Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 97 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-17.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme le président. L’amendement n° I-816, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section XX bis du chapitre III du titre premier de la première partie du code général des impôts, est insérée une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution sur les dividendes exceptionnels des grandes entreprises
« Art. 235 ter ZD …. – I. – A. – Il est institué une taxe sur les dividendes des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« B. – La taxe est due lorsque les dividendes, tels que définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce, versés par une société lors de l’exercice considéré est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne des dividendes versés lors des exercices 2017, 2018 et 2019.
« C. – La taxe est assise sur la fraction des dividendes versés par la société excédant 1,25 fois la moyenne des dividendes versés durant les trois exercices précités. La taxe est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de dividendes versés supérieure ou égale à 1,25 fois la moyenne des dividendes versés durant les trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – A. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du présent code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« B. – Un décret fixe les modalités de contrôle et de recouvrement ainsi que les garanties, les sanctions et les règles de présentation, d’instruction des réclamations. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, l’enjeu du débat que nous venons d’avoir est celui de la décision politique – l’un de nos collègues l’a dit précédemment et il avait raison.
En effet, la taxation des superprofits ne pouvant être votée par référendum, il n’y aura pas de décision populaire ; l’Assemblée nationale n’en décidera pas non plus, puisque le Gouvernement utilisera le 49.3 ; et le Sénat ne l’approuvera pas, parce que les élus du groupe Les Républicains n’en veulent pas.
Ce débat soulève bien un problème politique ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’amendement que je défends, au nom du groupe CRCE, s’inscrit à la suite de ceux qui ont été présentés pour taxer les superprofits, puisqu’il a pour objet de taxer le bénéfice net des entreprises. Là aussi, le débat peut être assez fourni.
Un certain nombre d’entreprises ont eu un bénéfice net, en raison de la diminution de leurs charges financières. En effet, le Gouvernement, depuis le premier quinquennat, a beaucoup réduit les charges financières d’un nombre significatif d’entreprises, notamment les grands groupes.
Monsieur le ministre, votre collègue Le Maire a d’abord demandé aux entreprises bénéficiaires d’argent public de verser des dividendes, mais ces dernières ne l’ont pas écouté.
Votre collègue Le Maire a ensuite demandé aux entreprises d’accroître le partage de la valeur en augmentant les rémunérations et – plus timidement – les salaires, ce qui n’a pas non plus été suivi d’effet.
Enfin, dernier sujet sur lequel il a fallu qu’il se résigne, le ministre Le Maire avait suggéré que les travailleurs devaient pouvoir bénéficier des dividendes que se versaient les actionnaires, conformément à la fameuse « théorie du ruissellement » : quand les uns gagnent des milliards d’euros de dividendes, les autres reçoivent ensuite quelques centaines d’euros. C’est une vision, à notre avis éculée. Or voilà qu’il déclare à présent dans la presse : « Le dividende salarié, c’est le profit pour tous et pas pour quelques-uns. » À quel niveau de débat tombons-nous ?
Il est tout de même légitime de parler de l’impôt au Parlement !
M. Max Brisson. Vous avez quatre heures…
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un lieu où l’impôt peut être tout le temps décrié.
L’argent ne va pas soit dans les poches de l’État soit dans celles des travailleurs : les dividendes, c’est de l’argent qui va au capital, échappant donc aux travailleurs – aux salariés – et à l’État. Ces deux derniers ne font qu’un, parce que les salariés et l’État, c’est une seule et même chose.
