M. Thierry Cozic. Cet amendement a pour objet de plafonner les écarts de rémunération au sein d’une entreprise, en fixant un rapport maximal de 1 à 30.
À fin du XIXe siècle, le banquier John Pierpont Morgan, connu sous le nom de JP Morgan, estimait qu’un dirigeant d’entreprise ne devait jamais percevoir plus de vingt fois la rémunération moyenne de ses salariés. Que dirait-il aujourd’hui du salaire du PDG de la banque portant encore son nom, dont le montant annuel avoisine les 30 millions de dollars ?
Que dirait Henry Ford, figure du capitalisme industriel, qui préconisait un rapport maximal de quarante entre les rémunérations, lorsque les revenus des directeurs généraux des cinq cents plus grosses entreprises américaines valent jusqu’à 373 fois ceux de leurs employés ?
Vous le savez, mes chers collègues, depuis des années, l’écart entre hauts et bas salaires va croissant. Entre 2009 et 2014, la rémunération des dirigeants du CAC 40 s’est accrue de 45 %, à un rythme deux fois plus rapide que la moyenne des salaires dans leurs entreprises, et quatre fois plus rapide que le salaire minimum.
Dans un contexte inflationniste fort minant le budget des Français, c’est devenu insupportable. Alors que les marges ont chuté de 25 % pendant la pandémie et que de nombreux travailleurs ont connu le chômage partiel, la baisse de la rémunération des grands patrons a été limitée à 11 %. Encore n’était-elle pas durable ! Si le salaire du PDG de TotalEnergies s’élevait à 6,15 millions d’euros en 2019, il était encore de 6 millions d’euros en 2021, soit 376 fois le Smic.
Le mauvais partage de la valeur au sein des entreprises alimente les inégalités dans notre pays et mine durablement notre contrat social. De plus, les écarts de salaires croissants nuisent au climat dans l’entreprise. Selon un sondage Ifop publié en janvier 2011, trois Français sur quatre sont favorables au plafonnement des salaires.
Dans ce contexte, cet amendement a pour objet de plafonner la rémunération à trente fois la rémunération moyenne du décile de salaires le plus bas, afin de lutter contre les inégalités, de promouvoir la cohésion au sein des entreprises et de maintenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sur les rémunérations, on peut faire appel à l’histoire, mais aussi regarder l’avenir, faire de la philosophie et essayer d’avoir des principes.
Nous voulons des entreprises qui fonctionnent bien, des femmes et des hommes qui prennent la tête de ces sociétés et qui les développent. Nous sommes dans une économie très ouverte, ce qui ouvre, pour attirer les meilleurs talents, une course à la rémunération, dans les entreprises comme dans le monde du sport ; c’est ainsi. Résultat, les écarts de rémunération s’accroissent fortement.
Faire voter, en France, un resserrement très important de ces écarts, contrairement à ce que font d’autres pays plus libéraux, en refusant une forme d’ouverture de l’économie sur le monde, est-ce la seule solution ?
Si nous aspirons à plus de justice et d’équité, à un meilleur partage de la valeur, nous voyons bien que les choses sont complexes. Pour les grands chefs d’entreprise, comme dans d’autres domaines, la concurrence fait rage, malheureusement, ou heureusement – pour ma part, j’essaie de faire en sorte que, dans cet hémicycle, la pensée soit multiple. Un tel encadrement serait drastique.
M. Thierry Cozic. Ce n’est pas la question !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Je ne suis pas favorable à ce type d’encadrement, même si nous devons chercher des solutions pour que ces écarts ne perdurent pas.
Par ailleurs, en adoptant cet amendement, nous risquerions d’instituer une double imposition : sur les sociétés et sur le revenu du chef d’entreprise. Tel n’est pas ma philosophie.
L’avis est de la commission est donc défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Oui, certains écarts de rémunération peuvent apparaître exagérés. Je rejoins toutefois M. le rapporteur général lorsqu’il souligne que ces salaires sont déjà taxés, par l’impôt sur le revenu, mais aussi par la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Nous sommes l’un des pays, si ce n’est le pays, où l’impôt sur le revenu est le plus progressif au monde.
