enjeux écologiques majeurs qui nous attendent ; il trahit un manque de vision globale et à long terme sur le sujet de la part du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je concentrerai mon propos sur quelques sujets.
Permettez-moi tout d’abord de saluer les efforts budgétaires consentis au cours des dernières années par les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics ». Au regard de la poussée inflationniste actuelle, la hausse des crédits demandés à leur profit pour 2023 apparaît tout à fait justifiée.
Pour ce qui concerne la présidence de la République, l’augmentation des crédits de fonctionnement est parfaitement légitime, étant donné la nécessité de garantir la sécurité du chef de l’État et des personnels de l’Élysée.
Pour ce qui est de la mission « Conseil et contrôle de l’État », la poursuite du renforcement des moyens alloués aux juridictions administratives est bienvenue, eu égard à la forte progression de l’activité contentieuse. La création de 202 nouveaux emplois entre 2023 et 2027 devrait notamment permettre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de réduire leurs stocks d’affaires en attente. Les préoccupations soulevées par le rapporteur pour avis Benarroche méritent, selon moi, d’être prises en considération. Il faudra en effet veiller à ce que la nouvelle obligation de mobilité statutaire ne nuise pas à la gestion prévisionnelle des effectifs.
Par ailleurs, je me réjouis de constater que le renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d’asile commence à porter ses fruits. Malgré une augmentation très forte du nombre de recours, la cour a réussi à réduire ses délais de jugement, ainsi que son stock d’affaires en attente. Il reste à espérer que les moyens dont elle dispose lui permettront d’atteindre les objectifs fixés par la réforme de l’asile.
En ce qui concerne les juridictions financières, je salue l’attribution aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) d’une nouvelle mission en matière d’évaluation des politiques publiques territoriales. À l’instar du rapporteur pour avis susnommé, je pense qu’il sera nécessaire de veiller à ce que la mise en œuvre de cette réforme ne nuise pas aux missions traditionnelles des CRTC.
Un autre motif de satisfaction est l’ouverture des crédits nécessaires à la mise en place de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, dont le secrétariat général sera assuré par la Cour des comptes. Je rappelle que le groupe RDPI a pris une part active à la définition des contours de cette commission, dont la création vise à répondre à la demande accrue de redevabilité de l’aide publique au développement française.
J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
Je tiens avant tout à souligner la décision du Gouvernement de poursuivre le renforcement des moyens alloués à l’Anssi. Ce nouvel effort budgétaire est indispensable au regard de l’accroissement de la menace cyber et de l’impérieuse nécessité de prévenir les cyberattaques pouvant causer des dommages physiques. Les attaques qui ont récemment frappé des centres hospitaliers et des collectivités territoriales montrent combien il est urgent de renforcer la lutte contre la cybercriminalité.
À cet égard, il convient de se féliciter de l’ouverture à Rennes d’une nouvelle antenne de l’Anssi, qui viendra parachever la mise en place, dans la capitale bretonne, d’un pôle de compétence en cyberdéfense unique en Europe.
La construction d’un véritable écosystème cyber permettra à la France d’être mieux armée pour affronter les trois grandes menaces que sont la menace criminelle, l’espionnage et la menace militaire.
La lutte contre la désinformation est un autre défi majeur, qui justifie le renforcement des moyens alloués au Viginum et à l’Arcom.
Enfin, réjouissons-nous également de la mise en place du secrétariat général à la planification écologique, qui trouve sa traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe RDPI votera les crédits de ces trois missions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois missions dont nous étudions les crédits aujourd’hui bénéficient toutes d’une hausse des moyens alloués.
S’il convient de souligner cette augmentation, quelques remarques s’imposent néanmoins.
Je commencerai par évoquer la mission « Pouvoirs publics ». À l’exception du Conseil constitutionnel, qui voit ses moyens diminuer de 16,7 %, et de la Cour de justice de la République, dont les crédits sont stables, toutes les dotations sollicitées sont à la hausse, et ce pour des raisons qui tiennent essentiellement à l’inflation et aux surcoûts liés à la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
Ce contexte inflationniste incontestable ne saurait pour autant tout expliquer.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Absolument !
Mme Isabelle Briquet. Ainsi, pour la présidence de la République, les dépenses de fonctionnement sont attendues en hausse de 12,5 %, soit plus du double du niveau de l’inflation. Comme l’a expliqué Jean-Pierre Sueur, le « recalibrage […] permettant de faire face aux coûts de gestion courante », censé à lui seul justifier cette hausse, manque pour le moins de précision.
Les deux assemblées voient également leur budget augmenter. Celui des chaînes parlementaires se maintient, ce qui permet de faire face à l’augmentation des coûts de diffusion.
La mission « Conseil et contrôle de l’État », qui a trait aux budgets des juridictions administratives, des juridictions financières et du Conseil économique, social et environnemental, connaît elle aussi une hausse notable de ses crédits.
Les dépenses de personnel augmentent de 9 %, essentiellement pour renforcer les effectifs du Conseil d’État et des juridictions administratives. Au vu de l’augmentation du contentieux devant les juridictions administratives, des moyens supplémentaires sont bel et bien indispensables pour tenter de donner des réponses aux justiciables dans des délais raisonnables. Néanmoins, ces délais restent une source d’inquiétude, d’autant que le stock s’est de nouveau accru.
Les mêmes inquiétudes se portent sur la Cour nationale du droit d’asile ; le Gouvernement estime que les créations d’emplois des années précédentes doivent permettre de tenir l’objectif d’un délai d’instruction de six mois, et ce malgré le nombre croissant de recours.
Par ailleurs, il conviendra de veiller à ce que la généralisation des téléprocédures, présentée comme un moyen de rationalisation du travail des agents de greffe et de facilitation de l’instruction par les magistrats, ne nuise pas à la qualité des décisions rendues et à l’accès au droit des administrés.
Les recommandations du Conseil d’État – promouvoir le règlement amiable des litiges, notamment par la voie de la médiation – semblent également pertinentes pour limiter l’augmentation du contentieux.
Enfin, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » regroupe deux programmes de natures assez différentes, qu’il convient donc d’évoquer distinctement.
En raison de la suppression du programme destiné à couvrir les dépenses liées à la présidence du Conseil de l’Union européenne, exercée par la France au premier semestre 2022, les crédits destinés à cette mission paraissent en baisse ; mais, après correction du périmètre, ils sont en réalité en augmentation de près de 8 % pour ce qui concerne le programme « Coordination du travail gouvernemental » et de 8,6 % pour ce qui est du programme « Protection des droits et libertés ».
Dans un contexte de hausse inquiétante de la cybercriminalité, frappant aussi bien l’État que les collectivités territoriales, les hôpitaux que l’ensemble des services publics, ce renforcement des moyens destinés à la lutte contre ce fléau est une très bonne chose. Ainsi, les renforts en personnel au bénéfice du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et principalement pour l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, sont à saluer.
Si l’on peut noter avec satisfaction la modération des crédits alloués au service d’information du Gouvernement (SIG), son cas ne laisse pas malgré tout de nous interpeller, car, je le rappelle, la Cour des comptes pointe chaque année un niveau de dépenses nettement supérieur au budget voté. Les dépenses du SIG mériteraient d’être mieux calibrées afin que l’on ne puisse pas remettre en question la sincérité des comptes.
À ce propos, une information plus claire – et même une information tout court – ne saurait nuire concernant l’activité du Haut-Commissariat au plan. Visiblement, ce ne sera pas non plus pour cette année !
Fort heureusement, il est aussi des sujets sur lesquels nous disposons d’éléments nous permettant d’apprécier l’évolution de certains services et institutions.
Il convient ainsi de saluer le travail effectué au sein de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca, dont les moyens sont cette année réajustés, après une diminution continue depuis 2019.
Plus globalement, le programme 308, « Protection des droits et libertés », connaît lui aussi une revalorisation de ses moyens.
La Cnil se voit ainsi dotée de 18 équivalents temps plein supplémentaires afin de faire face à l’accroissement de son activité. L’Arcom, qui achève sa première année d’existence, voit ses moyens également renforcés.
Si ces deux institutions concentrent l’essentiel des effectifs, les besoins humains et financiers des autres autorités indépendantes méritent d’être consolidés. Ainsi, quoique l’on note avec satisfaction la création de 2 ETP auprès de la Défenseure des droits, je souscris pleinement à la proposition de la commission des lois de renforcer les moyens humains qui sont à sa disposition, afin qu’elle puisse faire face à la hausse importante des réclamations.
Compte tenu des moyens alloués à ces différentes missions, le groupe socialiste votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » comprend les crédits de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la chaîne parlementaire, notamment. Le budget total de la mission s’élève à 1 076,5 millions d’euros, soit une hausse de 2,76 % par rapport à l’année dernière.
La dotation demandée pour la présidence de la République est en hausse de 4,9 %, soit 110 millions d’euros en 2023 contre 105 millions d’euros en 2022. Une augmentation sensible des dépenses de fonctionnement est à relever : +12,61 %.
Certains postes de dépense sont légitimes et indiscutables : je pense aux dépenses relatives à la sécurité du Président de la République et à la sécurité informatique de l’Élysée, ou encore aux travaux visant à chauffer l’Élysée, au moins pour partie, par la géothermie.
Je ne peux m’empêcher malgré tout de noter que la hausse de la dotation proposée pour les collectivités locales, qui subissent elles aussi de fortes contraintes, entre inflation et augmentation du point d’indice, n’est pas indexée, tant s’en faut, sur l’augmentation du budget de fonctionnement de la présidence de la République… Je plaide pour qu’à l’avenir la recherche d’économies nouvelles inspire plus fortement l’Élysée.
Je passe sur les crédits demandés pour le Conseil constitutionnel et pour la Cour de justice de la République, dans la mesure où, là aussi, les travaux de sécurisation prévus me semblent tout à fait opportuns.
J’en viens à un programme un peu plus méconnu, le programme 126, « Conseil économique, social et environnemental ». Les crédits demandés pour le Cese en 2023 sont légèrement en hausse – +1,2 % –, en raison de la création de deux nouvelles actions, Travaux consultatifs et Fonctions supports à l’institution.
Le caractère modéré de cette augmentation ne doit pas occulter la revalorisation continue des crédits qui est à l’œuvre depuis 2020 : la hausse cumulée en 2020 et 2021 fut de 10,4 %, soit 4,2 millions d’euros, en vue de l’organisation de conventions citoyennes thématiques. De fait, la relative stabilité du budget du Cese en 2022 revenait en réalité à entériner la hausse des crédits accordés au programme 126, alors même qu’aucune convention citoyenne n’avait été prévue sur la période.
Je dis un mot, justement, du budget consacré à la participation citoyenne.
Je rappelle que la loi organique du 15 janvier 2021 devait soi-disant « conforter la place et le rôle de la troisième assemblée au sein du paysage institutionnel de la République ».
Les auteurs de cette loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental ont souhaité, avec un certain sens de la formule creuse, approfondir la participation citoyenne par l’introduction d’outils de démocratie représentative au sein du Cese. Cet effort a pris des formes inattendues, celle du tirage au sort notamment, censé « nourrir l’avis final qui a vocation à être voté en assemblée plénière du Conseil ».
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. François Bonhomme. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis de ceux pour qui l’utilité et l’apport du Cese ne sont pas criants. Elle a beau être la troisième assemblée, sa légitimité reste à démontrer eu égard à ses missions et à ses objectifs. Cela fait quand même soixante-seize ans, c’est-à-dire depuis sa création, que l’on espère et que les attentes sont déçues : c’est un peu long !
Pour être plus direct, j’ai même la faiblesse de penser que cette troisième assemblée a été et demeure, aux yeux de beaucoup de Français, quand ils en connaissent seulement l’existence, un simple outil de fluidité politique et syndicale à la main de pouvoirs multiples – et non à celle du seul pouvoir présidentiel, qui, lui, change de titulaire –, destiné à tous les recasés et recyclés des forces politiques, professionnelles ou syndicales. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certes, nous avons fini par modifier sa composition en supprimant la désignation de personnalités « qualifiées » : en 2021, en application de cette même loi, quarante sièges ont été supprimés, qui étaient auparavant réservés à des personnalités dites qualifiées, désignées par le Gouvernement. Je note d’ailleurs que personne ne s’en est aperçu, ce qui démontre a posteriori, de manière éclatante, quoique non dénuée d’ironie, le caractère éminent et indispensable que certains se sont obstinés à lui prêter pendant des années… (Sourires.)
Personne ne s’en est aperçu, disais-je, même pas le budget… En effet, compte tenu de la réduction de ses effectifs, on aurait pu s’attendre que le budget du Cese baisse à due proportion ; il n’en a rien été.
Soit dit en passant, cela semble confirmer le caractère diabolique de cette pathologie administrative selon laquelle, une fois que l’on a créé un « machin » administratif, on a le plus grand mal à s’en défaire, y compris sur le plan budgétaire.
Par ailleurs, je fais aussi partie de ceux qui avaient proposé ici même, lors de l’examen de la loi organique de 2021, de porter le nombre de membres du Cese à zéro,…
M. André Reichardt. C’est exact !
M. François Bonhomme. … suscitant la réaction outragée du garde des sceaux, à qui revenait, il est vrai, la difficile tâche, malgré sa réputation et sa carrière parfaites, de se faire l’avocat de cette noble institution.
Je précise que si la composition du Cese était portée à zéro membre – s’agissant d’une assemblée constitutionnelle, la suppression pure et simple était impossible – l’État réaliserait une économie budgétaire de l’ordre de 45 millions d’euros. Il récupérerait même, au passage, le magnifique palais d’Iéna d’Auguste Perret, avec ses colonnes élancées et son béton de marbre rose, très belle illustration architecturale du rationalisme moderne que n’incarne pas l’assemblée qui l’occupe… (Sourires.)
Pourtant, des crédits supplémentaires récurrents alimentent le budget du Cese. Des moyens sont ainsi débloqués pour financer le recueil des pétitions citoyennes, la loi organique prévoyant la saisine du Conseil par voie de pétition, ou l’organisation de consultations en ligne, qui sont censées nourrir les réflexions des formations de travail chargées de rédiger un avis.
En outre, le Cese organise désormais des conventions citoyennes sur de grands sujets de société, s’appuyant sur des groupes de citoyens de 150 à 200 personnes, dont la méthodologie de recrutement nous échappe parfois.
M. Jérôme Bascher. Il faut être qualifié ! (Nouveaux sourires.)
M. François Bonhomme. Le président Macron, contraint d’alimenter la chose qu’il a lui-même créée, a annoncé le 13 septembre dernier le lancement d’une convention citoyenne sur la fin de vie, dont le pilotage a été confié, je vous le donne en mille, au Cese. C’est à se demander, à force de « machins », quelle idée le Président de la République se fait du rôle du Parlement…
Il n’est pas à exclure qu’à la faveur d’une crise nouvelle il renforce encore le rôle du Cese pour essayer de faire exister, tant bien que mal, le dernier avatar de cette course aux machins, j’ai nommé le Conseil national de la refondation.
Je dis un mot, maintenant, sur le coût de la participation citoyenne.
Pour l’année 2023, le Cese dispose d’une enveloppe budgétaire de 4,2 millions d’euros, je l’ai dit, entièrement fléchée vers la participation citoyenne. L’institution gère directement ces crédits, contrairement aux années précédentes, où ils devaient être débloqués par le Gouvernement. Le rapporteur spécial a donc bien raison d’indiquer qu’il entend être attentif à l’utilisation de ces crédits, notamment du point de vue de la sincérité budgétaire.
Comme l’on pouvait s’y attendre, en juin 2022, une direction de la participation citoyenne a été créée au sein du Cese. C’est à raison, là aussi, que le rapporteur spécial insiste sur le potentiel inflationniste des crédits accordés à ladite participation, qui représentent à l’heure actuelle autour de 10 % du budget du Cese, et dont le coût risque d’augmenter.
Voilà les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre, mes chers collègues.
J’aurais bien évidemment le plus grand mal à me prononcer en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (M. Yves Bouloux applaudit.)
M. André Reichardt. On n’est pas déçu !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier chaque orateur pour son intervention, en particulier les rapporteurs spéciaux et pour avis, qui ont produit, cette année encore, un travail d’analyse d’une grande qualité sur ces crédits.
Ces trois missions budgétaires fixent les dotations d’institutions d’une grande diversité, qui ont pour point commun de contribuer de manière déterminante au respect des principes fondamentaux de notre démocratie et au bon fonctionnement de l’État.
Permettez-moi d’évoquer, en premier lieu, la mission « Pouvoirs publics », dont l’enveloppe globale est cette année de 1,08 milliard d’euros, en légère hausse de 2,8 %.
Cette mission présente une certaine singularité, car elle regroupe le budget de plusieurs institutions de nature constitutionnelle, qui jouissent d’une autonomie financière sur le fondement de la séparation des pouvoirs.
Comme le veut l’usage, je m’abstiendrai de toute observation sur le budget du Sénat et de l’Assemblée nationale, fixés par la commission commune compétente en la matière.
Pour ce qui concerne le Conseil constitutionnel, si l’on neutralise l’effet d’une baisse optique liée aux dépenses nécessaires au contrôle et au contentieux des élections en 2022, sa dotation est stable, à 13,3 millions d’euros, et lui permettra d’exercer ses missions dans de bonnes conditions, comme l’a rappelé M. le questeur Sueur.
La Cour de justice de la République disposera quant à elle d’un budget reconduit à 980 000 euros pour assurer le traitement des requêtes visant les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par les actuels et anciens membres du Gouvernement.
Enfin, la présidence de la République disposera d’un budget de 110 millions d’euros. Outre qu’elle compensera la hausse du point d’indice, cette enveloppe permettra d’accompagner l’activité internationale soutenue du Président de la République dans cette période de crise, et de mener à bien des investissements indispensables à la modernisation des emprises et à la sécurisation de la présidence, comme l’a très justement souligné le rapporteur spécial M. Arnaud.
J’en viens, en deuxième lieu, à la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont les crédits augmentent de 9 % par rapport à 2022, pour atteindre 817 millions d’euros.
Nous poursuivons ainsi l’effort budgétaire engagé lors de la précédente législature pour permettre aux juridictions administratives et financières d’exercer pleinement leurs missions, qui sont au cœur des attributions régaliennes de l’État, comme l’indiquait M. Bilhac dans son rapport.
Pour ce qui est du Conseil d’État et des juridictions financières, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit la création de 41 emplois supplémentaires, dont 25 magistrats, destinés à renforcer les juridictions aux fins de faire face à l’augmentation du nombre de recours.
Je sais, monsieur Benarroche, que vous êtes attentif à cette question des ressources humaines des juridictions. Cet effort est indispensable pour assurer la maîtrise des délais de jugement, qui demeure une préoccupation majeure pour la juridiction administrative.
La Cour des comptes et les juridictions financières verront également leurs crédits progresser sous l’effet de la hausse du point d’indice, de revalorisations liées à la réforme de la haute fonction publique et de la mise en place de la Commission d’évaluation de l’aide publique au développement, créée par la loi de programmation du 4 août 2021.
L’année prochaine verra également la mise en œuvre de réformes importantes, notamment le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, ainsi que la compétence donnée par la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – aux chambres régionales des comptes pour évaluer les politiques publiques locales.
Enfin, la dotation budgétaire du Conseil économique, social et environnemental est stable, à 45 millions d’euros. En cohérence avec les principes de la réforme organique du 15 janvier 2021, le Cese, dont je salue le rôle utile et le travail essentiel, poursuivra en 2023 sa modernisation et son ouverture au public. Les prochains mois seront notamment marqués – M. Bonhomme l’a rappelé – par l’organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie, confiée au Cese par le Gouvernement.
M. François Bonhomme. Nous voilà rassurés ! (Sourires.)
M. Franck Riester, ministre délégué. En troisième lieu, j’évoquerai la mission « Direction de l’action du Gouvernement », consacrée à la coordination du travail gouvernemental, ainsi qu’à plusieurs autorités indépendantes essentielles à la protection des droits et libertés.
Les crédits des deux programmes de la mission augmentent de 8 %, pour une enveloppe totale de 926 millions d’euros.
Les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » sont en hausse sous l’effet d’un schéma d’emplois de 129 emplois supplémentaires, dont 95 pour le SGDSN et les organismes rattachés, qui doivent faire face à des enjeux de cybersécurité toujours plus importants. Comme l’ont rappelé MM. Leconte, Cadic et Vallet dans leurs travaux respectifs, il est essentiel de renforcer les moyens des services de l’État pour faire face à ces menaces croissantes.
Les effectifs de la direction interministérielle du numérique (Dinum) et du SGAE seront également consolidés, afin de poursuivre la transformation numérique des administrations et de faciliter la mobilisation des fonds européens.
Des créations d’emplois accompagneront la mise en place du secrétariat général à la planification écologique et du Conseil national de la refondation. Je sais, monsieur Parigi, que vous suivrez avec attention l’activité du SGPE, qui doit jouer un rôle déterminant pour la transition écologique de notre pays.
Enfin, la Diese sera renforcée pour mettre en œuvre la réforme engagée depuis 2021 et promouvoir une haute fonction publique plus forte, plus ouverte et plus mobile au service de l’intérêt général.
Le programme « Protection des droits et des libertés » bénéficie également d’emplois supplémentaires qui doivent permettre aux autorités indépendantes qui lui sont rattachées d’exercer au mieux leurs prérogatives.
Ainsi l’Arcom, née le 1er janvier 2022 de la fusion entre la Hadopi et le CSA, verra-t-elle ses effectifs renforcés de 15 emplois supplémentaires, en vue d’accompagner la montée en charge de ses missions, ainsi que la mise en application prochaine du règlement européen DSA, le Digital Services Act.
Les effectifs de la Cnil seront également renforcés, 18 emplois supplémentaires étant créés pour faire face à l’accroissement du nombre de saisines et à l’application du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Par ailleurs, la HATVP bénéficiera de la création de 4 ETP et d’une dotation destinée à la refonte de son système d’information.
Le Défenseur des droits verra également ses effectifs progresser de 2 ETP, et ses dépenses hors personnel augmenter afin d’accroître le nombre de délégués territoriaux et de revaloriser leur indemnité.
Enfin, j’évoquerai les crédits de la direction de l’information légale et administrative (Dila), dont le budget devrait être excédentaire pour l’année 2023. La Dila poursuivra la transformation de son fonctionnement et l’actualisation de ses outils numériques, qui contribuent au quotidien à l’information des citoyens et à la connaissance des politiques publiques.
Je conclurai, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, en vous demandant d’adopter les crédits de ces trois missions et du budget annexe.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour ces missions, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures.
En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de ces missions à quinze heures cinquante, celui-ci serait reporté et nous passerions à l’examen de la mission « Outre-mer ».
pouvoirs publics
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pouvoirs publics |
1 076 534 706 |
1 076 534 706 |
Présidence de la République |
110 459 700 |
110 459 700 |
Assemblée nationale |
571 005 584 |
571 005 584 |
Sénat |
346 294 600 |
346 294 600 |
La Chaîne parlementaire |
34 495 822 |
34 495 822 |
Indemnités des représentants français au Parlement européen |
0 |
0 |
Conseil constitutionnel |
13 295 000 |
13 295 000 |
Haute Cour |
0 |
0 |
Cour de justice de la République |
984 000 |
984 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
conseil et contrôle de l’état
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Conseil et contrôle de l’État |
904 471 943 |
817 574 993 |
Conseil d’État et autres juridictions administratives |
611 889 278 |
525 021 818 |
Dont titre 2 |
406 659 583 |
406 659 583 |
Conseil économique, social et environnemental |
45 137 172 |
45 137 172 |
Dont titre 2 |
35 959 665 |
35 959 665 |
Cour des comptes et autres juridictions financières |
247 445 493 |
247 416 003 |
Dont titre 2 |
219 285 567 |
219 285 567 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen de l’amendement portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état G.
ÉTAT G
346 |
Conseil et contrôle de l’État |
347 |
Contribuer à l’amélioration de la gestion publique et des politiques publiques (164) |
348 |
Suites données aux recommandations de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (164) |
349 |
Réduire les délais de jugement (165) |
350 |
Délai moyen constaté de jugement des affaires (165) |
351 |
126 - Conseil économique, social et environnemental |
352 |
Conseiller les pouvoirs publics |
353 |
Participation à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques |
354 |
Dialoguer et coopérer avec les instances consultatives créées auprès des collectivités |
355 |
Interagir avec les territoires |
356 |
Participer à la transition sociale, écologique et éducative |
357 |
Gestion environnementale du CESE |
358 |
164 - Cour des comptes et autres juridictions financières |
359 |
Assister les pouvoirs publics |
360 |
Nombre d’auditions au Parlement |
361 |
Réalisation des travaux demandés par les pouvoirs publics dans les délais |
362 |
Contribuer à l’amélioration de la gestion publique et des politiques publiques [Stratégique] |
363 |
Délais des travaux d’examen de la gestion |
364 |
Suites données aux recommandations de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes [Stratégique] |
365 |
Garantir la qualité des comptes publics |
366 |
Effets sur les comptes des travaux de certification |
367 |
Informer les citoyens |
368 |
Nombre de retombées presse |
369 |
Sanctionner les irrégularités et la mauvaise gestion |
370 |
Délais de jugement |
371 |
165 - Conseil d’État et autres juridictions administratives |
372 |
Améliorer l’efficience des juridictions |
373 |
Nombre d’affaires réglées par agent de greffe |
374 |
Nombre d’affaires réglées par membre du Conseil d’État, par magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ou par rapporteur de la Cour nationale du droit d’asile |
375 |
Assurer l’efficacité du travail consultatif |
376 |
Proportion des textes examinés en moins de deux mois par les sections administratives du Conseil d’État |
377 |
Maintenir la qualité des décisions juridictionnelles |
378 |
Taux d’annulation des décisions juridictionnelles |
379 |
Réduire les délais de jugement [Stratégique] |
380 |
Délai moyen constaté de jugement des affaires [Stratégique] |
381 |
Proportion d’affaires en stock enregistrées depuis plus de 2 ans au Conseil d’État, dans les cours administratives d’appel et dans les tribunaux administratifs et depuis plus d’un an à la Cour nationale du droit d’asile |
Mme la présidente. L’amendement n° II-101 rectifié, présenté par M. Benarroche, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 360
Rédiger ainsi cet alinéa :
Nombre de rapports établis par les chambres régionales des comptes sur le fondement des articles L. 235-1 et L. 235-2 du code des juridictions financières
II. – Après l’alinéa 364
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Nombre de contrôles des comptes et de la gestion menés dans des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de moins de 50 000 habitants
III. – Après l’alinéa 366
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Effets sur les comptes des travaux de contrôle des comptes et de la gestion
IV. – Alinéa 370
Rédiger ainsi cet alinéa :
Nombre de déférés à la chambre du contentieux effectués par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes
La parole est à M le rapporteur pour avis.
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois. Sous ses airs techniques, cet amendement, que je présente au nom de la commission des lois, est important : il vise à mettre l’accent sur les missions des chambres régionales et territoriales des comptes en matière de contrôle de la régularité des comptes et de lutte contre les atteintes à la probité au niveau local.
Sous prétexte de la suppression du contrôle juridictionnel des comptables publics, le projet de loi de finances pour 2023 supprime toute mention du contrôle des comptes dans les indicateurs de performance.
Par ailleurs, pour mesurer l’objectif « Sanctionner les irrégularités et la mauvaise gestion », il ne prévoit qu’un seul indicateur, relatif aux délais de jugement de la chambre du contentieux de la Cour des comptes, alors que le premier objectif devrait être d’alimenter cette nouvelle chambre en dossiers, via les déférés qui arrivent des cours régionales.
En réalité, l’indicateur portant sur la seule chambre du contentieux n’a pas de valeur puisque celle-ci doit être alimentée. C’est donc son alimentation qu’il faut contrôler, et un indicateur doit être défini en conséquence.
Cet amendement de la commission des lois vise à instaurer quatre nouveaux indicateurs.
Le premier indicateur documenterait le nombre de contrôles des comptes et de la gestion menés auprès des collectivités territoriales de moins de 50 000 habitants. On connaît, en effet, l’importance de ces contrôles pour des communes qui ne disposent pas des moyens d’ingénierie des grandes collectivités.
Le deuxième indicateur documenterait les effets sur les comptes des travaux de contrôle des comptes et de la gestion en retraçant le nombre de recommandations faites en matière de fiabilité et de qualité des comptes, comme cela existe déjà pour les travaux de certification.
Le troisième indicateur a trait au nombre de déférés à la chambre du contentieux effectués par la Cour des comptes et par les chambres régionales et territoriales des comptes.
Enfin, afin de valoriser les nouvelles missions des chambres régionales des comptes créées par la loi 3DS, cet amendement tend à introduire un quatrième indicateur relatif au nombre de rapports établis par celles-ci en matière d’évaluation des politiques publiques territoriales et d’avis sur les conséquences de projets d’investissements exceptionnels.
Les deux derniers indicateurs présentés concernent des dispositions qui entrent en vigueur en 2023 ; il convient donc qu’ils fassent l’objet de prévisions prudentes pour prendre en compte le nécessaire rodage de ces nouvelles procédures.
L’adoption de cet amendement aurait pour effet de rétablir dans le projet de loi de finances pour 2023 un nombre d’indicateurs identique à celui du PLF pour 2022, c’est-à-dire neuf.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. M. Benarroche nous propose d’ajouter des indicateurs ; mais les réformes récentes ont attribué aux juridictions de nouvelles compétences auxquelles elles ne se sont pas encore adaptées et qui ne sont toujours pas pleinement exercées.
Il est donc pour le moins précoce d’adapter les indicateurs. D’ailleurs, la Cour des comptes nous a informés que, dès 2024, il y aurait une évolution de ces indicateurs, et que nous pouvions d’ores et déjà obtenir bon nombre d’éléments chiffrés par le biais des questionnaires budgétaires.
Je me permettrai d’ajouter, mes chers collègues, qu’ajouter des indicateurs c’est aussi mobiliser davantage de personnel pour les traiter ! Or, à masse budgétaire constante, cela veut dire moins de crédits pour rémunérer les magistrats, qui sont le fondement même de ces institutions.
Demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je me permettrai de répondre à mon excellent collègue de la commission des finances.
Premièrement, la commission des lois ne propose que de maintenir le nombre d’indicateurs à son niveau actuel, et non de l’augmenter. Simplement, le Gouvernement prévoit que certains indicateurs soient supprimés pour une année, quitte à être rétablis en 2024. Il ne s’agit donc pas d’engager davantage de frais ou de temps.
Nous disons seulement qu’il faut que ces indicateurs figurent dans le texte dès cette année. Pourquoi ? Deux de ces quatre indicateurs concernent des missions actuelles et sont pertinents et opérationnels dès maintenant ; les deux autres concernent certes des missions nouvelles, mais qui seront mises en œuvre à compter du début de l’année 2023.
Il a donc semblé pertinent à la commission des lois d’inclure immédiatement ces quatre indicateurs parmi ceux de la mission, en sorte de produire un effet comparatif ou de rodage suffisant.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-101 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
direction de l’action du gouvernement
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Direction de l’action du Gouvernement |
937 728 766 |
925 514 724 |
Coordination du travail gouvernemental |
810 564 737 |
797 928 555 |
Dont titre 2 |
278 270 124 |
278 270 124 |
Protection des droits et libertés |
127 164 029 |
127 586 169 |
Dont titre 2 |
59 237 315 |
59 237 315 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-923 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delcros, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Protection des droits et libertés |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
dont titre |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
0 |
4 000 000 |
0 |
4 000 000 |
SOLDE |
- 4 000 000 |
- 4 000 000 |
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement vise à nous rendre un peu plus attentifs à l’évolution des moyens en personnel.
Il me semble que l’exemple doit venir d’en haut : la mission « Direction de l’action du Gouvernement », qui incarne budgétairement la conduite du travail gouvernemental, doit montrer l’exemple en matière de rationalisation des effectifs.
Or on constate que les effectifs augmentent de 161 postes nets sur la mission, ce qui me semble élevé. Si je comprends qu’il soit nécessaire, sur des missions régaliennes telles que la sécurité ou la défense, d’accroître nos moyens en personnel, il me semble que le nombre de créations de postes prévu pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement » est bien trop important.
L’objet de cet amendement est donc de soustraire 30 ETP au programme « Coordination du travail gouvernemental » et 30 ETP au programme « Protection des droits et libertés ». Au total, le schéma d’emplois de la mission passerait de +161 à +101 ETP : l’augmentation des moyens qui lui sont alloués est malgré tout significative, mais on reste dans le domaine du raisonnable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Nous entendons l’inquiétude de Michel Canévet. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet ; je n’insiste pas.
La commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur Canévet, nous partageons votre volonté de veiller à l’équilibre des comptes publics. Vous avez d’ailleurs pu constater que notre projet de loi de programmation des finances publiques dessine une trajectoire ambitieuse de réduction du déficit, à moins de 3 % à l’horizon 2027. Cela passe nécessairement par une maîtrise des ETP.
Pour autant, sur les missions qui nous concernent, comme beaucoup d’orateurs l’ont dit, il est judicieux d’accorder des moyens supplémentaires à la cybersécurité et à la lutte contre les cyberattaques, à la Cnil et à la planification écologique.
Si nous partageons votre préoccupation, ces augmentations d’ETP sont vraiment liées à des besoins spécifiques très importants – je le répète, de nombreux orateurs en ont convenu.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiendrai cet amendement. Concernant le programme « Coordination du travail gouvernemental », je veux bien admettre que les besoins sont importants, mais il faut être un peu raisonnable : nous nous battons, sur d’autres missions, pour avoir plus d’inspecteurs des impôts, plus de contrôleurs du fisc, plus de moyens humains pour la lutte contre la fraude et on nous dit que c’est impossible.
Il est des besoins qui me paraissent plus urgents – je pense notamment au milieu hospitalier – que celui de coordonner l’action gouvernementale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je trouve les arguments de mes collègues stupéfiants : s’il faut augmenter les crédits de cette mission, ce n’est pas pour « coordonner l’action gouvernementale » en général, mais, comme nous l’avons dit, pour tenir compte, d’une part, du contexte sécuritaire et, de l’autre, des évolutions technologiques.
Pour ce qui est du contexte sécuritaire, madame Goulet, on constate que des hôpitaux sont bloqués par des cyberattaques. Refuserons-nous aux administrations les moyens de lutter contre ces cyberattaques ou contre la désinformation ?
Quant aux évolutions technologiques, elles nous imposent de nous munir de nouveaux outils de renseignement. Or c’est précisément pour cela que des moyens sont donnés au GIC dans ce programme. C’est du régalien, monsieur Canévet !
C’est la raison pour laquelle il est crucial de consacrer des moyens au traitement de ces questions, qui sont au cœur de la lutte contre l’insécurité, dans le domaine du numérique, mais aussi pour tous les Français.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. J’aime beaucoup cet amendement de Michel Canévet : fini de rire, mes chers collègues !
Par exemple, monsieur Leconte, personne n’est pour diminuer les crédits de l’Anssi, et nous avons bien conscience qu’il faut recruter des gens pour lutter contre la cybercriminalité. Des efforts sont faits pour cela dans le cadre d’autres missions, la mission « Sécurités » notamment.
Puisqu’il est question de coordination de l’action du Gouvernement, pourquoi ne pas réduire le nombre de ministres ? L’action sera plus facile à coordonner… (Sourires.) On peut également supprimer le Haut-Commissariat au plan, dont on ne sait pas ce qu’il fait depuis des mois – en tout cas, il ne planifie rien.
Les possibilités de réduire la voilure sont donc légion, et l’amendement de notre collègue n’est pas qu’un amendement d’appel. Quelqu’un a été nommé à la planification écologique, mais nous avons également un haut-commissaire au plan, en sorte que l’on ne sait pas bien qui fait quoi… (M. François Bonhomme s’amuse.) Quid de la redondance ? Bref, on pourrait faire un petit effort…
Je ne reprendrai pas l’excellente argumentation – bien qu’il n’y soit pas allé avec le dos de la cuillère… – de mon ami François Bonhomme à propos des organismes consultatifs… En somme, nous mettons tout de même beaucoup d’argent pour ne pas décider grand-chose.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Le bon sens eût conduit à ce que le schéma d’emplois n’augmente pas sur cette mission, pour répondre à l’exigence de rigueur dans la gestion de nos finances publiques. En effet – il faut le dire ! –, nous aurons besoin de réduire significativement nos dépenses publiques si nous voulons respecter – c’est bien le moins – la trajectoire qui a été fixée dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Il faudra même aller bien au-delà. Nous trouvons toujours de bonnes raisons pour déroger à ces lois de programmation : cela a été le cas sur les quatre derniers textes de ce type, qui n’ont jamais été respectés ; il n’y a pas de raison que le dernier en date le soit davantage.
Eu égard aux observations formulées par les rapporteurs, j’ai proposé non pas la suppression en totalité des 161 créations de postes prévues, mais leur diminution de 60 ETP. Cela signifie qu’il en reste pour tenir compte des réalités et des besoins identifiés sur cette mission.
Je le répète, l’exemple doit venir d’en haut ; sinon, personne ne tiendra nos comptes publics.
M. Vincent Segouin. Bravo !
M. Jérôme Bascher. Nous allons le voter !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué. Madame la sénatrice Goulet, vous avez, à juste titre, évoqué des exemples de cyberattaques. Il s’agit d’une réalité très importante dans notre pays, et nous devons nous doter de moyens lourds pour faire face à ces enjeux nouveaux d’insécurité.
Je plaide non seulement pour que vous approuviez les propositions de créations d’ETP qui vous sont faites dans cette mission, mais, je le dis devant le Sénat, nous aurons besoin d’aller encore beaucoup plus loin à l’avenir pour muscler ces services face à la menace. Ne soyons pas naïfs, organisons-nous !
M. Michel Canévet. Je ne suis pas d’accord !
M. Franck Riester, ministre délégué. Que nous ayons un débat d’ensemble sur les ETP de l’État, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, dont acte, et je vous rejoindrai évidemment sur bien des aspects.
Toutefois, sur cette mission toute particulière, il faut absolument soutenir les orientations proposées, tant les enjeux sont cruciaux en matière de sécurité.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je soutiendrai cet amendement.
En effet, il faut montrer l’exemple. Si vous comparez, monsieur le ministre, l’évolution du personnel soignant, qui est en contact direct avec les patients, avec celle du personnel administratif à l’hôpital public, vous comprendrez aisément qu’il ne devrait pas être très douloureux de faire les efforts que nous demandons…
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Sous couvert d’orthodoxie budgétaire, nous sommes en train de nous demander comment habiller Paul en déshabillant Pierre… J’entends dire en permanence, sur ces travées, que le numérique est l’une des solutions pour aborder les difficultés qui sont devant nous.
Mais le numérique suppose aussi des dépenses, on le voit bien. Les entreprises – et nos collectivités territoriales, qui sont en butte à ces mêmes problèmes – ne se demandent pas si, mais quand elles seront attaquées !
S’il y a bien un domaine sur lequel il ne faut pas baisser la garde et au contraire aller de l’avant, c’est bien celui-là.
Cela ne signifie pas qu’il faille sacrifier les autres postes de dépense. Hier, nous défendions la création de 200 postes à l’Office national des forêts (ONF) ; de fait, nous avons également besoin de ces postes. Arrêtons d’opposer certains services à d’autres : ils sont tous nécessaires.
M. Michel Canévet. Il faut faire des choix !
M. Daniel Salmon. Et la mesure de la dette doit être rapportée aux investissements réalisés pour les générations futures.
M. Michel Canévet. C’est ce qu’on fait !
Mme Éliane Assassi. Il a raison !
M. Michel Dennemont. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-923 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-764, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à augmenter de 1 million d’euros l’enveloppe des subventions allouées par la Première ministre aux fondations politiques.
Cette hausse du budget permettrait notamment de préserver l’indépendance et la diversité des opinions politiques dans notre pays. Or le résultat fragmenté des dernières élections législatives et l’évolution profonde du paysage politique français rendent indispensable la préservation de la pluralité des opinions politiques, laquelle passe par un accroissement des aides attribuées aux fondations politiques.
Cette augmentation du budget doit aussi permettre à ces structures de limiter leur recherche de financements privés afin de restreindre les conséquences sur leur fonctionnement interne. En mai 2022, Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, a indiqué qu’il envisageait d’inscrire les think tanks au registre des lobbies, au regard du poids parfois très important des financements privés dans leur fonctionnement, poids qui n’est pas sans incidence sur le choix des sujets étudiés et sur leur approche.
En résumé, cette hausse des moyens alloués aux fondations politiques, qui sont garantes de la vitalité de notre démocratie, apparaît comme un réel levier de préservation de leur indépendance et de leur diversité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Si, à titre personnel, j’y suis favorable, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Je partage la position de M. le sénateur Gontard, mais on peut reconnaître que ces crédits ont augmenté de 16 % depuis 2017.
Pour 2023, nous proposons de stabiliser ce budget, considérant qu’un effort très important a d’ores et déjà été fait.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-100, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental |
|
192 000 |
|
192 000 |
dont titre 2 |
192 000 |
192 000 |
||
Protection des droits et libertés |
192 000 |
|
192 000 |
|
dont titre 2 |
192 000 |
192 000 |
||
TOTAL |
192 000 |
192 000 |
192 000 |
192 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. En général, quand on présente ce type d’amendements, on ne regarde que la ligne que l’on veut abonder et on oublie d’où viennent les crédits ! Or, en l’occurrence, les deux ont de l’importance.
D’une part, il est important de donner quelques moyens complémentaires au Défenseur des droits, compte tenu de l’élargissement de son périmètre d’intervention à la défense des lanceurs d’alerte par la loi de mars 2022, mais aussi de l’augmentation du nombre de réclamations, qui sont de plus en plus difficiles à traiter. Il est important, en particulier, de renforcer les pôles régionaux du Défenseur des droits, raison pour laquelle nous proposons la création de 3 ETP.
D’autre part, et je rejoins en partie notre collègue Michel Canévet sur l’inutilité d’un certain nombre de comités Théodule, il est vrai qu’au Sénat rares sont les soutiens du Conseil national de la refondation. Or, avec le Haut-Commissariat au plan, le CNR consomme, au sein de cette mission, 20 ETP – 20 ETP de trop, en effet.
Nous proposons donc de prendre 3 ETP au Conseil national de la refondation pour les donner au Défenseur des droits, qui en a besoin. Ce serait une contribution à la rationalisation des moyens.
Monsieur le ministre, vous savez ce que le Sénat pense du Conseil national de la refondation ! Vous savez aussi que le Gouvernement nous a proposé, voilà quelques années, une réforme du Conseil économique, social et environnemental, à laquelle il ne semble pas croire lui-même : alors que la loi que nous avons votée devait faire du Cese le carrefour des consultations citoyennes, vous financez désormais le CNR sur cette même mission.
Nous proposons donc de retirer quelques ETP au CNR, dont nous considérons qu’il ne sert à rien et qu’il constitue un doublon avec le Conseil économique, social et environnemental, pour doter un peu davantage le Défenseur des droits, qui en a bien besoin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Je ne vais pas entrer dans un débat avec M. le sénateur Leconte sur le caractère opportun ou non de la création du CNR.
Nous considérons que le CNR est très complémentaire du Cese et que cet outil permet à de nombreuses parties prenantes, dans leur diversité, de poser des diagnostics partagés et de réfléchir à un certain nombre de sujets.
On demande depuis longtemps, à juste titre, qu’il y ait plus de dialogue – plus de dialogue transversal, plus de dialogue horizontal. Le CNR n’enlève rien au Cese ni, évidemment, au Parlement : c’est en échangeant, en discutant, en partageant que nous parviendrons à mieux résoudre les problèmes de nos concitoyens.
En ce qui concerne spécifiquement le Défenseur des droits, qui est l’objet de votre amendement, monsieur Leconte, je rappelle que nous proposons dans ce projet de budget une augmentation de 12 % des moyens qui lui sont octroyés, après une première hausse de 6 % en 2022. Comme vous l’avez rappelé, cette augmentation est aussi liée à ses missions nouvelles. Le nombre d’agents augmente lui aussi, avec 2 ETP supplémentaires.
Cet équilibre, établi après dialogue avec le Défenseur des droits, nous semble le plus raisonnable. En fonction de la mise en œuvre concrète des nouvelles missions que j’évoquais, il sera temps, pour 2024, de réajuster ce budget à la hausse, si le besoin s’en fait sentir.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous ne pouvons vraiment pas souscrire à vos arguments sur le Conseil national de la refondation.
Voilà une institution dont les missions sont mal définies, pour ne pas dire indéfinies, et empiètent sur celles du Parlement, voire s’y superposent, sans même parler du Conseil économique, social et environnemental.
Monsieur le ministre, quelle est la mission qui reviendrait à cette instance et qui ne relève pas de la compétence des assemblées parlementaires ? Dites-le-nous, et nous pourrons en débattre.
On voit bien que le CNR est quelque chose de très mal défini. On ne sait même pas qui en sera membre, qui y participera ! Il s’agit de créer une sorte de brouillard insusceptible de faire avancer les choses.
Cela a été dit par tant de responsables de toute nature dans le monde social et politique que je ne comprends pas que vous vous obstiniez à donner un semblant de crédibilité à cet appareil – ce dispositif, cette instance, que sais-je – qui n’en a aucune.
Cet amendement est donc vraiment très justifié, et M. Leconte a eu grandement raison de nous le présenter
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, on peut soutenir les amendements ou s’y opposer sans donner de leçons !
En l’espèce, nous voterons très volontiers l’amendement de M. Leconte, qui est absolument de bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’étais prêt à soutenir cet amendement s’il s’était réduit à sa première moitié, qui vise à réduire les effectifs du CNR.
Qu’est-ce que le CNR, sinon un ectoplasme ? On cherche toujours… D’ailleurs, on n’entend plus vraiment parler de cette créature électorale, née de l’élection présidentielle, sauf lorsque ses promoteurs essaient de la faire vivre à grand renfort d’effets d’annonce.
Vous avez fait l’analogie avec le Cese. On se demande parfois dans quelle mesure la parole et le diagnostic répété à l’envi, jusqu’à la nausée, ne tiennent pas lieu de politique en ce domaine : il s’agit en quelque sorte de tenir en haleine le peuple qui attend des réformes qui ne viennent pas.
Il faut parler clair : le CNR est déjà mort ! On essaie à tout prix de le faire vivre, y compris par des crédits budgétaires.
Malgré tout, mes chers collègues, je suis réservé quant à l’affectation d’une partie de ces ETP au Défenseur des droits. Lisez ses rapports : je peux vous dire que vous allez être édifiés…
Je ne m’y appesantirai pas, mais je rappelle que cette autorité administrative indépendante dispose de 26 millions d’euros de budget et de 250 juristes.
Mme Éliane Assassi. Ils sont bénévoles !
M. François Bonhomme. Pas du tout ! Regardez son budget !
Quand on voit comment les maires sont mis en cause pour tout et n’importe quoi et combien les chefs d’établissement sont sollicités à propos des règlements supposément discriminatoires régissant les tenues scolaires, on s’interroge sur le bon fonctionnement du Défenseur des droits, qui, au demeurant, alimente lui-même son activité, puisqu’il dispose d’un droit d’autosaisine. Ainsi n’a-t-il pas de mal à justifier en permanence sa légitimité, mais aussi ses besoins nouveaux de crédits.
Mme Éliane Assassi. C’est la personne qui vous gêne, pas l’institution !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Notre groupe va soutenir, bien entendu, l’amendement de M. Leconte.
Qu’est-ce que le CNR ? C’est panem et circenses, « du pain et des jeux » ! C’est un nouveau bousin créé par Emmanuel Macron et son gouvernement…
On en a connu d’autres, depuis cinq ans, de ces organismes créés de toutes pièces, dont on ne connaît ni la légitimité, ni le périmètre, ni les missions, et qui entretiennent le peuple dans une certaine illusion de consultation alors qu’ils se substituent aux instances légitimes, le Parlement ou le Cese, par exemple. Ainsi en est-il allé, par exemple, dans le cadre de la gestion du covid-19.
Je soutiendrai évidemment cet amendement et suis y compris favorable à ce que ces crédits aillent au Défenseur des droits, qui a vocation, comme son nom l’indique, à défendre les droits, tous les droits, quels que soient les droits – il peut lui arriver de jouer le rôle de poil à gratter, mais c’est pour la bonne cause.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je comprends M. le ministre : sa position n’est pas facile à défendre ! En tant que ministre des relations avec le Parlement, il nous a évidemment à la bonne. (M. Michel Canévet s’esclaffe.) Et voilà qu’il est obligé de défendre un machin, ainsi que l’ont qualifié certains de mes collègues, parce que telle est la volonté présidentielle… (Rires.) Monsieur le ministre, je comprends votre gêne et je la partage ! Ce sont les inconvénients de la fonction…
J’ai évidemment moi aussi beaucoup de sympathie pour la première partie de l’amendement de notre cher collègue Leconte ; mais la seconde emporte également mes suffrages. En vérité, renforcer les moyens du Défenseur des droits ne me paraît pas forcément scandaleux en soi, à condition qu’il ne se transforme pas en Défenseur de l’abus de droit. Or c’est parfois ce qui arrive. Il est certes difficile, quand on confond la fonction et la passion, de garder la pondération et la neutralité qui siéent à l’autorité, et dont par ailleurs vous donnez l’exemple, monsieur le ministre…
Mme la présidente. L’amendement n° II-910, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. - Créer le programme :
Création d’un ministère des risques
II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
1 |
|
1 |
|
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
|
|
||
Création d’un ministère des risques |
1 |
1 |
||
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Je veux tout d’abord rassurer mes chers collègues de droite : l’adoption de cet amendement n’a aucune chance de grever le budget, puisque, bonne nouvelle, il ne coûte que 1 euro ! (Sourires.)
M. François Bonhomme. Ce n’est pas rien ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Salmon. Cet amendement d’appel a pour objet d’encourager le Gouvernement à agir de façon plus globale et transversale face aux risques mondiaux actuels et à venir, par la création d’un ministère des risques.
M. Jérôme Bascher. Il faudrait supprimer tous les autres…
M. Daniel Salmon. Nous faisons face à de nombreux risques interconnectés, que nous devons anticiper dans nos politiques publiques. Ces risques sont environnementaux, sociaux, sanitaires, démocratiques ; nous devons les prévenir et apprendre à mieux y parer.
Je parle de la crise du covid-19, qui a démontré la faiblesse de nos réponses sanitaires dans une économie mondialisée capitaliste.
Je parle du réchauffement climatique, qui est déjà là, 2022 étant l’année la plus chaude jamais mesurée en France et de terribles incendies ayant défiguré le pays cet été.
Je parle de l’augmentation du nombre d’affections de longue durée, des maladies que l’on soigne au lieu de prévenir et qui sont dues à nos modes de travail, sédentaires et productivistes, à la mauvaise qualité de l’air ainsi qu’à nos habitudes de consommation – je pense notamment aux aliments ultratransformés que nous ingérons.
Je parle aussi de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur le coût de l’énergie et sur notre pouvoir d’achat, ou encore des dangers réels de bombardements de centrales nucléaires.
Tous ces faits témoignent de ce que les risques environnementaux et sociaux s’enchevêtrent chaque jour davantage ; aussi avons-nous besoin de mesures concrètes et de long terme, prises dans une vue d’ensemble, pour assurer une réelle transition écologique et améliorer la prévention et la gestion des risques.
Cette tâche pourrait être confiée à un ministère des risques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial. Je trouve l’explication de mon collègue Salmon convaincante et suis favorable à son amendement.
Pour sa part, la commission sollicite le retrait de cet amendement d’appel.
M. Jérôme Bascher. L’amendement est inconstitutionnel !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Il s’agit en effet d’un amendement d’appel.
M. le sénateur Salmon a raison : nous devons investir davantage dans l’évaluation, la prévention et l’anticipation des risques.
C’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire, en redoublant d’efforts.
Regardez la préparation de la loi de programmation militaire, mesdames, messieurs les sénateurs ! Regardez ce que fait le SGDSN pour lutter contre les cyberattaques – il en a été question tout à l’heure. Regardez le PLFSS : François Braun a souhaité que des moyens considérables soient investis dans la prévention en matière de santé.
Regardez ce que nous faisons en matière de prévention des risques dans le cadre de la transition écologique : en plus du fonds vert destiné aux collectivités territoriales, doté de 2 milliards d’euros, nous mobilisons 1,2 milliard d’euros sous forme de prêts que pourront obtenir les élus auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour financer leurs investissements de prévention des risques en matière climatique ou écologique.
Je ne peux donc que souscrire à votre souhait d’investir davantage dans la prévention des risques ; mais c’est à chaque ministère de s’impliquer dans cet effort ; c’est précisément ce que nous essayons de faire.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
budget annexe : publications officielles et information administrative
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
ÉTAT C
(En euros) |
||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Publications officielles et information administrative |
152 668 748 |
152 596 351 |
Édition et diffusion |
45 873 717 |
46 891 320 |
Pilotage et ressources humaines |
106 795 031 |
105 705 031 |
Dont titre 2 |
65 315 475 |
65 315 475 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Outre-mer
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 44 quater, 44 quinquies et 44 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Outre-mer » est l’occasion de faire le point sur la situation des outre-mer et, de manière récurrente, voire récursive, d’encourager le Gouvernement à intensifier les efforts budgétaires en faveur du rattrapage des écarts forts et persistants qui demeurent entre les territoires d’outre-mer et la France métropolitaine dans les domaines socio-économiques.
