Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’inverse du gouvernement d’Élisabeth Borne, qui est le plus cher de la Ve République, la mission « Direction de l’action du Gouvernement », dont je vous parlerai aujourd’hui, se voit octroyer des moyens insuffisants, malgré quelques hausses budgétaires.
Concernant la protection des droits, les budgets de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de la Cnil et de l’Arcom augmentent, ce qui est positif ; mais ils demeurent en deçà des besoins. Quant aux crédits prévus pour le Défenseur des droits, ils nous semblent bien trop faibles.
Concernant les enjeux de santé publique, nous nous étonnons de la faible hausse des crédits accordés à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), alors même que le ministre de la santé entend faire de la prévention un axe fort de politique publique.
Concernant la protection de notre démocratie et la diffusion des idées, nous nous inquiétons que les crédits alloués aux fondations politiques soient si bas. En encourageant ainsi leur recherche de financements privés, nous prenons le risque d’affecter leur fonctionnement. Eu égard à l’importance de leurs travaux et de leurs réflexions face aux nombreuses crises que nous traversons actuellement, nous défendrons une hausse de ces crédits.
En fait de crise, et pour ce qui est de la protection de l’environnement, nous saluons bien évidemment la création du secrétariat général à la planification écologique et les moyens alloués au Haut Conseil pour le climat ; mais ces mesures ne doivent pas être un joli affichage pastillé de vert dans votre budget…
Le Haut Conseil pour le climat est devenu un acteur indispensable du débat public en matière d’action climatique. Pourtant, notre collègue Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial de la commission des finances, note que les moyens qui lui sont alloués sont nettement insuffisants, compte tenu des sollicitations croissantes dont il fait l’objet de la part du Gouvernement, du Parlement, des collectivités territoriales, mais également de la presse et de la société civile.
Nous suivrons donc très attentivement l’évolution de son budget et veillerons à l’effectivité de la hausse des effectifs prévue.
Le secrétariat général à la planification écologique que vous proposez de créer bénéficiera, quant à lui, de 15 ETP et de 500 000 euros de budget. Au regard de la tâche que représente la planification écologique et de l’objectif qui a été fixé – faire de la France, face à l’urgence, une « nation verte » –, sachant par ailleurs que son travail risque de se superposer à celui des ministères, ce montant nous interpelle : en vérité, il nous semble bien indigent. Dit autrement, c’est un joli pansement sur une plaie béante.
Cette dotation de fonctionnement de 0,5 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2023 doit permettre notamment au SGPE de commander des études à des prestataires extérieurs. Nous suivrons de près l’utilisation de ce budget, afin d’éviter qu’il ne donne lieu à un recours abusif aux cabinets de conseil privés, s’agissant, de surcroît, d’un sujet aussi sensible que la transition écologique.
Alors que les risques environnementaux et sociaux s’enchevêtrent chaque jour davantage, compte tenu de la montée en puissance des effets du réchauffement climatique et, plus largement, des impacts de l’être humain sur l’environnement, nous avons besoin de mesures concrètes, prévues sur le long terme, prises dans une vue d’ensemble, pour assurer une réelle transition écologique.
Pour y pourvoir, nous proposons au Gouvernement la création d’un ministère des risques.
La situation mondiale nous montre que nous devons anticiper tous les risques, qui finissent par se recouper : crise sanitaire mondialisée, qui affecte notre économie ; conflit armé à nos portes, qui affecte notre sécurité et notre pouvoir d’achat ; augmentation de la fréquence des événements climatiques violents et ponctuels, mégafeux, canicules ; augmentation du nombre d’affections de longue durée dues à notre mode de travail et de vie sédentaire, à notre alimentation inadaptée et à l’absence de prévention globale.
Voilà quelques exemples des risques que pourrait prendre en compte et anticiper ce nouveau ministère. Il s’agirait de considérer les impacts différenciés des crises en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, de l’âge ou encore de la répartition géographique des personnes, afin de les prévenir ou d’y répondre plus efficacement.