J’étais rapporteur général lors de l’examen de la loi Pacte. J’ai alors plaidé, avec succès, pour une transparence accrue sur les rémunérations et les écarts de rémunération au sein des entreprises. Cela nous permet aujourd’hui d’avoir ce débat, et je m’en félicite. Pour autant, n’ajoutons pas de l’impôt à l’impôt : nous en avons déjà suffisamment en France !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Pour ma part, je voterai cet amendement : s’il existe un salaire minimum, nous qui fixons les normes et votons les lois devons aussi fixer un salaire maximum.
La France est un grand pays, le pays des Lumières, qui doit ouvrir la conscience de chaque citoyen. Il faut donner à la notion de solidarité tout son sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Nous considérons que rien ne justifie qu’une personne soit payée trois cents fois plus qu’une autre !
À vrai dire, c’est surtout le fait que certains sont payés trois cents fois moins que d’autres qui pose problème. Le travail d’un employé ou d’un ouvrier est essentiel, comme on l’a vu lors de la crise de la covid-19, quand notre société a été mise en difficulté parce que les métiers dits « essentiels » étaient en première ligne, ce qui a souligné leur caractère indispensable, à la différence de certains autres.
J’ai donc beaucoup de mal à admettre que, en refusant de plafonner, on signale à ceux qui sont en bas de l’échelle que, au fond, leur travail ne vaut pas grand-chose par rapport à celui du dirigeant, du chef d’entreprise ou du footballeur professionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Pour explication de texte, plutôt, madame la présidente !
Monsieur le rapporteur général, je n’ai à aucun moment proposé de plafonner. Cet amendement vise simplement à réclamer de la décence dans le niveau des rémunérations.
Est-il décent qu’un chef d’entreprise gagne trois cents fois plus que ceux qui travaillent pour sa société ? La rémunération doit être répartie entre l’ensemble des salariés : le chef d’entreprise n’est pas seul à faire tourner l’entreprise ; il s’agit d’un engagement collectif, qui doit commander un partage équitable des fruits du travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce magnifique débat de fond. Nous voterons, bien sûr, ces amendements.
Nous lisons régulièrement des rapports sur l’évolution de la pauvreté, qui ne fait que croître, publiés parfois le même jour que l’annonce de records dans la distribution des dividendes. Je suis même étonné que cela ne suscite pas davantage de réactions dans la population et me demande comment notre société peut tenir avec de tels écarts, aussi ostensibles.
Je lis chaque jour le journal Les Échos, comme vous le savez, juste après L’Humanité, pour me mettre en forme le matin. (Exclamations amusées.)
Le jeudi 17 novembre dernier, on y lisait, alors même que nous commencions l’examen du PLF et que, depuis plusieurs semaines, nous votions des dispositifs pour protéger les consommateurs de la flambée des factures d’énergie, à juste titre d’ailleurs : « La crise énergétique porte les dividendes mondiaux à un niveau record. » Le jour même, le Secours catholique publiait son rapport sur la pauvreté !
Pour mémoire, le revenu moyen des personnes accueillies dans les permanences catholiques est de 584 euros, et il s’agit de centaines de milliers de personnes, y compris parfois des salariés. Et Les Échos nous parlent de ce record au troisième trimestre, « rendu possible grâce à l’augmentation des bénéfices des compagnies pétrolières ». L’article continue ainsi : « Les actionnaires peuvent remercier les compagnies pétrolières et les prix élevés du baril d’or noir. Sur le seul troisième trimestre de 2022, ces dernières ont distribué 46,4 milliards de dollars de dividendes, soit 75 % de plus qu’en 2021. » Et on nous annonce une année encore plus profitable en 2022…
Franchement, comment tout cela peut-il tenir ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-712 rectifié ter est présenté par M. Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Antiste et Bourgi, Mme Conway-Mouret, MM. Cozic et Devinaz, Mmes Espagnac et Jasmin, M. P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mme Poumirol et MM. Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot.