Il faut saluer l’effort budgétaire de nouveau consacré à nos collectivités ultramarines par le Gouvernement de la République, en dépit de la sous-consommation chronique de certaines lignes de crédits. Si la progression des crédits du programme 138 reste relative et tend à être neutralisée par l’inflation, cette hausse est incontestable sur le programme 123, du fait du développement de dispositifs de soutien exceptionnel aux collectivités, avec une augmentation de 7,19 % en autorisations d’engagement et de 6,25 % en crédits de paiement, soit +43,4 millions d’euros.
Ces efforts sont importants, mais la tâche reste immense au lendemain de la crise sanitaire ayant touché brutalement les économies de nos territoires éloignés. Globalement, et de manière plus marquée dans certains territoires, les écarts avec la métropole ont eu tendance à s’accroître, en dépit des efforts de tous pour juguler la crise.
Ainsi, le PIB par habitant enregistre, en moyenne, une légère diminution en outre-mer entre 2019 et 2021, alors qu’il enregistre une hausse de plus de 5 % en métropole. En Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, le PIB par habitant a diminué entre 2019 et 2021. Dans les autres territoires d’outre-mer, il enregistre une progression comprise entre 1,93 % et 3,78 %, contre 5,22 % en métropole.
Les évolutions démographiques sont contrastées entre les différents bassins océaniques ; elles font naître des besoins nouveaux qui diffèrent selon le profil de la pyramide des âges, tantôt jeune et croissante – en Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française –, tantôt en baisse et vieillissante, notamment dans les Antilles.
Sur le plan des infrastructures publiques, l’équipement de nos territoires d’outre-mer reste souvent insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins de la population. Il est pour partie défaillant ou présente pour l’usager des coûts bien supérieurs à ceux que l’on observe en métropole, malgré le déploiement, depuis de nombreuses années, d’outils d’aide à l’investissement, qu’il nous faut objectivement saluer.
Notons, en matière de santé, l’inscription de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour la Polynésie française, afin d’améliorer la prise en charge des patients en favorisant l’accès des populations des îles éloignées à des soins de qualité – acquisition de nouveaux équipements pour les centres de soins, développement de la télémédecine, soutien de la filière oncologie.
À cette situation difficile sur le plan des équipements s’ajoutent des situations également contrastées face au fléau mondial que constitue l’inflation, la Guyane et la Polynésie française étant plus durement touchées que la métropole. Les habitants de nos collectivités ultramarines sont bien affectés par l’inflation, qui enregistre une hausse notable malgré l’existence du bouclier qualité-prix mis en place en 2012.
Or cette inflation s’ajoute à un coût de la vie déjà structurellement supérieur dans les territoires d’outre-mer, renchérissant encore l’approvisionnement des ménages, des entreprises et des collectivités ultramarines. Si des annonces ont pu être faites par le Gouvernement au banc de l’Assemblée nationale, nous restons attentifs à toute initiative visant à limiter l’inflation en outre-mer et à protéger le pouvoir d’achat des citoyens français ultramarins, en particulier sur le plan des produits alimentaires.
Il résulte de ce contexte économique que la situation financière des collectivités d’outre-mer se détériore. Certaines d’entre elles n’ont plus les moyens de leurs investissements, pourtant si nécessaires. Cette dégradation structurelle de leur situation financière explique d’ailleurs en partie les problèmes de sous-consommation régulièrement constatés sur la mission.
Il reste indispensable de soutenir les collectivités ultramarines ; ce soutien doit même être renforcé en cette période de crise économique. Face aux écarts de développement et à une pauvreté qui peine à se résorber, le contexte de tension sociale a conduit à faire entendre plus fortement, en mai 2022, la voix des élus des outre-mer. Si cet appel au changement des politiques d’aide au développement dans les territoires d’outre-mer a donc été entendu, la réponse attendue ne saurait se limiter à sa seule dimension financière. Sur ce plan particulier, néanmoins, l’effort doit certes passer par les crédits de la mission – c’est le cas –, mais également par les crédits des autres missions du budget de l’État et par les dépenses fiscales.
À ce propos, les dépenses fiscales rattachées à la mission enregistrent, en 2023, une nouvelle hausse : elles passent de 6,916 milliards d’euros à 7,090 milliards d’euros. Nous saluons d’ailleurs la prolongation jusqu’en 2029 de nombreux dispositifs fiscaux qui devaient s’éteindre en 2025. Le Sénat y a contribué en incluant dans cette vague de prolongation les collectivités d’outre-mer qui n’y avaient pas été intégrées. Il faut s’en féliciter et rappeler que cette mesure donnera de la visibilité aux différents acteurs économiques d’outre-mer.
Nous avons conscience des critiques récurrentes que suscitent ces dépenses fiscales, mais nous soulignons que des évaluations ont récemment été menées et que d’autres sont prévues pour 2023. Ces évaluations demeurent un exercice complexe, à la fiabilité relative, mais elles représentent un préalable nécessaire à une réflexion plus large sur les dépenses fiscales et à un maintien légitimé des dispositifs de défiscalisation.
De surcroît, en complément des dépenses fiscales, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général, qui sont retracés dans le document de politique transversale « outre-mer ».
Ces crédits proviennent de 101 programmes budgétaires relevant de 32 missions, dont 48 programmes ayant trait à l’emploi, à l’égalité des chances, aux conditions de vie, à l’aménagement durable, aux dotations aux collectivités territoriales et à la relance économique. Ces crédits permettent aussi de financer cinq plans thématiques outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement (plan Eau-DOM) ; le plan Séisme Antilles ; le plan Sargasses II ; le plan Logement outre-mer (Plom) ; le plan Chlordécone.
Enfin, parmi ces contributions figurent plus particulièrement les crédits du plan de relance. Nous notons que, en juin 2022, 1,4 milliard d’euros ont été ouverts en autorisations d’engagement pour l’outre-mer dans le cadre du plan de relance. À la même date, 38,6 % des autorisations d’engagement et 10,1 % des crédits de paiement ont été consommés.
Ces taux sont décevants et doivent nous conduire, à l’avenir, à nous montrer vigilants, notamment pour éviter des redéploiements en cas d’absence de consommation. Toutefois, les crédits du plan de relance ont eu un effet de levier important sur le financement des collectivités : ils ont permis de financer des projets indispensables aux territoires d’outre-mer et de renforcer des dispositifs existants, comme les contrats de convergence ou la ligne budgétaire unique (LBU). À cet égard, il est important de souligner que, lorsqu’ils ont été orientés sur des dispositifs existants, les crédits ont été intégralement consommés.
Ainsi, le montant total des contributions budgétaires s’élèvera, en 2023, à 20 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à près de 22 milliards d’euros en crédits de paiement.
Depuis 2018, l’effort total de l’État en faveur des outre-mer a augmenté de 3,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 5,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort est remarquable et doit être encouragé en vue des exercices à venir.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ». (M. Gérard Poadja applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » a pour principal objectif le rattrapage des écarts persistants entre l’outre-mer et la métropole et la convergence des niveaux de vie dans le domaine socio-économique.
Ces crédits sont essentiels pour les territoires ultramarins en ce qu’ils représentent des aides exceptionnelles ou complémentaires aux dotations de fonctionnement et d’investissement classiques allouées à l’ensemble des collectivités.
À périmètre constant, les crédits de la mission, même corrigés de l’inflation, enregistrent une hausse de 187,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 181,6 millions d’euros en crédits de paiement. Nous saluons cet effort, d’autant que quelques mesures nouvelles, pour un montant total de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23 millions d’euros en crédits de paiement, sont intégrées dans la mission « Outre-mer » du PLF pour 2023. Ces nouveaux crédits permettront notamment de financer le renforcement de l’assistance technique aux collectivités, le développement de l’alimentation en eau potable en Guadeloupe, le soutien aux dispositifs de lutte contre le changement climatique dans le Pacifique, les efforts entrepris en matière de diversification agricole et, enfin, la réforme de la fonction publique territoriale dans les îles Wallis et Futuna.
Si l’on peut se réjouir de ces augmentations de crédits, d’autres points plus préoccupants méritent d’être soulignés.
Les crédits ouverts au titre de la ligne budgétaire unique ne permettent pas de répondre aux besoins dans ce domaine, notamment concernant la résorption de l’habitat insalubre. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à augmenter de 4 millions d’euros les crédits alloués à cette résorption. Cette ouverture se justifie d’autant plus que les crédits ouverts les dernières années ont été intégralement consommés.
De surcroît, le montant des crédits demandés pour les contrats de redressement en outre-mer, les fameux Corom, restait stable dans le texte initial. Il a été augmenté de 30 millions d’euros à l’Assemblée nationale. Cependant, dans un contexte économique qui accentue la dégradation de la situation financière des collectivités d’outre-mer, nous estimons que ce dispositif doit être encore renforcé pour s’étendre à un nombre plus important de collectivités. Or les ouvertures de crédits adoptées à l’Assemblée nationale et retenues dans le texte du Gouvernement seraient fléchées, à hauteur de 20 millions d’euros, vers le syndicat de l’eau de Guadeloupe. Il nous paraît donc indispensable d’ouvrir 20 millions d’euros de crédits supplémentaires pour abonder le budget des Corom. Tel est le sens de l’amendement que présentera la commission.
Quant à la consommation des crédits des contrats de convergence et de transformation, elle continue de nous interpeller. Gageons que leur prolongation d’une année permettra d’engager le plus de crédits possible.
Concernant le programme 138, « Emploi outre-mer », on enregistre, en 2023, une baisse apparente de 15,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 11,2 millions d’euros en crédits de paiement, en raison d’une mesure de périmètre.
Toutefois, les crédits alloués aux exonérations de charges enregistrent, à périmètre constant, une hausse de plus de 202,7 millions d’euros. Dans un contexte économique incertain, il est délicat, à ce stade, d’établir une prévision fine de ce que pourrait être le besoin réel en 2023, du fait des conséquences éventuelles de l’inflation sur l’emploi et les salaires. Nous nous montrerons donc attentifs, en cours d’année, au niveau de consommation de ces crédits.
Par ailleurs, les crédits alloués au service militaire adapté (SMA) enregistrent une hausse de 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 50 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2022. Cette hausse s’explique par la création de deux nouvelles compagnies, en Polynésie et à Mayotte, et par le déploiement dans tous les territoires du SMA 2025+, qui a notamment pour objectif d’ouvrir le service militaire adapté à de nouveaux publics.
Ce dispositif a démontré son efficacité, et son extension à des mineurs et à des mères célibataires permettra, sans aucun doute, une meilleure professionnalisation et une meilleure intégration de ces personnes. Nous devrons toutefois être vigilants sur les taux d’insertion qui seront enregistrés ces prochaines années, dans un contexte économique difficile.
Enfin, les crédits destinés au financement de l’économie, c’est-à-dire les microcrédits, l’aide au fret et le prêt de développement outre-mer, restent stables, à 24 millions d’euros. Cette stabilité, bien que louable, pourrait cependant se révéler insuffisante pour couvrir les besoins réels en 2023. En effet, dans le contexte économique actuel, la situation des entreprises pourrait se détériorer et le recours au microcrédit ou au prêt de développement outre-mer connaître une hausse par rapport à l’année 2021, voire par rapport à 2022. Or, pour rappel, en 2020, année de crise sanitaire, ces crédits avaient été surexécutés de 8 millions d’euros. Afin d’anticiper ce besoin, nous vous proposerons un amendement visant à ouvrir 5 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Les crédits alloués à l’outre-mer augmentent ; dans un contexte de crise économique liée à l’inflation, cet effort doit être salué. Il reste toutefois beaucoup à faire et nous devons œuvrer de concert pour une consommation accrue de ces crédits. Je pense sincèrement que les Corom sont une des solutions pour améliorer la situation financière des collectivités, leur capacité à investir et le niveau de consommation des crédits de la mission.
Malgré les réserves évoquées, nous vous proposerons de voter les crédits de la mission « Outre-mer ». (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2023, non sans réserves ni recommandations.
Non sans réserves, dis-je, car, après analyse, les augmentations de crédits sont trop souvent modestes, ne couvrant pas même l’inflation prévue pour 2023 ; je pense notamment aux crédits de la LBU ou à ceux qui sont alloués à la continuité territoriale. Reste que nous considérons ce budget comme un budget de transition vers la méthode renouvelée que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre.
Ma première observation porte sur le logement. Le constat demeure inchangé d’année en année, celui d’un manque cruel de constructions comme de rénovations. Pour l’année 2021, ce sont 3 036 logements locatifs sociaux et très sociaux qui ont été livrés, alors que le besoin annuel est estimé à plus de 8 000. De même, 1 628 réhabilitations de logements sociaux ont été menées à leur terme, en dépit des financements importants du plan de relance.
Concernant la lutte contre l’habitat insalubre, les crédits de 2022 sont reconduits, alors même que les besoins sont immenses. C’est pourquoi je défendrai, au nom de notre commission et en concertation avec les rapporteurs spéciaux, un amendement visant à les porter à la hauteur des enjeux qui s’attachent à cette question.
Je souhaite également insister, dans la continuité des travaux menés par la délégation aux outre-mer, sur la nécessité d’organiser des assises de la construction, en préalable à l’établissement d’un troisième plan Logement outre-mer.
Ma seconde observation a trait à la formation au sens large. Je tiens à souligner la nouvelle montée en puissance du service militaire adapté, lequel, s’il ne saurait constituer la seule réponse aux maux de notre jeunesse, reste un outil puissant d’insertion socio-économique. Il permet de donner à nos jeunes en difficulté une chance réelle, par la rigueur de l’encadrement, l’écoute et les formations proposées.
Je veux mettre en exergue la réussite de nos jeunes diplômés du baccalauréat ou sortant de classes préparatoires. Je m’étonne toujours que les territoires ultramarins, forts de leurs 2,8 millions d’habitants, ne disposent d’aucune école de commerce, école d’ingénieur ou institut d’études politiques. Pourquoi les jeunes Ultramarins devraient-ils toujours aller étudier dans l’Hexagone ?
Il est temps d’ouvrir une réflexion par bassin géographique sur l’offre d’enseignement supérieur présente en outre-mer. S’il est positif que les jeunes souhaitant étudier à Paris puissent le faire dans de bonnes conditions, pourquoi ne pas imaginer, demain, que de jeunes hexagonaux viennent suivre une formation d’excellence dans un territoire ultramarin ?
Si l’on souhaite créer de la valeur sur place, conformément à votre souhait, monsieur le ministre, il faut s’en donner les moyens.
Enfin, le constat de l’inadaptation des normes aux réalités de chaque territoire est unanime. Les élus expriment leur volonté de les coconstruire avec le Gouvernement pour rendre les politiques publiques plus efficientes. Une telle démarche constituerait de surcroît un levier indéniable de création de valeur. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Gérard Poadja et Stéphane Artano applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si elle ne s’est pas opposée à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023, la commission des lois a émis des réserves sur trois points qu’il m’appartient aujourd’hui de vous présenter.
Tout d’abord, le contexte dans lequel s’inscrit l’examen du projet de loi de finances pour 2023 n’est pas neutre : la persistance de la crise énergétique et les tensions inflationnistes exacerbent les problématiques de la vie chère et les difficultés propres aux territoires ultramarins.
Pourtant, force a été de constater le défaut d’adaptation des mesures nationales aux spécificités des collectivités et des entreprises ultramarines. Un chiffre suffit à illustrer cette assertion : six communes ultramarines seulement ont bénéficié du filet de sécurité en 2022.
Nous appelons donc à une meilleure prise en compte des territoires ultramarins dans les dispositifs proposés pour compenser en 2023 la hausse des prix de l’énergie pour les collectivités, les ménages et les entreprises. Nous resterons vigilants quant au suivi et à l’application territorialisée de ces mesures dans nos outre-mer.
Par ailleurs, la principale problématique à laquelle est confrontée la mission « Outre-mer » est celle de la sous-exécution chronique des crédits votés, bien que des efforts aient récemment été entrepris en la matière.
Cet état de fait n’est acceptable ni pour les citoyens, qui ne comprennent pas que les crédits ne parviennent pas jusqu’à eux ; ni pour les collectivités ultramarines – leur situation et les défis auxquels elles font face imposent une politique particulièrement volontariste et pleinement engagée de l’État ; ni pour nous, législateurs, qui voyons notre intention contrariée par la sous-consommation de crédits pourtant votés, parfois même obtenus de haute lutte, dans l’hémicycle.
L’accompagnement des collectivités ultramarines est rendu d’autant plus nécessaire que la situation financière et budgétaire de certaines d’entre elles est fortement dégradée et que le contexte actuel emporte des risques d’aggravation.
Cet accompagnement passe par les contrats de convergence et de transformation, qui doivent impérativement être consommés et améliorés pour l’avenir, par le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), mais également par le dispositif des Corom, que nous vous proposerons de renforcer.
Le budget pour 2023 démontre ainsi une nouvelle fois que les problèmes d’ingénierie dans nos collectivités méritent une réponse adaptée et volontariste ; comme je l’ai annoncé en commission des lois, je déposerai prochainement une proposition de loi pour y remédier.
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable sur l’adoption de ces crédits. (M. Dominique Théophile et Mmes Nassimah Dindar et Annick Billon applaudissent.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens de la mission « Outre-mer » pour 2023 affichent une hausse de plus de 300 millions d’euros par rapport à l’année précédente ; il faut s’en réjouir. Dans cet exercice récurrent, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les parlementaires vous diront rarement merci, monsieur le ministre ; ils préféreront vous interpeller sur les attentes de nos concitoyens ou sur les manquements criants qu’ils relèveront.
Je citerai le mal-logement et l’habitat indigne, qui restent un fléau ; l’insécurité, dont les récents événements survenus à Mayotte et en Guyane sont un exemple ; l’eau potable, inégalement disponible en Martinique et en Guadeloupe ; les déchets, pour la gestion desquels des collectivités déjà endettées doivent encore réaliser des investissements ; les difficultés des PME ; la vie chère, du prix billet d’avion au panier de la ménagère en passant par la facture d’électricité. Notre éloignement engendre des surcoûts permanents causés par la faiblesse concurrentielle et une situation oligopolistique consolidée d’année en année.
Concernant l’emploi, monsieur le ministre, on vous renverra aux chiffres du chômage plutôt que de rappeler l’augmentation des crédits du FEI ou le travail salutaire du régiment du service militaire adapté (RSMA).
Non, nous ne sommes pourtant pas des ingrats !
S’il leur arrive de susciter de l’agacement chez nos compatriotes de l’Hexagone, qui estiment que l’on pleure facilement au soleil, il est aussi vrai que les Domiens se sentent incompris.
Permettez-moi, à titre liminaire, quelques grandes considérations.
Tout d’abord, l’archipel que sont nos territoires demeure une chance exceptionnelle pour la République, car être la première puissance maritime au monde ouvre des perspectives sur des trésors inexploités. Dans cette perspective, nous devons penser en « mériens » et non pas en terriens.
Cela n’est pas toujours simple, alors que l’État exerce une compétence exclusive sur les taxes et sur le domaine de la pêche et que l’Union européenne détient toutes les compétences sur les eaux communautaires, sans qu’aucune collectivité ultramarine y soit associée.
Ensuite, constat sans appel, nos territoires restent les plus inégalitaires de la République. Chez nous, les salaires de la fonction publique sont indexés, car la vie est plus chère, mais le Smic est le même et le taux de chômage plus élevé qu’en métropole.
Chez nous, le foncier est plus rare, mais le prix du mètre carré est identique à celui de la grande capitale parisienne.
Chez nous, c’est la France, mais qu’en est-il vraiment, entre surcoûts de fret, octroi de mer, frais de poste exorbitants et droits de douane particuliers ?
Chez nous, c’est la France, mais quid de ceux qui sont partis sans espoir de retour en famille, de retour au pays ?
Non, nos compatriotes ne sont pas des ingrats, mais une large majorité d’entre eux a exprimé son mal-être et son malaise au travers de votes extrêmes.
Qu’ont-ils voulu dire ? Ce que nous savons déjà : notre modèle économique monopolistique fondé sur des échanges commerciaux exclusifs entre la France et l’Europe n’est plus viable. Un cycle se termine. Ce modèle a permis des progrès évidents dans le monde d’avant, mais il a creusé des inégalités et suscité des frustrations.
Quand bien même la République reste présente lors de chaque crise – passage d’un cyclone, soulèvement à Mayotte, plan Sargasses, soutien à Air Austral ou gros chèque pour achever la nouvelle route du littoral (NRL) à La Réunion –, aucun pansement n’arrête une hémorragie.
Que veulent ces Français de là-bas ? De la simplification, monsieur le ministre.
Un exemple : les élus de La Réunion doivent appliquer la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. Mais notre département est bloqué entre montagne et océan et fortement contraint par de multiples couches de protection : classement au patrimoine mondial de l’Unesco ; exigences de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral ; protection des espaces agricoles ; plan de prévention des risques naturels (PPRN), qui gèle les possibilités d’extension. Bref, vous ne pouvez qu’être d’accord avec moi : un élu réunionnais est face à un véritable casse-tête chinois.
Que veulent ces Français de là-bas ? Payer moins cher leur électricité et utiliser l’énergie radiative du soleil. Pour cela, l’aide à l’investissement dans les énergies renouvelables est nécessaire ; à défaut, comment parvenir à l’autonomie énergétique ? Monsieur le ministre, je sais pouvoir compter sur l’ancien président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que vous êtes pour répondre favorablement à l’amendement concernant les énergies renouvelables que j’ai déposé en première partie.
Vous l’aurez compris, nous voulons moins de contraintes normatives de la part de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) ou de la haute administration.
Qu’attendent les Ultramarins de leurs représentants politiques ? Tout simplement que nous agissions pour qu’ils vivent mieux, pour faire rimer « ultramarin » avec « ultra-humain ».
Je vous demande donc de prendre en compte les différents amendements qui seront défendus par mes collègues et par moi-même, dont celui qui vise à augmenter les crédits alloués à la lutte contre les violences intrafamiliales dans les outre-mer. Un signal de votre ministère serait apprécié, au-delà du droit commun.
Il est temps d’inscrire un vrai changement dans la loi. Monsieur le ministre, oui à la création de valeur ! Répondons « chiche ! » à la proposition que nous a faite ici Gabriel Attal et écrivons ensemble un nouveau plan destiné à tous.
Des propositions existent déjà. Nous pourrions ainsi développer les échanges économiques avec les bassins régionaux voisins. À cette fin, le Gouvernement devra déléguer des compétences aux collectivités que nous sommes. Il faudra en outre renforcer la continuité territoriale pour les marchandises et pour les passagers ; je sais que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) y travaille, sous l’impulsion de votre ministère. Veillez, en outre, à ne pas négliger l’aide au fret.
Vous l’aurez compris, s’agissant de travailler avec vous, nous sommes vitaminés ! Le groupe Union Centriste, malgré toutes les réserves que j’ai formulées, votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur les crédits de la mission « Outre-mer » à l’Assemblée nationale, le 28 octobre dernier, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que la priorité absolue de cette mission était de répondre aux préoccupations du quotidien, en portant une attention particulière aux sujets environnementaux.
Je tiens tout d’abord à vous encourager dans cette volonté de réduire les inégalités entre tous les territoires, une tâche difficile dans un contexte inflationniste marqué par la menace d’une crise énergétique majeure. S’y ajoutent les problématiques sécuritaires, l’immigration, l’insuffisance du pouvoir d’achat aggravée par la vie chère, le chômage de masse ou encore les conséquences de la crise sanitaire. Toutes ces crises rendent le quotidien de nos compatriotes ultramarins souvent insupportable.
Avant de traiter ces différents sujets, je souhaite revenir brièvement sur quelques chiffres. Nous notons une augmentation globale des crédits de 1,15 % en autorisations d’engagement et de 0,69 % en crédits de paiement. Nous vous en donnons acte, mais cette croissance doit être relativisée, car elle est encore insuffisante au regard des besoins réels et des nombreux problèmes que nos territoires ont à affronter. Je sais que vous en êtes pleinement conscient, monsieur le ministre.
Nous ne pouvons examiner les crédits de la mission « Outre-mer » sans aborder des sujets plus larges, comme la question sécuritaire à Mayotte.
Depuis plusieurs jours, une escalade de violence secoue Mamoudzou, où des affrontements entre jeunes de quartiers rivaux ont fait un mort, un homme de 20 ans tué à la machette. À cela s’ajoute l’attaque d’un bus scolaire, sans compter le nombre de blessés qui ne cesse d’augmenter.
Comme l’ont rappelé nos collègues la députée Estelle Youssouffa et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ce phénomène d’extrême violence ne date pas d’hier.
Naturellement, je m’associe aux élus, qui sont démunis, ainsi qu’aux habitants de Mayotte, pour demander au Gouvernement de rétablir l’ordre le plus rapidement possible. Vous revenez d’un déplacement important avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer et nous sommes sensibles et attentifs aux annonces qui ont été faites.
N’oublions pas que d’autres collectivités sont concernées par ces questions sécuritaires ou d’immigration incontrôlée. En Guyane et aux Antilles, l’État doit y apporter une réponse efficace pour protéger nos concitoyens et préserver l’attractivité de ces territoires.
J’en viens maintenant à la vie chère, qui ne fait que s’accentuer dans nos territoires. Dans les outre-mer, la situation socio-économique est beaucoup plus fragilisée que dans le reste de la France.
Lors de la rencontre organisée avec les maires ultramarins au Sénat, le 21 novembre dernier, de nombreux élus ont de nouveau sonné l’alerte quant à la dégradation du cadre de vie. Les plus modestes souffrent et sont les premiers touchés par ce fléau de la vie chère, amplifié, ces derniers mois, par la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières.
Par ailleurs, il est inadmissible que nous n’ayons pas partout sur nos territoires accès à l’eau, aux soins ou encore à un logement décent – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Enfin, comment ignorer le désarroi de nos compatriotes ultramarins face à l’explosion des prix des billets d’avion ? Notre délégation va se pencher dans les prochains mois sur le sujet de la continuité territoriale. Nous savons qu’une réflexion est en cours avec Ladom ; vos arbitrages, monsieur le ministre, sont attendus pour le courant du premier trimestre 2023. Il est vraisemblable, d’ailleurs, qu’à l’avenir les moyens financiers et humains de Ladom évoluent en fonction des missions qui lui seront confiées et d’un élargissement de son périmètre, que nous appelons de nos vœux.
Monsieur le ministre, je n’ai pas la prétention d’être le seul porte-parole des outre-mer ; je sais en tout cas que les populations espèrent des réponses fortes à leurs difficultés quotidiennes : plus de justice et une véritable égalité de traitement entre tous les territoires de la République.
Nous devons apporter une solution commune afin de faire face à cette fracture sociale, pour que soit tenue la promesse de fraternité si chère à Aimé Césaire et si centrale dans nos valeurs républicaines. Je vous sais sensible au rôle de l’État en la matière.
Conformément à la tradition du Sénat, vous trouverez ici des partenaires déterminés à réfléchir avec vous en ce sens, dans un climat apaisé et serein. Cela n’a pas toujours été le cas à l’Assemblée nationale, mais le Sénat cultive cette tradition républicaine, sur laquelle je vous encourage à vous appuyer pour faire avancer les dossiers dont vous êtes chargé.
Il nous faut également travailler à améliorer l’exécution des crédits sur nos territoires et à accompagner le développement de l’ingénierie territoriale afin de permettre aux projets de voir le jour.
Lors du Congrès des maires, j’ai rencontré, à l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) comme au Sénat, des élus en plein désarroi, qui n’obtenaient aucune réponse à leur besoin d’ingénierie. Cette situation nous interpelle, d’ailleurs, quant au déploiement en outre-mer de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Mes chers collègues, s’il restera vigilant lors des débats à venir, le groupe RDSE votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI et sur des travées des groupes GEST, SER, UC et LR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », je tenais à saluer le fait que le Gouvernement ait abondé le budget initial d’un peu plus de 53 millions d’euros de crédits nouveaux, issus des amendements discutés en première lecture à l’Assemblée nationale.
Cela va permettre de renforcer les moyens consacrés au dispositif Corom à l’attention des communes en difficulté, de consolider le développement du RSMA, de compenser la hausse du gazole non routier (GNR) pour les industries ultramarines, mais aussi d’améliorer les moyens alloués à la continuité territoriale.
À périmètre constant, ce budget est donc en hausse d’un peu plus de 11 %, une augmentation non négligeable, mais qui sera quasiment annulée, compte tenu des prévisions d’inflation pour 2023.
Mon intervention portera sur deux thématiques parmi celles qui préoccupent le plus les populations ultramarines : le logement et la vie chère.
La première donne lieu à un constat saisissant : les logements indignes représentent près de 13 % du parc dans les outre-mer, contre 1,3 % dans l’Hexagone. Par leur insalubrité, ils exposent leurs occupants à des risques pour leur sécurité ou leur santé et entravent leur quotidien.
De tels logements sont de plus en plus présents sur nos territoires. C’est la raison pour laquelle je propose, avec plusieurs de mes collègues, d’augmenter les crédits alloués à la résorption de l’habitat indigne et insalubre en outre-mer, qui ont été surconsommés l’an dernier.
Par ailleurs, 80 % des Ultramarins sont éligibles à un logement social, mais 15 % d’entre eux seulement en disposent. Le besoin annuel en logements sociaux est estimé entre 9 000 et 10 000 unités. Ni le Plom 1 ni le Plom 2 n’ont répondu aux attentes, tout le monde en convient, et la production de logements outre-mer est en crise.
Monsieur le ministre, en dépit de l’augmentation de 1,8 % en autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique, nous continuons de déplorer une consommation peu efficace de ses crédits. Pour changer la donne, nous devons assouplir les procédures, qui sont longues et complexes, et mettre en adéquation les financements avec les besoins réels.
À La Réunion, par exemple, les Tl et les T2 sont construits en nombre insuffisant. Il faut donc impérativement concentrer les financements sur les logements destinés aux seniors et sur les petites surfaces, destinées aux jeunes ménages ou aux personnes seules. Une gouvernance plus décentralisée de ces crédits permettrait une meilleure consommation de la LBU.
À cette fin, la question de l’adaptation des normes doit être revue et celle du prix des matériaux doit être posée, car les coûts de construction, trop élevés, sont un frein pour le secteur. Pourquoi ne pas réfléchir à un bouclier qualité-prix sur les matériaux pour l’habitat ?
Il est temps de redresser la barre afin de proposer aux Ultramarins une politique du logement ambitieuse et efficace.
À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rendre compte de la réunion qui devait se tenir fin novembre avec les bailleurs sociaux, dont vous avez fait mention lors des débats à l’Assemblée nationale ?
Le logement, c’est aussi l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), laquelle doit impérativement réviser ses maquettes financières validées avant la crise sanitaire et économique. Les conséquences du covid-19 associées au contexte insulaire ont en effet conduit à une explosion des surcoûts.
Ainsi, la ville de Saint-Pierre a contractualisé avec l’Anru en mars 2020, soit à la veille de la crise du covid-19. La ville se voit désormais contrainte de solliciter une modification du calendrier ainsi qu’une subvention supplémentaire de 10 millions d’euros pour finaliser ce programme de rénovation urbaine. Je compte sur l’aide du Gouvernement dans le traitement de ce dossier.
Le logement relève également de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), dont le plein déploiement dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) est un combat qui reste à mener. Il est impératif de rendre les propriétaires occupants ultramarins éligibles aux aides délivrées par cet organisme.
Le logement, c’est, enfin, l’habitat individuel et collectif de nos seniors, qu’il faut adapter et rénover en innovant, pour le conformer à nos habitudes de vie.
Faisant écho à un amendement que j’avais déposé, le Gouvernement a rendu possible, par la loi du 21 février 2022 dite 3DS, le financement des résidences autonomie dans les territoires ultramarins. Il faut désormais que ces structures se déploient dans nos territoires, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour engager cette dynamique.
L’une des priorités de la feuille de route que vous avez reçue du ministre de l’intérieur et des outre-mer est la lutte contre la vie chère, qui doit se traduire par des résultats sensibles sur les prix des biens et des services, une action particulière étant portée sur les facteurs d’augmentation des prix.
La quasi-totalité des élus ultramarins s’entend pour considérer que la remise en cause de l’octroi de mer constitue un danger grave pour les finances des collectivités locales, dans la mesure où les recettes de cette taxe peuvent représenter jusqu’à 40 % des budgets de fonctionnement des communes.
Une telle remise en cause serait également un danger pour nos TPE et nos PME, cette taxe protégeant leurs produits des importations.
Dans la crise que nous connaissons, il nous paraît plus opportun, à l’instar de ce qui a été fait en Guyane et à Mayotte, d’instaurer une TVA à 0 % sur les produits et services de première nécessité ; je sais toutefois que vous n’y êtes pas favorable.
La vie chère, c’est aussi le coût du fret qui explose et le prix des billets d’avion qui flambe. Monsieur le ministre, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que des réflexions étaient en cours sur ces thématiques. Ont-elles avancé ? Peut-on envisager un travail commun ?
Je conclurai en vous rappelant à la promesse du Président de la République concernant la hausse du coefficient géographique, qui doit devenir réalité. Nous comptons sur votre soutien, monsieur le ministre, car il s’agit d’un enjeu majeur pour les centres hospitaliers universitaires (CHU), notamment pour celui de La Réunion.
Les sénateurs, dans leur sagesse habituelle, amenderont ces crédits alloués à l’outre-mer ; je forme le vœu que, si le Gouvernement devait de nouveau engager sa responsabilité sur la première et la seconde partie du PLF lors de la navette, certains des apports de la Haute Assemblée soient conservés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées des groupes RDPI, RDSE et SER.)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Tous nos apports ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire relative à l’outre-mer s’inscrit dans un contexte inflationniste et de renchérissement du coût de l’énergie, alors que nos concitoyens ultramarins sont déjà fragilisés par de nombreux facteurs : une balance commerciale déficitaire, des taux de chômage deux à trois fois plus élevés qu’en métropole ou encore un éloignement géographique favorisant la vie chère.
Aussi, dans ce contexte particulier, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent être mobilisés plus que jamais au service de nos territoires ultramarins. Il s’agit de donner à ces territoires les moyens de leur développement et de les aider à relever les multiples défis auxquels ils sont confrontés.
C’est donc avec satisfaction que je constate que ces crédits sont en légère augmentation par rapport à l’année 2022. Ils s’élèvent ainsi, pour 2023, à 2,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,58 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1,75 % et de 1,4 % par rapport à 2022.
Toutefois, il faut souligner que la mission « Outre-mer » ne constitue qu’une petite partie du budget de l’État consacré aux territoires ultramarins. En effet, la politique transversale de l’État en direction de l’outre-mer est portée par 101 programmes relevant de 32 missions.
L’effort budgétaire de l’État en faveur des territoires ultramarins s’élève ainsi à 20,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 21,7 milliards d’euros en crédits de paiement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Ainsi la hausse est-elle respectivement de 1,1 % et de 3,7 % par rapport à l’année 2022 ; elle est bienvenue, car les besoins sont importants.
À cet égard, je tiens à évoquer la nécessité de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes Ultramarins. Depuis plusieurs années déjà, leur situation du point de vue de l’emploi suscite des inquiétudes ; elle doit être rapidement améliorée si l’on veut que soit garanti non seulement leur avenir, mais également le développement des outre-mer.
Aussi, je me félicite de la hausse des crédits en matière de soutien à l’insertion et à la formation des jeunes Ultramarins – elle est de près de 10 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement.
Je veux également mettre l’accent sur l’état du parc de logements en outre-mer. Cette question est une préoccupation forte des Ultramarins et la situation de l’habitat indigne et insalubre impose une politique particulièrement volontariste.
Aussi, je salue l’initiative de nos rapporteurs de majorer de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits destinés à la résorption de l’habitat insalubre.
Avant de conclure, je tiens à souligner un problème récurrent : la sous-consommation des crédits outre-mer. Cette situation est extrêmement dommageable eu égard aux besoins impérieux des territoires ultramarins, notamment en matière de logement et d’emploi. Il est primordial de trouver les moyens pour y remédier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les outre-mer, ce sont douze territoires français répartis sur les deux hémisphères et rayonnant sur trois océans ; douze territoires qui sont la France. Nous avons le devoir d’instaurer une égalité réelle entre tous nos territoires afin que chaque citoyen puisse y vivre avec le sentiment d’appartenir à une seule et même communauté. Ce budget y contribue.
Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Mme Victoire Jasmin et M. Michel Dennemont applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » n’ont augmenté que de 1,71 % en autorisations d’engagement et de 1,29 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2022.
C’est peu pour une mission dont le principal objectif est le rattrapage des écarts persistants entre l’outre-mer et la métropole, a fortiori dans un contexte de crise économique et sociale, et alors que les inégalités entre les territoires ultramarins et la métropole ne cessent de se creuser.
Ainsi, l’effondrement du tourisme entraîne une situation catastrophique en Polynésie et plus de 20 % des Antillais et des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté, ce chiffre étant plus élevé encore à Mayotte.
L’outre-mer compte 13 % des logements indignes recensés en France, pour 4 % de la population du pays. Comme l’a montré le rapport que j’ai commis avec mes collègues Victorin Lurel et Micheline Jacques, que je salue, l’objectif de 10 000 logements créés ou réhabilités chaque année n’est, hélas ! pas atteint.
Pourtant, 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social ; mais seuls 15 % d’entre eux en bénéficient.
À cet égard, nous regrettons que les fonds demeurent insuffisants pour résorber l’habitat insalubre et que les crédits de l’action Logement du programme 123 baissent de 10,57 % en crédits de paiement. Plutôt que de lutter contre les facteurs de la sous-consommation des crédits outre-mer, on réduit les lignes budgétaires.
Si les collectivités ultramarines ont leur part de responsabilité dans cette situation, le manque d’ingénierie de l’État et la faiblesse du pilotage du ministère sont également en cause, comme nous le soulignions dans notre rapport. Nous y demandions l’organisation d’assises du logement outre-mer ; monsieur le ministre, nous n’attendons que votre signal.
Rappelons aussi que la Cour des comptes estimait, en septembre 2020, que les coûts des matériaux étaient de 20 % à 30 % supérieurs en outre-mer. Depuis lors, cet écart n’a fait que s’aggraver ; raison de plus, comme nous le suggérions également, pour renforcer les filières locales et pour promouvoir les matériaux biosourcés locaux et une architecture bioclimatique s’appuyant sur les savoir-faire traditionnels et l’habitat vernaculaire. Voilà une impulsion à donner pour utiliser les nombreux crédits non consommés d’un plan de relance !
Ce programme budgétaire a pour vocation d’opérer un rattrapage de niveau de vie ; et pourtant, il ne comprend toujours pas de plan Marshall des infrastructures, lesquelles pèchent dans tous les domaines – réseaux électrique, de transports, de communication.
Le plus grave est toutefois la vétusté considérable du réseau d’eau et d’assainissement. Comment imaginer, dans la septième puissance économique mondiale, que des robinets soient à sec ou déversent une eau blanche saumâtre, voire contaminée au chlordécone ; que les coupures d’eau soient hebdomadaires, comme en Guadeloupe ; que des écoles ferment plus d’un mois par an faute d’eau ?
En cause, des canalisations vétustes et mal entretenues, qui entraînent une invraisemblable déperdition de 60 % à 80 % de l’eau captée, un défaut d’entretien et de surveillance qui touche 70 % des stations d’épuration et des réseaux d’assainissement privés qui ne sont pas aux normes.
Cette catastrophe sociale se double naturellement d’une catastrophe écologique : le débit des rivières diminue dangereusement, ce qui menace la continuité écologique et des pans entiers de la biodiversité. Les nappes phréatiques, souvent contaminées au chlordécone, risquent en outre la salinisation.
En Martinique, la pêche est interdite dans de nombreux cours d’eau à cause du chlordécone, et les récifs coralliens souffrent grandement.
En Guadeloupe, l’agence régionale de santé (ARS) donne l’alerte : à ce rythme, d’ici dix ans, il n’y aura plus de coins de baignade de grande qualité. Un désastre écologique, touristique et, partant, économique est en germe.
Le cas des Antilles est symptomatique, mais j’aurais pu évoquer les eaux contaminées au nickel en Nouvelle-Calédonie, ou au mercure en Guyane.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur a promis 170 millions d’euros pour les réseaux guadeloupéens, là où il en faudrait 600, voire 700. Il avait l’ambition de régler le problème en cinq ans. Il faut accélérer !
Financement, ingénierie, main-d’œuvre : l’État doit suppléer les collectivités locales partout où c’est nécessaire. Il faut mettre en place une gestion publique de l’eau et cesser de confier ce précieux commun à la prédation de Veolia et consorts.
Un mot, pour finir, de la protection de la biodiversité ultramarine, qui concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national. Selon les estimations de l’Office national de la biodiversité (OFB), ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition.
Monsieur le ministre, la visibilité fait grandement défaut, dans ce PLF, quant aux crédits destinés spécifiquement à la protection de la biodiversité ultramarine. Cela est d’autant plus problématique que la France vient d’annoncer un renforcement de ses aires marines protégées.
En tout état de cause, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultramarine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission « Outre-mer » ?
Avec toutes les réserves énoncées, et en souhaitant que les avancées du Sénat résistent au 49.3, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances est un moment toujours particulier pour nous, sénateurs ultramarins. Je dis « nous », parce que ces débats, s’ils sont scrutés dans nos territoires, n’attirent généralement pas les foules dans cet hémicycle.
Les attentes et les enjeux sont pourtant nombreux, puisqu’il s’agit de combler le retard de développement pris sur l’Hexagone en matière d’emploi et de conditions de vie.
Cette année, l’examen de la mission revêt peut-être une dimension supplémentaire. C’est en effet une année de renouvellement sénatorial, mais c’est aussi la première fois depuis deux ans que nous nous réunissons pour débattre de ces crédits.
Avec 2,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement, le budget du ministère des outre-mer enregistre pour 2023 une légère hausse, de 1,7 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. À périmètre constant, c’est toutefois une hausse supérieure à 11 % qu’il nous faut saluer.
Dans le détail, le budget de la mission « Outre-mer » est résolument tourné vers l’emploi.
La hausse des crédits du programme 138 au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales est bien sûr un motif de satisfaction ; elle permettra de renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines et de soutenir l’emploi dans les secteurs stratégiques.
Autre motif de réjouissance, la forte progression des moyens alloués à l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, portée par le déploiement du plan SMA 2025+. Les quelque 30 millions d’euros supplémentaires qui seront mobilisés permettront de poursuivre les projets entrepris cette année, notamment à Mayotte et en Polynésie française.
Enfin, Ladom continuera de mettre en œuvre l’accord-cadre national avec Pôle emploi et recentrera ses actions de formation sur des filières stratégiques et d’avenir comme la transition écologique et le numérique.
Second volet de la mission, le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », enregistre pour 2023 une hausse de 4 millions d’euros de la ligne budgétaire unique consacrée au logement social. Cette augmentation s’inscrit dans la dynamique impulsée par le plan Logement outre-mer 2019-2022, ce dont nous nous réjouissons.
Ce budget se caractérise surtout par le renforcement substantiel du soutien aux collectivités – 34 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement, 50 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement –, qui permet le maintien à niveau des crédits des contrats de convergence et de transformation et le financement de la subvention à la collectivité territoriale de Guyane.
Ce soutien aux collectivités se traduira également par un effort exceptionnel de 30 millions d’euros pour soutenir le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, ce dont je me félicite – j’y reviendrai dans quelques instants.
Notons également la poursuite de l’action de l’État en matière d’assistance technique et de soutien à l’ingénierie pour la concrétisation des projets structurants des territoires ultramarins, ainsi que l’effort déployé pour répondre au problème de la sous-consommation des crédits que nous votons chaque année.
Au-delà de nos talents locaux, nos collectivités doivent se saisir des outils dont elles disposent – je pense notamment à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Je me réjouis par ailleurs de la contribution du ministère à la lutte contre les algues sargasses et au programme d’intervention territoriale de l’État, ainsi que de la prise en charge de la totalité des investissements des services publics antisargasses qui viennent d’être créés en Guadeloupe et en Martinique.
Il y a là un nouveau motif de satisfaction, car la création de ces services publics était l’une des recommandations formulées dans mon rapport de 2019 intitulé « Lutte contre les sargasses dans la Caraïbe : stratégies de prévention et de coopération régionales ».
Cette étape est importante, mais elle doit être suivie d’une seconde, à savoir le stockage des algues. Les teneurs mesurées en arsenic, et parfois en chlordécone, font en effet craindre une pollution des sols et des eaux à proximité des sites de stockage. Il nous faut avancer sur cette problématique ; dans mon rapport, monsieur le ministre, je préconisais par exemple l’endiguement de ces sites.
Permettez-moi, pour conclure, de formuler un regret et quelques souhaits.
Mon regret, tout d’abord, se rapporte à la gestion de l’eau en Guadeloupe. Les moyens alloués, à hauteur de 30 millions d’euros, devront s’accompagner d’une vision, mais aussi d’un engagement pluriannuel de l’État. C’est à mes yeux le seul moyen de retrouver la sérénité nécessaire et de régler définitivement cette question qui embrase un peu nos territoires ; car les financements ne sont pas tout : il faut encore savoir les mobiliser.
Mes souhaits, ensuite, ont trait au périmètre de la mission « Outre-mer ». Chaque année, nous sommes nombreux sur les travées de cet hémicycle à regretter que ces crédits ne représentent que 13 % du budget que l’État consacre à nos territoires.
Le périmètre exhaustif des crédits comprend en effet 101 programmes budgétaires relevant de 32 missions. En 2023, plus de 20 milliards d’euros seront ainsi mobilisés pour les outre-mer, en hausse de 1,1 % en autorisations d’engagement et de 3,7 % en crédits de paiement.
C’est beaucoup, et pourtant, nous ne disposons pas, à ce jour, d’un espace de discussion sur ce budget transversal qui fonde le développement de nos territoires.
Les crédits qui ne figurent pas dans la mission « Outre-mer » – soit 87 % du total – ne doivent pas être passés sous silence et échapper ainsi au débat politique. Il nous faudra pouvoir un jour discuter de la réalité de nos territoires, de nos aspirations, de nos différences. En effet, les questions relatives à la sécurité, à l’éducation et à la santé, par exemple, ne se posent pas dans les mêmes termes que l’on soit à Mayotte, en Polynésie française ou en Guadeloupe.
Je plaide pour qu’émerge une vision moderne de l’approche budgétaire. Et pareil renouvellement de l’approche budgétaire doit aller de pair, me semble-t-il, avec une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour les outre-mer – je vous soumets cette idée que, du reste, vous aurez peut-être déjà eue, monsieur le ministre.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission et soutiendra les amendements déposés par les rapporteurs spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Victoire Jasmin et Nassimah Dindar applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer un certain état d’esprit qui régit désormais les relations entre les élus et le ministère de ladite outre-mer.
Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que, depuis que celui qui en était le titulaire lors des précédents débats budgétaires a commencé d’exercer ces fonctions, j’apprécie la réactivité, la proximité, l’écoute de votre ministère – et vous avez heureusement maintenu cette ambiance générale.
Ce regain d’attention permet évidemment une meilleure compréhension de nos peuples singuliers. La prise en compte de nos cultures, de nos expressions, de nos passés douloureux doit présider au traitement de notre quotidien.
Votre budget est en augmentation, monsieur le ministre. J’aurais pu m’en contenter, m’en satisfaire ; mais non ! j’aimerais que l’on aille plus loin. À mes yeux, les intentions comptent davantage encore que les sommes importantes affectées à votre mission. Je crois aux intentions fortes, affichées et concrètes en faveur d’une plus grande justice et d’une plus grande équité.
Tel est le sens des amendements que j’ai déposés. En les défendant, nous ne vous dirons pas : « mettez plus ! ». Nous solliciterons votre engagement à tenir des objectifs pour le quotidien de nos peuples.
Ce quotidien rime avec augmentation du taux de pauvreté, vie chère, vieillissement et baisse de la population, en particulier pour la Guadeloupe et la Martinique.
Par ces amendements, je vous demande notamment de sanctuariser une somme pour l’accompagnement dans le logement social. Les bailleurs sociaux sont aux abois, non parce qu’ils n’auraient pas assez de sous pour construire, mais parce qu’ils sont désormais confrontés à l’immense difficulté du vivre-ensemble.
Les crédits de la LBU doivent permettre d’y veiller, en donnant aux bailleurs les moyens d’assumer les nouveaux rôles qui, de fait, leur incombent : assistant social, psychiatre, gériatre, travailleur familial.
Par ces amendements, je vous demande également d’afficher une intention forte en faveur de l’amélioration de la mobilité de nos populations, en situation de grande injustice face à l’augmentation considérable des tarifs aériens.
Il faudra favoriser le retour, en particulier en Guadeloupe et en Martinique. On déplore, dans les rangs des Martiniquais, une saignée de 4 500 personnes par an ! Pareille situation appelle un dispositif exceptionnel, car nos peuples sont tout simplement en voie de disparition.
Les départs ont été organisés par l’État entre les années 1960 et les années 1980. C’était alors la seule réponse apportée au mal-développement : « Partez ! Allez ailleurs ! »
Monsieur le ministre, il faut désormais organiser le retour. Le même dispositif qui a servi à saigner ces peuples doit à présent œuvrer à repeupler nos territoires ! D’après un sondage très sérieux mené auprès de 6 000 de nos ressortissants, 85 % d’entre eux veulent rentrer dans leur pays.
Nos peuples ont soif d’entendre des mots forts, des intentions fermes, des objectifs évaluables !
Les collectivités locales, vers lesquelles, souvent, on se tourne – l’État lui-même nous renvoie volontiers vers elles –, ont beau pousser à fond leurs moyens, elles ne peuvent plus continuer à éponger une pauvreté qui augmente sans cesse, en particulier en cette période de forte inflation.
Monsieur le ministre, écoutez-nous lorsque nous défendrons nos amendements. Faites confiance à nos analyses : le bon sens dont elles sont empreintes est le fruit d’une connaissance exceptionnelle de nos compatriotes et du terrain. Ne sanctionnez pas systématiquement nos propositions pour un droit au bonheur de nos compatriotes d’un implacable et froid avis défavorable !
Ne soyez pas défavorable à l’équité, monsieur le ministre ! Ne soyez pas défavorable à la justice ! Ne soyez pas défavorable au mieux-être et au mieux-vivre de nos peuples, rompus qu’ils sont de mauvais sommeil !
Ne soyez tout simplement pas défavorable à l’esprit de la République !
Monsieur le ministre, parce que je crois en l’homme et parce que j’ai de moins en moins envie d’entendre craquer les os de ces vieilles nations impérialistes, j’ai envie de vous faire confiance. Je voterai donc votre budget. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Nassimah Dindar et M. Michel Dennemont applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner l’augmentation de plus de 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement des crédits alloués à la mission « Outre-mer ».
Les dispositifs de soutien exceptionnel aux collectivités d’outre-mer sont renforcés, ce qui permet d’élargir la liste des bénéficiaires. Cela témoigne de la bonne volonté du Gouvernement de se soucier – enfin – de tous les territoires de la République.
Mais est-ce suffisant pour faire face à l’ampleur des enjeux et de la détresse, évoquée à l’instant, des habitants des outre-mer ?
La première journée du 104e Congrès des maires, à Paris, était consacrée à l’outre-mer. L’inquiétude de nos élus locaux face aux enjeux et problématiques des territoires ultramarins n’est pas une mince affaire : elle appelle une forte attention et le déploiement de grands moyens.
Dans ces territoires doublement affectés par la crise économique, énergétique, écologique, sanitaire, et dont le retard de développement ne pourra pas être compensé de sitôt, les communes et les élus locaux ont besoin d’un accompagnement fort pour mettre en place des politiques publiques, pour exercer leur mission première de service public et pour lutter contre la pauvreté grandissante.
L’inflation a dépassé les 10 %. La vie est chère, le pouvoir d’achat diminue, la population est en détresse.
Les mobilisations populaires continuent, et le calme n’est malheureusement pas près de revenir.
Les produits alimentaires sont entre 28 % et 38 % plus chers qu’en métropole.
Le taux de pauvreté en outre-mer varie entre 33 % et 77 %, contre 14 % dans l’Hexagone.
Les citoyennes et les citoyens des outre-mer demandent une égalité de traitement et veulent qu’on les considère comme tous les autres. Pour cela, ils et elles doivent pouvoir travailler et vivre dignement ; l’emploi est un vecteur fondamental de lutte contre cette pauvreté.
Mais le niveau de vie médian en outre-mer est inférieur de près de 30 % à celui de l’Hexagone. Comment compenser un tel retard ? À emploi équivalent, les salaires sont plus bas que dans l’Hexagone, alors même que la vie est plus chère dans les outre-mer.
Je salue l’amendement n° II-16 rectifié, présenté au nom de la commission des finances, visant à majorer les crédits alloués à la résorption de l’habitat insalubre (RHI) en outre-mer. Du fait de la rareté du foncier, du réchauffement climatique et de ses conséquences, de la croissance démographique et de bien d’autres paramètres, les difficultés relatives au logement et à l’habitat vont en effet croissant. Une politique du logement forte s’impose, non seulement pour construire davantage de logements sociaux, mais également pour lutter – c’est une grande bataille – contre l’habitat indigne.
Les services publics sont touchés, les ressources manquent et les inégalités entre l’Hexagone et les outre-mer sont frappantes. Les déserts médicaux avancent, les hôpitaux sont en détresse, le service public de la santé fait défaut.
Le développement de l’économie locale est pourtant indispensable pour permettre aux ménages et aux jeunes de sortir de cette spirale par l’emploi.
Au-delà de l’augmentation des crédits de la mission « Outre-mer » – que je salue de nouveau –, il faut lutter contre les différences de traitement et hiérarchiser les objectifs.