Je conclurai en rappelant que ce budget, dans son ensemble, demeure insuffisant pour faire face aux enjeux écologiques majeurs qui nous attendent ; il trahit un manque de vision globale et à long terme sur le sujet de la part du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je concentrerai mon propos sur quelques sujets.
Permettez-moi tout d’abord de saluer les efforts budgétaires consentis au cours des dernières années par les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics ». Au regard de la poussée inflationniste actuelle, la hausse des crédits demandés à leur profit pour 2023 apparaît tout à fait justifiée.
Pour ce qui concerne la présidence de la République, l’augmentation des crédits de fonctionnement est parfaitement légitime, étant donné la nécessité de garantir la sécurité du chef de l’État et des personnels de l’Élysée.
Pour ce qui est de la mission « Conseil et contrôle de l’État », la poursuite du renforcement des moyens alloués aux juridictions administratives est bienvenue, eu égard à la forte progression de l’activité contentieuse. La création de 202 nouveaux emplois entre 2023 et 2027 devrait notamment permettre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de réduire leurs stocks d’affaires en attente. Les préoccupations soulevées par le rapporteur pour avis Benarroche méritent, selon moi, d’être prises en considération. Il faudra en effet veiller à ce que la nouvelle obligation de mobilité statutaire ne nuise pas à la gestion prévisionnelle des effectifs.
Par ailleurs, je me réjouis de constater que le renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d’asile commence à porter ses fruits. Malgré une augmentation très forte du nombre de recours, la cour a réussi à réduire ses délais de jugement, ainsi que son stock d’affaires en attente. Il reste à espérer que les moyens dont elle dispose lui permettront d’atteindre les objectifs fixés par la réforme de l’asile.
En ce qui concerne les juridictions financières, je salue l’attribution aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) d’une nouvelle mission en matière d’évaluation des politiques publiques territoriales. À l’instar du rapporteur pour avis susnommé, je pense qu’il sera nécessaire de veiller à ce que la mise en œuvre de cette réforme ne nuise pas aux missions traditionnelles des CRTC.
Un autre motif de satisfaction est l’ouverture des crédits nécessaires à la mise en place de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, dont le secrétariat général sera assuré par la Cour des comptes. Je rappelle que le groupe RDPI a pris une part active à la définition des contours de cette commission, dont la création vise à répondre à la demande accrue de redevabilité de l’aide publique au développement française.
J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
Je tiens avant tout à souligner la décision du Gouvernement de poursuivre le renforcement des moyens alloués à l’Anssi. Ce nouvel effort budgétaire est indispensable au regard de l’accroissement de la menace cyber et de l’impérieuse nécessité de prévenir les cyberattaques pouvant causer des dommages physiques. Les attaques qui ont récemment frappé des centres hospitaliers et des collectivités territoriales montrent combien il est urgent de renforcer la lutte contre la cybercriminalité.
À cet égard, il convient de se féliciter de l’ouverture à Rennes d’une nouvelle antenne de l’Anssi, qui viendra parachever la mise en place, dans la capitale bretonne, d’un pôle de compétence en cyberdéfense unique en Europe.
La construction d’un véritable écosystème cyber permettra à la France d’être mieux armée pour affronter les trois grandes menaces que sont la menace criminelle, l’espionnage et la menace militaire.
La lutte contre la désinformation est un autre défi majeur, qui justifie le renforcement des moyens alloués au Viginum et à l’Arcom.
Enfin, réjouissons-nous également de la mise en place du secrétariat général à la planification écologique, qui trouve sa traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe RDPI votera les crédits de ces trois missions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois missions dont nous étudions les crédits aujourd’hui bénéficient toutes d’une hausse des moyens alloués.
S’il convient de souligner cette augmentation, quelques remarques s’imposent néanmoins.
Je commencerai par évoquer la mission « Pouvoirs publics ». À l’exception du Conseil constitutionnel, qui voit ses moyens diminuer de 16,7 %, et de la Cour de justice de la République, dont les crédits sont stables, toutes les dotations sollicitées sont à la hausse, et ce pour des raisons qui tiennent essentiellement à l’inflation et aux surcoûts liés à la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
Ce contexte inflationniste incontestable ne saurait pour autant tout expliquer.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Absolument !