L’amendement n° I-1360 rectifié bis est présenté par MM. Corbisez, Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 44 sexies A du code général des impôts, il est inséré un article 44 sexies… ainsi rédigé :
« Art. 44 sexies…. – I. – 1. Les entreprises bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » , au sens de l’article premier de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés au titre du premier exercice ou de la première période d’imposition bénéficiaire, cette période d’exonération totale des bénéfices réalisés ne pouvant excéder douze mois.
« Les bénéfices réalisés au titre de l’exercice ou période d’imposition bénéficiaire suivant cette période d’exonération ne sont soumis à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant.
« 2. Le bénéfice de l’exonération est réservé aux entreprises qui réunissent les conditions fixées au 1 au cours de chaque exercice ou période d’imposition au titre duquel ou de laquelle l’exonération est susceptible de s’appliquer.
« 3. Si à la clôture d’un exercice ou d’une période d’imposition l’entreprise ne satisfait plus à l’une des conditions requises pour bénéficier du statut d’entreprise solidaire d’utilité sociale, elle perd définitivement le bénéfice de l’exonération prévue au 1. Toutefois, le bénéfice réalisé au cours de cet exercice ou période d’imposition et de l’exercice ou période d’imposition suivant n’est soumis à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés que pour la moitié de son montant.
« 4. La durée totale d’application de l’abattement de 50 % prévu au 1 et au 3 ne peut en aucun cas excéder douze mois.
« II. – Le bénéfice exonéré au titre d’un exercice ou d’une période d’imposition est celui déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 96 à 100, 102 ter et 103, diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun :
« a. Les produits des actions ou parts de société, et les résultats de sociétés ou organismes soumis au régime prévu à l’article 8 ;
« b. Les produits correspondant aux subventions, libéralités et abandons de créances ;
c. Les produits de créances et d’opérations financières pour le montant qui excède celui des frais financiers engagés au cours du même exercice ou de la période d’imposition.
III. – Lorsqu’elle répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions de l’un des régimes prévus aux articles 44 sexies, 44 quindecies, 44 sexdecies, 44 septdecies, 244 quater E ou du régime prévu au présent article, l’entreprise solidaire d’utilité sociale peut opter pour ce dernier régime, dans les neuf mois suivants celui de son début d’activité, ou dans les neuf premiers mois de l’exercice ou de la période au titre duquel ou de laquelle l’option est exercée. L’option est irrévocable dès lors qu’à la clôture de l’exercice ou de la période au titre duquel ou de laquelle elle a été exercée les conditions fixées à l’article premier et à l’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont remplies. »
« IV. – Le bénéfice de l’exonération prévue au I est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. »
II. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2023.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° I-712 rectifié ter.
Mme Florence Blatrix Contat. Les jeunes entreprises et organisations obtenant l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) sont celles qui développent en France l’innovation écologique et sociale permettant de répondre aux dix-sept objectifs du développement durable posés par l’ONU et aux grandes transitions d’aujourd’hui et de demain.
Force est de constater que cet agrément n’a pas eu à ce jour l’effet escompté pour développer ces innovations à la hauteur des enjeux : sept ans après l’adoption de la loi, seules 2 000 entreprises ont été agréées, et le changement d’échelle est bien moins rapide que pour d’autres entreprises innovantes.
Il ressort des différents rapports parlementaires sur la question que ce dispositif manque de visibilité et gagnerait à être rendu plus attractif, afin de se développer pleinement.
Les Esus doivent être au moins autant encouragées que les entreprises faisant de l’innovation purement technique ou scientifique en France, qui bénéficient de nombreux avantages, notamment fiscaux, grâce au statut de jeune entreprise innovante, ainsi que d’une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour leur personnel participant à la recherche et développement.
Le présent amendement vise donc à prévoir une exonération de la fiscalité sur les bénéfices la première année, puis une exonération partielle portant sur la moitié des bénéfices l’année suivante.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° I-1360 rectifié bis.
M. Stéphane Artano. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera une demande de retrait, madame la présidente, car la proposition portée ici ne correspond pas à l’esprit des Esus : l’outil fiscal n’est pas le plus adapté. D’ailleurs, nous essayons de réduire le nombre de niches fiscales.