L’égalité républicaine doit exister pour toutes et pour tous. Ces territoires veulent se développer, avoir leur destin en main. Les jeunes veulent étudier dans de bonnes conditions, s’insérer dans le milieu professionnel, dépasser ce plafond de verre et construire leur vie. Ils ont besoin de soutien et d’écoute.
Monsieur le ministre, ce ne sont pas des décisions prises d’« en haut » qui permettront de comprendre les problématiques du « bas ». Il faut faire avec celles et ceux qui sont confrontés aux difficultés quotidiennes. Il faut faire avec les maires, avec les élus dans leur diversité, qui demandent un dialogue et de la coopération. Les représentants de l’État doivent entendre les revendications et adapter leurs propositions en fonction des territoires.
Dans la droite ligne des présents propos, nous avons déposé des amendements tendant à mettre en lumière quelques difficultés rencontrées par les populations d’outre-mer : vie chère, accès à l’eau, désamiantage – nous y reviendrons.
Mme la Première ministre a annoncé ce mardi qu’un comité interministériel des outre-mer se tiendrait au printemps afin de suivre ces différents dossiers. Nous y serons attentifs, et nous serons aux côtés de celles et ceux qui ont besoin d’être écoutés.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’augmentation des crédits de cette mission montre qu’il y a du progrès. Il faut maintenant des actes forts en faveur de nos concitoyens ultramarins qui subissent au quotidien, depuis des années, ces inégalités, ces défaillances structurelles et ce manque de considération.
Cela étant dit, mon groupe ne s’opposera pas à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDPI. – Mme Nassimah Dindar et MM. Stéphane Artano et Alain Duffourg applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes LR et SER.)
M. Gérard Poadja. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer par remercier M. le ministre de sa présence dans cet hémicycle aujourd’hui, alors qu’il revient à peine du Caillou, où avec M. Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, il a travaillé au retour du dialogue entre tous les partis calédoniens, indépendantistes et non indépendantistes. C’est très important à ce moment de notre histoire !
Votre présence témoigne de votre considération pour la représentation sénatoriale.
Le projet de loi de finances que nous examinons traduit l’intention du Gouvernement d’aider nos compatriotes ultramarins à faire face à un contexte international particulièrement défavorable, qui aggrave les difficultés déjà considérables de nos territoires.
Je salue en particulier les moyens alloués au plan SMA 2025+ ainsi qu’à la lutte contre le changement climatique dans le Pacifique.
Monsieur le ministre, mon propos sera précis : il faut désormais traduire dans les faits l’une des recommandations du rapport d’information de l’Assemblée nationale en date du 3 octobre 2019 sur la continuité territoriale dans les outre-mer.
J’invite donc le Gouvernement à appliquer effectivement l’article L. 1803-4 du code des transports sur l’aide à la continuité territoriale.
À l’heure actuelle, seule la Guyane bénéficie de ce dispositif. Si cette aide est indispensable compte tenu des difficultés inhérentes à ce territoire, cela s’entend également pour la Polynésie française, dont le territoire intérieur est composé de 118 îles réparties sur 5,5 millions de kilomètres carrés.
Et cela vaut, bien sûr, pour les îles de l’archipel calédonien, les populations de Lifou, de Maré, de Tiga, d’Ouvéa, de Bélep et de L’Île-des-Pins devant prendre l’avion ou le bateau pour accéder à des services publics essentiels – lycée, université, hôpital, démarches administratives, etc.
Quant aux habitants de l’île de Futuna, ils ont impérativement besoin de rejoindre régulièrement l’île de Wallis, distante de 250 kilomètres. Et certains services, notamment médicaux, ne sont accessibles aux habitants de Wallis et de Futuna que s’ils se rendent à Nouméa, distante de 2 100 kilomètres.
L’extension de l’aide à la continuité territoriale aux déplacements inter-îles permettrait d’éviter l’exode des populations vers Papeete et Nouméa et d’assurer le développement économique et le désenclavement de ces territoires.
Monsieur le ministre, soyez assuré que nos populations socialement en difficulté ont besoin de bénéficier de ce dispositif – je pense en particulier à nos anciens et à nos jeunes. Je compte sur votre détermination pour mettre fin à cette injustice entre les outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – M. Jean-Louis Lagourgue et Mmes Victoire Jasmin et Éliane Assassi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Annick Petrus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » est l’occasion pour moi de vous livrer l’état d’esprit de nombreux collègues des territoires ultramarins.
Si nous pouvons nous féliciter d’un budget en augmentation et du soutien d’un ministre qui connaît et apprécie nos territoires, nous avons vite déchanté lorsqu’a commencé l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
Fatigués, nous sommes de nous voir opposer des fins de non-recevoir, au nom d’arguments qui démontrent une méconnaissance tant de nos territoires que des difficultés de ceux qui y vivent – du reste, la plupart de ces difficultés ont disparu de l’Hexagone depuis fort longtemps.
Fatigués, nous sommes, tandis que nos amendements sont rejetés l’un après l’autre, d’être confrontés à ce sentiment d’indignité et à l’impression fréquente de mendier, quand nos demandes relèvent pourtant du droit primaire de nos administrés : se soigner, se loger décemment, aider l’économie pour donner un emploi et, partant, un peu de dignité à chacun, un système scolaire prenant en compte les particularités des territoires et permettant à chacun de réussir.
Au-delà de ce manque de connaissance des territoires ultramarins, nous devons faire face à l’incompréhension de nos concitoyens qui, devant les injustices qu’ils subissent, sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les extrêmes.
Concernant le droit à réduction d’impôt qu’ouvrent les investissements réalisés en faveur de la rénovation hôtelière, comment expliquer le refus systématique du Gouvernement d’aligner le taux applicable à Saint-Martin sur celui dont bénéficient les départements d’outre-mer, en dépit du manque de chambres d’hôtel disponibles sur l’île de Saint-Martin, de l’état de son économie, du taux de chômage qui l’affecte et du désavantage dont elle pâtit comparé à ses voisins qui, eux, ne sont pas soumis aux normes strictes imposées aux régions ultrapériphériques (RUP) ?
Comment expliquer que les gens continuent à mourir à Saint-Martin faute de pouvoir être transférés vers le CHU le plus proche après dix-huit heures ? Une solution n’a toujours pas été trouvée pour garantir ces évacuations sanitaires, par exemple en autorisant les vols après dix-huit heures au départ de l’aéroport de Grand-Case.
Pour autant, nous ne céderons pas au pessimisme, car, bien sûr, tout n’est pas noir : nous continuons d’espérer. Je formulerai donc quelques vœux pour Saint-Martin, monsieur le ministre.
Je plaide, tout d’abord, pour la mise en place à Saint-Martin du bouclier tarifaire, afin que la péréquation tarifaire qui y prévaut depuis 1975 et qui est garantie par la convention-cadre de 2001 ne soit pas, dans les faits, remise en cause.
Je souhaite, ensuite, que soit conçu et mis en œuvre, dans le courant de l’année 2023, un dispositif de remise automatique sur le prix du carburant dans les trois collectivités d’outre-mer (COM) de l’Atlantique.
Je propose l’instauration du chèque énergie dès l’an prochain.
Je milite, compte tenu de la prégnance des problématiques relatives au logement, pour l’octroi à Saint-Martin, à partir de 2023, d’une dotation exceptionnelle pluriannuelle de 2,7 millions d’euros sur six ans au titre de la RHI, analogue à celle dont bénéficie la COM de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par ailleurs, à ce jour, la compensation rétroactive par l’État des charges résultant des compétences transférées en 2012 – logement et habitat –, soit au minimum 17,4 millions d’euros sur dix ans, n’a toujours pas été engagée.
Quant à mon souhait d’une augmentation de 45,9 % à 53,55 % du taux de la réduction d’impôt applicable aux travaux de rénovation hôtelière, je l’ai déjà exprimé.
Je demande la révision, courant 2023, de la convention de gestion signée le 21 mars 2008 entre la collectivité de Saint-Martin et la direction générale des finances publiques (DGFiP), et la création d’applications informatiques adaptées à la fiscalité saint-martinoise, assortie de l’assistance humaine, financière et technique nécessaire, conformément aux recommandations de la mission interministérielle de juillet 2015, mais aussi au référé de la Cour des comptes en date du 22 décembre 2017.
Je sollicite, enfin, le réengagement de l’État dans l’administration des douanes. Il ne reste que deux douaniers à Saint-Martin, monsieur le ministre ! Cela signifie qu’il n’y a plus de contrôle effectif sur le territoire. Si, en effet, Saint-Martin a été érigée en collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution, notre statut, au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, n’a pas été modifié. Saint-Martin reste une région ultrapériphérique de l’Union européenne, et relève à ce titre du territoire douanier communautaire.
Telles sont, monsieur le ministre, les actions prioritaires qui pourraient redonner un peu d’espoir à Saint-Martin. Ne laissez pas la géographie décider de qui est citoyen français à part entière, ou entièrement à part ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE.)
M. Jérôme Bascher. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme Victoire Jasmin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion, et pour ne pas être redondante avec les propos – que j’apprécie – tenus par mes collègues des différents groupes, je serai synthétique.
Monsieur le ministre, le budget est en augmentation. Sera-t-il à la hauteur des besoins et des enjeux qui s’imposent aux élus ultramarins ? Telle est la question.
Je souhaite insister sur certaines problématiques qui sont malheureusement toujours d’actualité et qui me tiennent particulièrement à cœur.
La première a trait au pouvoir d’achat, qui reste la principale préoccupation des familles d’outre-mer. La vie chère exige d’adapter la composition du panier du bouclier qualité-prix aux habitudes de consommation de chacun de nos territoires.
Par ailleurs, aujourd’hui même, 1er décembre 2022, les prix maximums du carburant et du gaz consommés en Guadeloupe ont été révisés à la hausse, alors même que ces prix flambent. Ce n’est pas normal ! Entre les volontés affichées et la réalité des territoires, entre le dire et le faire, il y a la mer !
Le rapport de l’inspection générale des finances sur la régulation des prix du carburant et du gaz dans les départements d’outre-mer reste d’ailleurs sous embargo, monsieur le ministre. Je vous avais pourtant demandé sa communication au Parlement, et le Sénat a voté un amendement en ce sens. Pourquoi l’embargo n’est-il pas levé ? Pourquoi cette opacité ?
J’attire également votre attention sur la formation des jeunes. Il est essentiel de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement des entreprises, afin de créer des emplois pérennes et de garder les forces vives sur notre territoire, sur l’ensemble des territoires ultramarins. La réussite de l’orientation et de l’affectation des élèves est fondamentale pour éviter le dépeuplement à moyen terme, qui pourrait malheureusement être irréversible, comme l’ont dit Mmes Catherine Conconne et Micheline Jacques.
En ce sens, la recherche d’une adéquation entre la formation aux métiers en tension, d’une part, et les besoins des entreprises, d’autre part, constitue l’un des leviers d’atténuation du chômage.
En outre, il convient d’assurer une différenciation effective par la mise en cohérence des nombreuses normes auxquelles sont soumises nos collectivités d’outre-mer ; cela vaut non seulement pour les règles relatives aux risques naturels majeurs et à l’objectif de zéro artificialisation nette, mais aussi pour celles qui concernent le foncier agricole, dont il convient de maintenir l’équilibre pour la souveraineté alimentaire et énergétique.
Enfin, j’évoquerai l’accompagnement des différentes collectivités territoriales : certes, il faut des moyens budgétaires, mais il est également nécessaire que l’État prenne toutes ses responsabilités à leurs côtés. Vous avez pu entendre récemment les élus locaux, monsieur le ministre : lors du dernier congrès des maires, ils ont mis en évidence les problématiques qui leur sont propres.
Aussi, monsieur le ministre, il serait souhaitable que le Gouvernement prenne en compte ces différents éléments en fonction des besoins spécifiques de chacun de nos territoires, pour que nous puissions tous ensemble bénéficier de son accompagnement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la première fois dans cet hémicycle, quelques mois après ma prise de fonction sous l’autorité de Gérald Darmanin, j’ai l’honneur de vous présenter ce budget de la mission « Outre-mer », dont les crédits augmentent sensiblement.
Cette mission est résolument tournée, tout à la fois, vers le quotidien et l’avenir de ceux que j’ai désormais envie d’appeler nos concitoyens de la « France océanique ». J’avais imaginé parler de « l’archipel France », mais M. le sénateur Patient m’a expliqué que cela ne convenait pas du tout, la Guyane n’étant pas une île !
M. Jérôme Bascher. Quoi qu’en dise le Président de la République… (Sourires.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je me suis donc dit que j’essaierais d’imposer le terme de « France océanique », qui me paraît juste, l’adjectif « ultramarin » restant selon moi un peu inexact, mais nous pourrons étudier la question.
Les moyens de la mission, en hausse de 300 millions d’euros dans le texte initial, le sont désormais de 353 millions d’euros à la suite des débats à l’Assemblée nationale, soit une hausse de 13 %. Au sénateur Gontard, qui a dit que la hausse était de 1 %, je réponds qu’il faut regarder les périmètres. À périmètre égal, en ajoutant ce qui a été défiscalisé, on est bien à +11 % par rapport au texte initial et à+13 % si l’on prend en compte les 53 millions d’euros de crédits supplémentaires introduits à l’Assemblée nationale. Pour la première fois, nous allons tutoyer les 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.
Néanmoins, comme l’a indiqué l’un des orateurs qui m’ont précédé, il est souhaitable que nous ayons un regard global sur tout ce qui concourt à la participation de l’État à la vie de cette France océanique, dans un périmètre qu’il conviendrait peut-être d’élargir ; c’est un autre débat, que je garde en tête.
J’ai voulu articuler la présentation des crédits de la mission que je souhaiterais nommer « France océanique » autour de quatre priorités.
Toutefois, en réponse à certaines interventions, je tiens en préalable à vous dire que ni moi ni Gérald Darmanin ne sommes là pour remplacer les collectivités territoriales. Nous discutons avec elles, nous essayons d’agir ensemble, puis nous nous mettons derrière elles. Moi, le plus grand jacobin de la République, outre-mer, je veux être derrière les collectivités locales et non pas devant !
Monsieur le sénateur Soilihi, vous savez que c’est ce que nous tentons de faire, notamment à Mayotte. C’est déjà beaucoup d’être derrière et je ne tiens pas à être devant.
La première priorité, c’est de répondre aux préoccupations du quotidien, en accordant une attention particulière aux sujets environnementaux.
Vous l’avez tous noté, une enveloppe de 30 millions d’euros a été budgétée pour accompagner le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). Je veux dire à ceux qui en doutent encore que je fais confiance aux élus locaux : nous nous sommes vus, nous nous sommes mis d’accord et ils vont le faire. Le 9 décembre prochain, tout sera bien calé, l’assistance technique sera sur place – j’y reviendrai plus tard – et on aura fait un pas gigantesque en Guadeloupe.
De manière plus générale, je veux rappeler qu’en matière de financement de l’eau, entre 2016 et 2022, ce sont 280 millions d’euros de subventions qui ont été octroyés à l’ensemble des territoires ultramarins, auxquels il faut ajouter 335 millions d’euros de prêts et 10 millions d’euros d’assistance technique. Ce n’est pas rien.
Et nous allons passer la surmultipliée, notamment en Guadeloupe, comme je viens de le dire, mais aussi à Mayotte, où j’ai signé un contrat de progrès du service public de l’eau potable et des eaux usées pour la période 2022-2026, d’un montant de 411 millions d’euros.
En vous répondant, monsieur le sénateur Soilihi, je m’adresse aussi au député Kamardine : à Mayotte, j’attends la demande de déclaration d’utilité publique pour lancer le processus ; elle a été retirée, monsieur le sénateur, comme vous le savez.
On avance donc, mais je suis derrière et je ne veux pas être devant.
Une autre mesure qui me tient particulièrement à cœur a été saluée : il s’agit de la mise en place des services publics anti-sargasses, dont le financement est assuré pour 80 % par l’État, à hauteur de 5 millions d’euros en 2023 ; s’y ajoute une contribution de mon ministère au programme interministériel de lutte contre les sargasses, à hauteur de 3,5 millions d’euros, le ministère de la transition écologique se chargeant du reste.
On est sur la bonne voie. Les trois services publics sont en place. J’en ai encore discuté, il y a peu de temps, avec chacun des présidents des exécutifs de ces territoires.
Pour répondre à Mme Annick Petrus, je dirai que le président du conseil territorial de Saint-Martin, M. Mussington, est en tête de ce combat, qu’il mène bien. Nous allons donc y arriver, là aussi.
En matière de logement, les moyens sont renforcés à hauteur de 4 millions d’euros. Comme l’a rappelé Mme la Première ministre à l’Assemblée nationale, nous n’avons pas de gestion restrictive de la LBU. Je me félicite de l’engagement qui a été pris. Certes, il y a un problème en matière de crédits de paiement, mais de 2020 à 2022, pour la première fois, toutes les autorisations d’engagement ont été octroyées. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Quand les projets seront là, nous irons plus loin. Nous l’avons fait en cours de gestion l’année dernière et Mme la Première ministre a rappelé qu’elle voulait le faire aussi en 2023.
Des points de blocage demeurent, que vous avez tous soulignés. Pour les recenser, ainsi que les propositions concrètes permettant d’y remédier, et pour encourager à produire plus de logements sociaux et très sociaux, et à le faire plus vite, j’ai convoqué la semaine dernière une conférence avec l’ensemble des acteurs du logement – les organismes HLM et assimilés –, de l’aménagement du territoire et de la rénovation urbaine. Pour moi, c’est la bonne méthode. La question n’est pas tant dans les moyens financiers : il s’agit avant tout d’unir les volontés.
Je suis désormais défavorable à un plan général pour l’outre-mer en la matière ; il nous faut travailler territoire par territoire. Nous identifierons les blocages, qu’il s’agisse des normes ou des problèmes dénoncés dans l’appel de Fort-de-France, dont les signataires ont été reçus par le Président de la République et le ministre de l’intérieur, le 7 septembre dernier – j’y reviendrai.
Cependant, si l’on réunissait les représentants de tous ces territoires pour parler, tous ensemble, de la question du logement, d’une part, l’après-midi risquerait de ne pas être très agréable, d’autre part, je ne suis pas sûr que cela soit efficace.
Au moins trois points d’application de notre politique du logement méritent une attention renforcée.
Il s’agit, tout d’abord, des communes de Mamoudzou et de Koungou, à Mayotte. Je discute avec leurs maires et avec le président de la collectivité territoriale pour essayer de trouver une méthode comparable à celle que l’on a appliquée lors de l’épisode de la rue d’Aubagne à Marseille. Une mission se rendra à Mayotte pour étudier le sujet ainsi que les problèmes liés à la circulation.
À ce propos, à Mayotte, tout le monde nous parle de l’insécurité et nous avons une réelle volonté d’y mettre fin ; les moyens seront renforcés dans le prochain projet de loi sur l’immigration. Mais il y a aussi des difficultés liées à l’hôpital et à la circulation : à Mamoudzou, il faut se lever à quatre heures du matin pour aller travailler à huit heures, puis il faut encore quatre heures pour rentrer. Le port pose également problème, tout comme le manque de logements et la multiplication des bidonvilles. C’est en travaillant sur tous ces sujets que l’on arrivera à mettre fin à l’insécurité, ou tout au moins que l’on contribuera à la réduire.
La réhabilitation des centres-villes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France est un deuxième point d’attention renforcée.
Je suis allé à Pointe-à-Pitre et j’ai parlé aux maires de ces deux villes et aux deux présidents de collectivités : tout le monde est partant, nous comme eux, on va essayer de faire un pack, comme j’aime à dire, et nous serons derrière eux pour travailler sur ces réhabilitations. Nous allons le faire, avec les maires Didier Laguerre et Éric Jalton.
Un troisième point d’attention est Saint-Laurent-du-Maroni, qui est sans doute la ville de France qui grossit le plus vite : c’est gigantesque ! Nous allons devoir y régler les problèmes fonciers.
S’agissant de la continuité territoriale – je sais que c’est un sujet sensible –, les moyens progressent de 7 millions d’euros en 2023 par rapport à 2022. Peut-être n’est-ce pas suffisant, mais je veux rappeler les problèmes auxquels je suis confronté. La survie des compagnies aériennes coûte quelques centaines de millions d’euros à l’État, qu’il s’agisse d’Air Austral, de Corsair, d’Air Caraïbes, ou maintenant d’Air Guyane, qui est en déconfiture. L’État paye et ne le dit pas.
Pour Maripasoula, on a fait le job ; concernant Saint-Martin, madame Petrus, vous m’interrogez sur le sujet des évacuations sanitaires, dont le président Mussington m’avait aussi saisi : je peux vous répondre que le balisage est en cours, les évacuations pourront donc avoir lieu la nuit aussi.
Par ailleurs, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité est en plein renouvellement. Le président et le directeur de Ladom ont été choisis. Il ne sera pas inutile d’augmenter les moyens, comme vous l’avez fait ; il ne sera pas inutile non plus de définir une politique pour Ladom. C’est ce que nous essayons de faire et je pense que nous allons y arriver. Le nouveau directeur devrait être nommé dans les dix prochains jours, en tout cas avant la fin de l’année.
Je veux dire un mot de Wallis-et-Futuna. Parce que c’est l’honneur de la République d’offrir à chacun des conditions de vie dignes, nous avons prévu, en matière de transport, de mener des projets dans le port de Futuna. Les débats en cours avec la Commission européenne sont ahurissants ; j’espère que nous gagnerons. C’est toujours difficile : les financements européens, c’est bien sympathique, mais il faut être très carré derrière. Nous allons y arriver.
Toutefois, le problème ici est que plus aucune compagnie ne veut assurer la liaison entre les îles de Wallis et Futuna. Cela retombe encore sur le ministère de l’outre-mer ! Encore une fois, j’aurais préféré être derrière que devant…
Par ailleurs, il faut noter à notre honneur que nous avons prévu 2,5 millions d’euros pour financer les petites retraites et les minima sociaux à Wallis-et-Futuna, parce que la situation était quand même un scandale absolu.
La deuxième priorité de ce budget est la création de valeur dans chaque territoire.
Les contrats de plan arrivent à échéance en 2022. Ils seront prolongés par avenant en 2023, avec une contribution stabilisée de l’État. C’est tout de même un effort budgétaire de 530 millions d’euros en 2023, année au cours de laquelle nous préparerons la nouvelle génération de contrats, qui courront à partir de 2024.
Les moyens déployés par le ministère en faveur de la diversification agricole restent modestes, mais sont doublés, de 3 à 6 millions d’euros. Ils s’ajouteront aux crédits du ministère de l’agriculture, à hauteur de 45 millions d’euros ; les crédits du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Poséi) sont également de 45 millions d’euros.
Il nous faut donc commencer à travailler au nouveau système, à élaborer d’ici au 1er janvier 2024. Là encore, il faudra souvent aller à Bruxelles…
Nous apporterons également un soutien aux entreprises mises en difficulté par la hausse des coûts de l’énergie. Une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue à ce titre l’an prochain : nous travaillons à la mise en œuvre de ces aides.
En matière de création de valeur, je veux insister sur la prolongation de la défiscalisation jusqu’en 2029, qui a été décidée pour tous les dispositifs et tous les territoires : c’est un geste fort que vous avez été nombreux à demander pour donner de la visibilité aux investisseurs. Maintenant que cela est fait, il est important que nous réalisions, avec mon collègue Gabriel Attal, un travail d’évaluation sur le champ de l’investissement productif dans la perspective du projet de loi de finances pour 2024.
La troisième priorité porte sur l’ambition républicaine et la sécurité publique. Je n’y reviens pas ; comme je l’ai dit, le prochain projet de loi sur l’immigration y contribuera, même s’il ne faut pas tout mélanger. En réalité, le problème est simple : il y a trop de gens qui n’ont pas de boulot et qui volent pour pouvoir manger.
En ce qui concerne les moyens, j’insisterai sur ceux du service militaire adapté, qui augmentent de 30 millions d’euros. Cela permettra d’accueillir davantage de volontaires, de renforcer leurs compétences et leurs qualifications. J’ai dans l’idée, mais c’est loin d’être gagné, car la situation est compliquée, de redéployer le RSMA à Saint-Martin : vous le savez, car nous en avons parlé ensemble.
La quatrième priorité est enfin l’accompagnement des collectivités territoriales. Les moyens de mon ministère qui y sont dédiés passeront de 205 à 270 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 32 % : le maire de mon village de Langogne n’en revient pas ! Certes, il y a du retard à rattraper, mais enfin, Langogne, ce n’est pas non plus Abou Dhabi ! (Sourires.) C’est une progression considérable que nous avons fortement défendue avec Gérald Darmanin ; je pense que nous avons bien fait.
Les moyens des Corom, créés sur l’initiative du sénateur Patient, que je salue, et du député Cazeneuve, seront augmentés de 30 millions d’euros, dont 20 millions fléchés sur le SMGEAG. Le fonds outre-mer (FOM) sera abondé à hauteur de 10 millions d’euros, afin de poursuivre le financement d’assistance technique.
À ce sujet, je travaille avec la Banque postale et l’Agence française de développement (AFD) sur un projet qui consisterait à se doter de pôles d’assistance technique déjà installés, qui seraient saisis librement par les collectivités, sans qu’elles aient besoin d’en faire la demande. Pour le dire autrement, avec un tel pôle, si on a besoin d’une assistance technique, elle est là, elle est prête. J’espère obtenir l’accord du ministère des affaires étrangères, qui considère pour l’instant que, puisque l’AFD intervient, le projet est pour lui. Nous allons nous battre et je pense que nous l’obtiendrons.
Les moyens du fonds exceptionnel d’investissement ont été stabilisés à 110 millions d’euros. Je suis heureux de vous dire que j’ai désormais le pouvoir de fixer le taux de subvention à 100 %, contre 80 % auparavant. C’est une bonne chose : là encore, nous allons y arriver !
Je veux dire un mot enfin sur les finances locales, même si mon temps de parole est presque écoulé. Réjouissons-nous ensemble – il n’y a pas de mal à se faire du bien ! – du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom), conformément à l’engagement du Président de la République : depuis 2016, ce rattrapage s’élève à 150 millions d’euros.
Les collectivités ultramarines profiteront aussi de la progression nationale de la dotation globale de fonctionnement, en hausse de 300 millions d’euros.
Du côté des investissements, la création du fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, est pour moi une caravane chargée d’or qui passe : nous essaierons de faire que ce soit au profit de l’outre-mer. Je serai là pour aider les collectivités ultramarines à mobiliser ce dispositif.
Quant aux aides déployées contre la vie chère, elles seront présentées le 8 décembre prochain. C’est fait et c’est fort : sans rien dévoiler en avance, je pense que nous aurons tous une bonne surprise.
Toujours en lien avec cette démarche, il faudrait citer la mesure défendue par le sénateur Théophile dans la première partie de ce projet de loi de finances : quand la gestion de l’importation des paquets est passée des douanes à La Poste, cela a représenté un gigantesque bond des prix ; ce n’est pas que les responsables de La Poste aient fait quoi que ce soit de stupide : ils ont tout simplement appliqué la loi, ce qui ne se faisait pas auparavant. J’ai donc obtenu l’augmentation à 400 euros de la franchise de taxation pour les envois de colis non commerciaux, qui était auparavant fixée à 205 euros. C’est fort, comme mesure !
Je terminerai mon propos en mentionnant l’octroi de mer, qui a permis aux collectivités locales, régions comme communes, de passer la crise financière, certes sans être tout à fait à l’aise, mais correctement. L’octroi de mer connaît un dynamisme que personne ne veut reconnaître.
Nous allons le faire évoluer, mais nous le ferons ensemble, en nous concentrant sur quatre points : les recettes des collectivités territoriales ; la défense de l’emploi local ; la défense de l’écologie et du climat ; enfin, le lien de cette taxe avec tout le reste de la fiscalité. En effet, que se passera-t-il lorsqu’il n’y aura plus de fiscalité sur l’essence puisqu’on ne produira plus d’essence ? Il faudra bien inventer quelque chose : on réinventera donc l’octroi de mer, en même temps que toute la fiscalité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix-huit, est reprise à dix-sept heures vingt-trois.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
2 668 095 111 |
2 491 986 174 |
Emploi outre-mer |
1 727 659 441 |
1 721 042 199 |
Dont titre 2 |
197 873 288 |
197 873 288 |
Conditions de vie outre-mer |
938 435 670 |
768 943 975 |
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine (ligne nouvelle) |
1 000 000 |
1 000 000 |
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis (ligne nouvelle) |
1 000 000 |
1 000 000 |
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-961, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Supprimer les programmes :
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine
et
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
42 500 000 |
|
42 500 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
10 045 000 |
|
10 045 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
TOTAL |
52 545 000 |
2 000 000 |
52 545 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
50 545 000 |
50 545 000 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Cet amendement, qui me semble original, même si je ne suis pas spécialiste de la procédure, vise à lever le gage sur les amendements adoptés à l’Assemblée nationale pour un montant de 53 millions d’euros.
Nous discuterons ensuite, bien évidemment, de vos amendements et j’espère que nous pourrons nous mettre d’accord sur un certain nombre d’entre eux.
Je souhaite que l’on puisse régulariser les montants des crédits de la mission « Outre-mer » tels qu’ils figurent après la reprise de certains amendements votés à l’Assemblée nationale par la Première ministre dans le texte sur lequel elle a engagé la responsabilité du Gouvernement.
Cet amendement vise également à supprimer les deux programmes créés par amendement parlementaire, l’un portant sur les centres d’examens et de concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine, l’autre sur l’extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis ; il tend à rapatrier les crédits de ces programmes qui étaient dotés de 1 million d’euros chacun. À créer des programmes budgétaires pour un million, l’administration deviendrait trop envahissante…
Mme la présidente. L’amendement n° II-901 rectifié, présenté par Mme Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Continuité territoriale
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
|
|
|
Conditions de vie outre-mer |
|
52 000 000 |
|
52 000 000 |
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Continuité territoriale |
53 000 000 |
|
53 000 000 |
|
TOTAL |
53 000 000 |
53 000 000 |
53 000 000 |
53 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement est complémentaire de celui que vient de présenter M. le ministre.
Dans un rapport récent, la Cour des comptes a remis en cause le fonctionnement de Ladom et des actions ministérielles pour l’égalité des chances. Or les crédits que nous examinons, et qui seront probablement votés, doivent être utilisés sans redondance et avec plus de transparence et d’efficience. Pour l’instant, le millefeuille administratif pénalise non seulement les décideurs publics, mais aussi les citoyens.
Cet amendement a donc pour objet de clarifier les domaines de compétences de chacun, de favoriser la transparence, d’obtenir une traçabilité et une lisibilité, et de pouvoir évaluer l’utilisation de ces fonds, que nous régulariserons en votant l’amendement de M. le ministre. Il s’agit d’évaluer et de mettre en place des prérequis pour une planification pluriannuelle afin de mieux répondre aux besoins des collectivités et de nos concitoyens des outre-mer, en toute transparence.
Mme la présidente. L’amendement n° II-809 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
30 000 000 |
|
30 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
30 000 000 |
|
30 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. La crise du transport aérien se fait réellement sentir. En effet, lorsqu’on l’on vit dans ces pays, pour aller faire des études, pour aller se soigner ou, tout simplement, pour aller rejoindre sa famille, car les familles sont souvent éclatées à cause de mutations complexes, il faut prendre l’avion ; or cela coûte cher. En ce moment, un billet aller-retour en classe économique pour la Martinique peut coûter jusqu’à 2 000 euros. Une grande partie de la population est donc exclue de ces voyages, qu’il s’agisse d’un public fragile, déjà confronté à d’autres difficultés, ou même de la classe moyenne. Par conséquent, une grande partie de la population est concernée.
Cet amendement vise donc à reporter 30 millions d’euros de crédits vers des actions d’amélioration de la mobilité de la population. Cela n’a rien d’original : le Gouvernement accorde déjà des moyens financiers importants à la Corse pour assurer la continuité territoriale avec cette île, qui n’est pourtant qu’à une heure et demie de Paris…
Il est essentiel d’afficher au moins une intention. Rappelons que, quand on se déplace, c’est souvent pour aller se soigner, sans que cela soit pris en charge par la sécurité sociale. En outre, il faut parfois attendre sept, huit ou neuf mois pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, car ceux-ci font cruellement défaut dans nos territoires, véritables déserts médicaux à ciel ouvert !
Mme la présidente. L’amendement n° II-252 rectifié, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi-mer dont titre 2 |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement tend à amplifier l’effort budgétaire entamé lors des débats à l’Assemblée nationale, où le Gouvernement avait consenti à conserver dans le texte un amendement tendant à abonder de 5 millions d’euros les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », pour accroître les moyens dédiés à la continuité territoriale.
Pour l’année 2022, Ladom estime l’augmentation du prix des billets d’avion à environ 23 %, ce qui l’a conduite à puiser dans sa trésorerie. Dans ce contexte, il paraît indispensable de donner les moyens à Ladom de remplir effectivement ses missions, qui relèvent de l’unité de la République et de la solidarité vis-à-vis des citoyens ultramarins.
Cet amendement vise tout particulièrement à interpeller le ministre chargé des outre-mer pour qu’il confirme l’engagement pris à l’Assemblée nationale et qu’il en tire les conséquences en actualisant au plus vite l’arrêté du 18 novembre 2010 fixant les montants des différentes aides à la continuité territoriale.
Afin de respecter les règles de recevabilité budgétaire, cet amendement tend à prélever 1 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le programme 138 pour abonder le programme 123 de la mission « Outre-mer ».
Mme la présidente. L’amendement n° II-769 rectifié ter, présenté par Mme Petrus, M. Mouiller, Mmes Gruny, Malet et Belrhiti, M. Rapin, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Genet et Charon et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
350 000 |
|
350 000 |
Conditions de vie outre-mer |
350 000 |
|
350 000 |
|
TOTAL |
350 000 |
350 000 |
350 000 |
350 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Petrus.
Mme Annick Petrus. Cet amendement a pour objet d’abonder de 350 000 euros les crédits consacrés à la continuité territoriale, afin de permettre une prise en charge des frais de transport et des indemnités forfaitaires journalières d’hébergement des malades résidant sur le territoire de Saint-Martin et devant se rendre en Guadeloupe, en Martinique, ou encore plus loin, dans l’Hexagone pour y être soignés, faute de structures ou de spécialistes sur le territoire.
Il me paraît nécessaire de rappeler l’importance du volet santé de l’aide à la continuité territoriale.
Au sein du budget de la mission « Outre-mer » pour 2023, les crédits consacrés à la continuité territoriale ne permettent pas de prendre en charge ces frais, pourtant élevés pour les Ultramarins : ils doivent les financer à partir de leur budget personnel afin d’éviter une rupture ou une perte de chance dans leur parcours de soin.
En effet, sur le territoire de Saint-Martin, nous n’avons pas de service de chirurgie vasculaire, ni de chirurgie plastique de reconstruction, ni de neurochirurgie, ni de chirurgie cardiaque. Au niveau des spécialités médicales, il manque un spécialiste en neurologie ou en rhumatologie ; nous ne comptons ni pneumologue ni chirurgien spécialisé de l’épaule, et je pourrais continuer cette énumération !
Autant de médecins qui ne sont pas présents ou qui ne viennent plus, pour ceux qui faisaient le déplacement, car le coût du billet d’avion, en constante augmentation, les en aura définitivement dissuadés.
Il en est de même pour les patients qui ne peuvent se rendre en Martinique, en Guadeloupe, ou en France hexagonale en raison du coût du transport. Le fonds de continuité territoriale doit donc pouvoir prendre en charge, sans condition de ressources, les titres de transport pour ces déplacements entre les collectivités de résidence outre-mer et l’Hexagone, lorsque la santé du patient le nécessite.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, je demande que l’État soutienne les dépenses des malades et de leurs accompagnateurs, aux revenus très souvent modestes, en mettant en place cette couverture supplémentaire ; ainsi, on favorisera la santé publique.
Mme la présidente. L’amendement n° II-394 rectifié, présenté par MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Gold, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
100 000 |
|
100 000 |
Conditions de vie outre-mer |
100 000 |
|
100 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Cet amendement est d’inspiration identique à celle du précédent, hormis qu’il concerne Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il tend à abonder de 100 000 euros les crédits consacrés à la continuité territoriale, afin de permettre la prise en charge des frais de transport et des indemnités forfaitaires journalières d’hébergement des accompagnateurs, en activité et résidant à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui doivent successivement se rendre aux côtés d’un malade retenu dans l’Hexagone pour une durée de trois à quatre semaines, voire bien davantage pour certains traitements médicaux.
Actuellement, la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon – cet amendement a d’ailleurs été élaboré en concertation avec elle – prend en charge uniquement le billet d’avion de l’accompagnateur initial et non ceux des accompagnateurs successifs.
Or ces accompagnateurs ont une activité professionnelle, qui leur impose de revenir sur leur territoire de résidence à un moment donné, en laissant le malade seul dans l’Hexagone si personne ne vient les remplacer.
Au sein du budget de la mission « Outre-mer » pour 2023, la stagnation des crédits consacrés à la continuité territoriale ne permet pas la prise en charge des frais des accompagnateurs de remplacement, qui ne sont donc pas prévus dans le dispositif de la caisse de prévoyance sociale.
Le mouvement de crédits proposé dans cet amendement est l’unique moyen que nous ayons trouvé pour soutenir ces frais. On ferait ainsi montre à la fois d’équité et d’humanité dans la prise en charge des malades, en leur permettant d’être accompagnés pour des traitements et des suivis médicaux de longue durée dans l’Hexagone, à plus de 5 000 kilomètres de chez eux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Mon collègue rapporteur et moi-même avons décider d’exprimer à tour de rôle les avis sur les différents amendements.
L’amendement n° II-961 du Gouvernement vise à ouvrir les crédits nécessaires à la suite de l’adoption de plusieurs mesures par l’Assemblée nationale. Leur montant total ne soulève aucune difficulté, mais nous nous interrogeons sur un point particulier : pourquoi les 2 millions d’euros des programmes supprimés sont-ils attribués au programme 138, alors que leur objet relevait clairement des problématiques de continuité territoriale et, partant, de l’action n° 03 du programme 123 ?
Nous souhaiterions avoir une explication sur ce point. L’avis de la commission n’en est pas moins favorable.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. L’amendement n° II-901 rectifié, de Mme Jasmin, vise à majorer de 1 million d’euros les crédits alloués à la continuité territoriale, mais surtout à créer un nouveau programme consacré à cette politique, ce qui permettrait d’en assurer un meilleur suivi et d’avoir une vision d’ensemble des problématiques qui lui sont liées.
L’intention est compréhensible. Toutefois, la création d’un nouveau programme ne nous paraît pas constituer une solution adéquate pour améliorer le suivi et la gestion des crédits dédiés à la continuité territoriale ou pour mettre en place une stratégie globale.
Par ailleurs, la création d’un nouveau programme budgétaire s’accompagne de contraintes logistiques importantes, d’ailleurs relevées par M. le ministre, comme la désignation d’un responsable de programme, ainsi que la création de nouveaux budgets opérationnels de programme (BOP) et de nouvelles unités opérationnelles.
Le suivi de la politique de continuité territoriale doit-il être confié à Ladom ou à une autre structure ? Cette question doit également être posée.
Par ailleurs, d’après nos informations, la délégation sénatoriale aux outre-mer devrait conduire une mission d’information sur la continuité territoriale, dès l’année prochaine. Il nous paraît raisonnable d’attendre ses conclusions et ses recommandations.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° II-809 rectifié, de Mme Conconne, à l’issue des travaux menés à l’Assemblée nationale, les crédits alloués à la continuité territoriale étaient majorés de 5 millions d’euros, afin de réellement garantir le principe de continuité territoriale, dans un contexte inflationniste – que vous avez évoqué – caractérisé par une hausse des prix des billets d’avion pour les trajets entre la métropole et les territoires d’outre-mer, hausse d’environ 20 % en un an.
Cette augmentation de plus de 10 % des crédits dédiés à la continuité territoriale semble déjà de nature à répondre aux hausses attendues des prix des billets d’avion. De surcroît, contrairement à d’autres actions, les crédits de l’action n° 03 du programme 123 sont, de manière régulière, sous-consommés.
Je ne fais pas référence aux années 2020 et 2021 marquées par la crise sanitaire, qui ont, de fait, vu le nombre de vols entre la métropole et les outre-mer diminuer fortement. En 2018, en autorisations d’engagement, 39,4 millions d’euros ont été consommés sur les 41,1 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale, soit presque 2 millions d’euros de moins, et en 2019, 35,5 millions d’euros ont été consommés sur les 42,1 millions d’euros de crédits ouverts, soit une différence de près de 7 millions d’euros.
En crédits de paiement, nous constatons également une sous-consommation des crédits en 2018 et 2019, de 1 million à 2 millions d’euros, soit l’équivalent du montant demandé dans le présent amendement.
Par ailleurs, l’aide exceptionnelle à la Corse – que vous avez à juste titre évoquée – prévue dans la seconde loi de finances rectificative pour 2022, concerne non pas les billets d’avion, mais la desserte maritime exercée dans le cadre de la délégation de service public. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes sujets.
Nous restons vigilants, comme vous, à la hausse des prix des billets d’avion et à la consommation des crédits dédiés à la continuité territoriale. Nous n’hésiterons donc pas à demander une majoration en 2024, voire plus tôt si le contexte le justifie.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° II-252 rectifié, présenté par Mme Jacques au nom de la commission des affaires économiques, pour les mêmes raisons.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. L’amendement n° II-769 rectifié ter de Mme Petrus vise à majorer de 350 000 euros les crédits du programme 123, afin de financer la prise en charge du transport et des indemnités forfaitaires journalières d’hébergement des personnes malades résidant dans le territoire de Saint-Martin et devant se rendre en Guadeloupe, en Martinique, ou dans l’Hexagone pour y être soignées.
Cette question est particulièrement sensible, qu’il s’agisse des malades ou des personnes qui les accompagnent. Par ailleurs, elle ne se limite pas à un ou plusieurs territoires ultramarins. Ainsi, il me semble nécessaire d’abandonner une analyse de ce sujet territoire par territoire au profit d’une approche globale valable pour l’ensemble des territoires ultramarins, dont l’offre de soins n’est pas aussi complète que celle de métropole. Ce problème mérite donc un traitement qui dépasse le cas de Saint-Martin.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Cependant, j’invite les ministres concernés par cette question sensible à organiser rapidement une réflexion pour aider au mieux les personnes qui doivent se rendre en métropole pour des raisons médicales ou en tant qu’accompagnants.
Sur l’amendement n° II-394 rectifié de M. Artano, la commission des finances a également émis un avis défavorable. Le traitement à apporter à ce problème dépasse, là encore, le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon. De même, j’invite le Gouvernement et les ministres concernés par cette question sensible à organiser rapidement une réflexion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Pour répondre à M. le rapporteur spécial Patient sur la levée du gage, les politiques en question relevant de la formation et des concours, mes services confirment qu’elles appartiennent au programme 138. Vous êtes un spécialiste, je n’étais donc pas certain de la réponse à vous apporter, mais je fais confiance à mes services.
Concernant l’ensemble des amendements ayant trait à la continuité territoriale, je voudrais d’abord dire qu’il s’agit d’un vrai sujet.
Il existe la continuité territoriale, d’une part, et la double continuité, d’autre part. Je pense à la liaison entre Pointe-à-Pitre et les îles des Saintes. Dans ce cas, la continuité fonctionne, mais dans beaucoup d’autres, cela ne marche pas. En outre, la continuité territoriale s’appuie autant sur le transport maritime, qui ne doit pas être oublié, que sur le transport aérien.
Pour répondre à la demande de Mme Jasmin, si un programme spécifique consacré à la continuité territoriale était créé, il me semble qu’on y perdrait de l’argent – je me place de votre côté en disant cela !
En effet, les territoires ultramarins perdraient des moyens, puisque les administrations qui participent aujourd’hui à cette politique aux côtés du ministère des outre-mer – particulièrement le ministère des transports et le ministère des finances – diraient alors : « Ce n’est pas à nous de le faire, c’est à vous ! » Si la continuité territoriale dispose d’un programme spécifique, nous ne pourrons donc plus compter sur les financements extérieurs.
Le premier sujet que j’ai eu à traiter en matière de continuité territoriale – Mme Dindar en est témoin – est de garantir que nous disposons de compagnies aériennes à cette fin. Cela coûte à l’État 150 millions d’euros à La Réunion. Le coût sera à peu près similaire, au départ, dans les Antilles ; il faudra peut-être y ajouter 50 millions d’euros ensuite, sans parler d’Air Guyane qui ne se porte pas bien et à laquelle nous allons devoir donner quelque argent.
La liaison entre les îles de Wallis et Futuna est aussi un sujet de préoccupation. Nos amis d’Aircalin ont annoncé qu’ils ne souhaitaient pas s’y rendre. J’ai donc contacté Air Tahiti et le président de la Polynésie française, Édouard Fritch, pour leur demander de faire un petit effort.
S’agissant de Saint-Martin, nous travaillons avec Air Caraïbes pour que la compagnie reprenne les vols assurés auparavant. Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur le sénateur Artano, nous reportons le délai d’un an afin d’améliorer la délégation de service public confiée à Air Saint-Pierre, qui elle-même la subdélègue à une autre compagnie. Il s’agit de refonder l’ensemble, tout en maintenant ce qui existe pour l’année en cours.
Cela se traduira évidemment dans les contrats de convergence et de transformation de 2024.
S’agissant des prix des billets, je dois rencontrer dans les prochains jours la présidente d’Air France et son directeur général et j’aurai un entretien téléphonique, en cette fin de journée, avec le président d’Air Caraïbes, Jean-Paul Dubreuil, afin de leur demander de faire un petit effort. Ce n’est pas gagné ! Cependant, j’espère que, dans le cadre de l’Oudinot du pouvoir d’achat, nous pourrons faire quelques annonces sur le transport aérien.
La continuité territoriale, c’est aussi le transport des conteneurs, sur lequel nous travaillons également. Il s’agit donc d’un vaste sujet. Il me semble que le réduire à un programme budgétaire géré par la rue Oudinot ne serait pas profitable. Nous y perdrions beaucoup !
Le deuxième sujet est plus particulier, puisqu’il concerne Ladom. Depuis environ six mois, cette agence n’a ni président ni directeur. Elle ne porte donc plus de politique et s’est transformée en une agence de voyage.
Cette politique doit être refondée. Je réunirai les élus dans ce but, puisque les deux responsables de Ladom sont désormais connus : l’un a été nommé, après avoir reçu un soutien unanime, et l’autre est désigné, du moins dans l’esprit de Gérald Darmanin et le mien : il ne reste plus qu’à signer le papier, puisque nous l’avons rencontré et qu’il nous semble faire l’affaire !
Le budget de Ladom est d’ores et déjà augmenté de 7 millions d’euros par rapport à 2022, soit une hausse d’environ 15 % appliquée au montant initial de 45 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable, sachant qu’aucune réelle politique n’est encore définie en la matière. Essayons donc d’élaborer une politique de transport, de définir à qui elle s’adresse, et nous y arriverons !
Les avis du Gouvernement sur ces amendements sont fondés sur les arguments que je viens de développer, mais reflètent aussi notre intention de faire un geste de compréhension envers votre point de vue – même si ce n’est pas tout à fait le bon moment pour vous suivre complètement au regard des nombreux sujets à traiter.
Sur l’amendement n° II-901 rectifié de Mme Jasmin, le Gouvernement émet un avis défavorable, ainsi que sur l’amendement n° II-809 rectifié de Mme Conconne.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° II-252 rectifié de Mme le rapporteur pour avis. En effet, c’est une manière symbolique d’indiquer que nous souhaitons aller dans cette direction, même si ce n’est pas encore le moment d’aller plus loin.
Notre avis est toutefois défavorable sur l’amendement n° II-769 rectifié ter de Mme Petrus, comme sur l’amendement n° II-394 rectifié de M. Artano.
En effet, le budget de la continuité territoriale ne doit pas remplacer celui de la sécurité sociale. Si cet amendement était adopté, la sécurité sociale pourrait nous rétorquer : « Messieurs de l’outre-mer, débrouillez-vous ! ».
C’est le même problème que pour les demandes de création d’un programme spécifique. Le sujet de la ligne budgétaire unique pour le logement outre-mer est tellement vaste que ce qui nous menace, si un tel programme était créé, c’est qu’on revienne sur la défiscalisation dans le logement. Ce serait inscrit dans le programme, mais dans trois ans qu’en resterait-il ? Il me semble donc préférable d’éviter de réduire les programmes existants au profit de nouveaux.
S’agissant de la continuité territoriale – je prie nos amis de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon de m’excuser de le dire –, évitons d’avoir une approche territoire par territoire de ce sujet et adoptons une vue d’ensemble avant d’agir en la matière.
Nous travaillons à la résolution du problème maritime que connaît Saint-Pierre-et-Miquelon. La question du port est réglée, puisque nous savons ce que nous voulons faire. Concernant les liaisons aériennes, le délai est prolongé d’un an.
Vous avez raison, messieurs les rapporteurs spéciaux, je vais proposer aux présidents des nous réunir une réunion avec le ministre des transports, afin de discuter de cette politique globalement. J’espère que cela se fera au début du mois de janvier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, je vous ai entendu et je suis prête à retirer mon amendement.
Néanmoins, je souhaiterais que les recommandations de la Cour des comptes concernant la traçabilité, la transparence et la clarté des informations transmises soient prises en compte. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il s’agit d’argent public, dont il est parfois dit qu’il est mal utilisé, d’autres fois qu’il n’est pas utilisé… On ne sait plus !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez évoqué la sécurité sociale. Nous avons examiné le PLFSS pour 2023. Les coefficients géographiques et les évacuations sanitaires sont deux sujets importants, que nous avons cherché à aborder en loi de financement de la sécurité sociale. Or le Sénat ne vote jamais ces dispositions, quels que soient les groupes qui les proposent.
Je retire donc mon amendement, mais il convient de mieux faire en matière de transparence, en suivant les recommandations de la Cour des comptes.
Mme la présidente. L’amendement n° II-901 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’ai entendu les avis des rapporteurs spéciaux et de M. le ministre.
À vous entendre, monsieur le ministre, la situation de la Corse s’expliquerait par le fait que la liaison se fait par bateau. Faut-il donc disposer de liaisons maritimes pour avoir plus d’argent ?
Quitter la Corse en bateau ne prend que quelques heures, tandis qu’une traversée transatlantique dure huit jours. D’ailleurs, aucun navire ne transporte de passagers ! Les données ne sont pas les mêmes.
Cette question de la mobilité doit être envisagée de la manière la plus juste et la plus équitable dans la République.
Que l’on réside dans les pays de ladite outre-mer, en Corse – qui est aussi l’outre-mer, soyons logiques ! – ou sur le territoire hexagonal, une politique équitable est nécessaire.
Actuellement, lorsqu’un malade doit se rendre en France pour être soigné et échapper au désert médical, il ne peut attendre trois mois la réponse de la sécurité sociale sur la prise en charge de ses frais : il part de suite, ce qui lui coûte entre 1 000 et 2 000 euros pour un vol économique. C’est la réalité ! Il existe donc une rupture d’égalité dans l’accès à la fois aux soins et à la mobilité.
Monsieur le ministre, sachez que M. Artano a accédé à ma demande de création d’une mission sur la continuité territoriale. Les travaux, que je mènerai avec M. Chevrollier, seront menés tambour battant dès les premiers jours de janvier. Nous irons vite, rassurez-vous ! J’espère donc que, dès la fin du premier trimestre de 2023, vous serez tout ouïe pour nos recommandations !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le ministre, permettez-moi de rebondir sur les propos de Mme Conconne relatifs à la hausse des prix des billets d’avion.
Le baromètre du transport aérien nous indique que, au départ de l’ensemble des départements d’outre-mer, l’augmentation des prix des billets d’avion atteignait 32,4 % au mois d’octobre 2022, et 19,2 % au cumul.
Cette tendance touche les quatre départements de manière différenciée, la Guadeloupe – que je connais mieux – affichant la plus forte progression, soit 37,2 %. J’avais également alerté la Première ministre sur ce sujet, mais nous devons y réfléchir collectivement.
Nous ne disposons pas, pour l’instant, d’avions à hydrogène et nous ne demandons pas que l’on subventionne le kérosène. Toutefois, nous devons vérifier s’il existe une éventuelle entente entre les compagnies sur les prix pratiqués.
Je reçois donc avec satisfaction l’annonce de discussions sur ce sujet, dans le cadre de l’Oudinot de la vie chère. Cela permettra d’éclaircir la situation et de nous offrir davantage de visibilité sur cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour explication de vote.
M. Stéphane Artano. Je vais peut-être décevoir M. le ministre, mais l’article L. 1803-1 du code des transports prévoit que la politique de continuité territoriale « tend à atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement et à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé ». Je n’y suis pour rien, c’est d’ordre législatif !
Chacun aura entendu que le ministère des outre-mer ne veut pas s’engager sur le volet santé ; j’en suis surpris.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, le décret du 25 mars 1991 prévoit que la caisse de prévoyance sociale – émanation de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), la sécurité sociale – organise cette prise en charge. Un deuxième accompagnateur peut bénéficier d’une indemnité journalière, mais pas d’une prise en charge du prix de son billet. Il en sera de même pour un troisième accompagnateur.
Je demande simplement, parce que c’est le seul levier à ma disposition, la mise en place d’un dispositif « tampon ». Ensuite, si vous le souhaitez, la sécurité sociale pourra prendre le relais dans un an – ou dans deux ou trois ans, au regard de l’inertie de l’administration à l’égard de ces sujets, et de Saint-Pierre-et-Miquelon en particulier.