Mme Isabelle Briquet. Ainsi, pour la présidence de la République, les dépenses de fonctionnement sont attendues en hausse de 12,5 %, soit plus du double du niveau de l’inflation. Comme l’a expliqué Jean-Pierre Sueur, le « recalibrage […] permettant de faire face aux coûts de gestion courante », censé à lui seul justifier cette hausse, manque pour le moins de précision.
Les deux assemblées voient également leur budget augmenter. Celui des chaînes parlementaires se maintient, ce qui permet de faire face à l’augmentation des coûts de diffusion.
La mission « Conseil et contrôle de l’État », qui a trait aux budgets des juridictions administratives, des juridictions financières et du Conseil économique, social et environnemental, connaît elle aussi une hausse notable de ses crédits.
Les dépenses de personnel augmentent de 9 %, essentiellement pour renforcer les effectifs du Conseil d’État et des juridictions administratives. Au vu de l’augmentation du contentieux devant les juridictions administratives, des moyens supplémentaires sont bel et bien indispensables pour tenter de donner des réponses aux justiciables dans des délais raisonnables. Néanmoins, ces délais restent une source d’inquiétude, d’autant que le stock s’est de nouveau accru.
Les mêmes inquiétudes se portent sur la Cour nationale du droit d’asile ; le Gouvernement estime que les créations d’emplois des années précédentes doivent permettre de tenir l’objectif d’un délai d’instruction de six mois, et ce malgré le nombre croissant de recours.
Par ailleurs, il conviendra de veiller à ce que la généralisation des téléprocédures, présentée comme un moyen de rationalisation du travail des agents de greffe et de facilitation de l’instruction par les magistrats, ne nuise pas à la qualité des décisions rendues et à l’accès au droit des administrés.
Les recommandations du Conseil d’État – promouvoir le règlement amiable des litiges, notamment par la voie de la médiation – semblent également pertinentes pour limiter l’augmentation du contentieux.
Enfin, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » regroupe deux programmes de natures assez différentes, qu’il convient donc d’évoquer distinctement.
En raison de la suppression du programme destiné à couvrir les dépenses liées à la présidence du Conseil de l’Union européenne, exercée par la France au premier semestre 2022, les crédits destinés à cette mission paraissent en baisse ; mais, après correction du périmètre, ils sont en réalité en augmentation de près de 8 % pour ce qui concerne le programme « Coordination du travail gouvernemental » et de 8,6 % pour ce qui est du programme « Protection des droits et libertés ».
Dans un contexte de hausse inquiétante de la cybercriminalité, frappant aussi bien l’État que les collectivités territoriales, les hôpitaux que l’ensemble des services publics, ce renforcement des moyens destinés à la lutte contre ce fléau est une très bonne chose. Ainsi, les renforts en personnel au bénéfice du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et principalement pour l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, sont à saluer.
Si l’on peut noter avec satisfaction la modération des crédits alloués au service d’information du Gouvernement (SIG), son cas ne laisse pas malgré tout de nous interpeller, car, je le rappelle, la Cour des comptes pointe chaque année un niveau de dépenses nettement supérieur au budget voté. Les dépenses du SIG mériteraient d’être mieux calibrées afin que l’on ne puisse pas remettre en question la sincérité des comptes.
À ce propos, une information plus claire – et même une information tout court – ne saurait nuire concernant l’activité du Haut-Commissariat au plan. Visiblement, ce ne sera pas non plus pour cette année !
Fort heureusement, il est aussi des sujets sur lesquels nous disposons d’éléments nous permettant d’apprécier l’évolution de certains services et institutions.
Il convient ainsi de saluer le travail effectué au sein de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca, dont les moyens sont cette année réajustés, après une diminution continue depuis 2019.
Plus globalement, le programme 308, « Protection des droits et libertés », connaît lui aussi une revalorisation de ses moyens.
La Cnil se voit ainsi dotée de 18 équivalents temps plein supplémentaires afin de faire face à l’accroissement de son activité. L’Arcom, qui achève sa première année d’existence, voit ses moyens également renforcés.