Nous pourrions aussi mobiliser les outils de protection sociale qui existent déjà, afin d’aider ces entreprises à investir pour faire face aux enjeux de demain, notamment en matière d’adaptation numérique et de respect de l’environnement.
La commission demande donc le retrait de ces amendements identiques, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Une niche fiscale existe déjà en faveur de ces entreprises, puisqu’une réduction d’impôt est prévue pour les particuliers qui souscrivent à leur capital. Par ailleurs, une Esus qui est aussi une JEI bénéficie de tous les dispositifs correspondants.
Pour cette raison, mais aussi pour celles qui ont déjà été développées par M. le rapporteur général, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-712 rectifié ter et I-1360 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements nos I-634 rectifié bis et I-635 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° I-1175 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts est complétée par deux divisions ainsi rédigées :
« …° Crédit d’impôt pour dépenses de fourniture de véhicules de service par les entreprises d’aide et d’accompagnement à domicile
« Art. 200 septdecies. – Les entreprises individuelles exerçant une activité mentionnée au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des frais générés par la mise à la disposition gratuite de leurs salariés de véhicules de service pour l’exercice de cette activité.
« Les II à VI de l’article 220 octodecies sont applicables à cette réduction d’impôt.
« …° Crédit d’impôt pour dépenses de fourniture de véhicules de service par les services d’aide et d’accompagnement à domicile
« Art. 220 octodecies. – I. – Les entreprises exerçant une activité mentionnée au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail bénéficient d’une réduction d’impôt sur les sociétés au titre des frais générés par la mise à la disposition gratuite de leurs salariés de véhicules de service pour l’exercice de cette activité.
« II. – Le montant des frais pris en compte pour le calcul de la réduction d’impôt prévue au I est égal, pour chaque véhicule, à la différence entre :
« 1° D’une part, la somme des dépenses de carburants, des impôts et taxes afférents au véhicule et, selon le cas, de son amortissement ou du prix de sa location ;
« 2° D’autre part, le cas échéant, les aides de toutes sortes reçues par l’entreprise pour l’achat ou la location du véhicule.
« III. – Le taux de la réduction d’impôt est de 25 % du montant défini au II.
« IV. – Lorsque le véhicule est pris en location par l’entreprise, le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que le contrat de location soit souscrit pour une durée minimale de trois ans.
« V. – Le bénéfice de la réduction d’impôt prévu au présent article est subordonné au respect, par l’entreprise, de la législation sociale en vigueur.
« VI. – La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel les frais mentionnés au II ont été générés. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous souhaitons interpeller le Gouvernement sur la situation des aides à domicile qui sont obligées de se déplacer en voiture pour effectuer leur travail.
Pour rappel, le secteur de l’aide, de l’accompagnement et du maintien à domicile emploie 226 500 salariés, dont 97 % sont des femmes et 27 % ont plus de 55 ans. Plus de 89 % d’entre elles sont à temps partiel, généralement imposé. Le salaire brut observé est de 972 euros pour un équivalent temps plein avec seize ans d’ancienneté, par exemple.
Ces salariées ont des horaires de travail très morcelés, qui conduisent parfois à des amplitudes horaires très longues. Ainsi, 51 % d’entre elles n’ont pas les mêmes horaires tous les jours et 15 % ne connaissent pas leurs horaires une semaine à l’avance.
De plus, elles ont des temps de repos très réduits et sont davantage concernées que les autres salariés par le travail le samedi, le dimanche et les jours fériés. En revanche, elles sont moins nombreuses à travailler le soir et la nuit.
Les politiques d’austérité en matière de salaire ont conduit au tassement des grilles les plus basses, à l’absence de reconnaissance des qualifications, ou encore à la dégradation des conditions de travail.
Ces bas salaires ont pour conséquence des niveaux de vie très faibles chez les aides à domicile. Ainsi, pour cette catégorie professionnelle, le taux de pauvreté est plus de deux fois supérieur au taux moyen de l’ensemble des salariés.
La flambée des prix du carburant entraîne ipso facto une forte perte de pouvoir d’achat, au point que le coût de l’essence dépasse parfois le montant de leur rémunération !