Je le dis à tous mes collègues : nous devons adopter cette mesure, qui ne pèsera pas lourd sur le budget de l’État, puisqu’il s’agit d’une population de 6 000 habitants – la réalité des choses doit quand même être rappelée. Il s’agit d’un geste d’humanité et de solidarité, dont le bilan sera dressé. La sécurité sociale pourra toujours prendre le relais, comme je l’espère également, monsieur le ministre ; cependant, aujourd’hui, dans le temps qui nous est imparti, nous n’avons pas d’autre dispositif relais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus, pour explication de vote.
Mme Annick Petrus. Monsieur le ministre, j’ai entendu et compris vos arguments.
La continuité territoriale ne saurait se résumer à une série de questions relatives à des territoires individuels. Néanmoins, sur le territoire de Saint-Martin, nous n’avons pas de CHU et nous devons nous rendre dans les territoires voisins. Ces derniers n’affrontent pas la même problématique, puisqu’ils disposent de spécialistes, même s’ils sont en petit nombre. J’ai interrogé le directeur de l’agence régionale de santé sur le nombre de chirurgiens vasculaires disponibles. Il m’a répondu que la Guadeloupe n’en comptait qu’un. Au moins, il y en a un ; chez nous, ce n’est pas le cas !
J’ai déposé un amendement spécifique à Saint-Martin, car notre situation est différente de celle de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane.
Je maintiens donc mon amendement.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Monsieur le ministre, c’est bien ici que réside la difficulté.
Vous avez raison de rappeler que la continuité territoriale existe. Cependant, le code des transports applique cette notion également à la santé.
Or, lors de nos rencontres avec les services des différents ministères, il nous est dit que l’enveloppe est sous-utilisée, y compris s’agissant des rapatriements des corps des défunts.
En réalité, en cas d’urgence, à l’occasion d’un décès ou d’un problème de santé, la personne concernée ne peut pas s’adresser à Ladom ou aux services de l’État pour obtenir très rapidement un billet d’avion.
L’accompagnement des malades est assuré par la sécurité sociale, qui prend en charge le prix du billet d’avion du malade et celui d’un accompagnant, ou encore d’un médecin, lorsque cela est nécessaire.
À La Réunion, nous avons mis en place, grâce à la collectivité départementale, une modalité d’accompagnement des malades.
Je comprends parfaitement ce qu’expliquent Mme Petrus et mon collègue Artano au sujet de leurs territoires. En l’absence de prise en charge directe, les dépenses d’accompagnement des malades effectuées par la collectivité devraient pouvoir être remboursées.
Il s’agit bien de la continuité territoriale et de l’égalité de traitement de tous les citoyens de la République vis-à-vis de la santé.
S’agissant des territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Martin, il est nécessaire de trouver une solution, ne serait-ce que sous la forme d’une enveloppe dédiée aux remboursements des dépenses des collectivités, puisque les crédits prévus dans le cadre de la continuité territoriale sont sous-utilisés.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les propositions qui s’expriment dans l’ensemble de ces amendements sont loin d’être absurdes.
Toutefois, je ne souhaite pas que l’on traite les problèmes un par un avant d’avoir réfléchi ensemble. C’est bien pourquoi j’organiserai bientôt une réunion avec les parlementaires des deux délégations aux outre-mer et le ministère des transports.
Je suis également favorable à ce que Ladom dispose enfin d’une politique, ce qui lui fait défaut depuis au moins six mois, grâce à la hausse de 15 % des crédits qui lui sont accordés.
S’agissant du petit problème – si je puis dire, au regard du volume minuscule des crédits demandés – de Saint-Pierre-et-Miquelon, Ladom peut s’en charger s’il en est décidé ainsi.
Essayons de ne pas multiplier les régimes et les dispositifs, car cela rend les choses incompréhensibles. Essayons plutôt d’élaborer une politique globale.
En raison de cette recherche d’une politique unique, de la volonté de travailler avec Ladom, de la somme d’argent gigantesque déjà accordée – près de 500 millions d’euros cette année, en incluant la question des compagnies aériennes – et de mon espoir de travailler correctement avec ces dernières, je m’en tiens aux avis émis sur ces différents amendements, tout en espérant que chacun les retire, dans la perspective d’un règlement global de ce sujet.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, levez-vous le gage sur l’amendement n° II-252 rectifié, sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je ne lève pas le gage, mais on trouvera les sous ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
La vérité est que les crédits des programmes de la mission « Outre-mer » ne sont pas intégralement consommés, vous le savez bien. Si tel était le cas, nous pourrions lever le gage. En l’état actuel des choses, sans lever le gage, des moyens peuvent être trouvés.
Mme la présidente. Madame Conconne, l’amendement n° II-809 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Conconne. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-809 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-252 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-757 rectifié bis, présenté par Mmes Tetuanui et Billon, MM. Kern et Capo-Canellas, Mmes Vermeillet, Gatel, Jacquemet et Jacques, MM. Levi, Cadic, P. Martin et Détraigne, Mmes Doineau, Dindar, de La Provôté et Belrhiti, M. Henno, Mme Létard et M. Laugier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
42 000 000 |
42 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
42 000 000 |
42 000 000 |
||
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
||||
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
||||
TOTAL |
42 000 000 |
42 000 000 |
42 000 000 |
42 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement, dont notre collègue Lana Tetuanui est la première signataire, tend à retirer 42 millions d’euros à l’action n° 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, « Emploi outre-mer », afin de les redéployer sur l’action n° 04, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
Il s’agit d’un appel à la solidarité nationale.
La gestion de la caisse de prévoyance sociale (CPS) de la Polynésie française a évolué dans le temps. Cependant, à la suite de l’arrêt des essais nucléaires et de l’instabilité politique, il était impératif de réformer ces régimes pour les adapter aux nouvelles exigences économiques, démographiques et de santé publique.
La population de Polynésie française est de plus en plus vieillissante et touchée par de graves pathologies, dont le coût de gestion est extrêmement onéreux pour cette petite collectivité. Les charges liées aux maladies radio-induites, résultant des essais nucléaires, des ressortissants de la CPS obèrent gravement le régime maladie de la caisse. L’impact financier a été évalué à plus de 47 millions d’euros par an, pour la période 2014-2018, et ces charges ne font pas l’objet de compensation par l’État.
La Polynésie française avait bénéficié de l’accompagnement de l’État de 2015 à 2020, dans le cadre d’une convention solidarité signée entre l’État et le pays.
Depuis lors, des réformes essentielles ont été engagées localement pour une meilleure gouvernance de la CPS et par la mise en place d’une nouvelle TVA sociale afin d’assurer l’équilibre financier des différents régimes de prestations sociales.
Or la pandémie, en 2020, a donné un coup d’arrêt brutal à toute l’économie insulaire, mettant en péril le système de protection sociale. C’est ce à quoi cet amendement de ma collègue Lana Tetuanui vise à remédier. (M. Alain Duffourg applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cet amendement, déposé par ma collègue de Polynésie française Lana Tetuanui et présenté par Mme Billon, vise à majorer de 42 millions d’euros les crédits du programme 123 afin de financer le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF).
Il s’agit bel et bien d’un amendement d’appel. Pour mémoire, après l’achèvement, en 2020, de la contribution financière au RSPF, qui s’élevait à 12 millions d’euros par an, le gouvernement polynésien, auquel j’ai appartenu dans une autre vie, a opté pour une convention globale de santé 2021-2023 entre l’État et le pays. Ce document a été signé le 14 octobre 2021 et – je l’ai souligné lors de la discussion générale – les crédits afférents ont été inscrits au budget cette année.
De 1993 à 2007, puis de 2015 à 2020, l’État a contribué à l’équilibre du régime de solidarité et ainsi permis aux populations fragiles de bénéficier d’une protection sociale. Avec cette nouvelle convention globale de santé, conclue à la demande du pays, il oriente désormais son soutien vers l’amélioration de la prise en charge des patients, en favorisant l’accès des populations des îles éloignées à une offre de soins de meilleure qualité. Je pense notamment au traitement du cancer. Au total, un budget annuel de 4 millions d’euros est prévu à ce titre.
Cet amendement vise à mettre en œuvre une nouvelle convention de solidarité, qui viendrait s’ajouter à la convention de santé que je viens d’évoquer et qui, elle, est déjà en vigueur.
La commission vous rappelle que des échanges sont en cours entre le pays et le Gouvernement. Le président Fritsch a souligné la semaine dernière, devant la commission des finances de l’assemblée de Polynésie française, que ces discussions devaient se poursuivre : il faut encore travailler à une feuille de route commune, traduisant des engagements de part et d’autre.
C’est pourquoi, ma chère collègue, nous vous prions de bien vouloir retirer votre amendement ; cela étant, nous avons bien entendu l’appel qui est lancé et auquel, à titre personnel, je me joins évidemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Comment ne pas être sensible aux arguments du sénateur Rohfritsch ? Je confirme tout ce qu’il vient de dire : le Gouvernement a été saisi de ce dossier et le travail est en cours. Il s’agit là d’un véritable sujet et nous espérons aboutir à une feuille de route digne de ce nom.
J’ai reçu, de Mme la Première ministre, l’engagement de dégager les crédits nécessaires en 2023 – il n’y aucune ambiguïté sur ce point – et je m’associe à la demande de la commission des finances, d’autant que, pour ce qui concerne les questions de santé en Polynésie, elle émane d’un sachant absolu. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° II-757 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Monsieur le rapporteur spécial, monsieur le ministre, j’entends vos arguments. Vous soulignez à juste titre qu’il s’agit d’un amendement d’appel ; c’est même indiqué dans son objet. Toutefois, je vais le maintenir, car cette demande est juste.
Tout à l’heure, M. le ministre a fait valoir que la levée de gage n’était pas toujours nécessaire, étant donné que nous avons des lignes à notre disposition.
Enfin, si je maintiens cet amendement, c’est parce que notre collègue du groupe Union Centriste Lana Tetuanui nous surveille depuis la Polynésie. (Sourires. – Mme Éliane Assassi rit.) Nous avons demandé un scrutin public ; j’espère que l’amendement sera voté largement par notre assemblée !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-757 rectifié bis.
J’ai effectivement été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 89 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 150 |
Pour l’adoption | 150 |
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° II-17 rectifié est présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-337 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° II-900 rectifié ter est présenté par Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-946 rectifié bis est présenté par M. Théophile, Mme Phinera-Horth, MM. Dennemont et Lemoyne, Mme Havet et M. Dagbert.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-17 rectifié.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter de 20 millions d’euros les crédits alloués aux contrats de redressement en outre-mer, les Corom.
Un amendement tendant à renforcer ces fonds de 30 millions d’euros a été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Toutefois, sur ces 30 millions d’euros, 20 millions sont destinés au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe : seuls les 10 millions d’euros restants doivent permettre d’inclure de nouvelles communes dans le champ de cette expérimentation.
Pour rappel, lors de leur création en loi de finances initiale pour 2021, les Corom avaient été dotés de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour accompagner les communes ultramarines faisant face à des difficultés financières.
Cette enveloppe a permis d’améliorer la situation de neuf communes contractantes – Sada à Mayotte, Saint-Benoît à La Réunion, Cayenne et Iracoubo en Guyane, Pointe-à-Pitre, Saint-François et Basse-Terre en Guadeloupe, ainsi que Fort-de-France et Saint-Pierre à la Martinique –, communes qui, dans le cadre desdits contrats, se sont engagées à optimiser leur gestion et à fiabiliser leurs comptes.
Il paraît indispensable de prolonger ce dispositif et d’ouvrir 30 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les communes les plus en difficulté. Or – je le répète –, dans le texte transmis par l’Assemblée nationale, seuls 10 millions d’euros ont vocation à permettre l’extension des Corom à de nouvelles communes, 20 millions d’euros étant fléchés sur le SMGEAG.
Pourtant, dans l’ensemble des Drom, l’encours de dette a augmenté de 36,6 % entre 2016 et 2021, passant de 2 376,2 à 3 246,5 millions d’euros. En parallèle, sur la période 2016-2022, les ressources d’investissement ont baissé de 31,47 % pour des charges d’investissement restées stables.
Cette situation a pour conséquence l’allongement des délais de paiement. Il ressort des derniers rapports de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) que, dans le secteur public local et hospitalier, ces délais se sont globalement détériorés au cours des dix dernières années, passant d’un peu moins de quarante jours en 2012 à près de soixante-cinq jours en 2021. Ils dépassent donc de beaucoup le plafond réglementaire, qui est de trente jours pour les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Il faudrait conclure, mon cher collègue.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Voilà pourquoi nous demandons 20 millions d’euros supplémentaires en faveur des Corom.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-337 rectifié.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Notre proposition vient d’être excellemment défendue par Georges Patient, qui n’est autre que l’inventeur des Corom.
Il s’agit d’un dispositif que je qualifierai de génial : il est à la fois vertueux et efficace. Ces quatre amendements identiques tendent tout simplement à augmenter les crédits qui y sont dédiés, afin que les collectivités d’outre-mer qui le souhaitent puissent toutes s’engager dans de tels contrats.
La commission des lois a trouvé cet amendement si remarquable qu’elle a décidé de présenter le même ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° II-900 rectifié ter.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement est défendu, madame la présidente. Je rappelle simplement que, le 23 novembre dernier, le groupe socialiste a présenté ce dispositif par ma voix lors des questions d’actualité au Gouvernement.
Beaucoup d’élus d’outre-mer, tout particulièrement des maires, se sont d’ores et déjà portés volontaires pour conclure de tels contrats : dès lors, leurs collectivités doivent elles aussi en bénéficier.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° II-946 rectifié bis.
M. Dominique Théophile. À mon tour, je tiens à louer les bienfaits de ce dispositif, tout en rappelant qu’il présente à la fois un volet financier et un volet d’ingénierie.
On le sait très bien, quand les collectivités territoriales d’outre-mer vont mieux, la commande publique repart de plus belle et, avec elle, le développement économique : tout s’enchaîne.
Ce dispositif permettrait d’aider les quelque vingt-six communes de Guadeloupe qui se trouvent dans une situation difficile : je suis sûr qu’avec de tels contrats elles s’en sortiront petit à petit.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Tout d’abord, je me félicite de l’existence de ce dispositif, à la création duquel le sénateur Patient n’est pas étranger.
Mme Victoire Jasmin. Tout à fait !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. À l’origine, les Corom ont été dotés d’un budget annuel de 10 millions d’euros ; quant au nombre de communes contractantes, initialement fixé à sept, il a été étendu à neuf, car ces crédits le permettaient.
Monsieur le rapporteur spécial, vous l’avez rappelé : à ce titre, l’Assemblée nationale a voté une augmentation de 30 millions d’euros, dont 20 millions d’euros sont destinés au SMGEAG et 10 millions d’euros à l’extension du Corom. En d’autres termes, nous doublons du jour au lendemain les crédits dédiés à ces contrats : c’est déjà bien. C’est même extraordinaire !
En parallèle, je vous confirme la création de nouvelles antennes d’Expertise France, pour aider les entreprises en facilitant l’attribution des crédits.
Je travaille également avec la Banque postale et l’AFD à un système d’affacturage inversé : ce dispositif permettra de réduire les difficultés des entreprises qui subissent des délais de paiement trop longs.
Bref, les Corom fonctionnent bien et nous devons nous réjouir du doublement des crédits qui leur sont attribués : j’aimerais pouvoir en faire autant sur toutes les lignes budgétaires ! J’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je tiens à soutenir les quatre amendements déposés par nos collègues.
Comme l’a dit Thani Mohamed Soilihi, c’est un dispositif génial ; on en voit aujourd’hui les résultats. Il faut continuer d’accompagner les communes et élargir la cible, pour que tous les maires demandeurs puissent bénéficier des Corom.
Certes, une telle extension du dispositif suppose un effort budgétaire préalable, mais elle aura tant de répercussions positives ! Que ce soit par le biais des taxes ou grâce aux créations d’emplois, l’État en recueillera même le centuple.
J’apporte mon soutien total à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, en réponse à ma question d’actualité du 23 novembre dernier, votre collègue présent au banc du Gouvernement s’est prononcé en faveur de cette mesure : il a promis qu’elle serait retenue. Il faudrait vous mettre d’accord et travailler ensemble en ce sens…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Les crédits en question doivent certes être portés de 9 millions à 18 millions d’euros ; mais ce doublement reste insuffisant quand on sait que 64 communes d’outre-mer sur 124 sont dans le réseau d’alerte des finances locales.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-17 rectifié, II-337 rectifié, II-900 rectifié ter et II-946 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-927 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
|
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Avec cet amendement, nous appelons l’attention sur la problématique de l’amiante dans les outre-mer.
Une étude réalisée par le ministère des outre-mer en 2020 a montré que la mise en place d’une filière de traitement des déchets amiantés sur place se heurtait à des difficultés. En effet, les moyens dont disposent ces territoires ne permettent pas, à eux seuls, d’assurer la rentabilité de ces opérations. Or il va sans dire que transporter ces déchets ailleurs est particulièrement délicat.
Voilà pourquoi nous proposons une aide destinée à accroître l’effort de désamiantage outre-mer. Il y a autant d’amiante en métropole que dans les outre-mer, mais ces territoires sont confrontés à une problématique spécifique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cet amendement tend à majorer de 15 millions d’euros les crédits alloués à la ligne budgétaire unique pour les opérations de désamiantage.
Le traitement de l’amiante est extrêmement onéreux – nous le savons – et, en l’absence de gestion locale de ce matériau, les déchets amiantés sont envoyés par container vers l’Hexagone pour y être traités, ce qui engendre un surcoût important. En résultent également de nombreuses difficultés dans la conduite des chantiers de réhabilitation menés dans tous les territoires.
Une étude a été lancée par la direction générale des outre-mer (DGOM) en 2020 quant aux perspectives d’installation d’une filière amiante outre-mer. Sa conclusion est sans appel : « Les débouchés ne sont pas opérationnels. »
Il est donc bien nécessaire d’organiser des filières locales de désamiantage tout en développant une aide spécifique aux Drom pour le traitement de l’amiante.
Néanmoins, ces crédits devraient plutôt relever de l’Anah ou de l’Anru et ils devraient être d’une tout autre ampleur. Pour mémoire, la présence d’amiante a conduit à renchérir de 12,7 à 30,37 millions d’euros les coûts de démolition des tours Gabarre à Pointe-à-Pitre.
J’y insiste : la commission des finances est convaincue de la nécessité d’ouvrir des crédits pour ces travaux de désamiantage, mais pas nécessairement ou uniquement au titre de la mission « Outre-mer ». Aussi, nous demandons l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. Pierre Ouzoulias. Merci !
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Comme vous vous en doutez, nos relations avec l’Anah et l’Anru sont à la fois fréquentes et tendues…
Cela étant, je vous signale que, dans les cinq Drom, le nombre de réhabilitations est passé de 1 700 unités en 2021 à plus de 6 000 en 2022. À Fort-de-France comme à Pointe-à-Pitre, nous nous efforçons de mener des opérations spécialisées. Bien sûr, beaucoup d’autres communes d’outre-mer sont concernées par ces difficultés, y compris à La Réunion.
Comme la Première ministre l’a rappelé, les crédits de la LBU sont aménageables en permanence. Néanmoins – je suis au regret de vous le dire –, étant donné mes relations avec l’Anru et l’Anah, si je disposais de ces crédits, je ne les emploierais pas. Autant ne pas les déployer en espérant les obtenir ailleurs, plus tard : j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est, en conséquence, l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Le Gouvernement nous renvoie aux problèmes qui opposent l’Anah, l’Anru et le ministère des outre-mer : ces difficultés sont bien regrettables, mais, en attendant, c’est toute une population qui souffre à cause de l’amiante.
Aujourd’hui, on ne peut même pas réhabiliter les chambres du centre hospitalier universitaire Pierre-Zobda-Quitman – il y en a plus de 700 ! –, qui sont dans un état de délabrement total ! Il y a de l’amiante partout : dans la peinture, dans les colles, etc.
L’habitat privé connaît, lui aussi, d’innombrables problèmes : par exemple, comment ne pas penser aux habitants de Cité Grenade, à Ajoupa-Bouillon, qui seront bientôt expulsés et relogés afin que l’on puisse réhabiliter leurs logements, lesquels sont bourrés d’amiante ?
Aujourd’hui, la filière du désamiantage est en grande difficulté outre-mer. Les délais d’attente sont extrêmement longs et je vous laisse deviner les surenchères auxquelles on doit faire face. Dans certains territoires, une seule entreprise est à même d’intervenir : elle impose des délais de traitement considérables et des tarifs de monopole.
Qui doit gérer ce problème d’amiante ? L’Anah opère très peu chez nous. Quant à l’Anru, elle mène des programmes pluriannuels qui, par définition, sont lourds. Qui nous reste-t-il, sinon notre ministère ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Madame Conconne, vous faites des effets de manches, car vous savez bien que les problèmes de votre CHU n’ont rien à avoir avec ce sujet. Le bâtiment contient effectivement de l’amiante, mais ce n’est pas le budget de la mission « Outre-mer » qui permettra de le réhabiliter.
Les territoires ultramarins connaissent de nombreux problèmes d’ordre sanitaire ; mais, globalement, le ministère de la santé est très attentif aux bâtiments hospitaliers. (Mme Catherine Conconne proteste.) Le nouvel hôpital de Mayotte, ce n’est quand même pas rien ; je pense aussi à la réhabilitation et à l’extension de l’hôpital de Saint-Pierre-et-Miquelon, même s’il faut encore y travailler.
Le ministère de la santé est chargé de ce travail et il le fait bien : on ne va quand même pas refaire le centre hospitalier de Pointe-à-Pitre avec les crédits de la LBU ! D’ailleurs, ces 15 millions d’euros n’y suffiraient pas.
Mme Catherine Conconne. Vous confondez les pays : je parlais de la Guadeloupe !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Madame la sénatrice, je ne confonds rien du tout : l’hôpital de Pointe-à-Pitre est lui aussi à refaire.
Quoi qu’il en soit, le ministère de la santé dispose des crédits permettant d’agir. J’ajoute qu’en Guadeloupe le chantier est parti et même bien parti.
Enfin, je le répète, nous sommes passés de 1 700 à 6 000 logements réhabilités. C’est donc faux de dire qu’il ne se passe rien (Mme Catherine Conconne s’exclame.), même si nous n’allons sans doute pas assez vite. Pour accélérer, il faut aller chercher les crédits de l’Anru et de l’Anah : c’est ce que nous essayons de faire.
Mme Catherine Conconne. Je demande la parole pour explication de vote !
Mme la présidente. Vous êtes déjà intervenue à ce titre, ma chère collègue : je ne peux pas vous donner la parole une seconde fois.
Mme Catherine Conconne. Eh bien, j’interviendrai plus tard !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-927 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-808, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds pour la mobilité retour
II. – Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
|
||
Conditions de vie outre-mer |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
Fonds pour la mobilité retour |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. À l’évidence, M. le ministre peine parfois à entendre ce que nous disons…
En outre, je ne lui permets pas de dire que je fais des effets de manche. Restons respectueux les uns des autres ! Je suis ici pour défendre ma population : dès que je vois une fenêtre de tir, dès que je trouve une occasion de me battre pour elle, au nom de la justice et de l’équité, je monte au créneau.
Mes interventions ne sont en aucun cas des effets de manche : je ne fais pas d’effets de manche ! Je crois être sérieuse et rigoureuse dans l’accomplissement de mon travail de parlementaire, depuis le jour de mon élection au Sénat. Halte aux caricatures ! J’aurais pu répondre à M. le ministre sur le même registre : je ne le ferai pas, par respect pour lui.
Cette mise au point étant faite, j’en viens à mon amendement n° II-808.
Là non plus, ce n’est pas un effet de manche, mais une réalité : entre les années 1960 et 1982, la France a organisé un départ massif depuis nos pays vers la métropole, par le truchement du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (Bumidom).
Des dizaines de milliers de Guadeloupéens, de Martiniquais et de Réunionnais sont partis : ces pays ont été vidés de leur jeunesse et, aujourd’hui, ils doivent affronter un dépeuplement massif – je dis bien massif : depuis dix ans, la seule Martinique perd chaque année 4 500 habitants et le processus semble inéluctable.
Mes chers collègues, à ce rythme, je vous laisse imaginer combien nous serons dans vingt ou trente ans : nous serons très proches de l’inexistant.
De grands moyens avaient été déployés pour créer le Bumidom : à présent, l’accompagnement des populations favorables au retour doit faire l’objet d’une détermination aussi grande. Je demande en quelque sorte un « Bumidom retour », doté de 5 millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement tend à créer un nouveau programme intitulé « Fonds pour la mobilité retour » et doté de 5 millions d’euros pour lutter contre la fuite des cerveaux et le déclin démographique des outre-mer.
Il est certain qu’une stratégie générale pourrait favoriser le retour des jeunes Ultramarins partis, notamment pour étudier, en métropole ou à l’étranger. Mais ce qui fera avant tout revenir les jeunes actifs, ce sont des logements abordables, des débouchés professionnels et un accès aux services publics équivalent à celui qui est offert en métropole, autant d’actions qui sont l’objet même de la mission « Outre-mer ».
Faut-il œuvrer encore en ce sens ? Évidemment, oui : le rattrapage des niveaux et conditions de vie entre l’outre-mer et la métropole est un préalable nécessaire au retour des jeunes Ultramarins. Mais je ne suis pas convaincu que la solution proposée soit la plus adaptée : si cette stratégie, à laquelle 5 millions d’euros seraient consacrés, ne s’accompagne pas de conditions d’accueil attirantes, elle n’aura aucun effet incitatif.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Madame Conconne, avant tout, je tiens à vous présenter mes excuses si mes paroles vous ont blessée : dans mon esprit, il ne s’agissait pas du tout d’une critique. Je n’ai aucun doute sur votre détermination à défendre les outre-mer et vous le savez.
Sur ce sujet, je me rallie à l’avis émis par M. Patient. Nous devons bien avoir en tête que, dans notre esprit collectif, le Bumidom, c’est fini : à ce sujet, nous entendons encore certains propos qui ne nous plaisent pas.
Vous demandez que cette politique soit gérée par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité : c’est bel et bien son boulot. Je suis prêt à l’écrire noir sur blanc dans la présentation des missions que j’entends lui confier.
D’ailleurs, si je puis me permettre cette remarque sans porter atteinte à l’indépendance de la Haute Assemblée, dès qu’il sera nommé, le directeur de Ladom pourra être utilement convoqué par telle ou telle commission du Sénat et, à tout le moins, par la délégation sénatoriale aux outre-mer. Ainsi serons-nous parfaitement au clair quant à la politique que doit mener Ladom.
Cette agence dispose aujourd’hui d’un budget de 47 millions d’euros et nous voulons que, demain, elle soit en mesure de mener une politique concertée grâce aux crédits dont elle aura besoin.
Pour l’heure, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-810 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Pour revenir rapidement sur le précédent amendement, je n’approuve pas du tout les propos du rapporteur spécial Georges Patient au sujet de l’attractivité des outre-mer – nous en parlerons après.
Mes chers collègues, la LBU est, pour l’essentiel, destinée aux aides à la pierre. Ce dispositif ne pose pas problème en tant que tel : il fonctionne bien et facilite à la fois la réhabilitation et la construction de nouveaux logements. Les bailleurs savent faire, les opérateurs sociaux savent faire : là encore, il n’y a pas de problème.
Mais, aujourd’hui, les bailleurs sont confrontés à un immense problème, que j’ai décrit dans mon intervention liminaire. Le vivre ensemble devient extrêmement difficile, si bien qu’ils sont tenus d’assumer de nouveaux métiers : ils s’inventent à la fois psychologues, travailleurs sociaux et assistants sociaux.
Figurez-vous que les trois principaux bailleurs de Martinique ont dû se former en association – l’association pour le logement social (ALS) – pour prendre en charge les populations qu’ils logent. Au total, 40 % des occupants du parc sont aujourd’hui atteints de maladies mentales et plus de 70 % ont plus de 65 ans : ce chiffre vous donne une idée des problèmes de vieillissement auxquels il faut faire face, d’autant que beaucoup de ces personnes présentent des troubles liés à l’âge.
Pour exercer leurs nouveaux métiers, les bailleurs ont besoin de moyens supplémentaires. Ils font de leur mieux pour soutenir l’ALS, en faveur de laquelle ils ont dû créer des fonds spécifiques en prélevant sur leurs propres budgets. Mais cette association ne compte que six salariés pour prendre en charge des milliers et des milliers de cas.
Aujourd’hui, il faut aller un peu plus loin : dans cet esprit, je demande qu’une partie de la LBU soit symboliquement fléchée vers l’accompagnement social exercé par les bailleurs sociaux. Il est urgent de les aider à mener ces politiques publiques, au service du mieux vivre ensemble.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à majorer de 5 millions d’euros les crédits de la LBU afin de créer un volet social permettant d’accompagner les bailleurs sociaux.
Je comprends parfaitement les préoccupations des signataires de cet amendement : il faut effectivement saluer le travail des bailleurs qui ont tenté, sur leurs fonds propres, de déployer des solutions. Toutefois, ces dernières ne peuvent qu’être provisoires et incomplètes.
Les problèmes dont il s’agit – troubles psychologiques, marginalisation, violence ou alcoolisme – ne sont pas du ressort des bailleurs sociaux. (Mme Catherine Conconne manifeste son exaspération.) Ces acteurs interviennent dans l’urgence, par des mesures palliatives, mais sans régler en quoi que ce soit les problèmes dont il s’agit.
À mon sens, ce débat relève du budget du ministère des solidarités.
Des crédits supplémentaires sont nécessaires : c’est indéniable. En revanche, leur ouverture sur la LBU de la mission « Outre-mer » me paraît très contestable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les dispositions de cet amendement appellent, de notre part, les mêmes observations sur le fond : une telle intervention relève bien du ministère des solidarités.
Madame la sénatrice, sans doute connaissez-vous l’existence du fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). Ce dispositif a été créé en 2011 ; il est financé par les bailleurs sociaux, notamment Action Logement, et par l’État, via le ministère des solidarités. Face à l’urgence, il faut l’amplifier.
Comme vous le soulignez, il faut agir pour traiter ce problème fondamental : c’est une nécessité absolue. Pour ma part, je m’engage à soutenir cette association de bailleurs sur mes crédits associatifs, à une hauteur significative.
Mme Catherine Conconne. Merci, monsieur le ministre !
Mme la présidente. L’amendement n° II-811, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. J’aborde ici un autre sujet très compliqué.
Nous avons pu obtenir, lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, un vote favorable sur l’amendement n° I-1004 rectifié, qui visait à réduire de 50 %, voire de 100 %, le taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pendant une période transitoire, de manière à permettre un rattrapage du niveau des investissements consacrés à la gestion des déchets. Lorsque l’on vit sur une île – c’est le cas de la plupart d’entre nous aujourd’hui, à l’exception de M. Patient, dont le territoire est à lui seul un véritable continent ! – évacuer, traiter et valoriser les déchets, c’est compliqué !
Aujourd’hui, les syndicats mixtes souffrent énormément. Ils présentent des déficits importants, alors même qu’ils doivent réaliser nombre d’investissements, dans la plus grande urgence, pour se mettre totalement aux normes en matière de développement durable et aboutir à une gestion des déchets qui soit la plus simple et la plus vertueuse possible.
Aussi, je demande qu’un fonds de soutien particulier dédié à la collecte et au traitement des déchets en outre-mer soit instauré, afin que les structures déjà existantes aient le temps de se mettre à niveau en matière d’investissements. Le coût d’une simple ligne de four, qui est indispensable à l’utilisation de l’incinérateur de déchets de Fort-de-France, s’élève à 50 millions d’euros !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à créer un fonds de soutien pour la collecte et le traitement des déchets en outre-mer, doté de 5 millions d’euros.
Dans un contexte de réchauffement climatique et de recherche permanente de solutions permettant de réduire l’empreinte carbone de nos activités, le traitement des déchets doit se faire au plus près du lieu de leur collecte. Cette question soulève également un enjeu sanitaire important pour les populations.
Cependant, la pression foncière ne facilite pas la construction d’installations de traitement de déchets. Par ailleurs, des financements importants existent déjà, via l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, (Ademe), le fonds exceptionnel d’investissement, ou les fonds européens.
Cela étant dit, la commission sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le sujet est important, en Martinique, à Saint-Martin, que je connais bien, et à Saint-Pierre-et-Miquelon – en somme, un peu partout.
Madame la sénatrice, je précise qu’un fonds de ce type existe déjà et que ses crédits ont d’ailleurs été dépensés, en 2021, à la hauteur de la somme que vous demandez et même au-delà. Au sein du FEI, 6,3 millions d’euros ont été mobilisés pour trois projets en Guyane pour la seule année 2022. De plus, en 2022, 2,8 millions d’euros ont été investis – 2 millions à Mayotte et 0,8 million pour un projet en Martinique.
Nous devons faire plus, mais je pense que nous avons d’abord intérêt à travailler sur ce sujet – comme sur beaucoup d’autres – avant d’accorder de nouveaux crédits.
Nous avons organisé un atelier à propos des ordures ménagères et des déchets en Martinique, collectivité dont le syndicat mixte ne va pas bien, comme vous le savez. D’ailleurs, certains veulent prendre des sous dans la cassette des Corom de M. Patient… On verra bien ce qu’il en sera !
Dès lors, madame la sénatrice, même si vous avez raison sur le fond, d’un point de vue budgétaire, je ne puis accéder à votre demande, car le ministère des finances m’objecterait qu’un fonds existe déjà à cette fin.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Même avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-18, présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Emploi outre-mer dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués à l’action n° 04, Financement de l’économie, du programme 138, « Emploi outre-mer ».
Cette action, instaurée par la loi de finances pour 2019, comprend des mesures spécifiques de soutien aux entreprises et aux associations ultramarines. Elle a pour objet d’accompagner le développement économique et d’améliorer l’attractivité de nos territoires ultramarins au travers de plusieurs dispositifs que vous connaissez, mes chers collègues : le prêt de développement outre-mer (PDOM) de Bpifrance, les subventions d’investissement, le soutien au microcrédit outre-mer et l’aide au fret.
Dans ce projet de loi de finances, les crédits de l’action n° 04 s’élèvent à 24,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 21,8 millions d’euros en crédits de paiement. En autorisations d’engagement, leur niveau est strictement équivalent à celui de la loi de finances initiale pour 2022 ; en crédits de paiement, il est en légère baisse.
Ce niveau de crédits suscite cependant quelques interrogations. En effet, en 2020, une importante sur-exécution des crédits de cette action a été constatée, notamment en raison de la crise sanitaire, qui a engendré un accroissement des demandes de financement via le dispositif de PDOM émises par les entreprises ultramarines, qui ont rencontré des difficultés financières.
Il nous apparaît donc que la consommation de ces crédits est très sensible à la conjoncture économique. Or, dans le contexte économique actuel, la situation des entreprises devrait se détériorer en 2023 ; celles-ci devraient, à tout le moins, faire appel à ce type de dispositifs. Le recours au microcrédit ou au PDOM pourrait alors enregistrer une hausse importante par rapport à 2021, voire à 2022.
Il nous semble donc nécessaire d’augmenter les crédits de cette action, afin de préserver le tissu économique local, notamment les petites entreprises, qui seront durement affectées par la hausse de l’inflation en 2023.
Afin de respecter les règles de recevabilité budgétaire, cet amendement tend à prélever 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur l’action n° 08 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », pour abonder l’action n° 04 du programme 138.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. C’est avant tout que les services du ministère des outre-mer communiquent mal ! (Sourires.)
En octobre 2022 – il y a peu –, j’ai décidé, en piochant dans les crédits de mon ministère, d’attribuer 2 millions d’euros à Bpifrance pour couvrir le prochain exercice dans ce domaine.
De plus, un nouveau produit financier, le PDOM transmissions, sera établi afin d’accompagner financièrement les transmissions d’entreprises. Pour assurer cette mission, 7,5 millions d’euros ont été alloués à Bpifrance ; on va donc au-delà de votre demande !
S’agissant de l’aide au fret, le problème que nous rencontrons est structurel : bizarrement, les crédits alloués sont organisés – je le découvre – avec des procédures impensables, qui requièrent les avis d’untel ou d’untel, ce qui empêche que ces crédits soient utilisés. L’État verse de l’argent aux régions pour les aider, mais rien n’est dépensé ! Il faut plonger là-dedans pour voir ce qui ne va pas. Je le répète, je n’ai pas su communiquer sur ce sujet jusqu’à présent : c’est la première fois que je l’explique ainsi.
Par ailleurs, une politique volontariste d’appui au secteur du microcrédit et de l’économie sociale a été mise en place. En 2022, elle a mobilisé 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Nous avons essayé d’élargir notre action en faveur des PME et de l’économie sociale et solidaire, en soutenant France Active et le réseau outre-mer d’Initiative France. Nous parviendrons à abonder les crédits dédiés à l’économie sociale et solidaire au cours de l’exécution budgétaire.
Monsieur le sénateur, votre amendement étant satisfait, même si je n’avais pas su le faire savoir auparavant, et puisqu’il ne convient pas de doubler la mise, notre avis sur cet amendement est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° II-16 rectifié est présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-251 rectifié est présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-336 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° II-872 rectifié bis est présenté par Mmes Malet et Dindar.
L’amendement n° II-947 rectifié bis est présenté par M. Théophile, Mme Phinera-Horth, MM. Dennemont et Lemoyne, Mme Havet et M. Dagbert.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
4 000 000 |
|
4 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
4 000 000 |
|
4 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-16 rectifié.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter de 4 millions d’euros les crédits dédiés à la résorption de l’habitat indigne et insalubre en outre-mer.
Les crédits alloués à cette action sont stables depuis plusieurs années, à hauteur de 20 millions d’euros en crédits de paiement et de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Or les Drom présentent une proportion de logements indignes et insalubres nettement supérieure à la métropole : ils représenteraient près de 19,4 % du parc de logements, soit environ 150 000 habitations sur les 774 641 résidences principales que compte le parc, contre 1,2 % en France métropolitaine.
En octobre 2022, les 15 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale à ce titre étaient déjà intégralement consommés.
Afin de respecter les règles de recevabilité budgétaire, cet amendement tend à prélever 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur l’action n° 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, « Emploi outre-mer », pour abonder l’action n° 01 du programme 123.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-251 rectifié.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-336 rectifié.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il est également défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° II-872 rectifié bis.
Mme Viviane Malet. Cet amendement, identique aux précédents, a également pour objet de renforcer les crédits dédiés à la résorption de l’habitat insalubre outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° II-947 rectifié bis.
M. Dominique Théophile. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Il est favorable, mais je ne lève pas le gage, madame la présidente : simplement, nous financerons cette mesure en prélevant des crédits sur l’ensemble du programme et non pas seulement sur la LBU.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet est extrêmement important. Je souhaite vous rappeler que, pour le logement, on peut compter sur les crédits de la LBU, mais aussi sur le reliquat du plan d’investissement volontaire (PIV), soit 400 millions d’euros que j’essaye de reporter ; nous bataillons enfin pour bénéficier des crédits du fonds national des aides à la pierre (Fnap), qui viendraient abonder la politique de lutte contre l’habitat indigne.
Ces amendements identiques vont dans le même sens ; c’est pourquoi notre avis est favorable. Toutefois, au vu des problèmes que je rencontre en fin de gestion pour dépenser l’ensemble de mes crédits, je ne lève pas le gage.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-16 rectifié, II-251 rectifié, II-336 rectifié, II-872 rectifié bis et II-947 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-929 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
4 000 000 |
4 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, 84 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté ; ce chiffre terrible fait frémir !
C’est une plaie béante au cœur de la République, monsieur le ministre. La République, c’est la fraternité. Nous ne pouvons pas accepter que 84 % de la population de l’un de nos départements vive sous le seuil de pauvreté.
Nous proposons donc une mesure extrêmement modeste, mais qui vise, au moins, à corriger cette injustice monstrueuse, en ouvrant des crédits pour mettre en place un chèque alimentaire qui viendrait diminuer un petit peu cette misère complètement inconcevable au cœur de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter de 4 millions d’euros les crédits dédiés au chèque alimentaire à Mayotte.
En 2021, 1,6 million d’euros avaient été déployés durant trois mois sous la forme de chèques d’urgence alimentaire au bénéfice d’environ 13 300 familles de Mayotte. Cette aide absolument nécessaire n’a cependant pas résolu le problème de fond ; les besoins persistent, en raison de la grande pauvreté de nombreux habitants de Mayotte – vous l’avez souligné, mon cher collègue – par rapport à la métropole, mais également par rapport aux autres territoires d’outre-mer.
Cependant, le présent projet de loi de finances ne comporte pas de crédits destinés à un chèque alimentaire, dispositif jugé complexe à mettre en place. Par ailleurs, si cette problématique est prégnante à Mayotte, elle touche également de nombreux citoyens français, quel que soit leur lieu de résidence. Aussi, la réponse doit être globale, au même titre que les aides apportées aux ménages face à la hausse des prix de l’énergie.
C’est pourquoi nous sollicitons l’avis du Gouvernement, notamment pour savoir où en sont les réflexions sur le fonds pour une aide alimentaire durable annoncé par la Première ministre, qui serait doté de 60 millions d’euros en 2023, ou sur tout autre dispositif d’aide alimentaire.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Dans la dernière loi de finances rectificative, l’aide attribuée à Mayotte, avec le soutien résolu du Gouvernement, s’élève malheureusement – évidemment, nous préférerions qu’il n’y ait besoin de rien ! – à quelque 4,8 millions d’euros, soit quatre fois plus que le montant initial prévu pour 2022.
Monsieur le rapporteur spécial, je préfère que l’aide que vous demandez soit financée par le FSE, qui a prévu 5 millions d’euros de bons alimentaires à partir de 2024, sur une période de trois ans, soit 1,8 million d’euros supplémentaires par an ; cela me semble être une bonne politique. Reste à décider ce fonds européen… J’étais d’ailleurs récemment à Bruxelles pour que la programmation en la matière s’améliore. J’ai bon espoir que nous réussissions à avancer sur cette question.
À cela, il faut ajouter les dispositifs de soutien votés dans la loi de finances rectificative, ainsi que le budget des collectivités locales, notamment celui du conseil départemental.
Le sujet me semble important, mais j’aimerais bien m’assurer que les mesures prévues soient effectives.
À regret, mais par sincérité, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Même avis.
Mme la présidente. L’amendement n° II-92 rectifié ter, présenté par Mmes Dindar et Malet, MM. Artano et Théophile, Mme Jacques, MM. Hassani et Dennemont, Mme Petrus, M. Capo-Canellas, Mme Létard, MM. Janssens et J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, M. Favreau, Mmes Guidez, M. Mercier et Boulay-Espéronnier, M. Folliot, Mmes Perrot et Saint-Pé, MM. Le Nay et Gremillet et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
2 000 000 |
|
2 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Cet amendement vise à augmenter de 2 millions d’euros les crédits alloués aux associations qui luttent contre les violences intrafamiliales dans les outre-mer.
En effet, on sait combien de vies humaines sont gâchées par ces violences si nuisibles à l’épanouissement et à la protection des femmes, mais surtout des enfants ; ces violences sont liées au niveau de vie, aux différences culturelles et à la confrontation entre la modernité et les sociétés traditionnelles.
Nous proposons donc de prélever 2 millions d’euros de l’action n° 01 du programme 138 au profit de l’action n° 04, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports, du programme 123.
Monsieur le ministre, c’est un vrai sujet. Bien sûr, des dispositifs de droit commun existent, mais je crois que le ministre chargé de nos territoires doit donner un signal à l’ensemble des associations qui luttent contre les violences intrafamiliales, véritable gâchis pour le futur de nos populations !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Les violences intrafamiliales sont un sujet sensible, qui doit tous nous mobiliser. En outre-mer, selon l’Insee, ces violences, mesurées à partir des dépôts de plainte, sont encore plus répandues que dans l’Hexagone. En 2020, 7 652 femmes ont encore été victimes de violences intrafamiliales dans l’ensemble des territoires d’outre-mer, contre 7 263 en 2019, soit un taux de victimation de 5,4, contre 3,1 dans l’Hexagone, soit 1,7 fois plus. Il faut lutter contre ce phénomène, c’est une évidence.
Pour autant, je ne pense pas que les crédits de la mission « Outre-mer » soient le meilleur vecteur pour renforcer cette lutte.
Actuellement, les crédits alloués aux actions de lutte contre les violences intrafamiliales sont portés par les services de la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Il ne nous revient pas, dans le cadre de l’examen de la mission « Outre-mer », de préconiser leur augmentation.
Cependant, il est indéniable que l’information relative aux crédits spécifiquement alloués à l’outre-mer doit être améliorée. De plus, il conviendrait d’intégrer au document de politique transversale outre-mer une annexe sur ce sujet ; cela permettrait de connaître précisément les moyens alloués outre-mer à la lutte contre ces violences.
Monsieur le ministre, je profite de cette occasion pour demander au Gouvernement si une telle évolution serait possible à court terme, dès le projet de loi de finances pour 2024.
Cependant, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je veux brièvement revenir sur le sujet dont nous avons parlé à propos de l’amendement n° II-929 rectifié, pour vous dire que le taux de pauvreté baisse à Mayotte…
Mme Éliane Assassi. Oui, mais il est toujours haut !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … et qu’il baisse même fortement. Cela me conforte dans l’idée que nous progressons, même si nous devons encore avancer.
Concernant l’amendement n° II-92 rectifié ter, les services de la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sont compétents en la matière.
Le budget dédié à la lutte contre ces violences outre-mer est en hausse, puisqu’il s’est élevé à 2 millions d’euros en 2021, puis à 3 millions d’euros en 2022, ainsi qu’en 2023, soit une augmentation de 50 %.
Par ailleurs, compte tenu de l’importance du sujet, les contrats de convergence et de transformation ont prévu des crédits d’État contractualisés sur la période 2019-2022, qui sont programmés jusqu’en 2023. De plus, 4 millions d’euros sont budgétés sur le programme 137 et 400 000 euros sur le programme 123, soit 1 million d’euros en plus sur quatre ans.
En outre, des appels à projets ont été lancés pour l’emploi des crédits associatifs : le ministère des outre-mer finance ainsi, à hauteur de 325 000 euros, trente-huit projets ultramarins dans ce domaine. En 2021, 500 000 euros ont été versés à des associations de lutte contre les violences conjugales.
Nous maintenons le montant des crédits dédiés à ces associations ; la demande sera peut-être même supplémentaire, car la prise de conscience devient plus forte.
En raison de l’ensemble des crédits déjà existants, qui s’élèvent à près de 4 millions d’euros par an, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le ministre.
Nous discutons de 4 millions d’euros ; nous savons toutefois que c’est largement insuffisant pour lutter contre les violences intrafamiliales.
Celles-ci concernent tous les domaines. Je pense à celui de la santé : les femmes ont dû mal à trouver une écoute ; aujourd’hui, dans les hôpitaux, on propose que des assistants sociaux leur viennent en aide. Les collectivités territoriales mettent la main à la pâte quand il faut trouver de l’argent.
Nous ne pouvons pas voter les crédits de la mission « Outre-mer », qui comprend le programme « Conditions de vie outre-mer », sans envoyer un signal pour montrer que nous luttons contre ces violences, qui touchent les enfants – l’avenir de nos populations – et qui nécessitent une approche humaine globale.
Messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le ministre, tenez-en compte !
Les associations qui luttent sur le terrain, les associations de proximité, ont besoin d’aide. Nous connaissons les appels à projets et les efforts entrepris, mais c’est tellement insuffisant que les 2 millions d’euros que nous demandons permettraient de montrer aux associations de terrain que le ministère de l’outre-mer a pris en compte le défi que doivent relever, aujourd’hui et demain, l’ensemble des territoires concernés par les violences intrafamiliales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, la lutte contre les violences faites aux femmes a été érigée en grande cause de ce quinquennat, comme elle l’avait été pour le précédent.
Les associations jouent un rôle essentiel dans nos territoires, un rôle de proximité, alors même que le nombre de féminicides en outre-mer augmente chaque année, comme dans toute la France.
Pour autant, toutes les associations ne sont pas en mesure de répondre aux appels à projets. Une sélection s’opère, alors que toutes les associations sont utiles, dans chacun de nos territoires.
Monsieur le ministre, il faut également que ce point soit pris en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ainsi que vient de le rappeler notre collègue Victoire Jasmin, la lutte contre les violences faites aux femmes est une grande cause de ce quinquennat, tout comme elle l’était lors du précédent.
Il faut reconnaître que des progrès significatifs et indéniables ont été accomplis ces dernières années dans la lutte contre ce fléau. Mais celui-ci persiste, demeure et tue, surtout dans les territoires ultramarins.
Comme je l’avais rappelé lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la Lopmi, les violences intrafamiliales sont plus répandues en outre-mer que dans l’Hexagone.
À Mayotte, par exemple, chaque année, environ 650 femmes franchissent courageusement la porte du commissariat de Mamoudzou ou d’une brigade de gendarmerie de l’île pour signaler des violences conjugales. Seuls 150 de ces signalements donnent lieu à des procédures judiciaires.
Des moyens sont mis en œuvre pour aider les victimes et sensibiliser les professionnels aux spécificités de ce travail. Je pense notamment à la publication, en juillet 2022, d’un nouveau guide relatif aux violences faites aux femmes dans les outre-mer, destiné aux professionnels et élaboré par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, ou encore à la mise en service du numéro unique 3919, joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en outre-mer comme en métropole.
Néanmoins, les efforts doivent se poursuivre et les moyens être renforcés afin de lutter contre les violences intrafamiliales en outre-mer, pour que l’accueil, l’orientation et la protection des victimes soient plus efficaces.
Aussi, je partage le constat de notre collègue ; nous le vivons au quotidien. Il s’agit d’un problème non pas simplement de crédits ou de personnel, mais également de libération de la parole et de prise en charge des victimes.
Monsieur le ministre, je crois savoir qu’un texte est en cours de préparation avec la ministre Isabelle Rome. Je vous adresse à ce sujet une demande formelle et appuyée : associez les parlementaires ultramarins à son élaboration, pour prendre en compte nos spécificités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’ai déjà souligné dans mon intervention liminaire l’importance des intentions.
Nous avons là une belle intention, qui plus est vitale : lutter contre les violences faites aux femmes dans nos territoires, où les chiffres sont bien supérieurs à ceux d’ailleurs – les observatoires qui ont été mis en place peuvent en attester.
Oui, il y a une bonne raison d’y porter une attention et une intention très particulières.
C’est pourquoi je soutiens tous les propos qui viennent d’être tenus et je voterai l’amendement de notre collègue Nassimah Dindar.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voterai également en faveur de l’amendement de Mme Dindar. Je connais un peu Mayotte, mais surtout le problème des violences en général et des violences intrafamiliales en particulier – elles sévissent aussi dans l’Hexagone, malheureusement.
Il faut envoyer un signal et augmenter les crédits, pour que tout le monde puisse s’en occuper. Il est inadmissible d’accepter ce que l’on voit. Peut-être s’y habitue-t-on, monsieur le ministre (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.), mais je crois que l’on ne doit jamais s’habituer.
Les violences intrafamiliales touchent aussi les enfants, qui, demain, peut-être, seront aussi ceux qui provoqueront des violences. Le sujet est vraiment important.
Je confirme donc que je voterai pour cet amendement et j’invite l’ensemble de mes collègues à en faire de même.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour explication de vote.
M. Stéphane Artano. Je suis cosignataire de cet amendement, je vais évidemment le voter.
J’appelle mes collègues siégeant sur toutes les travées à faire front sur ce sujet en votant cet amendement, qui a été signé par des représentants de toutes les forces politiques présentes dans l’hémicycle.
Nous allons, avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, travailler au cours de l’année 2023 sur l’accompagnement à la parentalité en outre-mer.
Je pense que ce sujet fait écho aux propos de Nassimah Dindar, qui ont été repris sur toutes nos travées. Je pense effectivement qu’en outre-mer plus qu’ailleurs – le phénomène a été observé, il n’est pas imaginaire – il existe une démultiplication et un renforcement des violences intrafamiliales, auxquels nous devons répondre.
Cet amendement va dans le bon sens, quand bien même la politique gouvernementale pourrait évoluer sur ce sujet.
Mme la présidente. L’amendement n° II-393 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Gold, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
2 000 000 |
2 000 000 |
|
|
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
|
|
|
|
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
|
|
|
|
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon possède des côtes d’une longueur totale de 260 kilomètres ; ces côtes, comme vous vous en doutez, sont régulièrement fragilisées par les aléas climatiques.
Ce territoire abrite l’isthme de Miquelon-Langlade, unique en France, un isthme long de quelque douze kilomètres, qui a été particulièrement attaqué et a subi des affaissements.
La collectivité, qui s’est beaucoup mobilisée sur le sujet, s’est aussi sentie très seule, il faut bien le dire. On compte beaucoup sur les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, qui possèdent une autonomie administrative et fiscale pour faire face à tous les besoins. Mais elles ont aussi besoin du soutien et de la volonté de l’État de les accompagner.
Le réchauffement climatique et la montée des eaux renforcent les phénomènes d’érosion. La collectivité s’est véritablement engagée dans une course contre la montre, mais elle est seule – parfois, l’État lui offre simplement un accompagnement en ingénierie. Nous nous sommes fortement heurtés à la technocratie de l’État – des études à n’en plus finir, qui n’ont pas retenu un certain nombre de solutions préconisées. Tout récemment encore, au point kilométrique 16, les dégâts ont été importants.