Si ces deux institutions concentrent l’essentiel des effectifs, les besoins humains et financiers des autres autorités indépendantes méritent d’être consolidés. Ainsi, quoique l’on note avec satisfaction la création de 2 ETP auprès de la Défenseure des droits, je souscris pleinement à la proposition de la commission des lois de renforcer les moyens humains qui sont à sa disposition, afin qu’elle puisse faire face à la hausse importante des réclamations.
Compte tenu des moyens alloués à ces différentes missions, le groupe socialiste votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » comprend les crédits de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la chaîne parlementaire, notamment. Le budget total de la mission s’élève à 1 076,5 millions d’euros, soit une hausse de 2,76 % par rapport à l’année dernière.
La dotation demandée pour la présidence de la République est en hausse de 4,9 %, soit 110 millions d’euros en 2023 contre 105 millions d’euros en 2022. Une augmentation sensible des dépenses de fonctionnement est à relever : +12,61 %.
Certains postes de dépense sont légitimes et indiscutables : je pense aux dépenses relatives à la sécurité du Président de la République et à la sécurité informatique de l’Élysée, ou encore aux travaux visant à chauffer l’Élysée, au moins pour partie, par la géothermie.
Je ne peux m’empêcher malgré tout de noter que la hausse de la dotation proposée pour les collectivités locales, qui subissent elles aussi de fortes contraintes, entre inflation et augmentation du point d’indice, n’est pas indexée, tant s’en faut, sur l’augmentation du budget de fonctionnement de la présidence de la République… Je plaide pour qu’à l’avenir la recherche d’économies nouvelles inspire plus fortement l’Élysée.
Je passe sur les crédits demandés pour le Conseil constitutionnel et pour la Cour de justice de la République, dans la mesure où, là aussi, les travaux de sécurisation prévus me semblent tout à fait opportuns.
J’en viens à un programme un peu plus méconnu, le programme 126, « Conseil économique, social et environnemental ». Les crédits demandés pour le Cese en 2023 sont légèrement en hausse – +1,2 % –, en raison de la création de deux nouvelles actions, Travaux consultatifs et Fonctions supports à l’institution.
Le caractère modéré de cette augmentation ne doit pas occulter la revalorisation continue des crédits qui est à l’œuvre depuis 2020 : la hausse cumulée en 2020 et 2021 fut de 10,4 %, soit 4,2 millions d’euros, en vue de l’organisation de conventions citoyennes thématiques. De fait, la relative stabilité du budget du Cese en 2022 revenait en réalité à entériner la hausse des crédits accordés au programme 126, alors même qu’aucune convention citoyenne n’avait été prévue sur la période.
Je dis un mot, justement, du budget consacré à la participation citoyenne.
Je rappelle que la loi organique du 15 janvier 2021 devait soi-disant « conforter la place et le rôle de la troisième assemblée au sein du paysage institutionnel de la République ».
Les auteurs de cette loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental ont souhaité, avec un certain sens de la formule creuse, approfondir la participation citoyenne par l’introduction d’outils de démocratie représentative au sein du Cese. Cet effort a pris des formes inattendues, celle du tirage au sort notamment, censé « nourrir l’avis final qui a vocation à être voté en assemblée plénière du Conseil ».
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. François Bonhomme. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis de ceux pour qui l’utilité et l’apport du Cese ne sont pas criants. Elle a beau être la troisième assemblée, sa légitimité reste à démontrer eu égard à ses missions et à ses objectifs. Cela fait quand même soixante-seize ans, c’est-à-dire depuis sa création, que l’on espère et que les attentes sont déçues : c’est un peu long !