Par cet amendement, nous proposons la création d’un crédit d’impôt pour la fourniture de véhicules de service par les entreprises d’aide et d’accompagnement à domicile. Nous comptons ainsi atténuer les effets de la hausse du carburant sur les travailleurs essentiels, dont les rémunérations extrêmement basses devraient être rapidement revalorisées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je partage le constat du sénateur Bocquet : même si elles ont été revalorisées à l’issue de la crise sanitaire, ces professions conservent des niveaux de rémunération assez bas. La situation est encore amplifiée par le nombre d’heures effectivement réalisées et par le temps fractionné.
Néanmoins, la mesure proposée au travers de cet amendement s’ajouterait au dispositif existant des indemnités kilométriques. La logique voudrait plutôt que l’on réfléchisse à des revalorisations salariales tenant compte des conditions d’exercice ou de la pénibilité.
De mon point de vue, l’outil retenu est inadapté. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1175 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Les amendements nos I-636 rectifié bis et I-637 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° I-819, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 209-0… ainsi rédigé :
« Art. 209-0 …. – I. – Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné au II et domicilié hors de France, les bénéfices imposables sont déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe.
« II. – Le groupe au sens du I comprend les entités juridiques et personnes morales établies ou constituées en France ou hors de France.
« III. – À son initiative ou par désignation de l’administration fiscale, une société membre du groupe mentionné au II est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par l’ensemble du groupe en France.
« IV. – Pour les sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société-mère est domiciliée à l’étranger, les bénéfices imposables sont déterminés selon les mêmes modalités.
« V. – Pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe mentionné au II est implanté ou dispose d’activités, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV transmettent à l’administration fiscale les informations suivantes :
« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;
« 2° Chiffre d’affaires ;
« 3° Bénéfice ou perte avant impôt.
« VI. – En cas de refus de se soumettre à l’obligation fixée au III, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV font l’objet d’une interdiction d’exercer sur le territoire français.
« VII. – Le I s’applique au groupe mentionné au II dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 millions d’euros. »
II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conventions fiscales bilatérales qu’il convient de renégocier en vue d’éviter la double imposition.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à mettre en place une imposition sur les bénéfices, sur la base de l’activité qui est réellement réalisée en France, puis répartie dans les autres pays membres.
Monsieur le ministre, nous souhaitons un impôt, vous nous donnez un rapport, et pas n’importe lequel : je veux parler du rapport sur l’évasion fiscale, qui a été présenté cette semaine à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une mission d’information.
Les constats qu’il dresse méritent d’être énoncés ici. En matière d’effectifs dédiés, le rapport note ainsi « une baisse alarmante des effectifs et la mise en place mal avisée de nouvelles technologies ». Il relève également que, « avec près de 200 agents seulement, la cellule Tracfin ne dispose pas aujourd’hui d’un nombre d’ETP suffisant pour faire faire face à la hausse des déclarations de soupçon (+43 % depuis 2020) ».
Le rapport est clair : l’insuffisance des moyens joue sur le nombre de contrôles et sur les résultats financiers. Il en résulte le constat que la lutte contre l’évasion fiscale décline.
Les effectifs insuffisants au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et dans d’autres organes comme le parquet national financier ou la cellule Tracfin, la diminution du nombre de contrôles sur place ou encore la tendance à la baisse, depuis dix ans, des sommes encaissées à la suite des contrôles fiscaux témoignent d’un effort en matière de lutte contre l’évasion fiscale qui est bien inférieur à ce qui serait nécessaire.
À titre d’illustration, rappelons que, entre 2015 et 2019, les résultats du contrôle fiscal sont passés de 21,2 milliards d’euros à 13,9 milliards d’euros.
La lutte contre l’évasion fiscale doit reposer d’abord sur un projet d’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne.
Je ne dis pas autre chose que le ministre Bruno Le Maire, quand il exprimait notre accord, l’été dernier, dans les termes suivants : « Je souhaite que nous ayons une coopération renforcée – c’est sans doute là une piste intéressante –, dans un cadre européen, pour contourner l’inacceptable veto que la Hongrie a posé à la taxation minimale à l’impôt sur les sociétés. »