Monsieur le ministre, je vous fais un appel du pied, afin que la collectivité territoriale puisse être soutenue à hauteur de 2 millions d’euros dans cette course contre la montre, qui vise à préserver un lien économique avec le plus petit village de mon territoire, qui ne compte que 500 âmes. C’est un vecteur essentiel pour notre territoire. J’aimerais vous entendre sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Notre collègue Stéphane Artano propose de soutenir la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à hauteur de 2 millions d’euros pour protéger les espaces du littoral, les biens des habitants et les infrastructures des communes qui sont menacés par les aléas climatiques de plus en plus nombreux affectant l’archipel, aléas que nous connaissons tous, dans chacun de nos territoires.
À ce titre, il me semble important de rappeler que les communes de l’archipel peuvent bénéficier de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour financer une partie de leurs investissements. Néanmoins, au regard de leur surface financière, il est possible que ces aides ne suffisent pas.
Par ailleurs, Saint-Pierre-et-Miquelon a également signé un contrat de convergence et de transformation, pour un montant de 9,5 millions d’euros, qui a permis, entre autres choses, de financer des études et aménagements pour le barrage de la Vigie, la route de l’isthme à Miquelon et la route littorale de Saint-Pierre.
La renégociation de ce contrat, prévue en 2023, pourrait être l’occasion de prévoir les crédits pour les travaux nécessaires à la protection du littoral, mais les crédits ne seraient alors disponibles qu’en 2024.
C’est pourquoi nous sollicitons l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais ce sujet n’est pas propre à Miquelon : on rencontre le même grave problème à Ouvéa. Certes, ce n’est pas un Drom, mais l’île va être coupée en deux et la question du déménagement, si je puis dire, du village se pose, puisqu’il faut le remonter un peu. Cette situation concerne aussi plein d’îles dans le Pacifique dont l’existence est menacée si le niveau de la mer monte d’un mètre.
Il s’agit donc d’un sujet global ; c’est à ce titre que j’ai travaillé avec Christophe Béchu pour élaborer un plan global pour les îles et archipels en grand danger.
La Première ministre m’a demandé, en liaison avec Bérangère Couillard, d’établir un document clair sur la thématique « outre-mer et changement climatique », autour de trois axes.
Premièrement, il s’agit de savoir comment les territoires contribuent déjà à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique – et ils en font déjà beaucoup –, grâce à leurs richesses maritimes et forestières.
Deuxièmement, il faut voir ce qui ne va pas bien : par exemple, les énergies, notamment dans l’archipel polynésien ; de ce point de vue, nous progressons, puisque 60 millions d’euros ont été dégagés.
Troisièmement, j’en ai reparlé avec Christophe Béchu, il faut trouver des mesures pour les territoires en danger, qui, comme le rapporteur spécial l’a indiqué, bénéficieront d’un plan global.
Je précise que des crédits de la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), qui est l’équivalent pour les départements de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), sont disponibles.
En cas d’urgence, on prendra ces crédits sur le Fonds social européen. C’est plus simple : on sait qui décide !
Comment peut-on créer une dépense spéciale pour Saint-Pierre-et-Miquelon, alors qu’il existe tellement d’autres territoires en danger ? Je le répète, un plan global est préférable.
Je vous assure que, si l’on n’avance pas assez vite, ces 2 millions d’euros seront disponibles en cas de besoin – cette année, il faut que je fasse des miracles pour dépenser les fonds du FSE !
Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Même avis.
Mme la présidente. Monsieur Artano, l’amendement n° II-393 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-393 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-899 rectifié ter, présenté par Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
1 500 000 |
1 500 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
1 500 000 |
1 500 000 |
||
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
||||
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
||||
TOTAL |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
1 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Je sais très bien que la sécurité relève du domaine régalien de l’État, mais, dans le contexte actuel, de nombreuses collectivités sont, régulièrement et de plus en plus, confrontées à des problématiques liées à la violence et à l’insécurité.
Cet amendement a pour objet d’abonder le fonds de coopération régionale (FCR), à hauteur de 1,5 million d’euros. Ce n’est pas beaucoup – je sais qu’il s’agit de l’argent de l’État. Ce problème touche Mayotte, Saint-Laurent-du-Maroni et son environnement, mais aussi les autres territoires, y compris maintenant de plus en plus la Guadeloupe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Le fonds de coopération régionale, qui est doté d’un peu moins de 1,5 million d’euros par an, vise essentiellement à mettre en place des actions de coopération économique, sociale et culturelle avec les autres pays des régions ultramarines. À ce jour, il n’a pas de compétence en lien avec les problématiques d’immigration, de sécurité et de défense.
Il faudrait modifier les articles R. 4433-24 et suivants du code général des collectivités territoriales pour étendre son champ de compétences à ces thématiques. En l’absence d’une telle évolution, il ne paraît pas possible d’ouvrir des crédits à cette fin.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Victoire Jasmin. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° II-899 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° II-902 rectifié ter, présenté par Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
||||
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
||||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à abonder le fonds exceptionnel d’investissement afin de permettre aux collectivités d’outre-mer, par une aide à la citerne, de répondre aux besoins exceptionnels de leurs populations en matière de distribution de l’eau.
Lors de l’examen de la loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, qui y créait un syndicat mixte unique, j’avais lancé l’alerte sur les limites de l’exercice et insisté sur la nécessité de prévoir des fonds. Malheureusement, c’était bien une coquille vide, on le constate aujourd’hui, et l’État a repris la main.
Ces problèmes d’eau contraignent de nombreuses écoles à fermer, pour des raisons d’hygiène. Je souhaite par conséquent que soit mis en place un accompagnement pour permettre aux enfants d’aller régulièrement à l’école, même dans les périodes où les coupures d’eau se répètent. Cette situation est anormale et intenable.
Pour des enjeux d’hygiène et de sécurité tout à la fois, il serait bon que cet amendement soit adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La question de l’accès à l’eau est primordiale dans nos territoires ultramarins. Nous sommes conscients de cet enjeu majeur.
Le plan Eau-DOM, adopté en 2016 pour une durée de dix ans, a déjà permis d’autoriser l’engagement de 126 millions d’euros et de consommer, au 3 juillet 2022, 72,5 millions d’euros de crédits de paiement au sein de la mission « Outre-mer ». Sur ce montant, 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et 39 millions d’euros en crédits de paiement viennent du fonds exceptionnel d’investissement, le delta provenant des contrats.
Même si c’est regrettable, les crédits du FEI sont sous-consommés ces dernières années. Ainsi, les crédits existent et nous avons formulé des recommandations pour qu’ils soient pleinement consommés.
Soyez assurés que nous y serons attentifs. Quand le FEI sera intégralement consommé chaque année, nous pourrons légitimement demander une augmentation des crédits ouverts à ce titre, notamment pour des investissements liés à l’accès à l’eau potable.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Ce que l’objet de cet amendement révèle d’inquiétant, c’est l’attitude de l’éducation nationale, qui n’autorise pas les citernes dans les écoles. Je m’en suis aperçu en Guadeloupe et en Martinique.
Je travaille à ce que cela change, mais, l’administration française est ainsi faite que cela prend du temps, même pour un sujet pourtant simple. Le recours aux citernes est possible partout, sauf dans les écoles. C’est ainsi !
Cette discussion a la vertu de mettre en lumière la problématique de l’assainissement, qui a été évoquée à une autre occasion. Sans revenir sur ce qui se passe à Mayotte ou à la Guadeloupe, je pense que l’on est trop concentré sur l’eau potable et pas assez sur l’assainissement – il est clair que cela finira par poser problème. Je n’ai toutefois pas les moyens d’agir.
À mon sens, il s’agit davantage d’un amendement d’appel que d’un amendement financier. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-928, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine |
||||
Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis |
||||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je reprends ici un amendement dont les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, au sein duquel siègent un certain nombre d’élus ultramarins, auraient bien voulu débattre. On sait les raisons pour lesquelles cela n’a pu se faire.
Il s’agit de demander un meilleur investissement de l’État au sein des départements d’outre-mer, notamment en Polynésie française. Le fonds intercommunal de péréquation (FIP) ayant diminué, le service de public de l’eau est remis en cause. Les communes n’ont pas les moyens nécessaires pour assurer la maintenance des réseaux d’adduction d’eau, qui est une compétence communale. Si les travaux ne peuvent avoir lieu, des dégâts environnementaux sont à prévoir.
En effet, le manque d’entretien des réseaux d’adduction d’eau entraîne d’énormes fuites. Or l’eau est un bien commun essentiel, que les conséquences du réchauffement climatique rendent de plus en plus rare. Perdre ce bien, parce que l’État ne fournit pas les moyens nécessaires à sa maintenance, relèverait – ne m’en voulez pas, monsieur le ministre ! – d’une irresponsabilité indicible.
Par conséquent, il faut donner à la Polynésie française et aux collectivités d’outre-mer les moyens de protéger ce bien essentiel et de le rendre accessible au plus grand nombre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Pour être élu de Polynésie française, je connais un peu le sujet ! Je regrette d’ailleurs l’absence de Lana Tetuanui à ce moment du débat, comme lors de la présentation de l’amendement n° II-757 rectifié bis.
En effet, alors que des discussions sont ouvertes et que des négociations sont en cours, on a tout à l’heure mélangé la question du remboursement des frais engagés par la caisse de prévoyance sociale pour la dette nucléaire, l’arrêt des essais nucléaires, la mise en place d’une taxe et d’une TVA sociale qui n’est pas une TVA, et on demande à l’État de combler un déficit qui a été accru par des décisions prises localement ! Comme on ne veut pas aller au bout, on vote un amendement à l’emporte-pièce pour mettre un coup d’arrêt à des discussions qui se fondent sur la confiance !
Pardonnez-moi de réagir aussi fortement, mais c’est un peu le même sujet ici : il est aussi question de quote-part de financement par l’État du FIP, qui organise la péréquation entre les communes polynésiennes en application de la loi organique et du statut qui a été donné à la Polynésie française.
Nous avons souhaité ouvrir ce chantier avec Mme Cayeux, lorsqu’elle était ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, avec le soutien, que j’espère bienveillant, du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Toutefois, il ne concerne pas la mission « Outre-mer » et ne peut se restreindre à la question de l’eau en Polynésie française, qui est une problématique en tant que telle.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. Votre intervention est certainement justifiée, madame la sénatrice ; en revanche, elle ne porte pas sur la bonne mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le Gouvernement ne se désintéresse pas de la Polynésie française, mais il veut agir en accord avec le gouvernement polynésien.
Nous avons déjà parlé des 42 millions d’euros ; je souhaite aussi mentionner les 60 millions d’euros en faveur de la transformation du mix énergétique dans l’ensemble des villes polynésiennes, sujet sur lequel nous travaillons depuis un an avec le gouvernement polynésien. Ces discussions viennent d’aboutir et les 60 millions d’euros seront délégués.
Je partage par conséquent l’analyse de M. Rohfritsch. Il s’agit de la Polynésie française et non de la Lozère. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Nous essayons de travailler ensemble et de répondre aux attentes de ce territoire, dans le cadre des lois qui régissent les rapports de l’État central avec la Polynésie française.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je formulerai un souhait.
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez exprime la volonté de parler de plus en plus d’environnement, de maîtriser l’énergie, etc.
Dans le même temps, la volonté d’avoir des établissements à haute qualité environnementale (HQE), permettant la récupération de l’eau de pluie pour les toilettes ou le lavage des mains, se développe. C’est le cas en Guadeloupe.
À un moment donné, il nous faut être cohérents et avoir une démarche collective. Il faudrait donc rendre possible ce qui est proposé dans cet amendement.
Monsieur le ministre, vous affichez des motivations et des politiques en faveur de l’environnement, de la maîtrise de l’énergie et de l’eau. Vous avez tout à l’heure parlé d’assainissement, mais les services de l’État sont aussi coupables de la situation dans laquelle nous sommes. Des délégations de service public ont été passées, mais le service de contrôle de légalité n’a pas fait son job ! Le problème est là.
J’ai beau être une jeune élue, je ne me cache pas pour le dire : si ce service faisait correctement son travail, nous ne serions pas dans cette situation !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Tout à l’heure, l’expression « effets de manches » a provoqué une vive réaction de Catherine Conconne. À présent, M. le rapporteur spécial qualifie l’amendement que j’ai défendu au nom de Lana Tetuanui d’« amendement à l’emporte-pièce ».
Ce n’est pas du tout l’impression que j’ai eue et je ne l’aurais pas présenté avec autant de vigueur si tel avait été le cas. Ce type de commentaire n’a rien à faire dans notre hémicycle.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Catherine Conconne. C’est parce que nous sommes des femmes !
Mme Annick Billon. On ne peut pas remettre en question l’engagement de la sénatrice du groupe Union Centriste Lana Tetuanui. Cela fait presque huit ans qu’elle siège sur nos travées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Je connais l’amour qu’elle porte à son territoire…
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. C’est aussi le mien !
Mme Annick Billon. … – à votre territoire, monsieur le rapporteur spécial – et c’est ce qui l’a poussée à déposer cet amendement.
Je le répète : ces commentaires ne sont pas de mise.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les politiques relatives à l’environnement relèvent du gouvernement autonome de la Polynésie française, aux termes de la Constitution et des lois organiques. Il faut le respecter.
Madame Jasmin, vous avez tout à l’heure déclaré que l’État était coupable, mais le premier coupable, c’est celui qui commet l’illégalité !
Mme Victoire Jasmin. Aussi !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Quand une illégalité advient, il y a un grand coupable et un petit coupable. Je préfère être le petit coupable, mais je reconnais cette petite culpabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Madame Billon, je suis aussi élu de Polynésie française ; à ce titre, je suis tout aussi légitime que Mme Tetuanui pour parler de mon territoire, comme vous l’êtes pour parler du vôtre.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes des élus de la République, pas des élus d’un territoire !
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Oui, nous sommes des élus de la République.
Ce qui est à l’emporte-pièce, ce n’est pas l’action de Mme Tetuanui, c’est l’objet de cet amendement, qui mélange plusieurs sujets, comme le remboursement des frais engagés par la CPS pendant les essais nucléaires.
Si vous estimez que les 42 millions d’euros que vous avez obtenus par ce vote suffiront à régler ce sujet majeur pour la Polynésie française, vous faites une erreur. Permettez-moi de vous le dire en tant qu’élu de la Polynésie française et de la République.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 44 quater à 44 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre-mer
Article 44 quater (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement chaque année, avant le 1er septembre, un rapport donnant lieu à un bilan annuel de l’expérimentation des contrats de redressement en outre-mer. Ce rapport présente de manière détaillée la pertinence du pilotage financier proposé aux collectivités signataires du dispositif. – (Adopté.)
Article 44 quinquies (nouveau)
Au plus tard le 1er juillet 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation des ressources affectées par le budget de l’État à l’aide aux collectivités territoriales pour la distribution d’eau potable et l’entretien des systèmes d’assainissement dans chaque département et région d’outre-mer. – (Adopté.)
Article 44 sexies (nouveau)
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux crédits budgétaires dédiés à l’aide au fret au sein de la mission « outre-mer ». Ce rapport présente une liste de solutions à mettre en œuvre afin de faciliter l’accès à cette aide, notamment en permettant au minimum la consommation totale des crédits.
Mme la présidente. L’amendement n° II-19, présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Première phrase,
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. L’objet de cet amendement est de repousser de trois mois la date limite de dépôt du rapport demandé au Gouvernement sur les crédits budgétaires dédiés à l’aide au fret au sein de la mission « Outre-mer ».
M. Jérôme Bascher. Ben voyons…
M. Georges Patient, rapporteur spécial. En effet, pour qu’un rapport soit utile, il faut qu’il soit complet et instruit dans de bonnes conditions.
Dans ce contexte, le délai de trois mois proposé paraît court ; il est donc proposé de le porter à six mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Enseignement scolaire
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’interviens en qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Le message que je veux vous adresser dans le temps qui m’est imparti sera d’une grande sobriété : à tout prendre, il vaut mieux voter ces crédits ! (Mme la rapporteure pour avis et M. Julien Bargeton applaudissent.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. En effet, même s’il n’est pas en lui-même parfait – la perfection est-elle de ce monde ? (Sourires.) –, ce budget a le mérite de répondre partiellement à des questions pour lesquelles nous avons le même intérêt et sur lesquelles nous portons un diagnostic commun.
Premier diagnostic, notre enseignement n’est pas terrible. Lorsque l’on disait cela il y a une dizaine d’années, c’était un débat politique. Aujourd’hui, nous pouvons nous appuyer sur des analyses assez objectives – celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), celles d’études internationales comme Timss (Trends in Mathematics and Science Study), ou encore celles de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale – et poser un regard plus objectif sur la qualité du travail que produit notre enseignement scolaire.
Les résultats ne sont pas tragiques, mais ils ne sont pas à la hauteur des ambitions d’un grand pays comme le nôtre, particulièrement dans le domaine des sciences et des mathématiques.
Monsieur le ministre, je suis favorable à votre budget parce qu’il poursuit ce qui a été mis en place par votre prédécesseur, à savoir des évaluations exhaustives de l’ensemble des élèves au primaire et au début du secondaire. Je crois d’ailleurs que vous entendez les élargir.
Votre prédécesseur a lancé le Conseil d’évaluation de l’école, dont le démarrage est lent et insatisfaisant. À l’origine, il s’agissait en effet d’évaluer une fois tous les cinq ans tous les établissements scolaires du pays et de rappeler aux chefs d’établissement qu’ils seraient évalués. Dans les faits, le rythme est beaucoup plus lent, puisque seulement 5 % des établissements ont été évalués. Reste que le mouvement est lancé : manifestement, l’idée d’un établissement qui rende des comptes chemine et progresse.
Parce que vous poursuivez cet effort et acceptez l’idée que l’enseignement français, aussi superbe et fort de ses traditions et de son histoire soit-il, puisse être jugé par des observateurs extérieurs qui ont le mérite d’apaiser nos propres conflits, je considère que l’on doit vous suivre, monsieur le ministre.
Deuxième diagnostic, le statut des enseignants mérite réflexion. Ayant constaté que les mathématiques étaient de moins en moins bien enseignées en France, la commission des finances s’est demandé s’il n’y avait pas un problème d’enseignants. Il se trouve que la France a un problème global d’enseignants.
Je le dis avec tristesse : l’enseignant a vu son statut se dévaluer dans la société française d’aujourd’hui, pour une série de raisons que je détaille dans mon rapport, mais que je n’approfondirai pas à cette tribune, si ce n’est pour constater que les jeunes diplômés français ne sont plus candidats aux postes d’enseignants et que des disciplines fortes comme les sciences, les mathématiques, ou certaines langues modernes ne sont plus demandées. Je crois d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous avez été amené à repousser la clôture des inscriptions aux concours d’enseignants des premiers et seconds degrés, faute d’un nombre suffisant de candidats.
Nous avons donc le devoir absolu de nous poser la question du statut de l’enseignant. De ce point de vue, les comparaisons internationales qu’a lancées la commission des finances sont assez cruelles pour notre conservatisme tranquille et heureux, mais décalé des réalités.
En effet, le système salarial français est parmi les plus modestes d’Europe ; en même temps, c’est celui où l’écart est le plus grand entre les salaires des enseignants et les salaires de jeunes diplômés ayant les mêmes qualifications après quelques années d’activité. La pyramide salariale privilégie la fidélité. S’il s’agit là d’une valeur à laquelle je crois profondément, il faut reconnaître qu’elle n’est pas très motivante pour mener une carrière où l’on n’avance qu’à l’ancienneté et dont on n’atteint les sommets qu’après trente ans de service.
Monsieur le ministre, ce budget témoigne d’un effort dont il faut reconnaître avec lucidité qu’il est très largement lié à l’augmentation du point de la fonction publique, dont tout le monde profite, y compris les parlementaires ici présents. Cette variation n’est d’ailleurs qu’une façon de rattraper l’inflation.
Le glissement vieillesse technicité (GVT) et l’augmentation du point d’indice représentent à peu près 60 % de l’effort socle ; les mesures catégorielles que vous avez proposées et fait adopter pour les enseignants ne sont pas suffisamment hiérarchisées en fonction des besoins particuliers. Il faut en effet aider les jeunes enseignants, aider le primaire, aider les enseignants qui se trouvent face à des publics plus difficiles et – même si je ne sais pas très bien comment l’on peut le faire – aider les enseignants dans les disciplines qui ont du mal à recruter.
Troisième diagnostic, l’effondrement de la démographie française se traduit par une diminution des effectifs qui sont entrés en primaire cette année, de l’ordre de 50 000 élèves. Pour la rentrée 2023, on attend une diminution de près de 60 000 élèves.
Comment gérer cette diminution ? On peut diminuer le nombre de professeurs. Vous le faites un peu, monsieur le ministre, mais ce n’est pas la seule réponse. On peut aussi améliorer l’encadrement ou faire du qualitatif, c’est-à-dire revaloriser la situation des enseignants, plutôt que du quantitatif, ce qui n’aurait plus de sens aujourd’hui.
Si vous avez posé le problème, vous n’avez pas tranché, monsieur le ministre, et ce projet de budget pour 2023 est un budget de compromis. Nous aimerions connaître votre conviction sur la façon d’utiliser au mieux les conséquences pratiques d’une tragédie française, à savoir son échec démographique.
Le débat qui s’amorce nous permettra d’en parler entre nous, en particulier avec la majorité sénatoriale que je voudrais convaincre lors de la discussion des amendements, même si je ne suis pas sûr d’y parvenir. Il faudra beaucoup de bonne volonté de part et d’autre. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes dans un système de cohabitation ou de pouvoir partagé que personne n’a voulu, si ce n’est les électeurs français. Tentons de rendre service à notre éducation en saisissant chaque occasion de progresser. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’établiront en 2023 à plus de 58 milliards d’euros, soit une hausse de 3,5 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, l’effort financier est réel, mais traduit-il véritablement une vision, une volonté, un projet pour l’enseignement scolaire en France ? Ce budget nous invite à la vigilance et nous attendrons ce soir des réponses précises de votre part quant à vos intentions sur l’avenir de notre jeunesse, c’est-à-dire de la France – car c’est la France qui est en jeu –, et sur la revalorisation des rémunérations des enseignants, si essentielle, s’appuyant sur un socle de 635 millions d’euros et un « pacte » sur lequel nous souhaitons des éclaircissements.
Cette revalorisation suffira-t-elle à enrayer la crise des vocations et à produire le choc d’attractivité nécessaire pour ce beau métier, mais ô combien difficile et trop peu souvent protégé ? La crise de vocation que connaît aujourd’hui l’éducation nationale ne se réglera pas que par le financement. Le délai supplémentaire d’inscription aux concours d’enseignants de quinze jours prouve que l’annonce d’une carrière débutant à 2 000 euros ne suffit pas.
Le mal est plus profond et ce que nous comprenons de votre budget nous interpelle, monsieur le ministre. Vous oubliez la revalorisation de tous les acteurs qui agissent au sein de l’éducation nationale.
Quid de l’augmentation des conseillers principaux d’éducation (CPE) ? Quid de l’augmentation des chefs d’établissement et d’une réforme de leur statut ? Quid de l’augmentation salariale des infirmiers et des médecins ? Quid de tous ces enseignants qui ont commencé leur carrière à moins de 2 000 euros par mois, qui, après dix ans d’ancienneté, sont légèrement au-dessus et qui s’interrogent sur le déroulement de leur carrière ?
Il est un autre point de vigilance, qui a trait au nombre de postes non pourvus après les concours de 2022. On nous expliquera qu’il y a eu un double concours, ce qui a entraîné des difficultés. Je veux bien, mais ce nombre a triplé par rapport à 2021, ce qui n’est pas sans poser des difficultés fortes à cette grande nation qui a du mal à recruter ses enseignants et leur propose une formation sur quatre jours.
L’heure est donc à une réflexion globale et ambitieuse ; nous avons peine à en deviner l’issue, mais il faudra la trouver.
Combien de stagiaires affectés dans des réseaux d’éducation prioritaire ont-ils démissionné ?
On s’interroge également sur l’absence de mobilité géographique, sur les difficultés que rencontrent les fonctionnaires de l’éducation nationale pour suivre un conjoint pacsé, par exemple. S’agit-il d’une politique d’un autre temps ou le fait d’une direction des ressources humaines inexistante ? Je crains un gâchis. Je vous rappelle que favoriser la mobilité fait partie des objectifs. La mobilité est l’un des éléments qui réduisent les risques psycho-sociaux.
Autre point de vigilance, les 430 000 élèves en situation de handicap scolarisés dans le premier cycle : près d’un tiers d’entre eux n’ont pas d’accompagnement humain. Comment une nation aussi grande que la France peut-elle ainsi laisser ses enfants au bord du chemin ?
En conclusion, le temps qui m’est imparti étant restreint, je dirai simplement, monsieur le ministre, que ce projet de budget n’est pas tout à fait à la hauteur de nos espérances et d’une grande nation comme la France. La revalorisation salariale à 2 000 euros ne doit pas masquer les difficultés que les enseignants rencontrent dans l’exercice de leur métier.
Pour ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de s’abstenir sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de saluer Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, présent au banc du Gouvernement à la demande de la mission d’information sur l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.) Votre présence, monsieur le ministre, est une reconnaissance de cet enseignement et je vous remercie d’être ici ce soir.
M. Max Brisson. C’est une première !
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. J’ai l’honneur de présenter l’avis de la commission de la culture sur les crédits du programme 143, « Enseignement agricole », doté pour 2023 de 1,59 milliard d’euros, soit une augmentation de 67,8 millions d’euros par rapport à 2022.
Au-delà de la hausse attendue des dépenses de personnel, qui découle notamment de la revalorisation du point d’indice, l’augmentation des crédits de la mission se caractérise surtout par un bel effort en faveur de l’école inclusive, à hauteur de 10,28 millions d’euros supplémentaires pour 2023, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l’enseignement agricole ayant encore progressé de 26 % cette année.
En ce qui concerne le schéma d’emplois, 15 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus au sein du programme 143 afin de renforcer les équipes médico-sociales. Je me félicite de cette hausse des ETP, après une baisse substantielle l’année dernière, mais je serai particulièrement vigilante à l’évolution de cet effectif à court terme, car l’enseignement pédagogique par petits groupes doit impérativement être maintenu.
Je tiens cependant à vous alerter sur les chiffres de la rentrée 2022. Le nombre d’élèves scolarisés au sein des établissements de l’enseignement technique agricole est en baisse de 1,1 % cette année, soit une diminution de 1 743 élèves. La situation des brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) est particulièrement inquiétante, puisque les effectifs dans ces formations, qui ont pourtant fait leurs preuves, ont diminué de 12,8 % par rapport à la rentrée précédente.
Il me semble indispensable de mettre en place au plus vite un groupe de travail afin de revaloriser le BTSA et de lui redonner une perspective claire, dans une dynamique bac+3.
Plus encore, cette nouvelle baisse des effectifs souligne avec force la nécessité d’agir pour mieux faire connaître l’enseignement agricole.
Alors qu’une enveloppe de 9,7 millions d’euros pour la communication avait été ouverte sur le plan de relance en 2022, les crédits ne sont pérennisés cette année qu’à hauteur de 1,9 million d’euros au sein du programme 143, ce que je déplore. Si les campagnes de communication ont bien fonctionné lors de leur lancement il y a trois ans, force est de constater qu’elles ont manqué de visibilité en 2022. Il est indispensable de mieux cerner les attentes des jeunes et d’encourager les établissements à se saisir, à leur échelle, de ces enjeux, en y associant leurs élèves.
L’enseignement agricole se distingue encore cette année par l’excellence de ses résultats. Ses taux d’insertion professionnelle sont très élevés et son caractère innovant est reconnu. Cette qualité d’enseignement doit être promue. Il faut s’en inspirer, monsieur le ministre de l’éducation nationale !
Enfin, je terminerai en attirant votre attention sur la nécessité, plus que jamais, d’accompagner les établissements de l’enseignement technique agricole face à un contexte énergétique tendu et à une hausse globale des coûts de production, notamment alimentaires.
Les établissements de l’enseignement technique agricole sont particulièrement énergivores, en raison du fort taux d’élèves en internat : 57 % des élèves de l’enseignement technique agricole sont internes, souvent même le week-end.
Il me semble donc essentiel de soutenir au plus vite les établissements de l’enseignement technique agricole, publics et privés, afin de leur permettre d’absorber les retombées de l’inflation, qui mettent gravement en péril leur trésorerie pour les mois à venir.
Il existe déjà une solution simple pour les maisons familiales et rurales et les établissements privés agricoles du temps plein : il ne faut pas leur demander le remboursement des subventions de fonctionnement non consommées cette année et déjà votées dans la loi de finances pour 2022.
Néanmoins, en raison d’une augmentation satisfaisante du budget consacré à l’enseignement technique agricole, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis, à la suite de mon rapport, un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 143 consacré à l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jacques Grosperrin et Mme Cécile Boulay-Espéronnier applaudissent également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Michel Canévet et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » connaît cette année une forme de rupture, compte tenu de l’ampleur de l’augmentation de son budget.
L’école, creuset républicain cristallisant la convergence des valeurs fondatrices de notre société – l’humanisme, l’universalisme et le progrès – se doit de refléter la maxime : « La fin justifie les moyens. »
Monsieur le ministre, je crois en la sincérité de votre engagement pour la revalorisation de l’enseignement, la réussite de tous les élèves et une école innovante et inclusive luttant contre toutes les inégalités. Vous prolongez la dynamique engagée depuis 2017 en augmentant de manière inédite les crédits de la mission, de l’ordre de 6,5 % par rapport à 2022.
Néanmoins, je ferai quelques observations.
En effet, si ce projet de loi de finances prévoit des crédits significatifs afin d’améliorer la rémunération des enseignants, le retard accumulé était considérable. Il est donc essentiel que ce choc d’attractivité se poursuive. Le métier d’enseignant traverse une crise sans précédent ; les difficultés de recrutement ne sont pas seulement d’ordre financier. Le manque de considération sociale et de soutien hiérarchique, ainsi que des conditions d’exercice dégradées dans certains territoires expliquent la désaffection pour le métier d’enseignants.
Les chiffres ont été rappelés : en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l’éducation nationale. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 90 000. Plus grave encore, les postes n’ont été couverts qu’à 83 % en 2022 par les candidats ayant été admis.
Le recours croissant aux contractuels présente un intérêt en ce qu’il permet de combler un manque et de réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels. Cependant, n’est-il pas antinomique de pallier les pénuries d’enseignants en recrutant des contractuels dont les qualifications sont plus que variables, quand, parallèlement, la formation initiale se tourne vers des compétences professionnelles renforcées ?
La revalorisation des rémunérations, qui constitue l’essentiel de la hausse des crédits de la mission, ne doit être que le premier pas vers un objectif plus large de reconnaissance économique et sociale du corps enseignant.
Rappelons que, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le Smic, contre 1,5 fois aujourd’hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le Smic, contre 3,3 fois actuellement.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Exact !
M. Éric Gold. Notons également que la rémunération d’un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B.
La comparaison avec nos confrères européens est également inquiétante tant le fossé s’est creusé. Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l’Union européenne.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Éric Gold. Dans le contexte inflationniste inédit que nous connaissons, cette revalorisation est souhaitable, mais, au-delà de la conjoncture, elle est bien évidemment une affaire de statut.
Mon autre interrogation concerne les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Le renforcement des crédits alloués à la scolarisation de ces élèves explique une partie de la hausse du programme 230. Les crédits de l’action n° 03, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, connaissent en effet une hausse de 11,4 %.
Nous faisons face à une augmentation spectaculaire du nombre d’élèves en situation de handicap, qui sont au nombre de 430 000 aujourd’hui, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.
Dans ces conditions, la création de 4 000 postes d’AESH constitue un effort substantiel. Cependant, compte tenu des conditions de travail précaires et des faibles rémunérations, de nombreux postes ne sont actuellement pas pourvus. En Seine-Saint-Denis, ce sont ainsi 1 000 emplois qui n’avaient pas trouvé preneur à la rentrée 2022.
Aussi mon groupe examinera-t-il avec bienveillance la proposition de loi de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, qui sera prochainement soumise au Sénat.
Je relève par ailleurs un problème de cohérence entre la politique des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les capacités de l’éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif.
M. Max Brisson. Exactement !
M. Éric Gold. Espérons que la création de ces postes supplémentaires sera non pas un simple effet d’affichage, mais le point de départ d’une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent, ainsi que d’une plus grande considération pour une profession aujourd’hui indispensable.
Enfin, je reviendrai sur la volonté d’anticiper les grandes évolutions démographiques en cours, qui ont des répercussions sur le nombre d’élèves scolarisés en France. Si le taux d’encadrement s’améliore, la France se caractérise toujours par un nombre d’enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré. (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.) Dans le contexte tendu que je rappelais, où le nombre de postes à pourvoir n’est pas comblé par les lauréats des concours, le principe de réussite pour tous n’est que trop vacillant.
Nous faisons donc face à un véritable défi : emplir les rangs des professeurs, ce qui passe, je le répète, par la consolidation de leur statut.
Le groupe du RDSE votera néanmoins les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et CRCE. – Mme Samantha Cazebonne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre école va mal. Elle attend que vous sortiez du bois, monsieur le ministre. En vingt ans, les élèves français sont descendus, dans le classement Pisa, du quinzième au vingt-cinquième rang en mathématiques et au vingt-troisième rang en lecture.
La mobilité sociale dans notre pays est la plus faible d’Europe ; seule la Hongrie est plus mal classée. La France est également le pays d’Europe où il y a le plus de problèmes de discipline. Dans l’OCDE, seuls le Brésil et l’Argentine font pire.
Les atteintes à la laïcité se multiplient. La crise des vocations s’amplifie. En 2021, 238 postes du niveau du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) n’ont pas été pourvus et 1 648 enseignants ont démissionné.
Certes, la revalorisation salariale des enseignants prévue dans votre projet de budget, pour un total de 935 millions d’euros, est un acte fort. Notre ancienne collègue Françoise Laborde et moi avions préconisé un tel effort dans notre rapport en faveur de la revalorisation du métier d’enseignant. Une marche va donc être franchie, c’est une bonne chose.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission. A contrario, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de s’abstenir sur ce projet de budget. Comme son rapporteur pour avis, je m’étonne que pas grand-chose ne soit prévu, alors que les crédits sont en hausse d’un milliard d’euros, pour procéder à une réforme de structure afin de rendre de nouveau attractif le métier d’enseignants, qui est le plus beau du monde.
Monsieur le ministre, dites-nous enfin, précisément, comment vous entendez, au-delà du salaire, accompagner l’entrée dans le métier des enseignants, moment crucial et sensible de leur carrière !
Comment allez-vous mettre un terme au bizutage institutionnel des néo-titulaires, qui prennent leur premier poste dans les zones les plus difficiles, sans accompagnement spécifique ?
Allez-vous créer des postes à profil et des contrats de mission pour que les carrières soient moins linéaires ? Allez-vous enfin prendre en considération les secondes carrières ?
Alors que le nombre de contractuels ne cesse de croître, une politique de formation, de suivi, d’accompagnement est-elle prévue ? Bref, le ministère met-il en œuvre une gestion des ressources humaines spécifique ? Plus globalement, comment entendez-vous améliorer la gestion des ressources humaines du ministère ? Quels moyens entendez-vous y consacrer ?
Sur toutes ces questions, nous n’entrevoyons ni ambition ni détermination.
Avec le plan Écoles du futur, vous voulez donner plus de liberté et d’autonomie aux établissements et à leurs enseignants, et vous avez raison ! Les établissements, les professeurs et les élèves ont besoin de confiance en leurs initiatives. Ils ont besoin que l’administration centrale croie en eux et rompe avec la culture verticale et centralisée qui innerve son organisation.
Mais où en est aujourd’hui la mise en œuvre de vos sages intentions, auxquelles j’adhère ? En quoi le financement, piloté par le haut, d’initiatives plus ou moins en lien avec le sujet de l’autonomie conduira-t-il l’école vers cette autonomie ?
Les écoles primaires peuvent-elles être autonomes alors qu’elles n’ont pas de personnalité morale et que le directeur d’école n’exerce pas de réelle autorité sur les professeurs ? Peut-on favoriser l’autonomie sans remettre en cause l’armature rigide du collège unique et sans étendre l’expérimentation du dispositif des « 6e tremplin » ?
Peut-on redresser notre école sans la recentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la transmission des savoirs fondamentaux ? Peut-on réaffirmer sa mission première sans la délester de tous les maux de notre société, qu’elle doit prendre en charge, mais qu’elle ne peut régler et qui réduisent d’autant le temps qu’elle peut consacrer à sa mission première : apprendre à lire, écrire, compter ?
Monsieur le ministre, certes, vous additionnez des volontés multiples pour répondre à des problèmes qui ont une résonance dans l’opinion. Mais est-ce là une politique à la hauteur des enjeux ? Sur les deux sujets majeurs de votre budget que sont la revalorisation des enseignants et le plan Écoles du futur, nous constatons que vous pilotez à vue, dissimulé derrière des effets de rhétorique.
Monsieur le ministre, de calmes déclarations d’intention consensuelles finiront par ne plus masquer une faiblesse d’action. En tout cas, elles ne constituent pas une politique nationale. Nous attendons une vision, pas uniquement une hausse de crédits.
Nos attentes sont si peu satisfaites que beaucoup de sénateurs du groupe Les Républicains s’apprêtent à s’abstenir sur les crédits de la mission. Votre intervention est donc très attendue, monsieur le ministre, et nous y serons particulièrement attentifs. Par ailleurs, nous ne perdrons pas de vue les analyses de notre rapporteur spécial et de notre rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le métier d’enseignant est souvent considéré comme le plus beau métier du monde. Marcel Pagnol décrivait malicieusement les professeurs œuvrant « aux quatre coins des départements pour y lutter contre l’ignorance et glorifier la République ». Cette belle définition est toujours d’actualité.
Pourtant, force est de constater que ce métier semble aujourd’hui être victime d’un désamour profond. Je suis particulièrement préoccupée par la crise du recrutement, très visible dans l’enseignement scolaire. Nous partageons tous cette inquiétude. La baisse du nombre de candidats aux concours, surtout dans le premier cycle, est un signal d’alerte clair. Le nombre de postes non pourvus a triplé depuis un an, pour atteindre 3 756 en 2022.
Les témoignages de directeurs d’établissements se sont accumulés au cours des derniers mois pour alerter sur le manque de personnel. Aujourd’hui, c’est la question des démissions qui remonte. Le recours aux contractuels ne représente pas une solution satisfaisante à long terme. Les conditions de travail, les évolutions de carrière proposées, la mobilité géographique et la rémunération sont autant de sujets majeurs dont nous devons nous saisir.
Pour y répondre, le présent projet de loi de finances consacre plus de 1,1 milliard d’euros à la hausse des rémunérations du personnel de l’éducation nationale. En outre, comme cela a été annoncé pendant la campagne présidentielle, 300 millions d’euros sont destinés aux enseignants qui acceptent d’effectuer des missions complémentaires. Je tiens à souligner cet effort. Il s’ajoute aux avancées permises par le Grenelle de l’éducation.
Par ailleurs, environ 60 % des enseignants pourront bénéficier de la prime d’activité au cours de l’année 2023.
Enfin, de nouvelles mesures de revalorisation salariale ont été annoncées pour les enseignants débutants à partir de la rentrée 2023. C’est une excellente décision, qui permettra, je l’espère, de susciter de nouvelles vocations.
Plus généralement, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2023 à 58,8 milliards d’euros, soit une hausse de près de 6,5 %. C’est un effort considérable, que je salue.
Les crédits destinés à l’école inclusive augmentent également. On parle de 2,4 milliards d’euros budgétés. C’est une bonne chose. Ce projet de loi de finances crée 4 000 nouveaux postes d’AESH. Nous pouvons nous en réjouir, mais ce n’est pas suffisant. Les rapporteurs l’ont souligné, 44 % des élèves en situation de handicap ne bénéficient pas d’un accompagnement dédié. Cela ne peut plus durer. Nous devons rendre ce métier plus attractif et améliorer les conditions de travail, car les AESH sont les chevilles ouvrières de l’école inclusive.
Nous pouvons également nous satisfaire de l’accueil d’environ 20 000 jeunes Ukrainiens au sein de nos écoles. Les académies de Nice et de Versailles sont en première ligne. Les retours sont positifs et je salue l’implication du corps enseignant pour permettre à ces jeunes élèves de se sentir les bienvenus dans nos écoles.
Leur présence a également permis de mettre en évidence les lacunes en mathématiques des jeunes Français. Les élèves du système scolaire ukrainien ont, semble-t-il, un an d’avance par rapport à nos élèves dans cette matière ! Cela confirme la mauvaise place de la France dans les classements internationaux d’enseignement des mathématiques.
Cette prise de conscience collective doit se poursuivre afin de combler notre retard. À cet égard, je suis heureuse de la décision du Gouvernement de réintégrer les cours de mathématiques dans les enseignements obligatoires au lycée. Cette décision va dans le bon sens et doit s’accompagner de décisions fortes pour relever le niveau moyen des élèves.
Enfin, je salue votre engagement, monsieur le ministre, dans la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Rappelons qu’un jeune sur dix est victime de harcèlement. Nous devons œuvrer collectivement pour permettre à tous les établissements de protéger leurs élèves. C’était l’objet de notre échange lors de votre venue au collège Louis-Braille à Esbly, en Seine-et-Marne. Ce collège et son espace jeunesse sont lauréats du prix « Non au harcèlement 2022 ». Le clip de sensibilisation contre le harcèlement scolaire tourné au collège a été diffusé à partir du jeudi 10 novembre.
La lutte contre ce phénomène doit faire partie de nos priorités dans les années à venir. J’y suis particulièrement attachée, car l’école doit préparer les élèves à vivre dans une société bienveillante, en respectant autrui.
Pour les différentes raisons que je viens d’évoquer, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget accordé à l’enseignement scolaire connaît cette année encore une hausse globale des crédits, de 6,06 %.
Il faut naturellement se réjouir de cette hausse, mais celle-ci ne parvient malheureusement pas à masquer la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve l’éducation nationale dans notre pays.
Monsieur le ministre, vous avez hérité d’un ministère qui a beaucoup souffert du passage de votre prédécesseur, enfermé qu’il était dans ses conceptions archaïques de l’éducation, éloignées des difficultés de terrain. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Ce n’est pas gentil !
Mme Monique de Marco. Nous attendions donc une rupture.
Concernant les enseignants, la situation atteint un seuil critique, car l’éducation nationale ne parvient plus à recruter. Cette année, 1 686 postes n’ont pas été pourvus dans le premier degré, 2 070 dans le second degré, ce qui représente une explosion par rapport à l’année précédente.
Ce manque d’attractivité s’explique principalement par des raisons financières. Les enseignants ont vu leur salaire chuter de 15 % à 25 % en vingt ans. À cet égard, nous nous situons en queue de classement des pays de l’OCDE, monsieur le ministre.
Ce projet de budget ne prend pas en compte à sa juste mesure cet effondrement. Si le Président de la République a annoncé qu’aucun enseignant ne démarrerait sa carrière en dessous de 2 000 euros net, la revalorisation sera en partie conditionnée à l’accomplissement de nouvelles tâches. Nous proposerons d’aller beaucoup plus loin par voie d’amendement.
J’évoquerai à présent les AESH. Ces accompagnants, qui sont à plus de 90 % de femmes, effectuent un travail de première importance auprès des enfants en situation de handicap. Pourtant, leur rémunération est indigne : elle s’élève en moyenne à 850 euros par mois, soit un montant très largement inférieur au seuil de pauvreté, qui se situe aux alentours de 1 000 euros. Comment l’État employeur peut-il être un tel moteur de souffrance et fabriquer des travailleurs pauvres ?
La faiblesse de leur rémunération est due à une réorganisation calamiteuse de leur travail par certains pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial). Le résultat est prévisible : dans de nombreuses académies, des enfants handicapés se retrouvent sans aucun accompagnement, à tel point que certaines écoles acceptent désormais que les enfants dont les parents peuvent se le permettre aient recours à des prestataires privés au sein des écoles de la République. Cette rupture d’égalité inacceptable doit nous alerter.
Monsieur le ministre, il faut tout revoir : le statut des AESH, leur rémunération, leur formation, leurs conditions de travail. Sur ce sujet également, nous vous proposerons des amendements.
Vient ensuite la question de l’enseignement professionnel. Les moyens qui lui sont consacrés augmentent seulement de 5,3 % en 2023, soit moins que l’inflation. De plus, cette branche souffre d’un manque chronique de moyens. Elle n’a cessé d’être détricotée par les réformes successives : moins d’établissements, moins d’élèves, moins d’heures d’enseignements, moins d’enseignants. En 2023, cette dynamique ne s’arrêtera pas, puisque le Gouvernement prévoit de supprimer 480 postes supplémentaires dans le second degré.
Cette année, l’enseignement professionnel a également droit à une double tutelle, puisqu’il est désormais également rattaché au ministère du travail. Ce choix politique traduit une volonté de répondre aux besoins immédiats des entreprises, une volonté de soumission des parcours des élèves au marché du travail.
Or l’éducation nationale – que je sache, l’enseignement professionnel en fait toujours partie –, ce n’est pas la soumission, c’est au contraire l’émancipation ! Le rôle de l’éducation nationale est de donner aux élèves les moyens de s’épanouir, d’apprendre et de prendre en main leur avenir, dans la voie qu’ils ont eux-mêmes choisie. Là encore, notre vision est antinomique de la vôtre, monsieur le ministre.
Pour l’enseignement technique agricole, ce projet de budget met enfin un terme à trois années successives de baisse des effectifs d’enseignants, mais cela ne suffit pas. Il faut rebâtir, recruter, revaloriser, octroyer de nouveaux moyens.
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Monique de Marco. Nous installons seulement 13 000 nouveaux agriculteurs par an dans notre pays : c’est trop peu pour répondre à la fois aux enjeux de l’alimentation et de la transition écologique. Nous ne souhaitons pas laisser l’enseignement agricole aux mains d’établissements privés, comme le campus Hectar de M. Xavier Niel. Il faut former au travail de la terre ; c’est là aussi le rôle de l’éducation nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, nous avons accueilli avec soulagement la fin des années Blanquer, qui ont été une catastrophe pour l’éducation nationale.
M. Michel Savin. Ce n’est vraiment pas gentil ! (Sourires.)
Mme Monique de Marco. Ce premier projet de budget devait incarner votre nouvelle ambition, un nouvel élan pour votre ministère, mais le compte n’y est manifestement pas. Notre avis est pour l’heure plus que mitigé. Notre vote dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pendant deux ans, la crise sanitaire a profondément bouleversé notre système scolaire. Si la rentrée 2022 a marqué un retour à la normale,…
M. Michel Savin. On ne doit pas vivre dans le même pays !
Mme Samantha Cazebonne. … c’est grâce à la mobilisation des services de l’éducation nationale et aux enseignants, dont je veux ici saluer l’engagement.
Il n’en demeure pas moins que le métier d’enseignant souffre d’un manque d’attractivité, dont nous connaissons tous ici les symptômes. La baisse continue du nombre de candidats aux concours et l’augmentation constante des démissions parmi les professeurs, pour ne citer que ces deux éléments, témoignent de cette perte d’attractivité.
Sans aucun doute, le manque de reconnaissance sociale, l’isolement ou les difficultés rencontrées dans la formation initiale et continue y sont pour quelque chose. Mais ne nous voilons pas la face : la première cause de cette désaffection croissante est le niveau de rémunération des enseignants.
À cet égard, ce projet de budget pour 2023, en hausse de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2022, apporte une réponse lucide au problème du salaire des professeurs. Plus de 2 milliards d’euros financent des mesures de revalorisation des enseignants.
Ainsi, tout d’abord, l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique bénéficie à plus d’un million de fonctionnaires dans le périmètre de la mission que nous examinons ce soir.
Surtout, la revalorisation des salaires, à hauteur de 10 % en moyenne, permettra de créer un choc d’attractivité du métier d’enseignant.
M. Max Brisson. On verra !
Mme Samantha Cazebonne. Vous le savez, dans sa lettre adressée à tous les enseignants le 16 septembre 2022, le Président de la République s’est engagé à ce qu’aucun professeur ne débute sa carrière en dessous de 2 000 euros net par mois à partir de la rentrée 2023. Cette mesure mobilisera 635 millions d’euros de crédits pour couvrir les mois de septembre à décembre 2023 et représentera 1,9 milliard d’euros en année pleine dès 2024.
Enfin, une enveloppe additionnelle de 300 millions d’euros est prévue dans le projet de loi de finances pour 2023 afin d’apporter une rémunération complémentaire aux professeurs souhaitant prendre en charge des missions supplémentaires.
Par ailleurs, nous constatons que, malgré la diminution continue du nombre d’élèves due à la baisse des naissances en France, les effectifs des enseignants sont relativement stables. Il en résulte une hausse du taux d’encadrement des élèves, qui est non pas un hasard, mais bien le fruit d’un choix politique.
M. Michel Savin. De M. Blanquer !
Mme Samantha Cazebonne. Cette hausse résulte de la décision du Gouvernement de ne pas répercuter la totalité de cette baisse démographique sur l’emploi enseignant.
L’amélioration du climat scolaire est une autre priorité de ce projet budget pour 2023, comme c’est le cas avec constance depuis 2017.
Cette priorité se traduit par la hausse du nombre d’AESH, pour 448 millions d’euros ; par l’extension du programme français de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), qui concerne depuis la rentrée 2022 la totalité des écoles élémentaires et des collèges publics ; par le financement, à hauteur de 589 millions d’euros, de la politique de santé scolaire ; enfin, par la poursuite d’actions éducatives complémentaires aux enseignements, pour 188 millions d’euros. Je pense ici au dispositif « Devoirs faits », dont ont bénéficié 800 000 élèves en 2021-2022, ou au dispositif « Vacances apprenantes », lancé en 2020 afin de répondre aux besoins qu’a suscités l’épidémie de covid-19.
Enfin, au nom de mon groupe, je tiens à saluer la hausse de près de 70 millions d’euros des crédits alloués à l’enseignement technique agricole. Si celui-ci demeure une filière d’excellence, qu’il faut préserver, il est aussi un pilier de notre souveraineté alimentaire, dont la crise sanitaire a montré la grande importance.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera sans réserve les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, de la mission « Enseignement scolaire ».
Mes chers collègues, au vu du nombre d’amendements à examiner et en accord avec la commission des finances, nous pourrions porter, à titre exceptionnel, la durée maximale prévisionnelle d’examen de cette mission de trois à quatre heures. En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à minuit quarante-cinq, celui-ci se poursuivrait à la fin de l’examen des missions de cette semaine.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Quelle bonne nouvelle ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je suis contre le travail après minuit… (Nouveaux sourires.)
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans son discours du 6 juin 1889 sur l’école laïque, Jules Ferry déclarait que l’œuvre scolaire de la IIIe République appartenait au pays républicain tout entier.
Cet héritage, d’une école publique, laïque et républicaine, nous en sommes toutes et tous responsables. Or, me semble-t-il, cet héritage est aujourd’hui à la croisée des chemins.
La crise des vocations qui frappe le monde enseignant, révélée par la pénurie de candidats aux concours et la recrudescence des démissions, sonne comme un signal d’alarme, dont il nous faut tirer les bonnes leçons.
Les professeurs de ce pays ont soif de reconnaissance de la part de l’institution et de la société en général. Un des leviers de cette reconnaissance est leur niveau de rémunération.
Rappelons que les enseignants français ont perdu entre 15 % et 25 % de pouvoir d’achat en vingt ans. Leur traitement, en début de carrière, est 7 % en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE ; cette différence est même de 15 % après quinze ans de métier.
Prenant acte de ce constat, le Gouvernement a choisi, dans la continuité de la politique menée lors du précédent quinquennat, de concentrer ses efforts sur les débuts de carrière, jugés prioritaires.
Si l’effort budgétaire consenti dans ce cadre est significatif, à l’instar de la hausse des crédits de la mission « Enseignement scolaire » dans ce projet de loi de finances, il convient de l’examiner de manière critique.
En effet, l’augmentation de ces crédits, de 5,82 %, est inférieure à l’inflation. Elle doit en outre être considérée au regard de l’importance de l’effectif global des 856 500 enseignants. Par ailleurs, le ciblage de cette revalorisation sur le début de carrière signifie que les 42 % d’enseignants dépassant les vingt ans d’ancienneté connaîtront une stagnation prolongée de leur rémunération.
Pour y remédier, vous leur proposez une accélération des promotions en fin de carrière et la souscription au fameux « pacte enseignant », qui conditionne une augmentation de salaire au fait d’assumer de nouvelles missions, pour une enveloppe de 300 millions d’euros, soit près du tiers des 935 millions d’euros consacrés à la revalorisation.
C’est une ancienne professeure de mathématiques qui vous parle : le raisonnement niché dans ce pacte, qui part du principe que les professeurs disposeraient aujourd’hui d’un surplus de temps libre à mettre à profit, est au mieux une illusion, au pire un mensonge.
Les chiffres des services statistiques du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse sont clairs à cet égard : la moitié des enseignants ont un temps de travail supérieur à 43 heures par semaine et la moitié des professeurs déclarent travailler au moins 34 jours pendant les seize semaines de vacances scolaires dont ils disposent.
La logique du « travailler plus pour gagner plus » que traduit ce pacte se heurte donc à la réalité du terrain ; en outre, on ne peut que constater le flou qui persiste sur la nature de ces nouvelles missions.