Mme le président. Merci, monsieur Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous demandons non pas une amende, mais une taxe sur les bénéfices nets des entreprises.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est identique à celui que j’ai émis sur les amendements précédents, car l’objet du débat n’a pas changé, même si le groupe CRCE propose une solution de remplacement, en combinant des options envisagées auparavant : avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-471 rectifié, présenté par MM. J. Bigot, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. Assouline, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Jasmin et G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – 1. Le bénéfice, à compter de la publication de la présente loi, pour les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extrafinancière prévue à l’article L. 225-102-1 du code de commerce :
1° De subventions publiques ;
2° De garanties de prêts ;
3° De garanties publiques pour le commerce extérieur prévues au chapitre II du titre III du livre IV du code des assurances ;
4° Du crédit d’impôt mentionné à l’article 244 quater B du code général des impôts ;
5° De participations financières de l’État par l’intermédiaire de l’Agence des participations extérieures de l’État et de la société anonyme BPI France
est subordonné à la souscription, par lesdites entreprises, d’engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
2. Les engagements mentionnés au 1 du I doivent être en cohérence avec une trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre définie pour la période 2020-2030 qui doit être compatible avec le plafond national des émissions de gaz à effet de serre défini par secteurs en application de l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ainsi qu’avec l’accord de Paris.
II. – À compter du 1er janvier 2023, les entreprises ayant souscrit les engagements mentionnés au 2 du I du présent article publient, au plus tard le 1er avril de chaque année, un rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques. Il présente le bilan de leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre au cours de l’exercice clos ainsi que leur stratégie de réduction de ces émissions, assortie d’un plan d’investissement, pour les cinq exercices suivants. Le bilan précité est établi conformément à une méthodologie reconnue par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
III. – Le non-respect, par les entreprises mentionnées au 1 du I, de l’obligation de publication du rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques prévue au II est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à 375 000 €. Le non-respect, par les mêmes entreprises, de leurs engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, mentionnés au 2 du I, est passible d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui des avantages mentionnés au 1 du même I, majoré de 10 %.
IV. – L’opération d’acquisition d’une participation au capital d’une société par l’État, au sens de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, est subordonnée à l’attribution, au représentant de l’État, d’un droit d’opposition au sein du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant en tenant lieu, à tout projet d’investissement incompatible avec les critères définis par le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.
V. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Il s’agit d’un amendement proposé par notre collègue M. Joël Bigot, qui vise à instaurer concrètement une écoconditionnalité des aides publiques. En dépit de nombreux rapports parlementaires à ce sujet, la transcription législative de l’écoconditionnalité est pour le moment insignifiante et repose essentiellement sur l’incitation.
Pour nous, cette situation inacceptable est contraire au principe de bonne gestion des deniers publics, au regard de l’ampleur des sommes concernées et de notre trajectoire de réduction des gaz à effet de serre. Les codes de bonne conduite n’auront jamais la valeur et l’efficacité d’une loi. À l’heure où notre pays doit investir massivement dans la transition énergétique, écologique et solidaire, et dans un contexte d’inflation inédit, l’État ne peut plus être dispendieux sans être contrôlé.
Il s’agit donc de mettre en place un outil concret de planification écologique. Nos concitoyens l’attendent et les acteurs privés ont un rôle essentiel à jouer.
Ainsi, les auteurs de cet amendement prévoient qu’en contrepartie des aides versées, les entreprises bénéficiaires sont tenues de publier dans un délai de six mois suivant la réception de l’aide : un bilan carbone renforcé et standardisé couvrant les scopes 1, 2 et 3 ; une stratégie climat articulée autour d’une trajectoire – contraignante – de baisse des émissions de gaz à effet de serre ; un plan d’investissements permettant de mettre en œuvre cette stratégie.
Cette mesure concernerait les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extrafinancière. Ces conditions porteraient sur les aides suivantes : les subventions directes, les garanties de prêts par l’État, les aides à l’exportation, le crédit d’impôt recherche et les participations financières de l’État. À défaut, les auteurs de l’amendement prévoient également des sanctions.
Mme le président. L’amendement n° I-680 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Jasmin et G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Afin de pouvoir bénéficier d’aides publiques, les sociétés, quelle que soit leur forme juridique, dont le total de bilan est supérieur à vingt millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires net est supérieur à quarante millions d’euros, au titre de l’exercice 2019, sont tenues au respect des obligations suivantes :
1° Par dérogation aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce, le versement de dividendes, l’octroi d’acomptes sur dividendes et l’attribution d’intérêt à titre de premier dividende, en numéraire ou en actions, sont interdits sur le bénéfice distribuable du dernier exercice clos avant l’octroi de l’aide publique. Toute délibération antérieure ou postérieure à la publication de la présente loi et contrevenant aux présentes dispositions est nulle.