Pour être plus direct, j’ai même la faiblesse de penser que cette troisième assemblée a été et demeure, aux yeux de beaucoup de Français, quand ils en connaissent seulement l’existence, un simple outil de fluidité politique et syndicale à la main de pouvoirs multiples – et non à celle du seul pouvoir présidentiel, qui, lui, change de titulaire –, destiné à tous les recasés et recyclés des forces politiques, professionnelles ou syndicales. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certes, nous avons fini par modifier sa composition en supprimant la désignation de personnalités « qualifiées » : en 2021, en application de cette même loi, quarante sièges ont été supprimés, qui étaient auparavant réservés à des personnalités dites qualifiées, désignées par le Gouvernement. Je note d’ailleurs que personne ne s’en est aperçu, ce qui démontre a posteriori, de manière éclatante, quoique non dénuée d’ironie, le caractère éminent et indispensable que certains se sont obstinés à lui prêter pendant des années… (Sourires.)
Personne ne s’en est aperçu, disais-je, même pas le budget… En effet, compte tenu de la réduction de ses effectifs, on aurait pu s’attendre que le budget du Cese baisse à due proportion ; il n’en a rien été.
Soit dit en passant, cela semble confirmer le caractère diabolique de cette pathologie administrative selon laquelle, une fois que l’on a créé un « machin » administratif, on a le plus grand mal à s’en défaire, y compris sur le plan budgétaire.
Par ailleurs, je fais aussi partie de ceux qui avaient proposé ici même, lors de l’examen de la loi organique de 2021, de porter le nombre de membres du Cese à zéro,…
M. André Reichardt. C’est exact !
M. François Bonhomme. … suscitant la réaction outragée du garde des sceaux, à qui revenait, il est vrai, la difficile tâche, malgré sa réputation et sa carrière parfaites, de se faire l’avocat de cette noble institution.
Je précise que si la composition du Cese était portée à zéro membre – s’agissant d’une assemblée constitutionnelle, la suppression pure et simple était impossible – l’État réaliserait une économie budgétaire de l’ordre de 45 millions d’euros. Il récupérerait même, au passage, le magnifique palais d’Iéna d’Auguste Perret, avec ses colonnes élancées et son béton de marbre rose, très belle illustration architecturale du rationalisme moderne que n’incarne pas l’assemblée qui l’occupe… (Sourires.)
Pourtant, des crédits supplémentaires récurrents alimentent le budget du Cese. Des moyens sont ainsi débloqués pour financer le recueil des pétitions citoyennes, la loi organique prévoyant la saisine du Conseil par voie de pétition, ou l’organisation de consultations en ligne, qui sont censées nourrir les réflexions des formations de travail chargées de rédiger un avis.
En outre, le Cese organise désormais des conventions citoyennes sur de grands sujets de société, s’appuyant sur des groupes de citoyens de 150 à 200 personnes, dont la méthodologie de recrutement nous échappe parfois.
M. Jérôme Bascher. Il faut être qualifié ! (Nouveaux sourires.)
M. François Bonhomme. Le président Macron, contraint d’alimenter la chose qu’il a lui-même créée, a annoncé le 13 septembre dernier le lancement d’une convention citoyenne sur la fin de vie, dont le pilotage a été confié, je vous le donne en mille, au Cese. C’est à se demander, à force de « machins », quelle idée le Président de la République se fait du rôle du Parlement…
Il n’est pas à exclure qu’à la faveur d’une crise nouvelle il renforce encore le rôle du Cese pour essayer de faire exister, tant bien que mal, le dernier avatar de cette course aux machins, j’ai nommé le Conseil national de la refondation.
Je dis un mot, maintenant, sur le coût de la participation citoyenne.
Pour l’année 2023, le Cese dispose d’une enveloppe budgétaire de 4,2 millions d’euros, je l’ai dit, entièrement fléchée vers la participation citoyenne. L’institution gère directement ces crédits, contrairement aux années précédentes, où ils devaient être débloqués par le Gouvernement. Le rapporteur spécial a donc bien raison d’indiquer qu’il entend être attentif à l’utilisation de ces crédits, notamment du point de vue de la sincérité budgétaire.
Comme l’on pouvait s’y attendre, en juin 2022, une direction de la participation citoyenne a été créée au sein du Cese. C’est à raison, là aussi, que le rapporteur spécial insiste sur le potentiel inflationniste des crédits accordés à ladite participation, qui représentent à l’heure actuelle autour de 10 % du budget du Cese, et dont le coût risque d’augmenter.