À l’heure où la moitié des enseignants signalent un sentiment d’épuisement professionnel élevé, comme le montre le premier baromètre du bien-être des personnels de l’éducation nationale, la volonté du ministère de s’engager dans cette voie apparaît discutable.
Il y a donc de nombreuses limites au choc d’attractivité mis en avant par le Gouvernement et, au vu de l’évolution programmée des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour les prochaines années, les marges de manœuvre pour l’accentuer apparaissent bien restreintes.
Les attentes des enseignants portent également sur les conditions d’exercice de leurs missions. Sur ce point, plusieurs aspects de ce budget ne sont pas à la hauteur.
Je pense notamment aux suppressions de postes, qui portent sur 1 117 postes dans le premier degré et 481 dans le second degré.
Dans l’enseignement primaire, les suppressions de postes apparaissent en décalage avec la poursuite des politiques de dédoublement des classes en REP et REP+ pour les CP, CE1 et grande section et le plafonnement à 24 élèves par classes dans ces mêmes niveaux hors éducation prioritaire, dont nous continuons à saluer le principe.
Dans notre rapport sur le bilan des mesures éducatives du précédent quinquennat, avec mes collègues Annick Billon et Max Brisson, nous nous étions déjà interrogés sur l’écart entre les moyens nécessaires pour mettre en place cette mesure et les emplois effectivement créés. Il manquerait en réalité 1 200 ETP.
Pour l’enseignement secondaire, ces nouvelles suppressions s’inscrivent dans un contexte très dégradé, après la suppression de 7 500 postes de 2018 à 2021, alors même que le nombre d’élèves a augmenté de 68 000 sur cette même période.
Dans mon département de la Drôme, les conséquences très concrètes de ces suppressions se sont fait sentir. Certains établissements ont fait leur rentrée après une ou plusieurs fermetures de classes. Les effectifs de chaque classe sont donc plus élevés, ce qui dégrade les conditions de travail des élèves comme des enseignants. D’autres établissements ont perdu des postes d’enseignants. Parfois, cela signifie la fin de l’association sportive ou la disparition de l’éducation au développement durable, car les référents ne sont plus là ou doivent assumer d’autres missions.
En ce qui concerne l’école inclusive, nous aurons l’occasion de reparler très prochainement des conditions d’emploi et de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap, à l’occasion de l’examen, la semaine prochaine, de la proposition de loi visant à lutter contre leur précarité. L’état des lieux qui est ressorti des nombreuses auditions que j’ai pu mener dans ce cadre est particulièrement préoccupant : modalités de recrutement, temps et conditions de travail, niveau de rémunération, formation sont autant de chantiers à investir ; je suivrai avec attention les travaux prévus par le ministère sur ce sujet.
Je salue la création de 4 000 nouveaux postes d’AESH, mais ils ne suffiront pas à répondre aux besoins créés par les notifications ; je salue aussi l’augmentation de 10 % des crédits alloués à la rémunération des AESH, crédits dont il convient toutefois de préciser les modalités de répartition.
Je conclurai en évoquant l’enseignement agricole, vecteur de richesse et d’innovation pour nos territoires ; dans cet hémicycle, nous en reconnaissons tous la valeur.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. Absolument !
Mme Marie-Pierre Monier. Je salue la présence parmi nous du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle témoigne de son intérêt pour le sujet.
Nous avons su, lors de précédents examens de textes budgétaires, nous rassembler largement pour appuyer une hausse des crédits dédiés à cet enseignement, les besoins étant criants au regard des impératifs de transition agroécologique et de renouvellement des générations.
Nous ne pouvons pas nous réjouir, en l’état, du budget qui nous est présenté aujourd’hui. En effet, s’il ne prévoit pas de nouvelles suppressions de postes d’enseignants, il ne prévoit pas non plus de créations. Ce manque de volontarisme interroge, après la forte dégradation constatée sous le précédent quinquennat. Pour rappel, plus de 300 emplois ont alors été supprimés, ce qui, en proportion, correspondrait à une suppression de 10 000 postes dans l’éducation nationale.
Ces suppressions ont eu des impacts très concrets sur les conditions d’enseignement, comme la fin du dédoublement obligatoire, qui s’est opérée au détriment de la qualité de l’apprentissage et de la sécurité des élèves.
Si le Président de la République est sincère dans sa volonté de mettre en œuvre un « pacte d’orientation et d’avenir agricole », les moyens alloués doivent être à la hauteur de cette ambition.
Vous l’aurez compris, la méthode choisie pour répondre au besoin de revalorisation salariale et à la perte d’attractivité du métier d’enseignant n’est pas adaptée aux réalités, non plus que l’équilibre retenu entre créations et suppressions de postes.
Ce projet de budget s’inscrit dans la continuité de choix politiques qui, depuis plusieurs années, ont fragilisé notre école républicaine.
Ce sont ces mêmes choix qui conduisent aujourd’hui à pallier des manques en utilisant une méthode libérale d’appels à projets, sur le modèle de l’« école du futur », qui permettra seulement à certaines écoles de sortir la tête de l’eau, tandis que d’autres seront laissés sur le bord du chemin.
Nous craignons que notre école de la République ne soit pas renforcée par ce budget pour 2023. Nous voterons donc contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, messieurs les ministres, – et je salue à mon tour la présence du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire parmi nous – mes chers collègues, ce projet de budget nous est présenté comme l’expression d’une ambition inédite en matière d’éducation, mais nous en sommes malheureusement loin.
Il manque encore au moins un enseignant dans un tiers des établissements scolaires, mais vous prévoyez la suppression de plus de 1 500 postes. Vous invoquez la baisse démographique et promettez un meilleur taux d’encadrement, mais il existe de nombreux départements, dont le mien, où l’on compte des classes de bien plus de 24 élèves hors REP, alors que ce ne devait plus être le cas au terme du précédent quinquennat.
Vous annoncez la mise en place de l’« école du futur », où les moyens ne seraient plus distribués en fonction des besoins des élèves, en fonction de critères objectifs, mais pour des projets dits innovants. Pour autant, vous ne définissez pas ce concept, sinon en indiquant qu’il s’agit d’améliorer la réussite des élèves, comme si les établissements scolaires ne travaillaient pas déjà en ce sens.
Je crains que la communauté éducative ne se satisfasse pas de ce qui s’apparente en réalité à un exercice de communication.
Le cas de l’enseignement technique agricole illustre parfaitement cela. Un projet de loi d’orientation agricole est annoncé pour 2023 ; l’enseignement et la formation en occuperaient une part majeure. Pourtant, aucun projet stratégique n’est défini à ce stade. Tout juste est-il mis fin à la saignée opérée ces dernières années dans l’enseignement agricole public.
De même, les récentes déclarations présidentielles ont confirmé la volonté politique de démanteler l’enseignement professionnel ; le débat qui s’est tenu ici le 14 novembre dernier n’a levé aucune de nos craintes. Après le bac professionnel en trois ans au lieu de quatre, après la réduction de 30 % des enseignements généraux, avec l’augmentation, désormais, de 50 % des temps de stage, nous risquons d’arriver à l’os dans l’enseignement des disciplines générales et professionnelles.
Ces réformes sont le fruit d’un raisonnement utilitariste, selon lequel il faudrait répondre aux stricts besoins des employeurs. Mais vous vous trompez, y compris sur ce qu’attend le monde de l’entreprise, dont les acteurs sont de plus en plus nombreux à alerter sur la nécessité d’apporter à nos jeunes un haut niveau de formation leur permettant d’évoluer tout au long de leur carrière. C’est aussi manquer cruellement d’ambition pour la jeunesse issue des milieux populaires.
Concernant la revalorisation du métier d’enseignant, vous admettrez que nous sommes loin du choc d’attractivité nécessaire.
D’abord, un tiers des crédits consacrés aux mesures de revalorisation ira à la mise en place du pacte enseignant, c’est-à-dire que l’augmentation sera conditionnée à la réalisation de missions, dont certaines sont déjà prises en charge par les enseignants – ce n’aurait alors aucun sens –, mais dont d’autres sont nouvelles, alors que nos enseignants travaillent déjà plus de 40 heures par semaine.
Ensuite, la promesse d’une revalorisation de 10 % de tous les enseignants ne concernera en réalité que les enseignants de moins de vingt ans d’ancienneté, ce qui exclut les deux tiers des effectifs. Le déclassement vécu par les enseignants est le résultat d’une très longue période de gel du point d’indice, bien difficile à rattraper aujourd’hui.
Même si des crédits sont sur la table, leur montant est bien loin de correspondre aux enjeux et le personnel non enseignant est complètement oublié, à l’image des AESH qui, malgré les 4 000 recrutements prévus, resteront trop peu nombreux par rapport aux besoins et continueront de vivre dans une extrême précarité. Défendre une école réellement inclusive implique de revaloriser ce métier essentiel par une meilleure rémunération, une formation renforcée et un statut qui sorte les AESH de la précarité.
Enfin, j’aimerais terminer mon propos en alertant sur l’inquiétude qui se développe dans les établissements scolaires face à la hausse des coûts de l’énergie. L’association Régions de France estime que le surcoût lié à l’inflation dépasse désormais les 200 millions d’euros pour 2022 ; plus de la moitié des collèges et des lycées ne savent pas encore comment ils vont boucler leur budget d’ici à la fin de l’année. De même, élus locaux et parents d’élèves s’interrogent alors qu’on commence à parler de délestages éventuels du réseau électrique. Qu’adviendra-t-il des écoles si des coupures d’électricité doivent intervenir ? Nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une réponse à cette question.
Les satisfecit que vous exprimez ne résistent pas à l’examen de ce budget. Pourtant, les dégâts causés par votre prédécesseur nécessitent de reconstruire des relations de confiance et imposent une mobilisation générale au service des enfants et de la jeunesse. Ce projet de budget ne le permet malheureusement pas ; nous ne voterons donc pas les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail de nos collègues rapporteurs Gérard Longuet, Jacques Grosperrin et Nathalie Delattre.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Merci !
Mme Annick Billon. Depuis cinq ans, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont en hausse. Nous ne pouvons que nous en féliciter. En 2023, le budget du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse restera le premier budget de l’État. Cela dit, cette trajectoire ascendante ne doit pas occulter les difficultés persistantes.
En cette rentrée, les étudiants ont subi les conséquences du fait que 4 000 postes n’ont pas été pourvus aux concours de l’enseignement : parmi les 12 millions d’élèves, certains se sont retrouvés sans professeur. Pourtant, cela fait plusieurs années que nous insistons sur le manque criant d’attractivité des métiers de l’enseignement.
Avec mes collègues Max Brisson et Marie-Pierre Monier, nous avons mené des travaux sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat précédent. Le constat est sans appel : seuls 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société.
Certes, monsieur le ministre, vous répondez en partie à ces écueils par des revalorisations salariales. Devons-nous nous en contenter ? Non : ces revalorisations sont absolument nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Les enseignants en devenir et les nouveaux titulaires doivent pouvoir se projeter dans leur métier. Ils doivent pouvoir y trouver un sens, des perspectives de formations et d’évolution de carrière. Ils doivent pouvoir y trouver, ou y retrouver, l’envie d’exercer.
La crise de l’attractivité frappe également la médecine scolaire. En 2011 déjà, un rapport parlementaire suggérait d’améliorer le dispositif existant. Onze ans plus tard, un tiers des postes de médecin scolaire sont toujours vacants avec, en outre, une forte disparité géographique. Monsieur le ministre, nous sommes face à un problème structurel qui s’enlise d’année en année. Il serait opportun de considérer les pistes présentées en 2020 par la Cour des comptes.
Je souhaite également aborder le sujet crucial de l’éducation à la sexualité. Depuis plus de vingt ans, la loi impose l’organisation par les établissements scolaires, pour tous les élèves, du CP jusqu’à la terminale, de trois séances d’éducation à la sexualité par an et par niveau. Ces obligations légales ne sont pas respectées aujourd’hui : seuls 10 % des établissements appliquent la loi et ceux qui mettent en place ces séances le font parfois sans recourir aux bons outils pédagogiques. Cette éducation n’est donc que très rarement bien dispensée.
Monsieur le ministre, avec mes collègues rapporteures de la délégation aux droits des femmes, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous vous avons remis hier notre rapport Porno : l’enfer du décor.
Comme vous le savez, le porno est aujourd’hui devenu pour nos jeunes le lieu d’apprentissage par défaut de la sexualité. Comme nous le disait cyniquement le professeur Israël Nisand : « Nous n’éduquons pas nos enfants à la sexualité ; rassurez-vous, la pornographie le fait à notre place ! » Pour avoir échangé librement avec vous hier sur ce sujet, je connais votre volonté de faire appliquer la loi.
Monsieur le ministre, nous partageons avec vous l’ambition de bâtir une société plus égalitaire, sans violences : les cours d’éducation à la sexualité dès l’école primaire en sont l’une des clés ; nous comptons sur votre détermination à les mettre en œuvre, sur l’ensemble du territoire et dans tous les établissements, comme le prévoit la loi, tout simplement.
Parlons aussi égalité. La réforme du lycée a provoqué une chute drastique de la proportion de filles dans les filières scientifiques. Les mathématiques doivent faire leur retour dans les programmes, et non pas seulement à hauteur d’une heure et demie par semaine.
Cette orientation stéréotypée se retrouve également dans l’enseignement agricole, où les jeunes filles s’orientent principalement vers les cursus de services à la personne, alors que les formations dans le domaine de la production animale restent très masculines.
L’école inclusive bénéficie de crédits en nette augmentation depuis plusieurs années. Près de 4 milliards d’euros y sont désormais consacrés. Des efforts budgétaires substantiels ont été effectués pour les AESH. Cette hausse des crédits, ainsi que la revalorisation des salaires des 132 000 AESH et le déploiement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont nécessaires.
En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire a connu une hausse de près de 60 % dans le primaire et de 150 % dans le secondaire.
Ces efforts ne sont qu’une étape. Les lacunes de la formation initiale et continue des AESH, la faible rémunération persistante et les conditions d’exercice nous obligent à faire évoluer leur métier, pour eux et pour les enfants qu’ils accompagnent.
La proposition de loi dont nous débattrons la semaine prochaine peut être un point de départ. De plus, la multiplication des recrutements d’AESH « privés » nous inquiète, car elle entraîne une rupture d’égalité.
L’enseignement scolaire ne se résume pas à l’éducation nationale. L’enseignement agricole mérite aussi toute notre attention. Il est question de former les agriculteurs et les agricultrices de demain. Les effectifs en baisse et l’orientation souvent stéréotypée nous préoccupent. L’attractivité de ces formations passe obligatoirement par une meilleure orientation, par une orientation éclairée. Des outils existent, comme le « camion du vivant », mais sont-ils efficaces ? Atteignent-ils leurs cibles ? J’en doute…
Sur les maisons familiales rurales (MFR), enfin, je rejoins la position de notre rapporteure pour avis Nathalie Delattre : celles-ci doivent pouvoir utiliser le plafond maximal prévu pour 2022 et 2023, au vu de la hausse des coûts de fonctionnement. Les 10 millions d’euros dont il est question leur permettraient d’encaisser les hausses liées à l’inflation.
Permettez-moi, monsieur le ministre de l’agriculture, de partager avec vous le témoignage que j’ai reçu aujourd’hui même de Jean-François Vergnault, directeur d’un lycée agricole de Vendée : « Nos jeunes enseignants embauchés en juillet ne sont toujours pas payés et ceux qui ont démissionné le sont toujours. Cela illustre de gros dysfonctionnements du service des ressources humaines du ministère de l’agriculture. » J’espère que nous trouverons prochainement des solutions à ce problème.
Quoi qu’il en soit, le groupe Union Centriste votera unanimement les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais se montrera vigilant sur les difficultés que je viens d’énumérer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après deux années bouleversées par la crise sanitaire, des craintes légitimes pesaient sur le nombre d’enseignants présents dans nos classes à la rentrée 2022.
Comme cela a déjà été rappelé par mes collègues, le budget de la mission « Enseignement scolaire » connaît une forte progression, de plus de 6,5 %, pour s’établir à 58,8 milliards d’euros hors pensions, auxquels il faut ajouter le fonds d’innovation pédagogique « Investir pour la France de 2030 », pour 150 millions d’euros.
Malgré cette hausse, je souhaiterais m’attarder sur quelques points importants par leur impact sur le métier d’enseignant, à commencer par la revalorisation des rémunérations des enseignants en début et en cours de carrière. On ne peut que se féliciter que la rémunération atteigne 2 000 euros par mois en début de carrière. Mais pour poursuivre ses effets et rendre la profession plus attractive, cette revalorisation doit se maintenir dans la durée et s’appliquer à l’ensemble de la profession, afin que la grille salariale soit cohérente.
Actuellement, le traitement médian des enseignants est de 2 290 euros. C’est une rémunération assez peu élevée au regard de leur niveau de qualification et des 43 heures de travail hebdomadaires qu’ils effectuent. Le coût de la revalorisation salariale envisagée est estimé à 1,135 milliard d’euros. Celle-ci est répartie entre une augmentation inconditionnelle de 635 millions d’euros et une part facultative de 300 millions d’euros pour les enseignants qui adhéreront, sur la base du volontariat, à un pacte dont les modalités sont peu précises et qui ne semble pas évident à mettre en œuvre.
De plus, le déroulement de carrière reste lent et aléatoire. L’accès au grade « hors classe » arrive tardivement, vers 50 ou 55 ans ; surtout, moins de 7,5 % des enseignants atteignent le niveau « classe exceptionnelle ».
Un deuxième point concerne les suppressions de postes prévues en 2023. Depuis plusieurs années, l’Éducation nationale les justifie par les projections démographiques liées à la baisse de la natalité. Quelque 2 000 postes seront supprimés en 2023, pour une baisse du nombre d’élèves évaluée à 92 000.
Les inspecteurs d’académie nous assurent que le taux d’encadrement est de plus en plus élevé. Dans la Manche, on comptait 6,16 enseignants pour 100 enfants à la rentrée des établissements du premier degré en septembre 2022. Il n’en reste pas moins que les suppressions de postes fragilisent les possibilités de remplacements de courte durée et ont un impact sur la participation des enseignants à la formation continue.
Le deuxième point insatisfaisant, qui s’ajoute à la baisse du nombre de postes, est la crise préoccupante du recrutement. On constate une tendance à la baisse du nombre des candidats aux concours de l’enseignement, avec 3 700 postes non pourvus pour les concours de 2022, mais également une augmentation constante du nombre de démissions dans la profession.
Il y a plusieurs raisons à ce manque d’attractivité du métier. En plus de la rémunération peu séduisante, on peut évoquer le manque de reconnaissance sociale des enseignants, ainsi que leur sentiment d’isolement et d’absence de soutien devant les difficultés.
Les nouvelles conditions d’accès aux concours externe, avec des logiques différentes selon le cursus antérieur des lauréats, semblent complexes et posent le problème d’une charge de travail intense, qui s’ajoute à la prise en responsabilité d’un groupe à temps plein ou à mi-temps selon les masters. Il est en outre indispensable que ces stagiaires soient accompagnés par un tuteur au sein même de l’établissement dans lequel ils exercent.
Il faut également éviter des conditions d’exercice difficiles pour un débutant : classes uniques, postes partagés entre plusieurs sites, affectations dans des territoires peu attractifs, comme les REP, devant des publics difficiles.
Les difficultés de recrutement font que de nombreuses disciplines sont en tension, dans le second degré notamment. L’absence de professeur ou le défilé des remplaçants diminuent fortement les chances de réussite des élèves.
M. Max Brisson. Exactement !
Mme Béatrice Gosselin. On déplore depuis septembre, dans un lycée de l’ouest de la France, l’absence d’un professeur en Terminale ST2S pour assurer les cours de sciences et technologie de la santé et du social, qui préparent à une épreuve affectée d’un coefficient 16 au baccalauréat !
Cette année, pour pallier le manque d’enseignants, 20 % des postes étaient confiés à des contractuels. La politique de recrutement, largement relayée par la presse, proposait quatre jours de formation avant une affectation. Or ce métier exigeant ne s’apprend pas en quelques jours ! En outre, les modalités de formation ne sont pas réellement explicitées, alors que celle-ci est absolument nécessaire et que la qualité de l’enseignement et de la pédagogie d’un professeur sont des points essentiels pour la réussite des élèves.
Enfin, reste le problème de la mobilité des enseignants. Les affectations après l’obtention du concours des néo-titulaires sont souvent éloignées du lieu de résidence. Parfois, des contractuels renoncent même à passer le concours pour avoir la certitude de rester dans leur établissement.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Béatrice Gosselin. Il faut améliorer l’attractivité du métier d’enseignant, ce qui suppose une revalorisation des traitements et une gestion plus humaine des ressources. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits consacrés au remboursement de la dette deviennent, sous ce gouvernement, le premier budget de l’État. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » arrivent après. Certes, ils sont en hausse de 6,5 %, mais peut-on s’en satisfaire ? Il est depuis longtemps reconnu que, si notre pays figure en mauvaise position dans les classements internationaux, ce n’est pas par manque de moyens, mais par manque de réformes.
La hausse des crédits doit d’ailleurs être relativisée, puisque 1,7 milliard d’euros serviront à financer l’augmentation du point d’indice de la fonction publique ; 400 millions d’euros, l’habituel glissement vieillesse technicité.
Une fois ces dépenses acquittées, 1,9 milliard d’euros en année pleine doivent permettre de réaliser la promesse présidentielle d’un salaire des enseignants qui ne puisse être inférieur à 2 000 euros. Cette remarquable opération de communication ne vise cependant que les premières années d’exercice. La revalorisation en cours de carrière reste un mirage, même si vous avez affirmé, monsieur le ministre, que « pour un professeur avec quelques années d’ancienneté, l’augmentation pourrait aller jusqu’à 25 % », avant d’évoquer plus tard et plus prosaïquement une augmentation de 10 %.
Or les 900 millions d’euros qui ont été inscrits dans le budget à cette fin ne correspondent pas réellement à une augmentation, puisqu’ils seront liés à l’acceptation de nouvelles missions dont la nature reste pour le moment très floue. Il s’agit du fameux « pacte ».
L’attractivité de la profession souffre d’ailleurs de bien d’autres entraves. J’évoquerai des conditions de travail dégradées, une insécurité grandissante, une absence de reconnaissance, une perte d’attractivité, des perspectives de carrière limitées et aléatoires, un temps de travail important, comprenant la part invisible des corrections de devoirs et des tâches administratives, mais aussi des affectations territoriales aléatoires qui rendent difficile la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.
À cela, le Gouvernement n’apporte aucune réponse.
On relève 3 756 postes d’enseignants non pourvus cette année, un chiffre qui a triplé entre 2021 et 2022. Les concours ne font pas le plein de candidats. Les démissions se multiplient, surtout chez les jeunes enseignants, dont nous dénonçons depuis des années l’affectation systématique aux postes les plus difficiles. Pourtant, vous avez décidé de supprimer 2 000 postes d’enseignants pour suivre l’évolution démographique. Où est la logique de tout cela ?
Les enseignants font part de leur découragement face au manque de soutien de la part du ministère. Les récentes polémiques sur la défense du principe de laïcité sont révélatrices d’un profond malaise, en raison de l’absence de ligne claire du Gouvernement. On peine à distinguer une feuille de route pour les prochaines années.
Je ne reviendrai pas sur tous les points développés par nos excellents collègues Jacques Grosperrin et Max Brisson ; pour ma part, je veux évoquer le sujet, qui m’est cher, du sport à l’école.
Convaincu de l’importance du sport pour la santé et l’équilibre de nos jeunes, je déplore le manque manifeste de moyens et d’organisation permettant de mettre en place les trente minutes d’activité physique quotidienne à l’école, une mesure obligatoire qui n’est pourtant appliquée que par 10 % à 20 % des chefs d’établissement. Je m’interroge donc sur la volonté gouvernementale de rendre effectif ce dispositif de santé publique.
Je poserai la même question concernant les mesures à prendre pour le « savoir nager ». De nombreux enfants ne découvrent la natation qu’au moyen des cours dispensés par l’école. Or l’accès à ces cours semble très aléatoire, sans que nous puissions avoir une vision d’ensemble selon les années et les établissements. Au moment où la crise de l’énergie va mettre en péril l’ouverture des piscines et compliquer encore davantage l’organisation de ces cours, quelles actions envisagez-vous, monsieur le ministre, pour garantir l’effectivité de cet apprentissage essentiel pour l’activité physique comme pour la sécurité ?
Dans ce domaine comme dans bien d’autres, les annonces peinent à se traduire en actes. L’éducation nationale mérite pourtant mieux que des mesures d’affichage.
Pour conclure sur ce projet de budget, je le redis, si l’éducation nationale a bien entendu besoin de moyens, elle a surtout besoin de vraies réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, messieurs les présidents de la commission des finances et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur spécial, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder les crédits de la mission « Enseignement scolaire », je voudrais d’abord vous remercier pour la qualité des échanges que nous avons depuis plusieurs mois. Les débats en commission et les rapports du Sénat sont autant d’apports essentiels pour nos réflexions et pour l’élaboration de nos politiques publiques.
Permettez-moi aussi d’exprimer l’honneur et le plaisir qui sont les miens au moment de présenter le budget de l’école pour 2023.
Dans un contexte de croissance continue depuis 2017, ce projet de loi de finances marque une rupture dans l’ampleur de l’effort budgétaire proposé et dans les ambitions transformatrices qui y sont associées. Je suis convaincu que nous nous hissons ainsi au niveau des attentes qui sont légitimement exprimées vis-à-vis de l’école.
À ce sujet, et avant d’entrer dans le détail des axes de ce budget, je voudrais revenir sur le travail réalisé depuis six mois, puisque certains d’entre vous ont questionné mon volontarisme.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit ainsi un budget de 59,7 milliards d’euros pour l’éducation nationale, en croissance de 6,5 % par rapport à 2022 ; ce budget est construit autour de plusieurs axes prioritaires.
La première de ces priorités, c’est bien entendu la revalorisation des enseignants. L’amélioration de l’attractivité du métier d’enseignant est un défi majeur. L’enjeu est loin d’être uniquement français, comme votre rapport l’a récemment souligné, monsieur le rapporteur spécial. Néanmoins, la France a un effort particulier à faire pour améliorer les salaires de ses professeurs, notamment en début et en milieu de carrière.
Cet effort nécessaire, que vous appelez de vos vœux, nous le faisons dans ce budget, à un niveau inédit. La revalorisation des enseignants représente une enveloppe totale de 1,135 milliard d’euros pour 2023. Ce montant couvre les quatre derniers mois de 2023, la revalorisation entrant en vigueur en septembre : l’effort sera donc amplifié en année pleine dès 2024.
Je ne reviendrai pas en détail ici sur les deux volets de cette revalorisation : une part socle, qui permettra de rehausser en moyenne de 10 % le traitement des enseignants, avec une priorité donnée à la première moitié de carrière, mais aussi un pacte associé à des missions nouvelles et à des missions mieux reconnues. En bref, c’est un dispositif porteur à la fois d’un regain d’attractivité des carrières et de transformation de notre école.
Cet effort considérable, qui concernera l’ensemble des enseignants, est à la hauteur de la place que les professeurs occupent et doivent continuer à occuper au cœur de la cité. Plus que jamais, en effet, nous devons réaffirmer l’importance cruciale des enseignants dans notre pays : le respect qui leur est dû doit aller de pair avec une meilleure reconnaissance financière par leur employeur, l’État. C’est ce que nous faisons avec ce budget.
Toutefois – je sais que c’est aussi l’une de vos préoccupations –, l’attractivité du métier d’enseignant ne se résume pas à un niveau de rémunération. C’est aussi de sens, de reconnaissance et de soutien que les professeurs, en particulier les plus jeunes, ont besoin. C’est un chantier complexe, pour lequel nous nous inspirons également des recommandations de votre rapport, monsieur Longuet.
Aller vers davantage de travail collaboratif, mieux accompagner les professeurs débutants, voilà deux des axes qui nous paraissent pertinents et qui nourrissent nos projets pour 2023. Nous travaillons également sur la gestion des ressources humaines et les déroulés de carrière pour mieux répondre aux attentes des enseignants, en particulier les plus jeunes.
Cet effort de revalorisation concernera aussi les autres professionnels de l’éducation nationale, pour un montant total de 140 millions d’euros. En particulier, nos médecins et infirmiers, qui jouent un rôle central pour la santé et le bien-être de nos élèves, bénéficieront d’une enveloppe de 6,8 millions d’euros pour les quatre derniers mois de 2023.
La deuxième priorité de ce budget, c’est la réussite de tous les élèves. Cette priorité nous est commune, comme j’ai pu le constater au travers des amendements que vous avez déposés.
Nous allons tout d’abord améliorer les taux d’encadrement, grâce à la volonté du Gouvernement de ne pas répercuter directement la baisse démographique à venir sur le nombre d’enseignants. Nous aurons quelque 100 000 élèves de moins à la rentrée 2023 par rapport à la rentrée 2022. C’est considérable, et cette baisse va s’inscrire dans la durée.
En contenant la baisse du nombre d’enseignants, nous continuons à améliorer le taux d’encadrement en primaire et nous le maintenons dans le secondaire.
Nous amplifions ensuite les dispositifs en faveur de la réussite des élèves, tels que les dédoublements en établissements REP et REP+, le plafonnement à 24 des classes de primaire hors REP ou le développement des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
La réussite des élèves passera aussi et surtout par des réformes structurantes, comme celle des lycées professionnels, que je porte avec la ministre Carole Grandjean, et qui fait actuellement l’objet d’une concertation bien engagée. J’ai déjà évoqué l’importance du collège, sur lequel un travail de transformation va s’engager au bénéfice de la réussite de tous les élèves.
J’ai également souhaité, à travers ce budget, donner corps à la priorité que j’ai fixée en matière de lutte contre les inégalités. Nous serons plus attentifs que jamais aux plus fragiles, pour que chaque enfant, chaque jeune, dans tous les territoires, puisse suivre sa scolarité dans les meilleures conditions. De nombreux dispositifs – petits déjeuners gratuits, contrats locaux d’accompagnement, territoires éducatifs ruraux – seront étendus grâce à des crédits supplémentaires.
Les bourses de collège et de lycée ont été revalorisées de 4 % à la dernière rentrée et nous nous fixons également des objectifs ambitieux de meilleure utilisation des fonds sociaux disponibles dans les établissements. Il faut que toutes les familles qui en ont besoin puissent avoir accès à ces aides. Sur ce sujet, un amendement du Gouvernement visant à abonder les fonds sociaux des établissements d’enseignement agricole a été déposé : l’adoption de cet amendement n° II-1256 permettra, en toute cohérence, d’aider l’ensemble des jeunes qui en ont besoin, quel que soit leur établissement.
Sur ce sujet, de même que sur les autres amendements qui concernent l’enseignement agricole, mon collègue ministre de l’agriculture Marc Fesneau, que je remercie pour sa présence, pourra vous apporter toutes les réponses nécessaires. Les enjeux de l’enseignement agricole sont en effet majeurs pour la formation de nos jeunes et l’avenir de notre pays.
Je veux mettre l’accent aussi sur une vraie nouveauté, le fonds d’innovation pédagogique, qui sera doté en 2023 de 150 millions d’euros. Il permettra de financer tous les projets pédagogiques innovants issus des débats engagés avec les équipes éducatives dans le cadre du Conseil national de la refondation.
En nous fondant sur l’expérience conduite à Marseille, nous préparons le déploiement d’un dispositif ambitieux dans son volume et novateur dans son fonctionnement, puisqu’il sera pleinement déconcentré et ainsi proche du terrain. Je ne doute pas que cette approche concrète et locale recueille l’approbation de votre assemblée.
Ce nouveau fonds, qui viendra abonder notre budget à partir d’un transfert de crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », permettra par exemple de financer des projets autour des savoirs fondamentaux, de l’inclusion des élèves en situation de handicap, ou de l’éducation artistique et culturelle. Le tout sera fait sans aucune mise en concurrence, mais dans un esprit de confiance à l’égard des équipes pédagogiques.
Afin de faciliter le financement de ces projets, en particulier dans le premier degré, je soutiendrai votre amendement n° II-223 rectifié ter, monsieur le rapporteur pour avis Grosperrin : votre texte constitue une mesure de simplification efficace, à laquelle je ne peux qu’être favorable.
Pour terminer, je veux revenir sur un sujet important, sur lequel je sais que vous êtes impliqués, celui de l’école inclusive, qui demeure plus que jamais une priorité. Ce sont ainsi 4 000 nouveaux postes d’AESH qui seront créés à la rentrée 2023, après une hausse identique en 2022. Les moyens sont là.
Cette hausse continue doit s’inscrire dans le cadre d’une réforme plus globale, celle de « l’acte 2 de l’école inclusive ». L’objectif de cette réforme est simple et ambitieux : que chaque enfant soit correctement accompagné, en fonction de ses besoins. Nous avons engagé le travail en nous fixant un cap très clair : présenter des propositions concrètes lors de la Conférence nationale du handicap qui aura lieu au printemps 2023. Il s’agira notamment de permettre aux AESH d’atteindre, si tel est leur choix, un temps plein de trente-cinq heures hebdomadaires, conformément à l’engagement du Président de la République.
Afin d’améliorer immédiatement la situation financière fragile des AESH, ces derniers vont devenir éligibles aux primes REP et REP+, comme les assistants d’éducation (AED) ; ils connaîtront en outre une revalorisation globale de 10 % en septembre prochain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, ce budget est ambitieux et répond à des constats que nous partageons très largement, j’en suis convaincu.
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Enseignement scolaire |
82 550 687 404 |
82 397 076 350 |
Enseignement scolaire public du premier degré |
25 667 162 133 |
25 667 162 133 |
Dont titre 2 |
25 612 011 936 |
25 612 011 936 |
Enseignement scolaire public du second degré |
36 455 921 370 |
36 455 921 370 |
Dont titre 2 |
36 331 554 794 |
36 331 554 794 |
Vie de l’élève |
7 453 775 420 |
7 453 775 420 |
Dont titre 2 |
3 668 893 121 |
3 668 893 121 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
8 468 113 687 |
8 468 113 687 |
Dont titre 2 |
7 636 573 060 |
7 636 573 060 |
Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 910 862 155 |
2 757 167 569 |
Dont titre 2 |
1 909 207 463 |
1 909 207 463 |
Enseignement technique agricole |
1 594 852 639 |
1 594 936 171 |
Dont titre 2 |
1 069 354 901 |
1 069 354 901 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-916, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien à la revalorisation du métier d’enseignant
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Vie de l’élève dont titre 2 |
|
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
|
|
|
|
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonds de soutien à la revalorisation du métier d’enseignant |
1 000 000 000 |
|
1 000 000 000 |
|
TOTAL |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Le constat est désormais bien établi : en quarante ans, les enseignants ont subi une perte de pouvoir d’achat massive.
Les rapports Regards sur l’éducation publiés par l’OCDE, appuient largement ces chiffres. Ils estiment ainsi qu’entre 2000 et 2019, alors que les salaires des enseignants ont augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE, c’est en France que le salaire a le plus diminué, avec une baisse pouvant atteindre 10 % dans l’enseignement secondaire.
Toujours selon l’OCDE, le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire est inférieur d’au moins 15 % à la moyenne de l’OCDE après dix ou quinze ans de service.
Cette situation de décrochage des salaires est l’une des raisons majeures du déficit de recrutement de la profession, bien qu’elle ne soit pas la seule.
Or les moyens figurant dans le budget pour 2023 ne nous semblent pas à la hauteur de l’enjeu. Tout d’abord, l’enveloppe ne répond pas à la promesse initiale du Président de la République de revaloriser inconditionnellement les salaires des enseignants de 10 %. La part conditionnelle – 300 millions d’euros entre septembre et décembre 2023 – correspond en réalité à des tâches déjà effectuées par les équipes pédagogiques.
Le rapport de juin 2022 de notre collègue Gérard Longuet conclut lui aussi que les différences salariales entre la France et les autres pays ne sont pas corrélées au temps de service des enseignants français.
Nous considérons donc que l’augmentation inconditionnelle de 10 % du traitement des enseignants est de droit au regard du décrochage de leur salaire et de leur engagement sans faille pendant la crise sanitaire.
Nous considérons par ailleurs que tous les enseignants doivent être augmentés, quelle que soit leur ancienneté. Selon nos calculs, qui rejoignent ceux des syndicats, il faudrait abonder de 1 milliard d’euros en année pleine les crédits proposés par le Gouvernement. Tel est précisément l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-888, présenté par Mmes Monier et S. Robert, M. Marie, Mme Meunier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
100 000 000 |
|
100 000 000 |
|
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
Vie de l’élève dont titre 2 |
|
|
|
|
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
|
300 000 000 |
300 000 000 |
|
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
300 000 000 |
300 000 000 |
300 000 000 |
300 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Mes arguments rejoignent ceux de ma collègue, mais l’amendement que je présente porte sur des montants moins élevés que le sien.
Le décrochage du salaire des enseignants est un vrai paradoxe. Comment expliquer que la rémunération d’un professeur des écoles recruté à bac+5 soit aujourd’hui inférieure au salaire moyen des fonctionnaires de catégorie B ? La situation est grave !
Dans la discussion générale, j’ai expliqué que les mesures proposées se traduiraient par un effet de plateau et qu’elles ne prenaient pas en considération les enseignants ayant plus de vingt ans d’exercice.
Le projet de budget prévoit d’allouer le même montant que celui que nous prévoyons, 300 millions d’euros, à un « pacte » avec les enseignants qui conditionnera l’augmentation de salaire à l’accomplissement de nouvelles missions. Nous ne souscrivons pas à ce choix politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Il est défavorable.
Ces amendements ne sont pas antipathiques, mais leur adoption aurait pour effet d’amputer substantiellement les crédits des programmes « Vie de l’élève », pour le premier, ou « Soutien de la politique de l’éducation nationale », pour le second.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Ces amendements visent à revaloriser les enseignants au-delà du dispositif prévu dans le budget.
Le Gouvernement porte déjà une mesure inédite de revalorisation des enseignants, représentant 1,9 milliard d’euros pour sa part inconditionnelle en année pleine et 300 millions d’euros pour sa part conditionnelle au titre des quatre derniers mois de l’année 2023.
Cet effort aura des effets tangibles, puisque l’entrée dans la carrière ne se fera pas à moins de 2 000 euros ; ce niveau sera garanti. Pour les enseignants qui accepteront les missions supplémentaires, la hausse pourra atteindre 20 %, voire 25 % pour les jeunes enseignants adhérents au pacte.
Parce que nous portons déjà une mesure ambitieuse de revalorisation des professeurs, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-866 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Mouiller, Calvet et Somon, Mmes Dumas et F. Gerbaud, M. Frassa, Mme Bellurot, MM. Levi et Courtial, Mme Pluchet, MM. de Legge, Perrin et Rietmann, Mme N. Goulet, MM. Genet, Laménie, Rapin, Kern et Bouchet, Mmes Gosselin, Drexler et Guidez, MM. Charon, Anglars et Pellevat, Mme Jacquemet, M. Bouloux, Mme Lopez, M. B. Fournier, Mmes Belrhiti, Ventalon, Micouleau et Dumont, M. Brisson, Mme Lassarade, MM. Meignen, Klinger et Belin, Mme Borchio Fontimp, MM. Pointereau, Sido, Gremillet et Longeot, Mmes de La Provôté et Imbert et M. Favreau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Vie de l’élève dont titre 2 |
244 398 000 |
|
244 398 000 |
|
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
|
244 398 000 |
|
244 398 000 |
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
244 398 000 |
244 398 000 |
244 398 000 |
244 398 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement, présenté par André Reichardt et quarante-sept sénatrices et sénateurs, concerne les AESH, dont nous allons beaucoup parler ce soir. Ce n’est que justice, car l’on connaît la difficulté de leur tâche et la précarité institutionnelle de leur situation.
Aujourd’hui, leur nombre est insuffisant pour répondre aux notifications des maisons départementales des personnes handicapées. Il en résulte que, d’un département à l’autre, la prise en charge est différente, ce qui n’est pas acceptable.
Les réponses collectives ou personnalisées sont ainsi arbitrées par les Pial sans prise en compte réelle des notifications émanant des MDPH.
Cet amendement vise donc à encourager le Gouvernement à augmenter de 10 % le nombre des AESH. Nous y proposons d’investir 234 millions d’euros en faveur de l’inclusion scolaire.
Cela ne réglera certes ni la faiblesse de la rémunération ni l’absence de formation des AESH, mais, comme beaucoup d’autres amendements ce soir, il constitue un signal d’alerte. Son adoption serait une bouffée d’oxygène bienvenue.
L’école inclusive ne se fera pas sans une politique globale de prise en charge de l’enfant en situation de handicap dans le temps de l’école, lequel ne se résume pas au temps de classe.
Vous venez de parler de l’acte 2 de l’école inclusive, monsieur le ministre, mais vous ne semblez pas vouloir vous inscrire dans une logique partenariale avec les autres acteurs, qui seule réglera la prise en charge globale des enfants en situation de handicap tout au long de la journée d’école, avant, pendant et après la classe.
M. le président. L’amendement n° II-887, présenté par Mme Monier, M. Chantrel, Mme S. Robert, M. Marie, Mme Meunier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
|
|
|
|
Vie de l’élève dont titre 2 |
160 000 000 |
|
160 000 000 |
|
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
|
160 000 000 |
|
160 000 000 |
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
160 000 000 |
160 000 000 |
160 000 000 |
160 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Les retours de terrain indiquent très clairement que l’éducation nationale ne prend pas toujours en considération les notifications des MDPH, en raison notamment d’un nombre insuffisant d’AESH.
Max Brisson a raison d’évoquer des situations très différentes d’un département à l’autre. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, 2 500 enfants ayant fait l’objet d’une notification sont sans AESH. Ce chiffre est impressionnant ! Certaines familles en arrivent à chercher par elles-mêmes ou par le biais d’associations des AESH « privés ». Selon les associations de parents, un marché de l’accompagnement est en train de se développer, même s’il est encore difficilement quantifiable.
Cette privatisation de l’accompagnement du handicap me semble très inquiétante. Elle provoque une rupture d’égalité et renforce les inégalités sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ces deux amendements sont inspirés par une préoccupation forte et légitime, celle des familles.
La commission des finances a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, mais je veux profiter de cette intervention pour faire une remarque plus générale et interroger M. le ministre.
L’inclusion est une responsabilité nationale, qui relève de la solidarité. Le ministère de l’éducation nationale doit-il être le seul ministère chargé de ce sujet ? C’est un vrai débat.
Je vous rappelle que les MDPH sont départementales, comme leur nom l’indique, et qu’elles prescrivent l’attribution d’AESH sans véritable concertation avec l’éducation nationale, pourtant seule en mesure d’évaluer la situation de chaque élève.
Reconnaissons néanmoins, monsieur le ministre, que les grands établissements n’ont pas toujours un lien suffisamment étroit avec leurs élèves et que les établissements plus petits, s’ils ont une approche parfois moins rationnelle, sont aussi souvent mieux placés pour évaluer précisément la situation des enfants ayant reçu une prescription d’AESH par une MDPH.
Je souhaite qu’un travail interministériel soit engagé avec l’Assemblée des départements de France (ADF) sur ce sujet. Sinon, nous risquons une sorte de fuite des responsabilités : les MDPH renverront la leur au ministère, qui doit s’occuper de tous les élèves et de tous les enseignants, et dont les moyens ne sont pas illimités.
Je comprends très bien l’esprit de l’amendement n° II-866 rectifié, porté par André Reichardt et plusieurs de ses collègues, mais son adoption priverait le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale » d’une bonne part de ses crédits.
Le coût de l’amendement n° II-887 est plus raisonnable, madame Monier, mais son adoption opérerait également une ponction considérable sur les crédits de ce programme.
Il s’agit donc surtout d’amendements d’appel, monsieur le ministre, un appel que vous avez la responsabilité d’entendre ! Vous appartenez à un gouvernement, vous n’êtes pas seul, mais je crois qu’il vous faut au plus vite rassurer le Parlement – la même question vous sera sans doute posée à l’Assemblée nationale – sur la possibilité de partager ce fardeau.
Il serait injuste de faire peser sur les seuls moyens du ministère de l’éducation nationale le poids d’une responsabilité qui doit être maîtrisée, contrôlée, puis partagée entre différentes sources de solidarité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Nous avons créé 8 000 postes d’AESH en 2020, 4 000 en 2021 et 4 000 en 2022. Nous en créerons 4 000 en 2023 si vous approuvez ce budget, pour un effectif total supérieur à 130 000. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit du deuxième métier de l’éducation nationale.
Pour autant, nous avons des difficultés à répondre aux notifications adressées de façon insistante, et bien légitimement, par les MDPH.
Il ne s’agit donc pas simplement de créer des postes d’AESH, comme nous le faisons. Il faut aussi repenser plus structurellement les conditions d’accueil des élèves en situation de handicap. C’est précisément notre objectif dans la perspective de la Conférence nationale sur le handicap qui se réunira au printemps 2023. Un comité interministériel a été mis en place et nous allons échanger avec les collectivités, en particulier les départements – une réunion est prévue à ce sujet le 15 décembre. Nous travaillons également avec les MDPH sur une remise à plat du système en vue de la conférence nationale.
En matière d’école inclusive, les progrès ne passeront pas seulement par la multiplication des postes d’AESH, mais aussi par une réflexion globale et structurelle sur l’accueil des enfants en situation de handicap. C’est précisément notre idée d’acte 2 de l’école inclusive.
Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de notre volonté de réserver les meilleures conditions d’accueil aux enfants concernés, et ce de manière pérenne.
L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Ces amendements traduisent les attentes extrêmement fortes qui s’expriment sur le terrain – M. le rapporteur spécial les a rappelées fort opportunément.
Il est difficile de trouver des personnels, ce qui entraîne une fragmentation de la prise en charge des enfants en situation de handicap.
Ne serait-il pas opportun de décentraliser la responsabilité des AESH ? Il semblerait assez cohérent que les décisions des MDPH soient suivies d’une prise en charge par les départements eux-mêmes, ce qui permettrait sans doute d’améliorer l’accompagnement des enfants en situation de handicap. Une réflexion devrait s’engager sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement ; vous nous proposez de poursuivre la réflexion. Combien de temps devrons-nous encore réfléchir ? Sur le terrain, nous rencontrons des parents désemparés, des gamins perdus…
Mon département de l’Aisne est le premier touché par l’illettrisme. Nous inaugurerons l’an prochain la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, qui en est le berceau ; pourtant, nous sommes complètement oubliés !
On a besoin d’AESH en nombre, mais aussi d’AESH correctement formés et rémunérés. Si le métier n’est pas attractif, c’est aussi parce qu’il ne permet pas de vivre décemment.
Nous voulons bien vous aider à réfléchir, monsieur le ministre – en tant que conseillère départementale, je travaille pour ma part avec le directeur académique et la MDPH –, mais, sincèrement, nous en avons assez de réfléchir. Quand passerons-nous à l’action ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Le choix a été fait d’une école inclusive et de créer des Pial pour ouvrir l’école à l’ensemble des enfants handicapés.
Parfois, ces enfants auraient pourtant besoin d’être accueillis dans d’autres structures, comme des Ulis ou des instituts médico-éducatifs (IME).
Le nombre de places y étant restreint, l’école se voit dans l’obligation d’apporter une réponse à ces enfants sans leur offrir un accompagnement à la hauteur des besoins. Cet aspect doit être pris en compte dans votre réflexion, monsieur le ministre.
En outre, pour approcher les 100 % de couverture que vous visez, il faudrait une augmentation de postes de 12,6 %, soit 10 270 postes supplémentaires pour 2023 et non 4 000 comme cela est prévu. Un effort est certes fait, mais il ne suffit pas pour obtenir une couverture efficace.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je reconnais que des progrès ont été réalisés depuis la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dite loi Blanquer. Il serait injuste de ne pas le dire : la situation était bien pire auparavant.
Pour autant, l’école inclusive n’est pas au rendez-vous. Elle n’est pas à la hauteur de cette belle mission que l’école voudrait se donner. Sur ce sujet, nous devons tous faire preuve d’une grande modestie, tant le retard s’est accumulé au cours des années.
Si la réponse ne peut pas être uniquement quantitative, vous comprendrez que, tout au long de la soirée, nous mettions en avant la précarité institutionnelle que subissent les AESH et qui est indigne d’un grand pays comme le nôtre.
Notre rapporteur spécial a posé la question centrale : comment mettre en place une politique globale et partenariale de la prise en charge de l’enfant en situation de handicap ?
La réflexion sur le chef de filat est ouverte. À cet égard, nous pouvons nous demander si l’éducation nationale est la mieux placée pour assurer ce rôle compte tenu de ses compétences, de sa culture et de son organisation.
En tout état de cause, c’est dans cet esprit que les concertations que vous évoquez, monsieur le ministre, doivent s’engager.
L’absence d’articulation est une réelle faiblesse. Pour le girondin que je suis, l’hétérogénéité des situations d’un département à l’autre n’est pas acceptable. (M. le rapporteur spécial approuve.) Nous avons donc besoin, comme l’a proposé Gérard Longuet, d’un cadrage national interministériel.
Pour faire suite à la demande du rapporteur spécial, je retire l’amendement n° II-866 rectifié.
M. le président. L’amendement n° II-866 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-887.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-914, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
135 000 000 |
135 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
135 000 000 |
135 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
135 000 000 |
135 000 000 |
135 000 000 |
135 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Le constat est partagé sur toutes les travées : la situation des AESH n’est pas tolérable.
Comment accepter que cette profession, féminine à 90 %, vive largement en dessous du seuil de pauvreté ? Comment accepter que la rémunération moyenne s’établisse à 850 euros net ? Comment accepter qu’une telle fonction, pourtant vitale au sein de l’école dite inclusive, soit rémunérée de manière aussi indigne ?
Nous vous proposons d’augmenter de 10 % l’enveloppe budgétaire consacrée à la rémunération des AESH. Cela ne doit être qu’un premier pas. L’objectif est simple : aucune AESH en dessous du SMIC !
M. le président. L’amendement n° II-873 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, M. Marie, Mme Meunier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Aujourd’hui, 132 000 AESH, dont 93 % de femmes, jouent un rôle fondamental pour assurer dans les meilleures conditions, dans le cadre de l’école inclusive, la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Pourtant, ces professionnels ne bénéficient pas de la reconnaissance qu’ils méritent. Ils ne font même pas partie de l’équipe éducative. Contraints de travailler à temps partiel, souvent dans plusieurs établissements à la fois, et jonglant avec un emploi du temps très variable, ils font face à une grande précarité.
À cet égard, les différences de traitement entre les départements appellent une véritable harmonisation.
La majorité des AESH perçoivent une rémunération extrêmement faible, en moyenne de 850 euros par mois. Ils exercent dans des conditions très difficiles, aggravées par la mise en place des Pial et l’affectation auprès de plusieurs enfants.
De fait, l’aide individualisée a cédé la place à une mutualisation croissante, qui entraîne une multiplication des déplacements – se pose d’ailleurs la question du remboursement de ces frais de déplacement, monsieur le ministre.
Certes, 80 millions d’euros ont été intégrés par le Gouvernement au présent projet de loi de finances considéré comme adopté à la suite du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. C’est un premier pas, mais la marche est encore haute pour garantir une rémunération décente à ces personnes.
Même en tenant compte de l’augmentation prévue, la rémunération des AESH restera inférieure au seuil de pauvreté !
Aussi, nous proposons d’abonder le fonds correspondant de 20 millions d’euros supplémentaires.
J’en profite pour vous interroger, monsieur le ministre, sur les modalités de répartition de cette enveloppe de 80 millions d’euros. Permettra-t-elle réellement d’augmenter l’ensemble des AESH de plus de 10 % ? Cette augmentation sera-t-elle conditionnée à l’acceptation de nouvelles missions, notamment durant le temps périscolaire ?
M. le président. L’amendement n° II-937, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
|||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||
|
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
|||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
|||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
|||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
|||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
|||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
|||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
|
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise également à augmenter la rémunération des AESH.
Le turnover est important dans ce métier. Les femmes qui exercent cette profession – ce sont très majoritairement des femmes – la quittent dès qu’elles trouvent un emploi plus rémunérateur.
Or la professionnalisation de ce métier est un enjeu important et nous avons besoin de fidéliser les professionnels en exercice. Cela passe par d’importantes revalorisations.
En la matière, ni les 10 % d’augmentation prévus en septembre prochain ni les primes REP et REP+ ne permettront à ces salariés de dépasser le seuil de pauvreté.
Vous venez vous-même de dire, monsieur le ministre, que les AESH étaient le deuxième métier de l’éducation nationale. Il n’est pas tolérable que, dans un pays comme la France, le deuxième métier de l’éducation nationale soit rémunéré en dessous du seuil de pauvreté.
Enfin, pour apporter notre pierre au débat très intéressant qui s’est engagé sur la manière dont on conçoit l’accompagnement des enfants, et pas seulement pendant le temps scolaire, il nous semble que le statut de la fonction publique est un creuset à travailler pour améliorer les choses en la matière.
Il permet notamment des passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l’État. Ainsi, il y aurait des choses à imaginer pour que ce nouveau métier soit encadré dans le statut de la fonction publique territoriale et que les AESH puissent bénéficier de ces passerelles.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-228 rectifié bis est présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Decool, Wattebled et Menonville, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Belin et Somon, Mmes Belrhiti et Dumont et M. Détraigne.
L’amendement n° II-483 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° II-595 rectifié ter est présenté par Mmes Billon et Tetuanui, M. Levi, Mme Morin-Desailly, M. Canévet, Mme Vérien, MM. Kern et Duffourg, Mmes Férat et Doineau, MM. Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Longeot, Mmes Saint-Pé et de La Provôté, M. S. Demilly et Mme Herzog.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° II-228 rectifié bis.