2° La détention d’actifs dans un ou plusieurs des États et territoires non coopératifs en matière fiscale, tels que définis par l’article 238-0 A du code général des impôts, est interdite. Lorsqu’à la date de publication de la présente loi cette règle n’est pas respectée, la société dispose d’un délai de six mois à compter de cette date pour liquider lesdits actifs.
3° La société respecte les dispositions de l’Accord de Paris conclu entre les parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques lors de sa vingt et unième session et entré en vigueur le 4 novembre 2016 ou, est engagée dans une démarche s’inscrivant dans les objectifs de celui-ci. À cette fin, elle transmet à l’administration fiscale chaque année un rapport faisant état de sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 pour atteindre les objectifs fixés par le plafond national des émissions de gaz à effet de serre tel que défini en application de l’article L. 222-1 A du code de l’environnement.
4° La société s’est dotée d’un plan de vigilance lorsqu’elle est soumise aux dispositions de l’article L. 225-102-4 du code de commerce.
II. – Toute société contrevenant à au moins une des obligations prévues au I est tenue au remboursement des aides perçues et redevable d’une amende correspondant à 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé de la société. Le cas échéant, cette amende est majorée d’un montant équivalent au montant ou, le cas échéant, à la valeur des dividendes indûment versés.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement vise à conditionner l’octroi d’aides publiques aux entreprises dont la taille correspond ou excède le seuil européen de l’entreprise moyenne à des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale. L’amendement tend ainsi à interdire le versement de dividendes, à imposer de ne pas détenir d’actifs dans les paradis fiscaux, et à faire respecter les dispositions de l’accord de Paris.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame Blatrix Contat, j’ai bien écouté votre argumentation. Nous devons, en effet, être attentifs à ce sujet. Certains dispositifs sont déjà conditionnés à un engagement environnemental – je pense aux aides d’État, notamment. Toutefois, nombre de ces entreprises doivent déjà, en contrepartie de certains investissements, produire des documents et établir des justificatifs. L’ajout d’obligations supplémentaires ne favorisera pas la création d’emplois : or c’est surtout cela dont nous avons besoin. Comme vous le savez, la concurrence entre les pays est rude pour conserver une dynamique d’attractivité.
Madame la sénatrice, je partage vos préoccupations relatives aux enjeux socioéconomiques et votre souhait que le monde économique prenne véritablement en compte les enjeux environnementaux. Mais nous devons faire confiance aux entreprises et éviter les contraintes supplémentaires ou l’excès de contrôle.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-680 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 decies (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 238 bis AB du code général des impôts, l’année : « 2022 » est remplacée par l’année : « 2025 ».
Mme le président. L’amendement n° I-848, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le débat sur le mécénat d’entreprise est un élément récurrent dans nos travaux.
La reconduction de cette niche fiscale nous paraît contraire à toutes les règles de bonne gestion des finances publiques. Si j’ose dire, les seuls instruments qui sont achetés par certaines entreprises sont, pour paraphraser notre collègue Nathalie Goulet, des « flûtes péruviennes ». (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Plus sérieusement, ce dispositif fiscal finance l’acquisition d’œuvres ou d’instruments de musique « pour les exposer au public ». Il faut ici préciser que lorsqu’on parle d’une œuvre d’art « exposée au public » on entend « exposée dans les parties communes », c’est-à-dire hors des bureaux ; il faut être subtil ! Imaginez la scène d’un contrôle fiscal dans une entreprise qui consisterait à regarder l’emplacement de chaque œuvre d’art…
Cette déduction n’est pas utilisée. Elle ne coûte « que » 3 millions d’euros, alors même que le montant de remboursement peut s’élever jusqu’à 0,5 ‰ du chiffre d’affaires. Pour un groupe comme Kering de M. François Pinault, cela signifie 8 822 000 euros, assez finalement pour prendre goût à l’art et « soutenir le marché de l’art », selon les mots du ministère de la culture – « s’approprier le marché de l’art », devrait-on dire.