Voilà les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre, mes chers collègues.
J’aurais bien évidemment le plus grand mal à me prononcer en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (M. Yves Bouloux applaudit.)
M. André Reichardt. On n’est pas déçu !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier chaque orateur pour son intervention, en particulier les rapporteurs spéciaux et pour avis, qui ont produit, cette année encore, un travail d’analyse d’une grande qualité sur ces crédits.
Ces trois missions budgétaires fixent les dotations d’institutions d’une grande diversité, qui ont pour point commun de contribuer de manière déterminante au respect des principes fondamentaux de notre démocratie et au bon fonctionnement de l’État.
Permettez-moi d’évoquer, en premier lieu, la mission « Pouvoirs publics », dont l’enveloppe globale est cette année de 1,08 milliard d’euros, en légère hausse de 2,8 %.
Cette mission présente une certaine singularité, car elle regroupe le budget de plusieurs institutions de nature constitutionnelle, qui jouissent d’une autonomie financière sur le fondement de la séparation des pouvoirs.
Comme le veut l’usage, je m’abstiendrai de toute observation sur le budget du Sénat et de l’Assemblée nationale, fixés par la commission commune compétente en la matière.
Pour ce qui concerne le Conseil constitutionnel, si l’on neutralise l’effet d’une baisse optique liée aux dépenses nécessaires au contrôle et au contentieux des élections en 2022, sa dotation est stable, à 13,3 millions d’euros, et lui permettra d’exercer ses missions dans de bonnes conditions, comme l’a rappelé M. le questeur Sueur.
La Cour de justice de la République disposera quant à elle d’un budget reconduit à 980 000 euros pour assurer le traitement des requêtes visant les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par les actuels et anciens membres du Gouvernement.
Enfin, la présidence de la République disposera d’un budget de 110 millions d’euros. Outre qu’elle compensera la hausse du point d’indice, cette enveloppe permettra d’accompagner l’activité internationale soutenue du Président de la République dans cette période de crise, et de mener à bien des investissements indispensables à la modernisation des emprises et à la sécurisation de la présidence, comme l’a très justement souligné le rapporteur spécial M. Arnaud.
J’en viens, en deuxième lieu, à la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont les crédits augmentent de 9 % par rapport à 2022, pour atteindre 817 millions d’euros.
Nous poursuivons ainsi l’effort budgétaire engagé lors de la précédente législature pour permettre aux juridictions administratives et financières d’exercer pleinement leurs missions, qui sont au cœur des attributions régaliennes de l’État, comme l’indiquait M. Bilhac dans son rapport.
Pour ce qui est du Conseil d’État et des juridictions financières, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit la création de 41 emplois supplémentaires, dont 25 magistrats, destinés à renforcer les juridictions aux fins de faire face à l’augmentation du nombre de recours.
Je sais, monsieur Benarroche, que vous êtes attentif à cette question des ressources humaines des juridictions. Cet effort est indispensable pour assurer la maîtrise des délais de jugement, qui demeure une préoccupation majeure pour la juridiction administrative.
La Cour des comptes et les juridictions financières verront également leurs crédits progresser sous l’effet de la hausse du point d’indice, de revalorisations liées à la réforme de la haute fonction publique et de la mise en place de la Commission d’évaluation de l’aide publique au développement, créée par la loi de programmation du 4 août 2021.
L’année prochaine verra également la mise en œuvre de réformes importantes, notamment le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, ainsi que la compétence donnée par la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – aux chambres régionales des comptes pour évaluer les politiques publiques locales.
Enfin, la dotation budgétaire du Conseil économique, social et environnemental est stable, à 45 millions d’euros. En cohérence avec les principes de la réforme organique du 15 janvier 2021, le Cese, dont je salue le rôle utile et le travail essentiel, poursuivra en 2023 sa modernisation et son ouverture au public. Les prochains mois seront notamment marqués – M. Bonhomme l’a rappelé – par l’organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie, confiée au Cese par le Gouvernement.