Mme Colette Mélot. Le droit à l’éducation pour tous les enfants en situation de handicap est un droit fondamental, que le Président de la République a placé parmi les priorités de son nouveau mandat.
L’école inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves, de la maternelle au lycée, par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers.
Cet amendement d’appel tend à encourager le Gouvernement à revaloriser l’ensemble des rémunérations des AESH, à encourager ces derniers à exercer leur droit à la formation et à la validation des acquis de l’expérience et à leur proposer davantage de contrats à temps plein. Nous proposons un montant moins élevé que dans les amendements précédents, mais l’objectif est le même.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° II-483 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Il est défendu, monsieur le président. Le groupe du RDSE s’associe au combat en faveur des AESH.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° II-595 rectifié ter.
Mme Annick Billon. Cet amendement tend à abonder l’action n° 03, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, de 5 millions d’euros.
Je souscris naturellement aux propos qui viennent d’être tenus sur le métier d’AESH et il me semble que le montant que nous proposons est raisonnable.
M. le président. L’amendement n° II-898 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. L’amendement n° II-914, qui n’est pas un amendement d’appel, est significatif pour la commission des finances, eu égard au montant des crédits qu’il tend à ajouter.
Une augmentation des crédits de 5 % est simplement impossible à financer, dans la mesure où elle ponctionnerait significativement, une fois encore, le programme 230, « Vie de l’élève ». Or nous savons tous, les uns et les autres, que ce programme répond à de véritables besoins dans les établissements.
Tout en comprenant l’esprit et la pertinence des autres amendements qui sont en discussion commune et qui me semble être des amendements d’appel, la commission des finances en souhaite le retrait.
Les indications qu’a données M. le ministre, en particulier ce contact permanent avec les grandes associations nationales d’élus locaux, me paraissent être de bon augure et répondent en partie à la préoccupation de notre collègue Pascale Gruny, qui demandait que l’on passe de la parole aux actes.
On ne peut pas dire que rien n’est fait. De majorité en majorité, la prise en charge de l’enfant handicapé dans l’école inclusive a considérablement progressé.
Mais il nous faut reconnaître la diversité des handicaps et des besoins que les enfants handicapés expriment sur le chemin de leur intégration. Il est donc extraordinairement difficile de définir un standard absolu.
C’est pourquoi il nous faut déterminer, à l’échelle ministérielle comme locale, des critères d’action particulièrement fins.
Une prescription obligatoire qui ne serait ni discutée ni évaluée renforcerait les incertitudes et ne permettrait pas à la commission des finances, qui est gardienne des finances publiques, de cibler finement les crédits. Nous manquons encore d’une vision précise et d’une maîtrise dans l’organisation pratique.
Nous disposons déjà d’une belle enveloppe de crédits. Nous pourrions faire mieux, mais pour cela nous devons savoir comment organiser les choses, ce qui n’est pas le cas à ce stade.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Le Gouvernement partage la volonté exprimée ici d’augmenter la rémunération des AESH. Dès la rentrée 2023, les primes en éducation prioritaire leur seront versées, de même qu’aux AED.
Par ailleurs, tous les AESH bénéficieront, à la rentrée 2023 également – nous avons retenu en première lecture à l’Assemblée nationale un amendement allant en ce sens –, d’une augmentation inconditionnelle de 10 %.
Au-delà de ces avancées, l’effort de formation qui accompagne ce mouvement doit être souligné.
Plus généralement, il est nécessaire d’augmenter le temps de travail des AESH, car leur faible rémunération est liée à un temps de travail hebdomadaire trop faible, d’environ 24 heures. Nous devons tendre vers les 35 heures.
Dans cette perspective, nous travaillons avec les collectivités locales à la préparation de la prochaine Conférence nationale sur le handicap, qui doit engager l’acte II de l’école inclusive.
L’objectif est que les AESH soient payés à la hauteur des tâches qu’ils accomplissent et puissent atteindre un volume horaire de travail hebdomadaire leur permettant de toucher des rémunérations satisfaisantes.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
Je partage, je le répète, l’ambition de mieux rémunérer les AESH. Cette ambition aura des traductions concrètes dès la rentrée prochaine et elle prendra tout son sens dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, je dois dire que j’ai sursauté tout à l’heure, en vous entendant dire que le métier d’AESH était le deuxième métier de l’éducation nationale. Quel drôle de métier que ce métier dont on ne peut pas vivre correctement et qui est si peu attractif, si peu reconnu sur le plan institutionnel et autant dépourvu de perspectives de carrière !
Combien de remarquables AESH de première génération, qui ont su construire un vrai savoir-faire et un vrai savoir-être dans l’accompagnement des enfants, ont dû se résoudre à abandonner au profit d’un métier plus rémunérateur !
Pour que les AESH aient un véritable métier, il faut qu’ils aient un salaire et des conditions de travail dignes de ce nom.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Il me semble que le Sénat devrait envoyer un signal fort !
Nous travaillons depuis longtemps sur ce sujet. Nous savons combien la précarisation est inacceptable. Celles et ceux qui ont assisté aux auditions que nous avons menées dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation ont entendu les cris de détresse des AESH.
Nous savons parfaitement ce qu’il adviendra de notre vote… Peut-être pourrions-nous alors trouver le courage d’augmenter la rémunération des AESH et chacun prendra ses responsabilités !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai entendu les arguments de M. le rapporteur spécial et de M. le ministre. J’entends, bien entendu, les propos de notre collègue très engagée, Marie-Pierre Monier.
Je l’ai dit dans la discussion générale : nous partons de très loin et le budget est en hausse. Le nombre d’AESH augmente. Grâce aux Pial, l’organisation progresse, même si beaucoup reste à faire en matière d’égalité, notamment en ce qui concerne la formation.
Je retire mon amendement, en espérant que nous avancerons rapidement sur le sujet de l’accompagnement des enfants en situation de handicap.
Mme Colette Mélot. Je retire également mon amendement.
Mme Nathalie Delattre. J’en fais de même, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos II-228 rectifié bis, II-483 rectifié et II-595 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° II-914.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-915, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Nous abordons à présent la question du statut. Les AESH enchaînent majoritairement les contrats à durée déterminée (CDD) et moins de 20 % d’entre eux sont en contrat à durée indéterminée (CDI).
Aux difficultés liées à la rémunération et à la mobilité s’ajoute la grande précarité de la carrière. Le droit actuel prévoit que l’État employeur se doit de proposer à ces personnels un CDI au bout de six ans passés en CDD. C’est trop long !
Ces personnels doivent être sécurisés dans leur emploi. Nous appelons à ce que les AESH soient recrutés en CDI et bénéficient d’une formation adaptée dès le premier contrat, comme le prévoyait la proposition de loi de Michèle Victory adoptée en début d’année à l’Assemblée nationale, mais dans une version détricotée.
La stabilité de l’emploi est aussi un facteur d’attractivité. Nous vous appelons donc à voter cet amendement, qui débloque les moyens nécessaires à la titularisation des AESH.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. L’examen de la proposition de loi que vous évoquez, ma chère collègue, sera l’occasion d’un débat approfondi. En attendant ce dernier, je suggère le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez un plan de titularisation massif des AESH pour un coût de 100 millions d’euros.
Je vous rejoins sur la nécessité d’assurer l’attractivité de ce métier. C’est pourquoi, comme je l’ai indiqué, nous augmentons la rémunération des AESH de 10 %, ce qui représente une enveloppe de 80 millions d’euros intégrée au budget pour 2023.
J’ajoute que la création d’un corps de fonctionnaires aurait de nombreux inconvénients, qu’il faut bien mesurer, y compris pour les AESH eux-mêmes.
Plus largement, je rappelle qu’une concertation est lancée, à la fois pour assurer aux AESH une meilleure grille indiciaire et pour progresser vers les 35 heures.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame de Marco, l’amendement n° II-915 est-il maintenu ?
Mme Monique de Marco. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-915 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-918, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Jusqu’à une date récente, le temps d’accompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps périscolaire était à la charge de l’État.
Cette situation a été confirmée à diverses reprises par la jurisprudence, au motif légitime que l’État est le garant du service public de l’éducation et que, les temps périscolaires s’inscrivant dans la continuité des heures de cours, ils relèvent de ce service public.
Cette situation avait le mérite de la simplicité. Or, en novembre 2020, le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt de section, que la responsabilité financière du temps fourni par les AESH sur le temps périscolaire devait être en pris en charge par les collectivités.
Cette décision, en rupture avec l’idée et la pratique précédentes, revient à transférer les compétences de l’État vers les collectivités sans compensation financière. Or les collectivités n’en ont pas toutes les moyens.
Au-delà de l’aspect juridique, un enfant autiste qui doit être accompagné toute la journée, y compris durant le temps de la cantine scolaire et après les cours, se moque bien de savoir si son AESH dépend de la collectivité ou de l’État ! Il doit être accompagné en permanence et seul l’État peut assurer cette mission sans rupture d’égalité entre les situations et entre les territoires.
Par cet amendement, nous souhaitons donc débloquer les fonds nécessaires à la réintégration du temps périscolaire dans le giron de l’État. Si la question relève du domaine législatif, proposez-nous, monsieur le ministre, une évolution de la loi et nous serons ravis de l’étudier !
M. le président. L’amendement n° II-756 rectifié quater, présenté par MM. Brisson, Bas, Paul, Daubresse et Reichardt, Mme Puissat, M. Panunzi, Mme Di Folco, MM. Sautarel, C. Vial et Burgoa, Mme Garriaud-Maylam, M. Rietmann, Mmes Imbert, Gruny et Canayer, MM. Calvet et Meignen, Mmes Schalck, M. Mercier, Ventalon et Demas, M. Darnaud, Mmes Drexler et F. Gerbaud, M. Joyandet, Mme Borchio Fontimp, M. Bansard, Mme Garnier, MM. Mouiller, Bouloux et Babary, Mme Joseph, M. Bonhomme, Mme L. Darcos, M. Courtial, Mmes Lopez et Muller-Bronn, MM. Pointereau, Belin et Perrin, Mme Dumas, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Cadec, Mmes Malet et Jacques, MM. Sol, Pellevat et Genet, Mme de Cidrac, M. Bouchet, Mme Renaud-Garabedian, M. Savary, Mme Eustache-Brinio, MM. Klinger et Gremillet et Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève |
17 000 000 |
17 000 000 |
||
dont titre 2 |
17 000 000 |
17 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
17 000 000 |
17 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
17 000 000 |
17 000 000 |
17 000 000 |
17 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Mme de Marco a rappelé le contexte.
Mon amendement est d’abord un amendement d’appel, pour ne pas dire un amendement provocateur.
Pour les responsables des MDPH, l’accompagnement par un AESH doit aussi se faire pendant le temps de la restauration scolaire pour que la scolarisation soit effective.
La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées préconise également une prise en charge globale.
Le présent amendement vise à rappeler la nécessité d’assurer la continuité du temps de l’école qui, je le répète, ne se résume pas au temps de la classe.
Si notre pays s’oriente enfin vers une politique de prise en charge de l’enfant sur la journée entière, nous aurons réussi à changer de logiciel. Nous aborderons alors la question sous une autre focale qu’aujourd’hui et nous pourrons accompagner les enfants en situation de handicap sur l’ensemble du temps de l’école, y compris sur le temps périscolaire.
Monsieur le ministre, par cet amendement, je souhaite simplement que nous changions la focale – elle ne doit pas se réduire au temps scolaire.
J’ajoute que la transformation des contrats des AESH en CDI ne saurait régler la question à elle seule.
Il faut une politique globale, continue et partenariale de la prise en charge de l’enfant. Monsieur le ministre, vous évoquez la concertation en cours et la conférence nationale à venir. Pour l’instant, je vous sens peu enclin à changer réellement de focale et c’est peut-être là l’essentiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La complexité du sujet transparaît au travers des amendements qu’ont présentés avec beaucoup de conviction Mme de Marco et M. Brisson.
Elle milite dans le sens de la position de la commission des finances, qui est de demander le retrait de ces amendements, en attendant que nous ayons une vision plus globale et que les collectivités locales s’expriment.
Ces dernières assument en effet très largement la responsabilité du temps périscolaire, qu’elles définissent à la fois selon leurs moyens et selon leurs propres politiques. Je le répète, les situations sont très diverses.
La question de l’accompagnement des enfants en situation de handicap doit rester au cœur de nos préoccupations, mais nous devons prendre le temps d’approfondir le sujet dans sa complexité.
Je ne me sens pas en mesure de demander à notre assemblée de traiter, en l’espace de quelques minutes et en séance de nuit, une question qui implique la totalité des départements et des établissements scolaires.
Je demande donc le retrait de ces amendements, non parce qu’ils sont dénués d’intérêt, mais en raison de notre incapacité à traiter ce sujet dans ces conditions ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. La responsabilité de la prise en charge des enfants en situation de handicap pendant le temps périscolaire et, en particulier, pendant la pause méridienne incombe aux collectivités – la décision du Conseil d’État est tout à fait claire à ce sujet.
Nous travaillons donc, dans ce cadre, à améliorer la continuité des temps de prise en charge, en particulier pour les élèves présentant des troubles autistiques, lesquels ont des besoins plus importants en la matière.
Toutefois, sur l’ensemble des élèves en situation de handicap, une petite minorité seulement nécessite un accompagnement continu sur les temps scolaire et périscolaire.
Dès lors, les situations doivent se résoudre à l’échelle de chaque académie, au cas par cas.
Par ailleurs, le vote de crédits en PLF n’aurait pas d’effet sur la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, qui est déterminée par le législateur.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je veux remercier les différents collègues qui ont déposé des amendements sur la question des AESH.
Je doute qu’il existe une réponse simple à cette question, mais peut-être qu’en traitant les difficultés les unes après les autres, nous pourrons améliorer la situation des AESH et participer – nous la souhaitons tous – à la professionnalisation de ce métier.
En l’occurrence, je ne peux qu’inviter Max Brisson à retirer son amendement qu’il qualifie lui-même d’appel, et ce pour deux raisons.
La première est que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a lancé une mission sur ce sujet. Il est donc souhaitable d’attendre les résultats du travail que mènera notre collègue Cédric Vial. Notre objectif est de formuler des propositions concrètes sur ce problème, plus complexe qu’il n’y paraît, de l’articulation entre temps scolaire et temps périscolaire.
La deuxième raison est que nous sommes tous conscients que ce n’est pas une décision budgétaire qui modifiera la décision du Conseil d’État. La réponse à apporter est d’un autre ordre.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Nous avons tous compris le sens de la décision du Conseil d’État qui se réfère à la notion d’instruction obligatoire.
Cela dit, le statu quo que l’on observe depuis cette décision ne peut pas perdurer. À handicap équivalent, les situations sont en effet très diverses selon les communes, en particulier selon leur taille, et entre les types d’établissements, publics ou privés.
Cette extrême diversité de prise en charge n’est pas acceptable et nous devons sortir de cette impasse.
Au-delà de la mission flash de Cédric Vial et des travaux qui sont menés sur le sujet, le Sénat doit s’emparer de la question de la prise en charge de l’enfant sur le temps de l’école.
Il y a le temps de la classe et le temps de l’activité périscolaire. Il nous faut mener une politique globale d’accompagnement de l’enfant en situation de handicap afin d’assurer la continuité dans la prise en charge.
En tout cas, le statu quo actuel est intenable et je suis persuadé que notre intelligence collective et les bonnes résolutions nous permettront d’en sortir.
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° II-756 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-756 rectifié quater est retiré.
Madame de Marco, l’amendement n° II-918 est-il maintenu ?
Mme Monique de Marco. Non, je le retire, monsieur le président, mais j’espère que nous pourrons débattre de cette question de manière plus approfondie, parce que la situation actuelle pose de grandes difficultés aux petites communes.
M. le président. L’amendement n° II-918 est retiré.
L’amendement n° II-875 rectifié, présenté par Mme Monier, M. Chantrel, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
+ |
- |
+ |
- |
||
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||||
Vie de l’élève |
21 000 000 |
21 000 000 |
||||
dont titre 2 |
21 000 000 |
21 000 000 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
21 000 000 |
21 000 000 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||||
TOTAL |
21 000 000 |
21 000 000 |
21 000 000 |
21 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à octroyer aux AESH et aux AED le même montant d’indemnités REP et REP+ qu’aux autres personnels de l’éducation nationale.
En avril 2022, le Conseil d’État a imposé le versement de la prime éducation prioritaire aux AED exerçant dans les établissements concernés. Depuis, le ministre de l’éducation nationale a annoncé que la prime serait également versée aux AESH.
Si nous nous réjouissons, bien sûr, de cette avancée pour ces personnels essentiels, les projets de décret à venir concernant les primes REP et REP+ pour les AED et AESH ne prévoient pas les mêmes montants de prime que pour les autres personnels : 3 263 euros en REP+ et 1 106 euros en REP, contre 5 114 euros et 1 734 euros pour les autres professions.
Rien ne justifie un montant inférieur de primes, alors qu’elles sont fixes pour l’ensemble des autres personnels de l’éducation nationale.
Aussi, cet amendement vise à prévoir des crédits suffisants pour verser aux AESH et aux AED exerçant en établissement prioritaire les mêmes primes que celles versées aux autres personnels.
Les auditions menées dans le cadre de travaux préparatoires à l’examen de la proposition de loi des députés socialistes visant à lutter contre la précarité des AESH et des AED ont révélé les conditions extrêmement précaires d’exercice et de vie de ces personnels.
Les AESH perçoivent en moyenne une indemnité de 850 euros mensuels et vivent ainsi en dessous du seuil de pauvreté. Les AED, quant à eux, avec l’équivalent d’un Smic pour un temps plein, qu’ils n’effectuent généralement pas, d’ailleurs, sont dans une situation à peu près comparable. Ces professionnels sont pourtant très investis dans leur mission, d’autant plus quand ils exercent dans les REP.
Nous proposons donc d’augmenter de 11 millions d’euros les crédits du titre II de l’action n° 03, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, du programme 203, « Vie de l’élève ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La science des commissaires aux finances n’étant pas absolue, je demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Jusqu’à présent, les AESH et les AED ne bénéficiaient d’aucune prime en éducation prioritaire. Nous créons cette prime, ce qui représente une avancée significative.
D’un montant de 1 106 euros brut annuels en REP et de 3 711 euros brut annuels en REP+, ces primes montrent clairement notre volonté d’améliorer la situation de ces personnels.
Dès lors, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-504, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
200 000 000 |
200 000 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
200 000 000 |
200 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Nous proposons de renforcer les moyens alloués à l’enseignement professionnel, dont les crédits prévisionnels pour 2023 sont en baisse, compte tenu de l’inflation. Les réformes successives n’ont eu de cesse de réduire le nombre d’établissements, d’enseignants et d’enseignements.
Le projet du Gouvernement pour les lycées professionnels semble viser les mêmes objectifs. L’enseignement professionnel pourrait être une voie d’excellence, pour peu que l’on donne aux établissements les moyens de fonctionner correctement et que l’on valorise les métiers auxquels il forme.
M. le président. L’amendement n° II-920, présenté par M. Chantrel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
25 000 000 |
25 000 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
25 000 000 |
25 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
25 000 000 |
25 000 000 |
25 000 000 |
25 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Je souhaite associer à cet amendement ma collègue députée Fatiha Keloua Hachi et l’ensemble du groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, ils n’ont pas eu la possibilité de discuter des crédits de cette mission, pourtant si importants, à cause du 49.3.
La réforme en préparation de l’enseignement professionnel suscite beaucoup de craintes, en particulier l’augmentation de la durée du stage au détriment de l’enseignement général.
En 2021-2022, un peu plus de 520 000 élèves étaient accueillis en lycée professionnel pour suivre différentes spécialités qui demandent un suivi spécifique, et donc des moyens et un encadrement considérables.
Or non seulement les lycées professionnels ne bénéficient pas des mesures du Gouvernement concernant l’apprentissage, car les apprentis n’entrent pas dans leurs effectifs, mais les syndicats dénoncent également des transferts d’emplois de la voie professionnelle vers la voie technologique et générale, ainsi que des réductions d’horaires dans certaines disciplines.
Aussi, nous proposons d’augmenter les crédits ciblés sur les lycées professionnels de 25 millions d’euros.
M. le président. L’amendement n° II-933, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
1 |
1 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
1 |
1 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Quelqu’un a parlé tout à l’heure d’un amendement de provocation. Celui-ci souhaite d’abord provoquer le débat…
Monsieur le ministre, sur l’initiative de nos collègues Les Républicains, nous avons eu un débat sur l’enseignement professionnel voilà quelques semaines. Malheureusement, après deux heures d’échanges, un certain nombre de nos questions n’avaient toujours pas trouvé de réponses. Puisque l’enseignement professionnel est encore, au moins pour partie, sous votre responsabilité, je me permets de réitérer ces questions.
Comment faire pour maintenir un niveau d’enseignement théorique, professionnel et général, satisfaisant, lorsque sont ajoutés 50 % d’horaires de stage à ce qui existe déjà dans l’enseignement professionnel, sachant que de nombreuses heures d’enseignement ont déjà été supprimées ? De mémoire, je crois qu’il y a une heure trente par semaine de français et d’histoire-géographie en bac pro.
Par ailleurs, lorsque des stagiaires sont en entreprise, ils perçoivent une gratification au titre de ce stage. Si votre réforme aboutit, ils seront considérés comme des salariés. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, qui me semble intéressant au moment où l’on parle de l’avenir de l’éducation nationale ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ces sujets sont, certes, intéressants, mais nous souhaitons attendre la présentation de la réforme de l’enseignement professionnel pour en évaluer les modalités financières.
Ces amendements étant prématurés, nous en sollicitons le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Aujourd’hui, près de 5 milliards d’euros sont consacrés à l’enseignement professionnel sous statut scolaire.
Je rappelle d’abord que les professeurs de lycée professionnel sont également concernés par les hausses de rémunération dont nous avons parlé précédemment.
La réforme des lycées professionnels est en cours d’élaboration, avec des groupes de travail qui se réunissent depuis le 21 octobre sous l’égide de la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, Carole Grandjean. Par conséquent, ce PLF ne comporte pas de crédits supplémentaires alloués à ladite réforme qui se traduira budgétairement dans le PLF pour 2024.
J’y insiste, la réforme reste à écrire, mais nous avons posé plusieurs principes. D’une part, les lycées professionnels resteront bien dans le giron de l’éducation nationale. D’autre part, nous avons réaffirmé l’importance des savoirs fondamentaux dans la formation des lycéens professionnels.
Il n’y a pas de gratification, actuellement, pour les stages des lycéens professionnels, mais c’est quelque chose que nous envisageons.
Enfin, pour vous convaincre qu’une réforme est nécessaire, je vous rappelle la situation actuelle : deux ans après l’obtention du bac professionnel, près de la moitié des impétrants est au chômage. Cette situation n’est pas satisfaisante.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. L’amendement n° II-936, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Soutien aux collectivités territoriales : hausse des prix de l’énergie dans les établissements scolaires
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
Soutien aux collectivités territoriales : hausse des prix de l’énergie dans les établissements scolaires |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à prévoir des crédits pour les collectivités locales, qui ont à faire face à des dépenses énergétiques très importantes pour les établissements scolaires. Il s’agit des communes pour les écoles, des départements pour les collèges et des régions pour les lycées.
Cela s’apparente à ce qui avait été imaginé au moment de la crise du covid-19, quand l’État avait prévu des crédits pour faire face aux dépenses supplémentaires qu’impliquaient, pour les collectivités, les protocoles sanitaires. Nous reprenons la même somme.
J’en profite, monsieur le ministre, pour vous interroger très concrètement sur un sujet d’actualité. Voilà quelques heures qu’est évoquée avec de plus en plus d’insistance l’hypothèse, qui, je l’espère, ne se concrétisera pas, de délestages conduisant à des coupures d’électricité. Il semblerait que les établissements scolaires pourraient être concernés.
M. Michel Savin. Il faut prévoir des bougies…
Mme Céline Brulin. Les préfets adressent des circulaires aux maires pour leur demander d’organiser les choses afin de faire face à une telle situation. Je crois que vous rencontrerez demain les organisations syndicales d’enseignants à ce sujet. Le Parlement, et surtout le Sénat qui représente constitutionnellement les collectivités territoriales, a besoin de savoir comment les choses seront organisées.
La communauté éducative et les élus locaux ont très mal vécu les protocoles sanitaires décidés le dimanche soir pour le lundi matin, lorsque nous étions confrontés au pic de l’épidémie de covid-19. Personne ne veut revivre cela, de même que nous ne souhaitons pas que les enfants et les jeunes, qui ont fréquenté l’école par intermittence à cause de la crise sanitaire, connaissent de nouveau cette situation, si leur établissement est privé d’électricité.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Céline Brulin. Pouvez-vous nous éclairer, sans mauvais jeu de mots, sur la situation ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Avis défavorable. Le budget de l’enseignement scolaire n’est pas le bon véhicule pour protéger les collectivités contre la hausse des prix des combustibles.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. La mission « Enseignement scolaire » n’a effectivement pas vocation à porter ce type de dépenses en faveur des collectivités locales. Je rappellerai néanmoins que le Gouvernement a mis en œuvre une série de mesures à leur profit, que ce soit dans le PLFR ou dans ce PLF.
D’abord, il y a eu l’élargissement du filet de sécurité, pour 1,5 milliard d’euros.
M. Michel Savin. Il est troué !
M. Pap Ndiaye, ministre. Ensuite, la DGF a été augmentée de 320 millions d’euros.
Enfin, 80 % des communes bénéficient du bouclier tarifaire, c’est-à-dire des tarifs réglementés de l’électricité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Ne vous aventurez pas sur ce terrain !
M. Pap Ndiaye, ministre. Les collectivités qui ne sont pas concernées par le bouclier bénéficient de l’amortisseur tarifaire, qui permet la prise en charge par l’État de 50 % des surcoûts au-delà d’un prix de référence.
Elles bénéficieront aussi du fonds vert, qui est doté de 2 milliards d’euros. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Président de la République a par ailleurs annoncé un plan pour la rénovation thermique des écoles.
Madame Brulin, j’en viens à votre question. Dans certaines circonstances par nature imprévisibles à l’heure actuelle – une période de froid intense, le rythme de remise en charge des centrales nucléaires, les contraintes liées aux importations d’électricité, etc. –, il se pourrait, comme la Première ministre l’a indiqué, que des délestages programmés en peau de léopard, c’est-à-dire par secteur, surviennent.
Des établissements scolaires pourraient alors être concernés, mais les parents d’élèves et les élèves seront, bien entendu, prévenus de ces délestages, qui pourraient intervenir le matin, soit de 8 heures à 10 heures, soit de 10 heures à 12 heures. Le périscolaire pourrait également être touché de 18 heures à 20 heures.
Nous sommes obligés d’anticiper ces événements, car, sans électricité, les écoles et établissements scolaires ne peuvent pas accueillir les élèves dans des conditions de sécurité convenables, les systèmes d’alerte incendie étant désactivés.
Aussi, dans cette hypothèse qui, par définition, n’est pas certaine au moment où nous parlons, il pourrait être nécessaire d’organiser la rentrée des élèves en début d’après-midi, avec ou non l’ouverture de la cantine, selon une prévisibilité et une géographie que je ne peux pas déterminer à l’heure actuelle. (Signes d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’y insiste, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que les familles soient prévenues en temps et en heure.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, je ne suis pas du tout rassurée par vos explications.
M. Michel Savin. Moi non plus !
Mme Céline Brulin. Bien sûr, personne ici ne souhaite ces coupures. Nous n’allons pas nous lancer dans un débat sur l’énergie à cette heure et sur cette mission.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas le sujet !
M. Max Brisson. On perd du temps !
Mme Céline Brulin. Un certain nombre de services régaliens ou d’établissements, comme les hôpitaux, vont être alimentés en permanence. Pourquoi les écoles ne le seraient-elles pas ? Pourquoi en sommes-nous à envisager que nos élèves ratent des cours, parce que l’électricité va manquer ?
Vous nous dites que les parents seront prévenus. D’après mes informations, ce sera la veille… On va se retrouver avec des parents amenant leurs enfants devant les écoles et des maires dans l’obligation de se débrouiller.
M. Max Brisson. Revenons à la mission !
Mme Céline Brulin. Nous devons travailler ce sujet très sérieusement. Je pense que les pistes que vous évoquez, monsieur le ministre, nous mènent au-devant de graves problèmes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-883, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
51 707 047 |
51 707 047 |
||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
51 707 047 |
51 707 047 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
51 707 047 |
51 707 047 |
51 707 047 |
51 707 047 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à revenir sur la baisse des 1 117 ETPT dans le premier degré public pour la rentrée 2023.
À rebours de la priorité affichée par le Gouvernement pour le primaire depuis 2017, cette suppression apparaît difficilement compatible avec la poursuite de la politique de dédoublement des classes de CP, CE1 et grande section en REP et REP+ et de plafonnement à 24 élèves par classe.
Si ces objectifs sont louables, leur coût en ETP est important. Lors du précédent quinquennat, une partie de ce coût a été absorbé par le redéploiement des ETP précédemment mobilisés dans le dispositif « Plus de maîtres que de classes », lequel est aujourd’hui exsangue.
Le ministère justifie cette suppression par la baisse du nombre d’enfants. Cet argument rencontre des limites : il faut savoir que la France fait encore partie des pays européens avec le plus d’enfants par classe en primaire – 19 élèves contre 13,5 en moyenne dans l’Union européenne, 15 en Allemagne, 12 en Belgique ou 11 en Italie.
Cette diminution de nombre de postes risque par ailleurs de conduire à des fermetures de classes, lourdes de conséquences pour nos territoires ruraux, ainsi qu’à des non-remplacements de personnels absents, ce qui pénalisera aussi bien les élèves que la formation continue sur le temps de travail.
M. le président. L’amendement n° II-934, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons également empêcher la suppression des 1 117 postes prévue dans le premier degré du public.
Aux arguments qui viennent d’être développés par Marie-Pierre Monier, permettez-moi d’en ajouter un autre. Les objectifs de dédoublement en grande section, CP et CE1 en REP et REP+ devaient être atteints lors du quinquennat précédent. Il en est de même pour l’effectif maximum de 24 élèves pour toutes les autres classes. Tel n’est pas le cas. À ma connaissance, il y a encore près de 90 000 classes où les effectifs sont supérieurs à 25 élèves, ce qui est trop important.
En outre, il y a un problème avec les remplacements. Un nombre considérable d’enseignants qui sont absents pour maladie ou formation ne sont pas remplacés. Il serait d’ailleurs intéressant de calculer combien cela représente d’heures, de semaines ou de mois de cours dont les élèves sont privés.
Je crois me souvenir que, lors du Grenelle organisé par votre prédécesseur, monsieur le ministre, il a été question, à juste titre, de renforcer la formation continue des enseignants, ce qui implique de développer les moyens de remplacement. Autrement, chaque fois qu’un professeur ira se former, une classe se trouvera privée d’enseignant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable à ces amendements. Les effectifs d’enseignants doivent évoluer avec les effectifs d’élèves.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. En supprimant ces postes, nous prenons acte de la baisse des effectifs scolaires, en particulier dans le premier degré.
Le dédoublement des CP et CE1 en REP et REP+ est aujourd’hui achevé. Il nous reste à finaliser le dédoublement des grandes sections de maternelle, qui est aujourd’hui réalisé à hauteur de 74 %. Nous serons à 86 % l’année prochaine et à 100 % à la rentrée 2024.
Le taux d’encadrement dans le premier degré va s’améliorer, puisque nous allons passer de 21,6 à 21,3. Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. L’amendement n° II-890 rectifié, présenté par M. Chantrel, Mmes Monier et S. Robert, MM. Marie, Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à apporter des moyens supplémentaires aux personnels d’éducation.
Les conseillers principaux d’éducation (CPE), assistants d’éducation à domicile (AED), surveillants d’externat assurent des fonctions essentielles au bon déroulement de la scolarité d’un élève. Pourtant, depuis 2017, on compte au total 1 914 personnels d’éducation en moins, dont 1300 AED et 400 CPE. Le recrutement de 100 CPE pour 2023 ne suffira pas à combler la perte.
Sous le quinquennat de François Hollande, ces personnels avaient pourtant vu leurs effectifs croître de 2 518 unités. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Qu’a fait le Gouvernement, sous le précédent quinquennat, pour perdre ces professionnels si essentiels à la vie scolaire ?
Nous souhaitons revenir aux effectifs de 2017. Conscients que l’enjeu reste le manque d’attractivité de ces métiers, nous demandons par cet amendement une revalorisation des salaires de ces personnels d’éducation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. On ne fait pas de bonne politique budgétaire avec de bons sentiments ! Les résultats du quinquennat de M. Hollande ne prouvent guère que l’augmentation dont vous parlez ait réglé les problèmes de notre école… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Les CPE bénéficieront à la rentrée 2023, comme les professeurs, de mesures de revalorisation et les AED bénéficieront des primes REP et REP+, ce qui n’était pas le cas par le passé.
J’ajoute que, depuis la rentrée 2019, les AED qui préparent les concours pour devenir enseignants peuvent bénéficier d’un contrat de préprofessionnalisation.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-911, présenté par M. Chantrel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. La formation des enseignants doit être de qualité, dès l’entrée dans la profession, mais aussi tout au long de la carrière pour permettre un approfondissement sérieux des contenus didactiques et répondre à des besoins ciblés par les équipes selon leurs problématiques et aspirations personnelles.
C’est un besoin identifié au sein de la profession – 76 % des enseignants déclarent effectuer des tâches pour lesquelles ils auraient besoin de plus de formation – et cela conditionne bien évidemment la réussite de tous les élèves.
Ce besoin de moyens pour la formation continue est d’autant plus important que la réforme de la formation initiale instaurée par le Gouvernement sous le précédent quinquennat consiste à confier une classe à un enseignant stagiaire sans accompagnement. Cette technique de prétitularisation permet au passage au ministère de justifier la suppression de postes d’enseignant.
Afin de répondre à la crise des vocations, il importe de développer une politique de formation continue ambitieuse. En 2020, la loi de finances avait supprimé les crédits de ce poste de près de 30 millions d’euros. Nous proposons de rétablir cette somme pour répondre aux besoins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Avis défavorable. Hélas, les crédits de la formation permanente ne sont pas utilisés en totalité, ce qui prouve que la formation des enseignants est non pas un problème financier, mais un problème d’organisation et d’orientation. (M. Max Brisson acquiesce.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Une enveloppe de 1,8 milliard d’euros sera consacrée en 2023 à la formation des enseignants, soit une augmentation de 100 millions par rapport à l’année 2022. C’est une enveloppe ambitieuse qui permettra de financer la formation continue, sur le contenu et l’organisation de laquelle nous réfléchissons par ailleurs.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Nous touchons là du doigt l’une des divergences que nous avons avec vous, monsieur le ministre. Celle-ci expliquera d’ailleurs l’abstention d’une partie de notre groupe sur cette mission.
Vous décidez d’augmenter le budget, tout en annonçant que vous allez réfléchir à une autre organisation. Ne serait-il pas préférable que la réflexion sur l’organisation soit concomitante à l’augmentation du budget ? Curieuse pratique politique que de mettre toujours plus de moyens et de réfléchir après, c’est-à-dire jamais, à l’organisation du système ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° II-877, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à renforcer les moyens des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Les professeurs spécialisés et les psychologues scolaires sont des renforts utiles aux équipes enseignantes et aux parents.
Malheureusement, les alertes se multiplient dans un certain nombre de territoires sur les manques d’effectifs de ces réseaux, en forte dégradation depuis plusieurs années. Le nombre des agents en Rased a en effet diminué depuis dix ans.
Nous souhaitons qu’un moratoire s’applique à la fermeture des postes en Rased et que soit mise en place une carte des renforts nécessaires, en lien avec le collectif national des Rased. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à octroyer 30 millions d’euros supplémentaires au développement des Rased.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nous demandons le retrait de cet amendement, considérant qu’il ne répond pas à une nécessité absolue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Les moyens mis en œuvre au profit des Rased, qui représentent 10 300 emplois en 2021-2022, sont stables et suffisants pour répondre aux besoins.
Par ailleurs, nous poursuivons le dédoublement des classes en éducation prioritaire en grande section de maternelle et nous mettons en œuvre le principe d’éducation obligatoire à partir de l’âge de 3 ans.
Compte tenu de ces éléments, un abondement budgétaire supplémentaire n’est pas nécessaire. Avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-879, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à revaloriser les métiers de la médecine scolaire.
La France ne compte qu’un médecin pour 12 572 élèves et un infirmier pour 1 300 élèves. Les effectifs de ces personnels de santé de l’éducation nationale sont en chute libre : depuis 2017, on compte 30 % de médecins et 11 % d’infirmiers en moins dans le milieu scolaire.
La raison, nous la connaissons toutes et tous, c’est le manque d’attractivité de ces métiers. Celui-ci est lié à la faible rémunération et à la prise en charge simultanée de plusieurs établissements.
Pourtant, le besoin de médecins, d’infirmiers et de psychologues est crucial dans le milieu scolaire pour assurer le suivi médical des élèves et le repérage des situations relevant de la protection de l’enfance.
Le service de la médecine scolaire fonctionne si mal que nous sommes nombreux à vouloir en confier la responsabilité aux départements.
En attendant, afin de rendre ces métiers plus attractifs et, ainsi, de donner à ce secteur les moyens de lutter contre les inégalités sociales de santé au sein de l’école, nous proposons une revalorisation salariale des métiers de la médecine scolaire grâce à un abondement de 30 millions d’euros de la mission.
M. le président. L’amendement n° II-864 rectifié bis, présenté par Mmes Billon et Tetuanui, M. Levi, Mme Morin-Desailly, M. Canévet, Mme Vérien, MM. Kern, Détraigne et Duffourg, Mmes Férat, Doineau et Jacquemet, MM. Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Longeot, Mmes Saint-Pé et de La Provôté, M. S. Demilly et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. La situation de la médecine scolaire est de plus en plus critique, comme le montrent les chiffres présentés dans ce projet de loi de finances : il y avait 1 271 médecins scolaires en 2012 ; il n’y en a plus que 843 en 2022. Dans dix-neuf départements, il y aurait plus de 20 000 élèves sous la responsabilité d’un seul médecin.
Il y a là une urgence, même si le sujet n’est pas nouveau. Il faut donc trouver des solutions, et le niveau de rémunération ne sera pas suffisant pour rendre attractif le métier. Chacun d’entre nous connaît bien, malheureusement, la notion de désert médical, un sujet qui nous occupe à plein temps sur le terrain.
Je suis encore plus sensible à la question de la médecine scolaire après les travaux de la délégation sénatoriale aux droits des femmes qui ont conduit à la publication du rapport Porno : l’enfer du décor. Nous y avons dressé un tableau très préoccupant de l’industrie de la pornographie, à laquelle ont de plus en plus accès les mineurs, ce qui n’est pas sans poser de problèmes d’éducation à la sexualité.
La médecine scolaire peut contribuer à prévenir des comportements à risque, à faire du suivi médical et à recevoir la parole des enfants.
Je n’oublie pas la prostitution des mineurs, qui concernent de 7 000 à 10 000 jeunes aujourd’hui en France. Il faut les repérer pour pouvoir les accompagner. La médecine scolaire a un rôle à jouer à cet égard.
M. le président. L’amendement n° II-932, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Notre amendement vise également à revaloriser la rémunération des médecins scolaires pour rendre la profession attractive et combler les manques que nous connaissons aujourd’hui.
En complément de ce que viennent de dire mes deux collègues, je voudrais insister sur les nombreuses études qui montrent qu’après la crise sanitaire que nous avons vécue, la santé mentale et psychique des enfants et des jeunes est très dégradée. Nous avons ainsi plus que jamais besoin de renforcer la médecine scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances a donné un avis défavorable.
La démographie médicale est un problème général. On ne trouve pas non plus de médecins du travail, par exemple. Nous ne réglerons pas ce problème par ces amendements, avec des sommes à la fois importantes pour cette mission et insuffisantes pour modifier les tendances lourdes de la démographie médicale, qui préoccupent toute la population.
Je vais faire du Brisson dans le texte : réfléchissons avant de dépenser ! (Rires.)
Mme Pascale Gruny. Tout à fait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Je partage le point de vue du rapporteur spécial. J’ajouterai qu’un travail est actuellement mené par trois inspections générales – l’inspection générale de l’administration (IGA), l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) – qui devrait nous fournir une perspective globale sur la situation de la médecine scolaire.
Nous avons revalorisé de manière significative la rémunération des médecins scolaires, en augmentant de 45 % les indemnités de fonction et d’expertise en 2021 et 2022. Une nouvelle marche de revalorisation est prévue dans le PLF pour 2023.
Cela vaut également pour les infirmiers. D’ailleurs, le rendement des concours est satisfaisant en ce qui concerne ces derniers, des campagnes de communication ayant été menées dans les écoles d’infirmiers.
Quant aux psychologues scolaires, leur nombre a augmenté de plus 7 % entre 2017 et 2021.
Nous prévoyons une enveloppe substantielle de revalorisation de 6,8 millions d’euros en 2023 pour les médecins, les infirmiers et les psychologues de l’éducation nationale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, j’ai entendu vos arguments et je vais retirer mon amendement, d’autant qu’il n’a pas tellement de chances d’être adopté…
Il y a eu diverses alertes ces dernières années. Nous faisons face à un déficit de professionnels de santé dans les territoires et il est évident que vous ne trouverez pas de médecins du jour au lendemain, monsieur le ministre. Vous n’avez pas de baguette magique – nous non plus.
Le message que je souhaite vous faire passer, c’est que, si les territoires sont confrontés à un déficit de médecins, des solutions innovantes y sont également conçues pour le combler.
Par exemple, des sages-femmes s’installent dans de toutes petites communes considérées comme des déserts médicaux, ce qui permet de pallier le déficit de gynécologues.
J’aimerais que l’on puisse apporter des solutions pour résoudre cette situation dramatique pour les enfants.
M. le président. L’amendement n° II-864 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-879.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-935, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
25 000 000 |
25 000 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
25 000 000 |
25 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
25 000 000 |
25 000 000 |
25 000 000 |
25 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement porte sur les effectifs du second degré qui sont relativement inadaptés à l’augmentation de la population des élèves.
Je citerai notre rapporteur pour avis de la commission de la culture, M. Grosperrin, qui souhaitera peut-être s’exprimer à ma suite : dans son rapport, il indique que 12 millions d’euros dédiés aux heures supplémentaires n’ont pas été consommés.
Votre ministère, monsieur le ministre, applique une politique d’heures supplémentaires pour compenser le manque de postes, mais elle ne fonctionne manifestement pas, car les professeurs titulaires ne souhaitent pas les prendre.
Nous devons donc changer la façon de faire. La solution est sans doute d’ajouter des effectifs.
M. le président. L’amendement n° II-885, présenté par Mme Monier, M. Chantrel, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à rétablir les 481 ETP supprimés dans l’enseignement secondaire au titre de ce PLF pour 2023.
Pour rappel, 7 500 emplois ont été supprimés dans le secondaire entre 2018 et 2021 malgré une hausse des effectifs de 68 000 élèves.
La baisse de 5 000 élèves que nous enregistrerons en 2023 ne justifie donc pas de supprimer encore des postes. Elle constitue seulement un espoir de voir les conditions de travail des élèves et des enseignants s’améliorer légèrement.
Les conséquences des suppressions de postes se mesurent sur le terrain. Dans le département de la Drôme, par exemple, elles sont très concrètes : les établissements ont connu une ou plusieurs fermetures de classes, ce qui a gonflé les effectifs au détriment des conditions de travail tant pour les élèves que pour les enseignants.
Des postes supprimés, cela signifie aussi moins d’adultes présents dans l’établissement et donc moins d’accompagnement et de projets pour les élèves.
L’expérience nous montre que nous manquons déjà de postes. Je vous propose de renoncer à en supprimer davantage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Avis défavorable : c’est contraire à la politique de la commission des finances, qui souhaite que les effectifs soient adaptés en fonction de l’évolution du nombre d’élèves dans le secondaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Le budget prend en compte la baisse de 10 400 élèves dans le second degré et le schéma d’emplois proposé dans le PLF pour 2023 garantit la stabilité du taux d’encadrement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-234 rectifié, présenté par M. Anglars, Mmes Ventalon et Estrosi Sassone, MM. Sautarel, Savary, Darnaud et Favreau, Mme Gruny, M. Charon, Mmes Pluchet et Lassarade, MM. Belin, Bouchet, D. Laurent et Bonhomme, Mmes Dumont, Chauvin et Belrhiti, MM. B. Fournier et Burgoa, Mme Drexler, M. Houpert, Mme F. Gerbaud, MM. Klinger et Brisson, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Pointereau et J. B. Blanc, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
TOTAL |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Cet amendement et les treize suivants concernent l’installation des jeunes agriculteurs, et donc l’enseignement agricole.
En 1982, la France comptait 1,6 million d’exploitations agricoles ; il y en a actuellement 416 000. Depuis quarante ans, la France a perdu 30 000 exploitations par an, c’est-à-dire pour schématiser une exploitation par an et par commune.
Dans mon département, l’Aveyron, pour 180 jeunes qui s’installent, 300 agriculteurs arrêtent. Même si nous faisons partie, avec quelques départements bretons et les Pyrénées-Atlantiques, des territoires comptant le plus d’installations, la situation n’en demeure pas moins dramatique.
Le renouvellement des générations est donc un enjeu stratégique pour la France, pour sa souveraineté alimentaire, pour le maintien de nos paysages, pour une France des terroirs, vivante, pour une France rurale comme nous l’aimons.
Pour installer 20 000 agriculteurs par an, contre 13 000 aujourd’hui, il est indispensable de donner des moyens suffisants à l’enseignement agricole.
Il s’agit d’un amendement d’appel – et non d’appel au secours, mais presque – pour veiller à ce que l’enseignement agricole dispose des moyens nécessaires pour former ces jeunes qui seront la France de demain.
M. le président. L’amendement n° II-450 rectifié, présenté par M. J.M. Boyer, Mme N. Delattre, M. Duplomb, Mme Férat, M. D. Laurent, Mmes Chauvin et Gruny, MM. Pointereau et Rietmann, Mme Puissat, M. C. Vial, Mme Dumont, MM. Chatillon et Charon, Mme Berthet, MM. Decool, J.P. Vogel, Mouiller, Belin, Bacci, Bonhomme, Burgoa et Gremillet, Mmes Bellurot et de La Provôté, MM. Détraigne et Savary, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Allizard et Bouchet, Mmes F. Gerbaud, Joseph, Belrhiti et Billon, M. Brisson, Mmes Boulay-Espéronnier et Espagnac, MM. Chaize et A. Marc, Mmes Havet et Imbert, MM. Wattebled et Levi, Mme Drexler, M. Laménie, Mme Lopez et MM. Favreau, Klinger et Genet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
TOTAL |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-601 rectifié bis, présenté par Mmes Billon et Tetuanui, M. Levi, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Canévet, Mme Vérien, MM. Kern, Détraigne et Duffourg, Mmes Doineau et Jacquemet, MM. Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Longeot, Mme de La Provôté, M. S. Demilly et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
TOTAL |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. L’idée de cette série d’amendements est de donner davantage de moyens à l’enseignement agricole. Il s’agit d’un type d’enseignement performant, insuffisamment connu par les enfants et les familles, en particulier quand on parle d’orientation.
L’agriculture a besoin de ces moyens supplémentaires. La moitié des agriculteurs va partir à la retraite dans les années à venir ; il faut les remplacer. Pour cela, nous avons besoin de compétences. Donnons-nous les moyens de former des jeunes.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-876 est présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-941 est présenté par MM. Labbé et Dossus, Mme de Marco, MM. Salmon, Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec et Fernique et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
29 225 000 |
29 225 000 |
||
TOTAL |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
29 225 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° II-876.
Mme Marie-Pierre Monier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° II-941.
M. Jacques Fernique. Cet amendement de mon collègue Joël Labbé vise lui aussi à soutenir l’enseignement public agricole à hauteur de 29,225 millions d’euros. Cet enseignement constitue un outil essentiel pour notre agriculture et nos territoires.
Le renouvellement des générations nous impose de former des agriculteurs : 250 000 exploitants auront atteint l’âge de la retraite en 2026, alors que nous n’installons actuellement que 13 000 nouveaux agriculteurs par an.
Il s’agit également d’un enseignement qui est indispensable à la nécessaire transition agroécologique.
M. le président. L’amendement n° II-942, présenté par MM. Labbé et Dossus, Mme de Marco, MM. Salmon, Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec et Fernique et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
15 252 000 |
15 252 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
15 252 000 |
15 252 000 |
||
TOTAL |
15 252 000 |
15 252 000 |
15 252 000 |
15 252 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Il s’agit d’un amendement de repli visant à revenir sur les suppressions de postes massives de ces dernières années par une dotation de 15,252 millions d’euros.
M. le président. L’amendement n° II-880 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
||
Enseignement technique agricole |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
||
dont titre 2 |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
||
TOTAL |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
15 251 449,90 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-235 rectifié bis, présenté par MM. Anglars, Sautarel, Pointereau, D. Laurent et J. B. Blanc, Mme Ventalon, MM. Savary et Favreau, Mme Gruny, M. Charon, Mme Lassarade, MM. Belin, Bouchet et Bonhomme, Mmes Dumont, Estrosi Sassone, Chauvin et Belrhiti, MM. B. Fournier et Burgoa, Mme Drexler, M. Houpert, Mme F. Gerbaud et MM. Klinger, Brisson et Darnaud, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
dont titre 2 |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
TOTAL |
3 600 000 |
3 600 000 |
3 600 000 |
3 600 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Cet amendement a un objet similaire aux précédents : redonner les moyens en personnel pour réaliser l’objectif que j’ai indiqué en ce qui concerne la formation des jeunes aux métiers de l’agriculture.
M. le président. L’amendement n° II-881 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
Enseignement technique agricole |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
dont titre 2 |
3 600 000 |
3 600 000 |
||
TOTAL |
3 600 000 |
3 600 000 |
3 600 000 |
3 600 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à rétablir un nombre d’emplois suffisant dans l’enseignement public agricole pour assurer la conformité avec les grilles horaires réglementaires et le nouveau programme du baccalauréat.
La récente réforme du lycée repose en partie sur la variété des enseignements pouvant être choisis par les élèves. Dans l’enseignement agricole public, la baisse continue des ETP, mais aussi des dotations depuis plusieurs années ne permet pas d’assurer l’offre minimale de 30 000 heures d’enseignements facultatifs ni le minimum d’une option par lycée, mentionnés par les référentiels-programmes, y compris pour les matières les plus essentielles dans ces formations, comme les mathématiques ou l’agronomie.
L’objet de cet amendement est donc de rétablir 46 ETP pour préparer les élèves de l’enseignement agricole public à la transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires, en leur offrant des possibilités variées de développer leurs connaissances et leurs savoir-faire, mais aussi de simplement assurer dans chaque lycée les enseignements de base nécessaires à la préparation du baccalauréat.
M. le président. L’amendement n° II-938, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
3 579 421 |
3 579 421 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
3 579 421 |
3 579 421 |
||
TOTAL |
3 579 421 |
3 579 421 |
3 579 421 |
3 579 421 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Il est très proche de celui que vient de – très bien – défendre Marie-Pierre Monier, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-878 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
||
Enseignement technique agricole |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
||
dont titre 2 |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
||
TOTAL |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
1 556 270,40 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Est-ce que beaucoup de salariés accepteraient de travailler une heure payée une demi-heure ? Il me semble que non. Or c’est pourtant ce qu’il se passe pour l’accompagnement personnalisé des élèves de la filière technologique agricole.
Cet amendement vise ainsi à rétablir 20 ETP pour la rentrée 2022-2023, afin d’assurer de façon pérenne le paiement d’une heure payée pour une heure effectuée.
Il me semble que la directrice générale de l’enseignement et de la recherche avait pris un engagement en ce sens et que le Gouvernement a reconnu, à l’occasion d’une réponse à une question écrite posée par une députée parue au Journal officiel du 1er septembre 2020, qu’il s’agissait bien d’heures d’enseignement et non d’heures supplémentaires occasionnelles. Depuis, cet engagement n’a pas été confirmé par les faits.
Le coût moyen de ces 20 ETP est estimé à 1 556 270 euros. Aussi proposons-nous d’augmenter les crédits du programme « Enseignement technique agricole ».
M. le président. L’amendement n° II-600 rectifié bis, présenté par Mmes Billon et Tetuanui, M. Levi, Mme Morin-Desailly, M. Canévet, Mme Vérien, MM. Kern, Détraigne et Duffourg, Mmes Férat, Doineau et Jacquemet, MM. Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Longeot, Mmes Saint-Pé et de La Provôté, M. S. Demilly et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
1 197 889,70 |
1 197 889,70 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
1 197 889,70 |
1 197 889,70 |
||
TOTAL |
1 197 889,70 |
1 197 889,70 |
1 197 889,70 |
1 197 889,70 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Il est toujours question des moyens humains de l’enseignement agricole, en l’occurrence la création de 16,6 ETP pour une matière essentielle : l’enseignement moral et civique.
Enseigner et promouvoir les valeurs de la République est indispensable. Pourtant, ces heures d’enseignement n’existent pas. Cet amendement vise à combler cette lacune.
M. le président. L’amendement n° II-939, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
1 197 889 |
1 197 889 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
1 197 889 |
1 197 889 |
||
TOTAL |
1 197 889 |
1 197 889 |
1 197 889 |
1 197 889 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise à combler une grosse lacune dans l’enseignement agricole : l’absence d’enseignement sur les valeurs de la République – nous avons eu des débats intenses dans cet hémicycle sur cet enseignement.