Nous ne savons pas combien d’entreprises en profitent ni lesquelles : on peut voir là un signe de la fiabilité du contrôle de cette mesure, dont on nous demande de voter la prorogation.
La contribution des entreprises à l’art, qui leur permet au passage de diminuer leur taux d’imposition, peut s’effectuer au travers d’autres dispositifs fiscaux. Par exemple, une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés peut déduire 90 % du montant de ses versements pour l’achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux et, sur dérogation, pour d’autres types de biens culturels.
Ce dispositif de soutien à l’acquisition d’un bien procède d’un renversement du rôle de l’État. En effet, l’État impécunieux devrait être suppléé par les entreprises pour assumer ses missions. Or, alors même qu’il consent à une réduction d’impôt, cette niche fiscale serait multipliée par 6,5 en 2023 pour un montant de 39 millions d’euros, le tout alors que seulement neuf entreprises daignent faire des « cadeaux » à la puissance publique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je sollicite le retrait de l’amendement.
Nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet dans un instant, lors de l’examen de mon amendement I-108, dont le dispositif est un peu différent.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-848 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, madame la présidente.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-108, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 238 bis AB du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 238 bis AB. Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2002 et avant le 31 décembre 2025, des instruments de musique et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition.
« La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la limite mentionnée au premier alinéa du 3 de l’article 238 bis, minorée du total des versements mentionnés au même article.
« Pour bénéficier de la déduction, l’entreprise doit s’engager à prêter ces instruments à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.
« L’entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du bilan une somme égale à la déduction opérée en application du premier alinéa du présent article. Cette somme est réintégrée au résultat imposable en cas de changement d’affectation ou de cession de l’instrument ou de prélèvement sur le compte de réserve. »
II.- Le I entre en vigueur au 1er janvier 2023.
III.- Le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2023, une évaluation des principales caractéristiques des bénéficiaires de la déduction prévue à l’article 238 bis AB du code général des impôts, qui précise l’efficacité et le coût de celle-ci.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je propose de ne garder l’avantage de la déduction spéciale que pour les instruments de musique
Nous avons expertisé le dispositif. Éric Bocquet a exposé le montant de l’enveloppe, qui n’est pas très élevé.
S’agissant des instruments de musique, nous avons été sensibilisés à la nécessité de permettre l’accès à la culture et à la pratique de la musique, notamment au plus haut niveau, pour les plus modestes. Il faut savoir que le coût d’un instrument de musique de bon niveau pour les meilleurs élèves du Conservatoire national de Paris, s’élève tout de même à 15 000 euros !
Notre choix a été guidé par le souci que des instruments puissent être mis à la disposition des jeunes talents, qui, sinon, pourraient se voir complètement exclus de la pratique.
En revanche, le second volet du dispositif, qui concerne les œuvres contemporaines, paraît un peu lâche et très ouvert.
Mme le président. L’amendement n° I-764 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly et Vermeillet, M. Lafon, Mme Létard, M. Levi, Mme Dindar, M. Henno, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Kern, Janssens, Duffourg et Capo-Canellas, Mme Billon, MM. Hingray et Chauvet et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 238 bis AB du code général des impôts est ainsi rédigé :
1° Au premier alinéa, l’année : « 2022 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les entreprises individuelles qui exercent une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole soumises à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes par fractions égales une somme égale au prix d’acquisition d’une œuvre d’art originale d’un artiste vivant.
« Pour bénéficier de la réduction d’impôt prévue à l’alinéa précédent, l’entreprise individuelle doit exposer dans un lieu accessible au public le bien acquis pendant l’exercice d’achat et les quatre années suivantes.
« Les œuvres d’art sont inscrites au tableau des immobilisations et amortissements avec la référence à l’article 238 bis AB du code général des impôts.
« Les sommes inscrites au tableau des immobilisations et amortissements sont réintégrées au résultat imposable en cas de changement d’affectation du bien ou de cession de l’œuvre d’art. » ;
3° Au dernier alinéa le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « neuvième ».
II. – Ces mesures s’appliquent aux dépenses effectuées à compter du 1er janvier 2023.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre 1er du livre III du code des impositions sur les biens et les services.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.