Ce qui manque en particulier, ce sont des horaires consacrés à l’instruction civique. En 2022, monsieur le ministre, vous avez, faute de moyens, essayé de grappiller des heures sur différentes disciplines pour assurer, de façon très précaire, cet enseignement. Nous vous proposons des postes de titulaires pour pouvoir le faire réellement.
Il serait incompréhensible que les élèves des lycées agricoles ne puissent pas suivre des cours d’instruction civique comme dans les autres établissements.
M. le président. L’amendement n° II-882 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
1 082 430 |
1 082 430 |
||
Enseignement technique agricole |
1 082 430 |
1 082 430 |
||
dont titre 2 |
1 082 430 |
1 082 430 |
||
TOTAL |
1 082 430 |
1 082 430 |
1 082 430 |
1 082 430 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à rétablir une partie des emplois supprimés depuis 2019 dans l’enseignement technique agricole, qui permettaient d’assurer les dédoublements obligatoires dans les établissements.
Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) reconnaissait, dans un rapport remis en 2020, que la réforme des seuils de dédoublement dans l’enseignement technique agricole était avant tout liée à la diminution du nombre d’ETP dans les établissements décidée en parallèle par le Gouvernement.
Ainsi, les seuils de dédoublement des classes, en plus d’être augmentés de trois élèves, sont devenus indicatifs et non obligatoires. Selon les retours de terrain, cela met parfois en danger les élèves, notamment lorsqu’ils doivent travailler avec de grands animaux.
L’autre objectif annoncé de cette réforme était de soutenir l’augmentation des effectifs d’élèves dans l’enseignement technique agricole. Or le seul moyen d’atteindre cette cible est d’assurer le maintien d’effectifs et de moyens pédagogiques adéquats.
L’enseignement en groupes réduits, quitte à ouvrir de nouvelles classes dans les établissements, permet un apprentissage de qualité, mais aussi un meilleur respect des conditions de sécurité, en particulier lors des travaux dirigés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ces quatorze amendements concernent des sujets variés, même s’il s’agit toujours de l’enseignement agricole, enseignement auquel la commission des finances est très attachée.
L’enseignement agricole irrigue notre territoire, qu’il s’agisse de l’enseignement public ou privé, notamment les maisons familiales rurales. Nous y sommes donc très attentifs.
Un effort significatif a été réalisé cette année, mais il ne s’accompagne malheureusement pas d’une augmentation en proportion des élèves.
C’est un peu la question de la poule et l’œuf : par quoi commencer ? Notre offre d’enseignement, pas seulement agricole, mais sur toutes les formations aux métiers de la ruralité, a besoin de moyens.
Malgré un préjugé favorable sur ces amendements, je demande l’avis de M. le ministre : est-ce une nécessité absolue ?
Je précise que je m’exprimais sur les amendements portant sur les moyens de l’enseignement agricole dans sa globalité ; nous pourrons ensuite aborder les questions de l’enseignement civique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je suis très heureux d’être ici ce soir pour aborder la question de l’enseignement agricole devant vous. Cela prouve notre volonté, à mon collègue Pap Ndiaye et moi-même, mais aussi celle de l’ensemble du Gouvernement, de reconnaître la spécificité de l’enseignement agricole. Nous sommes persuadés que chaque jeune doit pouvoir trouver sa voie.
Tout d’abord, en ce qui concerne la question des effectifs, il ne s’agit pas tout à fait de l’histoire de la poule et de l’œuf, monsieur le rapporteur spécial. Les effectifs scolaires sont en légère baisse, mais les effectifs en apprentissage sont en hausse ; au total, les effectifs sont donc stables, voire en légère hausse.
L’objectif est bien de mettre en adéquation les effectifs avec les besoins des élèves. Voilà ce à quoi nous nous employons dans ce budget.
Quelques chiffres sur l’enseignement agricole : 18 000 agents relèvent du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; il y a plus de 800 établissements, qui sont très présents dans les territoires – c’est un ancrage précieux – ; nous comptons 155 000 élèves, 57 000 apprentis et 16 000 étudiants dans l’enseignement supérieur ; enfin, 200 métiers sont enseignés dans ces établissements. C’est dire la variété et la diversité de l’enseignement agricole dans notre pays.
De plus, le taux de réussite est exceptionnel – nombreux sont ceux qui le saluent. Ainsi, je me réjouis de la qualité de l’enseignement agricole.
Au travers de ce budget, nous avons avant tout cherché à encourager les équipes pédagogiques, qui sont très mobilisées et qui s’inscrivent dans une logique inclusive.
Je m’exprimerai à ce stade sur les amendements nosII-234 rectifié, II-450 rectifié, II-601 rectifié bis, II-876, II-941 et II-942 qui portent sur la question des moyens.
En écho aux propos de M. Brisson, nous mettons des moyens à la hauteur des besoins des élèves.
De nouveaux éléments figureront dans la future loi d’orientation et d’avenir agricoles. Permettez-moi cette expression qui va comme un gant à l’enseignement agricole : il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. (Sourires.)
Il ne faut pas commencer par se poser la question des effectifs, puis celle de l’attractivité. Nous devons d’abord travailler sur l’attractivité des métiers, en augmentant les rémunérations et en levant certaines contraintes – nous en avons débattu hier lors de l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Madame Delattre, il me semble que l’enseignement agricole reste plutôt attractif. Dans une démographie scolaire globalement décroissante, les effectifs croissent, bien que légèrement, de plus de 1 %. La stratégie de communication me semble donc aller dans la bonne direction.
La future loi d’orientation et d’avenir déterminera les moyens les plus adéquats pour renforcer l’attractivité et faciliter l’orientation des jeunes vers ces métiers.
Je précise, madame Billon, que les effectifs sont quasiment paritaires dans l’enseignement agricole – il y a même légèrement plus de jeunes femmes que de jeunes hommes. J’ajoute que, pour les jeunes femmes, les effectifs diminuent de 4 % dans les métiers de services, cependant qu’ils augmentent de 5 % dans les métiers de production. Autrement dit, la tendance que vous appelez de vos vœux est déjà amorcée.
Le PLF pour 2023 renforce les effectifs en personnel, notamment ceux consacrés à la gestion des ressources humaines. Il ne vous a pas échappé que 36 emplois sont créés sur le programme 215, dont une dizaine sera affectée au service des ressources humaines. En effet, lorsque nous avons rencontré, Pap Ndiaye et moi-même, les organisations syndicales, nous avons bien compris qu’il y avait un problème de gestion des ressources humaines. Nous essayons d’écouter et d’ajuster les dispositifs.
Au-delà du cas particulier que vous avez évoqué en Vendée, qui est une anomalie, madame Billon, il s’agit effectivement d’un sujet de tension. Nous n’en faisons grief à personne, mais nous nous devons de répondre aux questions et aux sollicitations. C’est l’objet de ces augmentations de postes qui sont intégrées au budget.
Cela étant dit, le budget étant à mon sens bien ajusté, le Gouvernement demande le retrait de cette série d’amendements ; à défaut, il émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je crains malheureusement d’être dans l’obligation, au nom de la commission des finances, de demander le retrait de ces amendements, tout en formulant le vœu que les besoins soient satisfaits.
L’enseignement agricole quadrille l’ensemble du territoire, et sa polyvalence est un véritable succès. Je ne voudrais pas que des élus nous disent que nous les avons privés de moyens dont ils avaient besoin. Ce n’est manifestement pas le cas…
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Juré craché, monsieur le ministre ? (Sourires. – M. le ministre acquiesce.)
Dans ce cas, je demande aux auteurs des amendements nos II-234 rectifié, II-450 rectifié, II-601 rectifié bis, II-876, II-941, II-942, II-880 rectifié, II-235 rectifié bis, II-881 rectifié et II-938 qui visent à augmenter de 29 millions d’euros, 15 millions et 3,6 millions les crédits de la mission de bien vouloir les retirer, sachant que nous avons en quelque sorte un otage, le ministre de l’agriculture, qui est venu pour la première fois défendre ce programme. (Nouveaux sourires.)
M. le ministre nous dit qu’avec les 70 millions supplémentaire de cette année, il boucle son budget et ne dit non à personne. (M. le ministre le confirme.) Il l’a dit ! (Nouveaux sourires.)
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émet un avis défavorable.
Il en sera de même pour les amendements nos II-878 rectifié, II-600 rectifié bis, II-939 et II-882 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les autres amendements en discussion commune ?
M. Marc Fesneau, ministre. En ce qui concerne les amendements nos II-880 rectifié à II-882 rectifié, je confirme que nous ajustons les moyens au mieux en fonction de ce qui nous paraît être les besoins des territoires. Nous augmentons légèrement les effectifs – il me semble important de le souligner.
Je reviens à l’amendement n° II-450 de M. Boyer et Mme Delattre, dont j’ai demandé le retrait, afin de remercier Mme la rapporteure pour avis de son travail. Je partage ses propos quant à la vigilance que nous devons avoir sur un certain nombre de sujets ; nous avons d’ailleurs eu un échange fructueux en commission, qui m’a permis d’apporter quelques précisions et de montrer que nous engageons bien les moyens nécessaires.
S’agissant de l’ensemble des amendements visant à rétablir des emplois supprimés, j’aimerais que vous reconnaissiez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes sortis d’une période de diminution des effectifs – cette diminution a d’ailleurs été moindre en net que certains chiffres que j’ai entendus. Nous sommes maintenant dans un moment de stabilisation.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, il émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° II-878 rectifié qui prévoit le rétablissement de 20 ETP, je confirme à Mme Monier que les suppressions de postes ont été corrélées à la diminution des effectifs. Je vous assure, madame la sénatrice, que les référentiels et les volumes horaires prévus dans l’accompagnement personnalisé sont respectés et que les élèves de la voie technologie en bénéficient tous.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° II-878 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Madame Billon, permettez-moi, sur la question de l’enseignement moral et civique, d’évoquer une figure du ministère de l’agriculture, Edgard Pisani, auquel nous sommes nombreux à nous référer encore aujourd’hui.
M. Pierre Ouzoulias. C’est une référence !
M. Marc Fesneau, ministre. C’est ce dernier qui a intégré l’enseignement socioculturel dans l’enseignement agricole. Il s’agit d’une tradition, dans les établissements agricoles, que de dispenser des cours d’éducation civique.
Par ailleurs, ces établissements sont ouverts aux échanges internationaux. Les crédits alloués et les stratégies déployées – les établissements disposent d’une grande autonomie en la matière –, sont suffisants ; il n’est pas nécessaire d’ajouter des crédits supplémentaires.
Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos II-600 rectifié bis et II-939 ; à défaut, il émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. L’amendement n° II-450 rectifié que M. Boyer et moi-même avons déposé s’inscrit dans le cadre des travaux de la mission d’information sur l’enseignement agricole, que j’ai déjà évoqué.
La trajectoire fixée par le Gouvernement est favorable depuis deux ans : l’an dernier, vous aviez annulé la suppression de 110 ETP et, cette année, vous stoppez l’hémorragie en créant 15 ETP dans le médico-social.
Toutefois, nous souhaitions vous alerter par cet amendement sur le fait que l’enseignement agricole demande une pédagogie par petits groupes. Aussi serons-nous très vigilants sur le recrutement d’enseignants supplémentaires – c’est une nécessité.
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission de la culture, à nous tenir informés du prochain plan pluriannuel que vous allez négocier. Il me semble par conséquent que vous avez compris l’alerte.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-450 rectifié est retiré.
La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Tout d’abord, je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence. C’est la première fois que le ministre de l’agriculture est présent au banc pour le débat sur la mission « Enseignement scolaire ».
Le prédécesseur du ministre de l’éducation nationale a connu des moments difficiles, se trouvant parfois dans l’incapacité de répondre à nos questions. Aussi votre présence est-elle un signal important pour le Sénat.
Par ailleurs, monsieur le ministre de l’éducation nationale, je crois que nous avons tout intérêt à regarder ce qui se fait dans l’enseignement agricole en matière d’enseignements généraux. Au moment où vous envisagez de réformer la voie professionnelle, il y a certainement beaucoup à apprendre.
Je pense en particulier à la qualité de l’enseignement dit socioculturel, qui constitue un enseignement civique de grande qualité, même s’il n’en porte pas le nom, car, à l’époque de M. Pisani, nous n’employions pas tout à fait le même vocabulaire…
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je me félicite des réponses qui ont été données par le ministre de l’agriculture, ainsi que de sa présence ce soir.
Je me suis permis, dans la discussion générale, de vous faire part d’un cas particulier dans un lycée vendéen, parce qu’il dénote un problème important dans la manière de gérer les ressources humaines du ministère. Vous avez répondu à mon interpellation – je vous en remercie.
Ayant obtenu des réponses à mes questions, même si celle sur les horaires consacrés à l’enseignement civique mérite d’être creusée, je retire mes deux amendements.
M. le président. Les amendements nos II-601 rectifié bis et II-600 rectifié bis sont retirés.
La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Anglars. Eu égard aux propos tenus par M. le rapporteur spécial et aux réponses apportées par M. le ministre, je retire mes deux amendements.
M. le président. Les amendements nos II-234 rectifié et II-235 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-876 et II-941.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, il est presque minuit, il nous reste trois quarts d’heure pour examiner 25 amendements.
M. Pierre Ouzoulias. On va y arriver !
M. le président. J’invite donc chacun à la concision, y compris MM. les ministres. (Sourires.)
L’amendement n° II-454 rectifié sexies, présenté par Mme N. Delattre, MM. J.M. Boyer, Lemoyne, Somon et Cadic, Mme Di Folco, MM. Requier, Chasseing et Louault, Mme Espagnac, MM. Brisson et Meurant, Mme Sollogoub, MM. Cabanel et Guerriau, Mmes Belrhiti, Férat et M. Carrère, MM. Détraigne et Bonhomme, Mme Gruny, MM. P. Martin, Artano, Chatillon et Anglars, Mme Ventalon, M. Longeot, Mme Perrot, M. Cazabonne, Mme Pantel, MM. Savary, Wattebled et Burgoa, Mmes Guidez et de La Provôté, M. Rietmann, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Klinger, Menonville, Guiol, Bilhac, Corbisez, Guérini et Roux, est ainsi libellé :
ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement, cosigné par une cinquantaine de sénateurs, fait suite à la mission d’information, présidée par Jean-Marc Boyer, dont j’ai été la rapporteure.
Cette mission a fait de nombreux constats : l’excellence de l’enseignement agricole, sa qualité pédagogique, son taux élevé de réussite, le taux d’insertion des élèves, bien plus haut que celui des filières générales, etc. Mais nous avons aussi constaté que beaucoup de jeunes connaissaient mal, voire pas du tout, les métiers de l’agriculture.
Notre rapport comprenait une préconisation forte sur la communication, qui permettrait une reconnaissance, mais surtout une connaissance des filières et des métiers, alors que nous savons qu’il y a urgence à les développer pour assurer notre souveraineté et notre résilience alimentaires.
Comme je l’ai dit dans la discussion générale, 10 millions d’euros avaient été investis voilà deux ans à des fins de communication, avec le camion orange « L’aventure du vivant ».
Cela a été un point de divergence entre nous durant votre audition, monsieur le ministre. Pour notre part, nous avons globalement le sentiment de ne pas avoir vu de communication cette année, ce dont vous vous êtes un peu étonné. Notre ressenti est pourtant très fort.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement visant à augmenter le budget de la communication afin de rendre visible cet enseignement, qui est indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Favorable.
Il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour ! En l’occurrence, 2 millions d’euros nous permettent d’affirmer notre soutien à l’enseignement agricole et à sa promotion.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, vous avez évoqué notre désaccord en commission, mais on ne peut pas dire à la fois que l’on ne sait pas trop ce qui a été fait des moyens du budget pour 2022 et qu’il faut ajouter des crédits. Cela me paraît quelque peu contre-intuitif.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Comme je l’ai dit en commission, nous allons procéder à une analyse précise des campagnes d’information que nous avons lancées, mais, au fond, il n’y a que les résultats qui comptent. Or, cette année, il y a davantage d’élèves dans l’enseignement agricole.
Par ailleurs, mon collègue Pap Ndiaye et moi-même avons la ferme intention de travailler sur les questions d’orientation et de présentation des métiers agricoles.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Et ruraux !
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° II-454 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-454 rectifié sexies.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-776 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Cet amendement fait suite au rapport de nos collègues Henri Cabanel et Françoise Férat sur les suicides en agriculture.
Il vise à intégrer aux programmes des modules relatifs à la connaissance d’indicateurs de bien-être et à la prévention du burn-out, mais aussi une formation aux tâches administratives, que les jeunes ont du mal à quantifier : comptabilité, évaluation des normes environnementales, procédure de demandes d’aides…
Il tend, en conséquence, à augmenter les crédits de l’enseignement technique agricole de 1 million d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cette formation est déjà délivrée par les établissements. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Je salue le travail qui a été réalisé par les sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat sur la question du mal-être des agriculteurs. L’ancien député Olivier Damaisin a également beaucoup travaillé sur cette question.
Des enseignements sont déjà délivrés dans les lycées.
En outre, une mission a été lancée voilà quelque temps dans le cadre du plan de lutte contre le suicide et le mal-être en agriculture. Je peux vous annoncer ce soir qu’elle sera prolongée.
Il est nécessaire de continuer de travailler sur ces sujets et d’exercer une vigilance particulière, département par département, mais, pour ce qui est de l’enseignement agricole, les choses sont faites, me semble-t-il, sérieusement.
Dans ces conditions, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Gold, l’amendement n° II-776 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-776 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-886 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
728 070 |
728 070 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
728 070 |
728 070 |
||
TOTAL |
728 070 |
728 070 |
728 070 |
728 070 |
SOLDE |
0 |
0 |
a parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Malgré plusieurs années d’efforts pour ramener le coût de la rémunération des assistants d’éducation de l’enseignement agricole au niveau de celui de l’éducation nationale, le PLF pour 2023 continue à amplifier l’écart à 580 euros par agent, soit 728 070 euros, écart cumulé à remettre à niveau au regard des crédits alloués à l’éducation nationale dans ce PLF.
À noter que le salaire des agents étant le même qu’ils soient à l’éducation nationale ou en lycée agricole, ce sont les établissements agricoles, du fait de la différence de crédits, qui sont contraints de rémunérer les agents sur leurs fonds propres ou, parfois, de limiter l’emploi d’assistants d’éducation, compromettant l’encadrement et la sécurité des élèves.
Cet amendement vise donc à porter les crédits au titre des personnels assistants d’éducation de l’enseignement agricole à une hauteur équivalant à ceux du ministère de l’éducation nationale.
M. le président. L’amendement n° II-943, présenté par MM. Labbé et Dossus, Mme de Marco, MM. Salmon, Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec et Fernique et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
728 000 |
728 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
728 000 |
728 000 |
||
TOTAL |
728 000 |
728 000 |
728 000 |
728 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Il va dans le même sens que celui qui vient d’être remarquablement défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission sollicite le retrait de cet amendement.
À titre personnel, je souhaite entendre l’avis du ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Vous aurez noté l’effort que nous vous proposons : il permet d’abonder de 3,36 millions d’euros les crédits consacrés aux rémunérations.
L’idée est bien de converger. Nous sommes quasiment à l’alignement. Il me semble donc que votre amendement est satisfait.
Par conséquent, le Gouvernement en sollicite le retrait. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Van Heghe, l’amendement n° II-886 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sabine Van Heghe. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Fernique, l’amendement n° II-943 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-1256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
565 000 |
565 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
565 000 |
565 000 |
||
TOTAL |
565 000 |
565 000 |
565 000 |
565 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. C’est après les échanges que nous avons eus que mon collègue ministre de l’éducation nationale et moi-même vous présentons cet amendement, qui vise à abonder de 565 000 euros la ligne budgétaire consacrée au programme « Enseignement technique agricole » pour augmenter de 50 % les crédits consacrés au fonds social lycéen.
Ce point a été abordé par votre rapporteur. L’objectif est d’essayer d’intégrer ce dispositif dans le cadre de l’enseignement agricole. Cela permettra d’apporter un soutien accru aux familles en difficulté, quel que soit le type d’enseignement, y compris l’enseignement agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission n’a pas eu le temps d’examiner cet amendement, qui est arrivé tardivement.
Spontanément, j’émettrai plutôt un avis favorable, en rappelant cependant, monsieur le ministre, que les fonds sociaux ne sont pas toujours utilisés dans leur totalité.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. Lors de votre audition, monsieur le ministre, nous vous avions alerté sur ce petit dysfonctionnement. Nous sommes ravis que le Gouvernement réponde aussi vite à notre demande.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Nous sommes évidemment satisfaits de cette proposition. Toutefois, l’amendement tend à retirer 565 000 euros du programme « Vie de l’élève ». Sur quelle action précisément la diminution de crédits porte-t-elle ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-940, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
35 000 |
35 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
35 000 |
35 000 |
||
TOTAL |
35 000 |
35 000 |
35 000 |
35 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à revaloriser l’ensemble de la grille indiciaire des AESH dans l’enseignement technique agricole.
Je ne reviens pas sur les inégalités avec leurs collègues de l’éducation nationale ; elles ont déjà été développées.
Je ne reviens pas non plus sur le chiffre qu’a donné Mme la rapporteure pour avis et qui montre clairement les besoins d’accompagnement – augmentation de 26 % des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole.
Si, au 1er mai 2022, les deux premiers échelons de la grille indiciaire des AESH ont été revalorisés pour atteindre le niveau du SMIC, les autres échelons ne l’ont pas été, ce qui entraîne un tassement de la grille, préjudiciable à nos yeux.
M. le président. L’amendement n° II-884 rectifié, présenté par Mmes Monier, G. Jourda et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
32 737,70 |
32 737,70 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
32 737,70 |
32 737,70 |
||
TOTAL |
32 737,70 |
32 737,70 |
32 737,70 |
32 737,70 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur la situation particulière des AESH exerçant dans l’enseignement agricole et maritime.
Au nombre de sept cents environ, ils sont confrontés à des conditions d’emploi encore plus difficiles – quotité de travail comprise entre 10 % et 20 %, non-accès aux dispositifs de formation –, si bien qu’ils se qualifient eux-mêmes de « sous-AESH ».
Par équité à l’égard de l’ensemble des AESH, cet amendement tend à revaloriser les échelons de plus de 15 points minimum sur l’indice brut, afin que cette hausse soit répercutée. Le coût estimé de cette revalorisation est de 32 737,70 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission est défavorable à ces amendements. Nous renvoyons à la réflexion globale sur les AESH – nous avons eu ce débat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur, je n’aime pas trop l’expression « sous-AESH ». J’imagine que vous connaissez bien les lycées d’enseignement agricole : les AESH y font comme ailleurs un travail remarquable. Attention aux mots que l’on emploie…
M. Yan Chantrel. Eux-mêmes se désignent ainsi !
M. Marc Fesneau, ministre. Comme l’a dit mon collègue ministre de l’éducation nationale, nous sommes en train de faire converger les grilles.
Par ailleurs, dans la période 2017-2022, nous aurons quasiment triplé le nombre d’AESH. Nous répondons ainsi à la demande. Comme l’a dit le sénateur Brisson, nous avions accumulé beaucoup de retard. Tout le monde doit prendre sa responsabilité dans le rattrapage de ce retard et nous essayons d’y prendre notre part.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-913, présenté par MM. Longeot, Kern, Levi, Cadic et Prince, Mme N. Delattre, M. Canévet, Mme Jacquemet, M. Henno, Mmes Sollogoub, Belrhiti, de La Provôté et Vermeillet, MM. Belin, Moga, Détraigne, Capo-Canellas et Favreau, Mme Perrot, MM. Mizzon et J.M. Arnaud et Mmes Gatel, Saint-Pé et Billon, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
15 000 000 |
15 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
15 000 000 |
15 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à inciter à l’organisation de sorties scolaires régulières de découverte de la nature, de l’école au lycée.
Cela pourrait prendre la forme d’une demi-journée scolaire en extérieur, hebdomadaire ou bimensuelle, afin de sensibiliser les jeunes générations à la préservation de la biodiversité et à la découverte de la nature.
Conserver ou recréer du lien entre les jeunes et les espaces naturels proches est l’un des enjeux majeurs pour réussir la transition écologique dans les prochaines années et, si l’on veut permettre aux plus jeunes de mieux comprendre comment protéger l’environnement, il est essentiel et même indispensable d’intégrer la reconnexion au vivant comme élément clé dans les programmes scolaires.
C’est pourquoi nous proposons que chaque établissement scolaire, de l’école primaire au lycée, développe un projet de sensibilisation à la biodiversité. Une telle mesure doit permettre de sensibiliser les élèves à ces enjeux à l’échelle locale, en les impliquant directement en tant qu’acteurs agissant pour la biodiversité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement. C’est une excellente intention, mais je ne suis pas certain que son dispositif soit complètement mûr.
On pourrait aussi envisager d’emmener les jeunes ruraux en ville, pour leur montrer le monde urbain… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° II-913 est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Il s’agissait d’un amendement d’appel : on ne peut pas parler d’environnement et de biodiversité matin, midi et soir sans y sensibiliser les plus jeunes d’entre nous !
Cela dit, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-913 est retiré.
L’amendement n° II-948, présenté par M. Paccaud, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Tout d’abord, je veux m’excuser auprès de mes trente-trois collègues qui ont accepté de cosigner l’amendement : leur qualité de cosignataire n’apparaît pas, à la suite d’un problème de communication avec la direction de la séance, problème dont j’assume la responsabilité.
Cet amendement concerne les 70 % d’élèves qui relèvent scolairement et socialement de l’éducation prioritaire, mais qui ne bénéficient pas de ses moyens, tout simplement parce qu’ils sont sur des territoires oubliés de l’éducation prioritaire.
La République, monsieur le ministre, c’est l’égalité des droits, mais cela doit surtout être l’égalité des chances ! Cette égalité, l’école l’incarne, lorsqu’elle fait fonctionner l’ascenseur social. Pour le faire fonctionner, on a créé, dans les années 1990, des zones, puis des réseaux d’éducation prioritaire.
En 2014-2015, une réforme a complètement bouleversé le système, en y incluant un critère d’éligibilité géographique – en lien avec un quartier prioritaire de la politique de la ville – qui a complètement exclu les zones rurales et de nombreuses zones urbaines, si bien qu’aujourd’hui trop de gamins qui devraient relever de l’éducation prioritaire ne bénéficient pas de ce dispositif.
Comme votre prédécesseur, vous êtes, monsieur le ministre, conscient de cette difficulté. Des expérimentations ont été créées, avec les territoires éducatifs ruraux (TER) et les contrats locaux d’accompagnement (CLA), sauf qu’elles sont dotées de très peu de crédits – 9 millions d’euros !
Il faut une vraie réforme. Elle est annoncée, attendue, mais différée depuis des années.
Avant de l’engager, je vous propose de manière palliative d’abonder les crédits de 10 millions d’euros pour ces territoires qui en ont besoin.
Lorsque vous êtes venu devant la commission de la culture, vous avez vous-même reconnu qu’il fallait réformer la carte et donner des moyens à tous les territoires concernés. C’est ce que je vous propose au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est très intéressée par la réflexion de notre collègue Olivier Paccaud, mais les expérimentations évoquées sont récentes, puisque l’extension à de nouvelles académies date de septembre 2022.
Il est peut-être un peu tôt pour prendre une décision aussi forte que cet abondement de 10 millions d’euros.
Nous sommes donc tentés de solliciter le retrait de cet amendement, mais nous aimerions recueillir l’avis du ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Nous sommes encore dans une phase d’expérimentation, puisque les CLA sont déployés dans cinq académies et les TER dans dix académies – 67 territoires sont actuellement concernés par ces dispositifs.
Il nous semble donc que l’enveloppe actuelle est calibrée aux besoins de ces expérimentations pour l’année 2023.
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Monsieur Paccaud, l’amendement n° II-948 est-il maintenu ?
M. Olivier Paccaud. Oui, monsieur le président.
Je dois dire que je suis déçu qu’il n’y ait plus de secrétaire d’État à l’éducation prioritaire dans le Gouvernement.
La mesure que je propose est le seul moyen de rééquilibrer un peu la situation. Une enveloppe de 10 millions d’euros paraît peut-être importante, mais, sur les 59 milliards du budget de l’éducation nationale, c’est une paille ! Adopter cet amendement serait un signal très fort pour ces territoires oubliés.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° II-63 rectifié quater est présenté par M. Mouiller, Mme Deroche, MM. Lefèvre et Mandelli, Mmes L. Darcos et Di Folco, M. Cambon, Mmes Dumont et F. Gerbaud, MM. Bouchet et Burgoa, Mme Chauvin, M. Longuet, Mmes Lassarade et Thomas, M. J.P. Vogel, Mme Gosselin, M. Frassa, Mme Belrhiti, MM. Hugonet et Belin, Mmes Berthet et Micouleau, MM. Courtial, Brisson et Sautarel, Mme Puissat, M. Milon, Mmes Malet, Gruny et M. Mercier, MM. Perrin et Rietmann, Mme Lopez, MM. Gremillet, D. Laurent, Bonhomme, Bonne, B. Fournier et Meignen, Mme Schalck, MM. Piednoir, de Legge et Charon, Mmes Canayer, Borchio Fontimp, Dumas et de Cidrac, MM. Bouloux, Favreau, C. Vial et Pointereau, Mme Boulay-Espéronnier et M. J.B. Blanc.
L’amendement n° II-203 rectifié bis est présenté par MM. Paccaud et Decool, Mme Drexler, M. Anglars, Mmes Demas, Guidez et V. Boyer et MM. Klinger, Chasseing, H. Leroy, Guerriau, Levi et Détraigne.
L’amendement n° II-453 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° II-874 est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Marie, Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° II-63 rectifié quater.
Mme Laure Darcos. Cet amendement vise à octroyer des moyens supplémentaires à l’éducation nationale pour permettre à chaque enfant en situation de handicap d’avoir accès au matériel pédagogique adapté reconnu comme nécessaire à son parcours de scolarisation par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
De nombreux parents font état de difficultés pour que leur enfant puisse bénéficier du matériel pédagogique adapté pourtant notifié par la CDAPH. Les services académiques leur répondent souvent que les crédits annuels sont épuisés et qu’il leur faudra attendre l’année prochaine.
Dans un contexte où le Gouvernement entend faire de l’école inclusive une priorité, cette réalité n’est pas acceptable et met de nombreux élèves en défaut d’autonomie, donc en difficulté.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour présenter l’amendement n° II-203 rectifié bis.
M. Olivier Paccaud. La politique pour l’école inclusive doit évidemment se concrétiser par des moyens et un statut pour les AESH, mais aussi par du matériel, notamment informatique, pour les élèves qui en ont besoin.
Sur ce plan, la carence est très forte, puisque plus de 21 000 gamins qui en auraient besoin n’en disposent pas.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° II-453 rectifié.
M. Éric Gold. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° II-874.
Mme Marie-Pierre Monier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances a sollicité le retrait de ces amendements en raison de la réflexion globale en cours sur l’école inclusive.
Je suis un peu gêné parce que, à titre personnel, j’avais proposé un avis favorable…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Le PLF pour 2023 prévoit 23,3 millions d’euros pour l’achat de matériel pédagogique adapté, soit une augmentation de 3 millions par rapport au budget précédent, à quoi s’ajoute le fonds d’innovation pédagogique, puisque des projets pédagogiques pourront permettre d’acheter de tels matériels.
Compte tenu de ces éléments, j’émets un avis défavorable sur ces amendements, mais je partage, bien entendu, la préoccupation que leurs auteurs entendent mettre en avant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-63 rectifié quater, II-203 rectifié bis, II-453 rectifié et II-874.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-275 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Longuet et Piednoir, Mmes Drexler et Ventalon, M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Dumas, MM. Pellevat, Burgoa, Belin et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Perrin, Mmes Gruny et Muller-Bronn, M. Bonne, Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Savary, Allizard, Klinger, Sol, Le Gleut, Saury, Genet, Cadec, de Legge, Frassa et Courtial, Mme Puissat, MM. Joyandet, Rietmann, Gremillet, Somon, Meignen et Favreau, Mmes Malet, Joseph et Schalck, MM. E. Blanc, Rapin et C. Vial et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Je présenterai en même temps l’amendement n° II-276 rectifié ter.
Ces amendements d’appel procèdent de deux constats. Premièrement, notre école n’assure plus la transmission des savoirs fondamentaux, comme les classements internationaux l’attestent, et la dégradation est continue.
Deuxièmement, notre école n’assure plus l’égalité des chances. C’est une école de la non-mobilité sociale. De ce point de vue, la France est même championne en Europe !
Face à ces constats, l’amendement n° II-275 rectifié ter vise à instaurer un service public de soutien scolaire et l’amendement n° II-276 rectifié ter tend à créer une réserve éducative pour mettre en œuvre ce service public.
M. le président. L’amendement n° II-276 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Longuet et Piednoir, Mme Dumas, MM. Pellevat, Burgoa, Belin et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Perrin, Mmes Gruny et Muller-Bronn, M. Bonne, Mmes Lassarade et Belrhiti, MM. Savary, Allizard, Klinger, Sol et Le Gleut, Mme Drexler, MM. Saury, Genet, Cadec, de Legge et Frassa, Mme Ventalon, M. Courtial, Mme Puissat, MM. Joyandet et Rietmann, Mmes L. Darcos et Joseph, MM. Gremillet, Somon, Meignen, Mouiller et Favreau, Mmes Malet et Schalck, MM. C. Vial, Rapin et J.B. Blanc et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je suis écartelé, car je suis deuxième cosignataire de ces amendements, juste après Max Brisson, dont je trouve l’idée excellente.
Cependant, l’avis de la commission, que je rapporte avec fidélité, est une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Le dispositif d’aide aux devoirs est abondé au PLF pour 2023 à hauteur de 81 millions d’euros.
Je rappelle que plus de 800 000 élèves ont bénéficié de ce dispositif, soit 30 % de l’ensemble des collégiens, ce qui nous semble significatif et nous paraît correspondre aux demandes exprimées par les collèges.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Brisson, les amendements nos II-275 rectifié ter et II-276 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. Max Brisson. Monsieur le président, pour ne pas mettre notre rapporteur spécial dans l’embarras, je vais retirer ces amendements, mais ils touchent au fond du sujet.
Le problème est majeur : la dégradation de la transmission des savoirs fondamentaux s’accélère. Nos classements deviennent humiliants. Notre situation est extrêmement inquiétante. En matière de mobilité sociale, nous sommes des cancres : seule la Hongrie fait pire que nous !
Il est donc nécessaire de réagir. Une politique de moyens supplémentaires et de rustines en lieu et place d’une réorganisation profonde du système ne fonctionne pas.
Nous y reviendrons, monsieur le ministre ! Je pense que nous ne sortirons pas de cette situation, extrêmement dramatique pour le pays, sans de véritables réformes de fond. Les deux propositions que je vous ai faites en étaient.
M. le président. Les amendements nos II-275 rectifié ter et II-276 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° II-598 rectifié bis, présenté par Mmes Billon et Tetuanui, M. Levi, Mme Morin-Desailly, M. Canévet, Mme Vérien, MM. Kern, Détraigne et Duffourg, Mmes Férat et Jacquemet, MM. Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Longeot, Mme de La Provôté, M. S. Demilly et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
3 344 431 |
3 344 431 |
||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
3 344 432 |
3 344 432 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
6 688 863 |
6 688 863 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
6 688 863 |
6 688 863 |
6 688 863 |
6 688 863 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Là encore, il est question de moyens, notamment pour favoriser l’engagement et éviter des démissions. Vous avez cet amendement sous les yeux ; je vais donc nous faire gagner du temps…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission demande à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Madame la sénatrice, nous revalorisons de 10 % l’indemnité forfaitaire de formation que perçoit tout stagiaire qui réside dans une commune différente de celle où se situe son institut de formation. Les stagiaires bénéficient également de la possibilité d’indemnités kilométriques.
Par ailleurs, les contractuels alternants, dans le cadre des formations de master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (Meef), perçoivent, depuis le 1er septembre 2022, une indemnité de 700 euros brut annuels pour compenser les frais de déplacement entre le lieu de leur formation et l’établissement où ils exercent.
Compte tenu de ces éléments et des évolutions mises en œuvre, je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Défavorable
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° II-598 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Si des efforts ont été faits pour améliorer l’attractivité, ils ne semblent pas suffisants. On voit bien qu’il y a encore des démissions.
Par conséquent, monsieur le président, je maintiens mon amendement, pour la forme !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-598 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-891, présenté par M. Chantrel, Mmes Monier et S. Robert, MM. Marie, Kanner, Antiste, Assouline, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à augmenter le nombre de classes Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) dans les écoles du second degré.
En 2021, par exemple, presque un enfant sur cinq n’a pas pu être scolarisé dans l’environnement préconisé, faute de places suffisantes. Si le nombre de prescriptions de scolarisation en classe Ulis augmente, il est nécessaire d’augmenter à la même vitesse le nombre de places, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque le taux de couverture des notifications est en baisse.
Le présent amendement vise à réduire ces situations d’impasse, qui obligent parfois les familles à sortir leurs enfants du système scolaire public pour se diriger vers une instruction en famille, faute de possibilité d’accueil adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission demande l’avis du Gouvernement, parce que nous n’avons pas eu le temps d’approfondir la question dans le délai imparti.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Nous avons plus de 10 000 dispositifs Ulis. Le PLF pour 2023 en prévoit la création de 300, ce qui représente un effort de 336 ETP supplémentaires. C’est tout à fait important.
Je rappelle, par ailleurs, la réflexion de fond que nous menons dans le cadre de la préparation de la Conférence nationale du handicap qui aura lieu au printemps 2023
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-917, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux projets d’éducation à l’alimentation
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
Fonds de soutien aux projets d’éducation à l’alimentation |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L’éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire des enfants est inscrite dans un article du code de l’éducation. C’est donc une obligation, mais celle-ci ne bénéficie pas d’un enseignement dédié.
Le présent amendement vise à créer un fonds pour permettre aux établissements de mettre en place des projets d’éducation à l’alimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de cet amendement : d’une part, beaucoup d’efforts sont déjà faits par les enseignants eux-mêmes ; d’autre part, 2 millions d’euros ne changeront pas la face du monde, compte tenu du nombre d’élèves concernés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Même avis.
J’ajoute à l’argument de M. le rapporteur spécial que les crédits pédagogiques qui sont mis à la disposition de tous les établissements permettent de tels enseignements, auxquels je suis évidemment favorable.
M. le président. Madame de Marco, l’amendement n° II-917 est-il maintenu ?
Mme Monique de Marco. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-917 est retiré.
L’amendement n° II-912, présenté par MM. Longeot, Kern, Levi et Cadic, Mme N. Delattre, MM. Prince et Canévet, Mme Jacquemet, M. Henno, Mmes Sollogoub, Belrhiti, de La Provôté et Vermeillet, MM. Belin, Moga, Détraigne, Capo-Canellas et Favreau, Mme Perrot, MM. Mizzon et J.M. Arnaud et Mmes Gatel, Saint-Pé et Billon, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à créer un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) en agroforesterie.
L’agroforesterie est une technique qui associe les arbres à la production agricole – culture et élevage – au sein d’une parcelle agricole. Cette technique ancestrale se pratique par la plantation de haies autour de la parcelle ou de manière intraparcellaire, c’est-à-dire par la plantation d’arbres en alignement.
L’objectif est à la fois économique et écologique. En effet, l’agroforesterie permet d’améliorer les rendements agricoles de manière significative. Elle lutte contre l’érosion des sols et permet la production de bois, donc de diversifier les revenus d’une exploitation. Les arbres servent également d’abris pour les animaux, limitent le ruissellement et contribuent à la préservation des paysages.
Le développement de l’agroforesterie sur le territoire français ne peut se réaliser que par la formation des agricultrices et des agriculteurs, ainsi que grâce à l’aide de conseillers techniques.
Afin d’augmenter le nombre de conseillers et conseillères agroforestiers au sein des chambres d’agriculture, la création de nouvelles formations en agroforesterie est nécessaire. Alors qu’il existe des formations en gestion forestière, les formations spécifiques à l’agroforesterie sont inexistantes.
Cet amendement tend donc à la création de quinze nouvelles formations BTSA en agroforesterie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mesurant les limites de sa compétence, la commission des finances sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’agroforesterie, dont vous avez souligné à juste titre l’intérêt, est très liée aux métiers forestiers. C’est de là qu’elle est partie. L’enseignement de cette technique est déjà intégré au cursus BTSA gestion forestière, qui recouvre l’agroforesterie et les autres métiers de la forêt.
En outre, nous avons ouvert deux sections supplémentaires, qui viendront s’ajouter aux trente-quatre BTSA existants. Nous avons encore des places vacantes dans ces formations, même si le nombre de ces places vacantes diminue chaque année. Le dispositif actuel suffit donc à accueillir les étudiants.
Par conséquent, je sollicite le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° II-912 est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, compte tenu des explications du ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-912 est retiré.
L’amendement n° II-919 rectifié bis, présenté par MM. Stanzione, Antiste, Pla, P. Joly et Redon-Sarrazy et Mme Monier, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Mise en place d’une expérimentation dans l’Académie d’Aix-Marseille « l’orthophonie accessible à l’école », pour les enfants des classes ULIS (Unités Locales d’Inclusion Scolaires) des écoles du 1er degré, hors intervention déjà réalisée dans le cadre du SESSAD (Service d’Éducation Spécialisée et de soins à domicile).
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
686 070 |
686 070 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
Mise en place d’une expérimentation dans l’Académie d’Aix Marseille « l’orthophonie accessible à l’école », pour les enfants des classes ULIS (Unités Locales d’Inclusion Scolaires) des écoles du 1er degré, hors intervention déjà réalisée dans le cadre du SESSAD (Service d’Éducation Spécialisée et de soins à domicile) |
686 070 |
686 070 |
||
TOTAL |
686 070 |
686 070 |
686 070 |
686 070 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Je parlerai au nom de Lucien Stanzione.
Cet amendement vise à prévoir la mise en place d’une expérimentation, dans l’académie d’Aix-Marseille, d’« orthophonie accessible à l’école » pour les enfants des classes Ulis des écoles du premier degré, hors interventions déjà réalisées dans le cadre du service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad).
Aujourd’hui, les enfants des classes Ulis des territoires ruraux doivent prendre un taxi et perdre une matinée d’enseignement pour se rendre chez l’orthophoniste, alors qu’ils sont déjà en grande difficulté dans leurs apprentissages. Les inégalités territoriales perdurent, voire s’accentuent avec les effets de la crise du covid-19, auxquels s’ajoutent les conséquences de la crise ukrainienne.
Construire l’école inclusive de demain nécessite de renforcer le travail partenarial entre les professionnels de santé, sociaux et d’éducation.
Il y va de l’égalité des chances pour les élèves des classes Ulis, qui nécessitent des besoins spécifiques pour une meilleure progression et intégration au sein d’une société plus inclusive.
Développer des prises en charge au sein de l’école serait, par ailleurs, une bonne solution pour réduire la fatigue des élèves et prendre plus d’enfants en charge, notamment dans les milieux défavorisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission estimant que la mesure proposée n’est pas d’ordre législatif, elle demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Les orthophonistes peuvent d’ores et déjà intervenir au sein d’un établissement scolaire, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une telle expérimentation.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-919 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-931, présenté par MM. P. Laurent, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
420 000 |
420 000 |
||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
420 000 |
420 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
420 000 |
420 000 |
420 000 |
420 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, j’ai reçu un groupe de parents, d’enseignants, de conseillers principaux d’éducation et d’élèves totalement abasourdis et indignés par la décision de fermeture de leur établissement, qu’ils venaient de découvrir durant les vacances de la Toussaint.
Six lycées professionnels sont visés, ainsi qu’un lycée général qui propose des formations artistiques uniques dans le domaine du spectacle vivant et de la danse. Vingt autres établissements, qui vont être contraints d’accueillir les élèves concernés à la rentrée prochaine, en subiront les conséquences.
Cette décision est incompréhensible ; pire encore, elle est justifiée par une nécessité de sobriété énergétique, ce qui explique la forme de cet amendement.
La facture énergétique de ces établissements imposerait donc leur fermeture. C’est incroyable ! À la région Île-de-France, lorsque l’on parle de sobriété énergétique, certaines personnes comprennent « fermeture de lycées professionnels »…
Monsieur le ministre, pourquoi le ministère a-t-il laissé faire et soutient-il, de fait, cette décision ? J’ajoute que la région Île-de-France laisse entendre qu’elle procédera à chaque rentrée à une vague de fermetures de lycées professionnels à Paris.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cet amendement n’étant pas d’ordre législatif, la commission en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Ces fermetures s’expliquent, d’une part, par le contexte de baisse démographique accélérée à Paris, d’autre part, par la vétusté des locaux en question.
Le rectorat, comme le ministère de l’éducation nationale lui-même, s’assure que ces fermetures et les transferts qui en découlent ne provoquent aucune dégradation de l’offre de formation. En réalité, celle-ci en sera même améliorée.
Les transferts s’effectuent vers des secteurs géographiques qui n’emporteront pas de conséquences négatives sur la scolarité des élèves concernés, bien au contraire.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, soutenez-vous que des transferts de petits établissements à taille humaine, accueillant un public populaire, vers des lycées de 2 000 élèves ne changeront rien ? En outre, des formations spécifiques sont concernées.
Je vous conseille de recevoir les parents d’élèves et les enseignants, qui vous le demandent depuis plusieurs semaines, afin qu’ils vous expliquent la situation dans laquelle se trouvent ces établissements. (Mme Monique de Marco applaudit.)
M. le président. L’amendement n° II-889, présenté par Mmes Le Houerou, Monier et S. Robert, M. Marie, Mme Meunier, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
390 000 |
390 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
390 000 |
390 000 |
||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
TOTAL |
390 000 |
390 000 |
390 000 |
390 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à abonder de 390 000 euros les crédits en faveur des subventions aux associations assurant la mise en œuvre des politiques éducatives, plus particulièrement à celles qui sont en charge de l’accompagnement de l’éducation à la vie affective et sexuelle. Ces subventions doivent être revalorisées a minima au niveau de l’inflation.
L’éducation à la vie affective et sexuelle est un apprentissage fondamental, qui doit être inclus dans le cursus scolaire à tous les niveaux. La loi de 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, dite loi Aubry, le prévoit, et cela a été réaffirmé en 2018 par la circulaire Schiappa, laquelle impose trois séances d’éducation à la sexualité par an et par niveau dès le plus jeune âge.
Malgré l’inscription de ce principe dans la loi, on constate que l’éducation dispensée est très parcellaire, quand elle n’est pas inexistante. Or les établissements scolaires sont demandeurs, chaque année, d’interventions d’associations comme le planning familial, mais ils sont contraints d’y renoncer, parce qu’ils ne disposent pas de moyens suffisants. Il convient donc de changer la donne de toute urgence.
J’ajoute que l’information délivrée par les structures publiques et associatives sur ce sujet est souvent la seule que reçoivent les élèves issus des territoires les plus défavorisés, hormis celle que leur transmettent les réseaux sociaux, qui est totalement déformée et inadaptée.
Enfin, l’éducation à la sexualité constitue un enjeu de santé publique, dans la mesure où elle permet de diffuser une information sur les grossesses non désirées, sur les maladies sexuellement transmissibles ou sur les conséquences dramatiques des violences sexuelles et sexistes sur la santé mentale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission considère qu’il ne revient pas à l’éducation nationale de financer des associations dont personne ne connaît ni l’orientation ni le genre… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Son avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. L’éducation à la sexualité est une priorité pour moi, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’affirmer.
Le soutien accordé aux associations agréées est déjà significatif. En outre, il revient également à l’école elle-même d’assurer cette éducation à la sexualité. Ces associations ne couvrant pas l’ensemble du territoire, nous devons nous saisir de cette obligation légale.
Si le Gouvernement partage l’objectif des auteurs de cet amendement, son avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le ministre, il est essentiel de donner des moyens supplémentaires aux associations qui travaillent sur le terrain et qui sont susceptibles d’assurer ces interventions.
M. le président. L’amendement n° II-673, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Enseignement des enjeux de protection sociale et environnementale
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré dont titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré dont titre 2 |
||||
Vie de l’élève dont titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés dont titre 2 |
1 |
1 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale dont titre 2 |
||||
Enseignement technique agricole dont titre 2 |
||||
Enseignement des enjeux de protection sociale et environnementale |
1 |
1 |
||
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement d’appel a pour objet la création d’un nouvel enseignement des enjeux de la protection sociale et environnementale.
Le rapport d’information Construire la sécurité sociale écologique du XXIe siècle de notre collègue Mélanie Vogel recommande une meilleure formation sur les liens entre santé et environnement, afin de passer d’une logique de traitement à une logique de prévention.
Il importe que les jeunes, qui sont les adultes de demain, comprennent le plus tôt possible la gravité du changement climatique et ses conséquences sur leur santé, afin qu’ils disposent de clés de réflexion et de mobilisation personnelles sur ces enjeux.
M. Max Brisson. Et les programmes ?
Mme Monique de Marco. Cela peut tout à fait en faire partie !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. S’agissant d’un amendement à 1 euro, nous pourrions nous contenter de faire plaisir…
Pour autant, il me semble que l’éducation nationale est parfaitement en mesure d’assurer l’ouverture de nos jeunes élèves sur les réalités du monde à travers ses programmes en économie ou en histoire, particulièrement en histoire sociale.
En revanche, je ne vois pas bien à quoi correspondrait un enseignement des enjeux de protection sociale et environnementale pour 1 euro… C’est la raison pour laquelle je suggère le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame de Marco, l’amendement n° II-673 est-il maintenu ?
Mme Monique de Marco. Il s’agissait d’un amendement d’appel ; je le retire, monsieur le président.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mes chers collègues, nous avons examiné le dernier amendement sur les crédits de la mission. Nous pouvons maintenant soit adopter soit rejeter ces crédits.
Si nous les rejetions, toutefois, tous les amendements que nous avons adoptés disparaîtraient. Si vous me permettez cette familiarité, nous aurions alors pissé dans un violon durant trois heures. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre Monier. Cela ne changerait rien pour nous : vous avez rejeté tous nos amendements !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire » figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 201 |
Pour l’adoption | 110 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté. (Mme la rapporteure pour avis applaudit.)
J’appelle en discussion les amendements portant articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Après l’article 43
M. le président. L’amendement n° II-223 rectifié ter, présenté par MM. Grosperrin, Panunzi, Bonhomme et Burgoa, Mmes Chauvin, Estrosi Sassone et Belrhiti, M. Bouchet, Mme L. Darcos, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Dumont, Imbert et Lassarade, M. Laménie, Mme Di Folco, M. Piednoir, Mmes Puissat et Gosselin, MM. Savary, Charon et Belin, Mme Lopez, MM. Houpert, Gremillet et Darnaud, Mme Drexler, MM. Klinger et Brisson, Mmes Boulay-Espéronnier, Ventalon et Demas et M. Mouiller, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 211-8 du code de l’éducation et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026, l’État peut participer au financement des dépenses générées par les projets pédagogiques des écoles publiques.
Dans les mêmes conditions et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026, l’État peut également participer au financement des mêmes dépenses pour les classes des établissements du premier degré privé ayant passé un contrat avec l’État.
Ces dépenses sont réalisées dans la limite des crédits inscrits en loi de finances.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
Enseignement scolaire
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Cet amendement technique vise à simplifier, au bénéfice des établissements du premier degré, la ventilation des crédits pédagogiques votés en loi de finances.
À ce jour, aucun canal n’autorise le versement aux écoles des crédits liés à certains projets, parmi lesquels le fonds d’innovation pédagogique, les contrats locaux d’accompagnement ou les territoires éducatifs ruraux.
Cet amendement vise à simplifier le circuit administratif et financier pour faciliter la mise en œuvre de ces projets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Cet amendement tend à simplifier les circuits financiers et, ainsi, à faciliter la participation des écoles à des dispositifs de soutien aux projets pédagogiques, en premier lieu au fonds d’innovation pédagogique.
L’avis du Gouvernement est favorable.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Un très bon amendement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
L’amendement n° II-1181, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conditions d’attribution de la prime de rémunération accordée aux enseignants au titre de la réalisation de missions supplémentaires sont définies par décret avant le 31 mars 2023.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel vise à imposer que les conditions d’attribution de la prime de rémunération accordée dans le cadre du « pacte enseignant » soient définies par décret avant le 31 mars 2023.
Nous souhaitons simplement que les modalités de ce dispositif soient connues du Parlement avant les calendes grecques… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Je partage le souci exprimé par M. le rapporteur spécial. Je me suis engagé à ce que cette revalorisation intervienne en septembre 2023. Cet objectif guide notre calendrier et il sera atteint.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-1181 est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. J’ai bien compris que cette mesure serait prête pour septembre prochain, mais nous avons voté pour lui consacrer une somme importante et nous aimerions en connaître les contreparties.
Je retire cet amendement, mais une question d’actualité vous sera posée, monsieur le ministre, à la date que j’ai évoquée.
M. le président. L’amendement n° II-1181 est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 2 décembre 2022 :
À neuf heures quarante-cinq, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (texte n° 114, 2022-2023) ;
Mission « Cohésion des territoires » ;
Article 41 ter ;
Mission « Écologie, développement et mobilités durables » ;
Articles 42 bis, 42 ter et 42 quater ;
Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ;
Compte spécial « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 2 décembre 2022, à zéro heure quarante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER