M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’avis est toujours défavorable…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. La question posée par cet amendement est très importante.

Le taux de suicide dans la police nationale et gendarmerie est certes très élevé – plus élevé que celui de la population –, mais il faudrait sans doute le comparer à celui des services de police d’autres pays ou à celui de personnes confrontées à la misère, aux difficultés et à la violence – dont vous n’avez pas parlé, monsieur le sénateur.

Il est tout à fait vrai que la hiérarchie, jusqu’au ministre de l’intérieur – je ne vais donc pas me dédire –, a une responsabilité dans cette situation.

Il est également tout à fait vrai que les formations peuvent améliorer les choses, mais personne ne peut ignorer que le travail très spécifique des policiers et des gendarmes peut aussi, dans des cas particuliers, les pousser à ces actes qui sont dommageables pour l’ensemble du corps social et qui ne se réduisent pas à des drames individuels.

Pour autant, monsieur le sénateur, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. En effet, ce qui manque, ce sont non pas les formations, mais des psychologues en nombre suffisant pour intervenir au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Je précise donc que, parmi les 8 500 postes que nous créons, de très nombreux psychologues sont recrutés – quarante dans la gendarmerie et quarante dans la police nationale dans le prochain exercice budgétaire. Vous le savez, nous avons aussi des difficultés à recruter ces professionnels dans la fonction publique.

Sur le fond, je pourrais détailler les formations imposées aux commissaires, aux officiers et aux gardiens de la paix par exemple. Monsieur le sénateur, votre amendement est en grande partie satisfait. Nous sommes d’accord sur le principe. Il s’agit davantage d’une question de moyens que de « description » des formations qui doivent être suivies.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je m’aperçois que je me suis trompé, mais cette erreur va nous servir : j’ai en effet défendu l’amendement n° 86 et non l’amendement n° 85.

Or l’objet de l’amendement n° 85 correspond tout à fait aux propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre : vous avez créé un certain nombre de postes de psychologues, ce que nous trouvons très bien.

Le rapport annexé prévoit une augmentation souhaitable du nombre de psychologues opérationnels avec la création de 29 nouveaux postes.

M. Gérald Darmanin, ministre. En fait, quarante pour la police nationale et quarante pour la gendarmerie nationale !

M. Guy Benarroche. Nous saluons cette mesure.

L’amendement n° 85, que je défends maintenant, avait pour objet de faciliter l’accès aux psychologues, y compris indépendants, afin de préserver dans certains cas la discrétion des agents concernés. Il allait donc, je le redis, dans le même sens que les propos que vous venez de tenir.

M. le président. L’amendement n° 86, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 404

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tout policier et tout gendarme doit pouvoir obtenir un entretien avec un psychologue, y compris indépendant, dans un délai raisonnable.

La commission et le Gouvernement se sont prononcés sur cet amendement, qui a déjà été défendu.

Quel est maintenant l’avis de la commission sur l’amendement n° 85 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote sur l’article.

M. Jérôme Bascher. Je souhaite revenir brièvement sur les brigades vertes, en particulier les brigades équines, sujet essentiel que vous connaissez, monsieur le ministre.

Il faut prévoir pour la gendarmerie nationale des moyens en matériels, par exemple des vans, pour lui permettre d’intervenir à cheval dans nos forêts et dans les zones naturelles. Cela peut en effet être pratique.

Je voterai cet article.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Pensez-vous vraiment que l’on n’a pas prévu les brigades équines, monsieur le sénateur ? Que n’hennit ! (Sourires.)

Je ne pouvais pas ne pas faire ce clin d’œil à M. le sénateur de l’Oise, qui connaît bien ce sujet.

Nous commençons à recréer des brigades équines, notamment à Deauville tout récemment, et nous réfléchissons déjà aux futures brigades.

Monsieur Bascher, si vous nous proposez des brigades entièrement équines dans l’Oise, nous serons à l’écoute des demandes des élus de votre département. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.

(Larticle 1er et le rapport annexé sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er
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Article 2

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 120, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés des dispositions de nature législative, réglementaire ainsi que les mesures de nature budgétaire et d’organisation prises par le Gouvernement de 2023 à 2027 pour atteindre les objectifs poursuivis par la présente loi et qui sont détaillés dans le rapport annexé mentionné à l’article 1er. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces dispositions et mesures.

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement dont vous excuserez la grande candeur (Sourires.), puisqu’il a pour objet de demander au ministre d’informer le Parlement sur la mise en œuvre des priorités fixées dans le rapport annexé.

Depuis le début de nos débats, il a beaucoup été question de la place du rapport annexé, qui n’a pas de valeur normative, mais que nous avons malgré tout amendé, sur lequel nous avons longuement débattu et qui nous a permis d’ailleurs d’évoquer des dispositions qui seront traitées dans la partie législative du projet de loi. Lors de la discussion générale, j’ai souligné que le rapport annexé était en quelque sorte le mode d’emploi de ce projet de loi, à tout le moins sa feuille de route.

Il ne nous semble pas incongru, dans une logique de programmation, de disposer, année après année, en tant que parlementaires, mais cela peut être utile aussi pour les agents du ministère et pour les citoyens, d’un état de l’avancement des priorités inscrites dans le rapport annexé pour la trajectoire budgétaire 2023-2027.

Monsieur le ministre, vous nous répondrez certainement qu’il suffit de s’en tenir à l’annualité budgétaire et à l’examen des projets de loi de finances. Toutefois, avoir cette vision globale et ce retour serait de bonne politique. On veut bien payer pour voir, mais si l’on peut voir c’est encore mieux ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Durain n’a pas prononcé le mot « rapport », mais c’est tout comme… (Sourires.)

Par définition, le Parlement assure sa mission de contrôle, a fortiori quand il s’agit de lois de programmation. Il est informé de tous les textes législatifs et réglementaires, et il évalue et contrôle l’action du Gouvernement.

C’est notamment le rôle des rapporteurs, postérieurement à l’adoption d’un texte, de procéder à ce contrôle et à cette évaluation.

C’est la raison pour laquelle, sur le principe, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, cela fait tout de même quelque temps que nous connaissons la vie du Parlement et que nous voyons se succéder les lois de programmation. Pour ma part, j’ai dû participer à un grand nombre de débats sur de nombreuses lois de programmation.

Les lois de programmation sont belles lorsqu’on les vote. Il arrive ensuite qu’elles se perdent dans les brumes et qu’au fil du temps plus personne ne s’en souvienne.

C’est pourquoi la préoccupation exprimée par M. Durain est importante.

Monsieur le président, vous le savez comme moi, il faut qu’on puisse voir chaque année où l’on en est par rapport à la loi de programmation, que ce soit au niveau des objectifs, des moyens, des financements. On pourrait certes nous répondre que nous n’avons qu’à regarder la loi de finances, mais ce serait tout de même une garantie.

J’ai été très sensible à l’avis de sagesse que vous avez émis, monsieur le ministre. Vous serez peut-être ministre de l’intérieur pendant les cinq années à venir ; si d’aventure, vous ne l’étiez plus, ce qui n’est pas le vœu que je formule, vous aimeriez que vos successeurs soient tenus par cette loi de programmation.

M. Gérald Darmanin, ministre. Tout à fait d’accord !

M. Jean-Pierre Sueur. La sagesse du ministre devrait nous inspirer et nous conduire à voter cet amendement. M. le rapporteur pourrait être sensible à ces arguments…

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne suis pas d’accord ! Je comprends tout à fait que le ministre ait émis un avis de sagesse. Si j’avais été à sa place, j’aurais fait de même.

L’exécutif n’a pas à se mêler de l’organisation du législatif. J’ai été ministre chargé d’une loi de programmation et d’orientation,…

M. Jérôme Bascher. Du temps où ça marchait ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. … et ce n’était pas au ministre d’aller donner les informations au Parlement !

Nous rédigeons des rapports ; la commission des finances prépare chaque année des rapports budgétaires ; nous nommons, à la fois, à la commission des finances et dans les commissions qui sont saisies pour avis des rapporteurs, dont le rôle est évidemment de demander au ministre, a fortiori pour une loi de programmation, toutes ces informations utiles : sinon, ils ne jouent pas leur rôle.

S’agissant de la loi de programmation pour la cohésion sociale, dite loi Borloo, dont j’ai eu à connaître, les rapporteurs de l’Assemblée nationale ont demandé et obtenu du ministre, pendant cinq ans, toutes les informations nécessaires.

Nous ne devons donc pas adopter des dispositions de ce type pour préserver notre liberté d’organisation : c’est le rôle des rapporteurs budgétaires et des rapporteurs des commissions saisies pour avis. C’est une question de principe, monsieur le président.

Mon avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 120
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Article 3

Article 2

Les crédits de paiement du ministère de l’intérieur et les plafonds des taxes affectées à ce ministère, hors charges de pensions, évoluent sur la période 2023-2027 conformément au tableau suivant :

(En millions deuros)

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES hors compte daffectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l’intérieur (hors programme 232)

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Le périmètre budgétaire concerné intègre :

1° La mission « Sécurités » : programmes « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » ;

2° La mission « Administration générale et territoriale de l’État » : programmes « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et « Administration territoriale de l’État » ;

3° La mission « Immigration, asile et intégration » : programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » ;

4° Le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » : programmes « Structures et dispositifs de sécurité routière » et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » ;

5° Les taxes affectées à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Cet article concerne la programmation financière. En 2022, les moyens du ministère de l’intérieur représentent 20,78 milliards d’euros ; en 2027, ils atteindraient 25,29 milliards d’euros, soit une hausse de 5 milliards d’euros sur cinq ans.

Ces crédits, qui concernent plusieurs politiques publiques, couvrent différentes missions et programmes budgétaires, à commencer par les missions les plus importantes : la mission « Sécurités », avec les programmes « Police nationale » – 12 milliards d’euros en 2022 –, « Gendarmerie nationale » – près de 10 milliards d’euros – et « Sécurité civile » ; la mission « Administration générale et territoriale de l’État » ; la mission « Immigration, asile et intégration », à hauteur de 2 milliards d’euros ; sans oublier le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ou le programme « Structures et dispositifs de sécurité routière ».

Ces orientations budgétaires doivent toutefois être confirmées par les lois de finances annuelles et par la loi de programmation des finances publiques qui sera examinée très prochainement par le Sénat. Elles traduisent une augmentation des moyens, et un soutien aux forces de l’ordre.

Dans son rapport, la commission des lois évoque tout de même un contexte de crise et d’incertitudes, qui incite à une certaine prudence.

L’administration des douanes n’apparaît pas dans le texte, mais la commission des finances a donné un avis favorable au rapport d’information, particulièrement intéressant, de nos collègues Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, sur les moyens dont cette administration a besoin pour lutter contre les trafics de drogue.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité prendre la parole, car je n’ai pas pu déposer d’amendement sur cet article.

Les compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont un rôle central dans la doctrine française de maintien de l’ordre. Elles sont des unités indispensables pour une sécurité optimale dans nos territoires, avec une mention particulière pour les CRS-MNS (maîtres-nageurs sauveteurs), qui sécurisent nos littoraux l’été.

Bordeaux est une métropole qui ne dispose pas d’une compagnie de CRS à demeure. L’explosion de l’insécurité et de la délinquance ainsi que la professionnalisation de certains réseaux vous ont conduit, monsieur le ministre, à affecter des moyens supplémentaires à la police nationale, mais il y a maintenant un certain temps que j’alerte sur l’absolue nécessité de doter Bordeaux d’une compagnie de CRS à demeure.

Vous avez décidé, face à cette demande, de déployer une demi-unité depuis octobre 2021, et je vous en remercie. Mais dès qu’il y a des absents ou que l’autre moitié de l’unité est déployée ailleurs, ces effectifs ne peuvent plus être présents sur notre territoire, ce qui nous laisse peu de jours avec la demi-unité de CRS. Pourtant, son savoir-faire adaptatif est complémentaire de celui de la police nationale, et conviendrait parfaitement pour couvrir les quartiers bordelais et leurs problématiques.

Il ne s’agit nullement d’effectuer un transfert en enlevant cette compagnie à un autre territoire, mais bien d’en créer une nouvelle, à demeure, et pérenne.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, nous voterons l’augmentation proposée du budget du ministère de l’intérieur pour les cinq ans à venir, parce qu’elle nous paraît indispensable et nécessaire, qu’il s’agisse d’appliquer votre plan de programmation ou une autre politique du ministère de l’intérieur.

Comme vous l’avez constaté, nous défendons une tout autre politique, qui commanderait une affectation différente des moyens. Mais l’augmentation de ceux-ci est, de toute façon, indispensable. Nous veillerons, dans les prochains textes, notamment les lois de finances, que nous examinerons, à faire en sorte que cet argent soit utilisé, comme on le dit à Marseille, à bon escient et avec parcimonie.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE

Chapitre Ier

Lutte contre la cybercriminalité

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article 706-154 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article 706-153, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d’instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie, d’une part, d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, d’autre part, d’actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après les mots : « du compte », sont insérés les mots : « ou au propriétaire de l’actif numérique » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou cet actif » ;

b) À la dernière phrase, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « , le propriétaire de l’actif numérique » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « dépôts », sont insérés les mots : « ou sur des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou à l’ensemble des actifs numériques détenus ».

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.

M. Jérôme Bascher. Au moment où nous abordons la question de la lutte contre la cybercriminalité, je rappelle combien il est important de donner des moyens non seulement aux services de police et de gendarmerie, mais aussi aux parquets, qui ont besoin de travailler sur ce sujet, qui est souvent complexe et de dimension internationale.

Justement, en France, nous avons des filières d’ingénieurs qui peuvent travailler, après leurs études, pour la gendarmerie et la police, mais il faut aussi former nos parquetiers, car le sujet est difficile pour des gens qui ont surtout fait des études de droit.

Évidemment, il faut aussi faire évoluer le droit pour lutter contre la cybercriminalité, et pas seulement en France : bien souvent, le cybercriminel se situe à l’étranger.

Je salue le travail remarquable fait par le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend), auquel j’ai rendu visite, et par le réseau des gendarmes référents sur le terrain, dans les brigades.

La cybercriminalité est une vraie plaie. Le département de Seine-Maritime y a été confronté tout récemment, et chacune de nos administrations locales est menacée.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 60 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 165 rectifié est présenté par MM. Favreau, Cuypers, D. Laurent, Houpert, Gremillet, Laménie et J.B. Blanc, Mme Dumont, MM. Belin et Savary, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 60.

M. Guy Benarroche. La saisie d’actifs numériques introduite par l’article 3 soulève des interrogations quant à l’effectivité d’une telle mesure et son impact, à la fois sur les droits de propriété et sur le principe de proportionnalité. La jurisprudence rappelle ces droits fondamentaux, dont la loi ne doit pas conduire à diminuer la portée.

Cet amendement tend donc à consacrer la jurisprudence en matière de droits de propriété et de principe de proportionnalité, indispensables dans l’État de droit.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 165 rectifié.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise à mentionner les droits de propriété et le principe de proportionnalité, en modifiant l’article 706-154 du code de procédure pénale.

La saisie d’actifs numériques, qui est prévue dans le chapitre de la loi consacré à la lutte contre la cybercriminalité, soulève quelques interrogations sur l’effectivité même de cette saisie. Je ne suis pas un grand connaisseur du bitcoin ou des monnaies numériques, mais il me semble que, si la saisie d’espèces ne pose pas de problèmes, celle de droits numériques en pose un certain nombre, comme l’a souligné l’orateur précédent.

L’ajout que permettrait l’adoption de cet amendement constituerait une assurance pour l’OPJ chargé par le procureur de la République d’opérer la saisie de récupérer la réalité des droits qui sont saisissables.

Je sais que cet amendement a été rejeté par la commission, mais je le maintiens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit certes de cryptoactifs, mais, par définition, une saisie ne se fait pas sous réserve du droit de propriété !

En revanche, la saisie doit obéir au principe de proportionnalité. Sur des actes de ce type, l’autorité judiciaire respecte ce principe : il est superfétatoire de le rappeler.

Ces amendements ne sont donc pas acceptables, et mon avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Messieurs les sénateurs, de quoi s’agit-il ? Lorsque de l’argent numérique est versé après une attaque cyber, nous souhaitons pouvoir saisir celui-ci comme nous le ferions, dans le monde physique, de l’argent qui serait le produit d’un crime ou d’un délit. Il s’agit donc de faire dans le monde numérique, dans un cadre judiciaire, ce que nous faisons dans le monde réel.

Or, jusqu’à présent, aussi étonnant que cela puisse paraître, le législateur avait accordé aux services de police et de gendarmerie des moyens d’enquête dans le monde numérique, comme dans le monde réel, mais il n’avait jamais pensé à prévoir la saisie des actifs numériques, dont nous savons tous qu’ils représentent une part de plus en plus importante des rançons payées à la suite de cyberattaques.

Cet article est donc très important dans le cadre de la lutte contre les cyberattaques, même s’il peut paraître un peu abscons.

Je comprends que vous ne vous opposez d’ailleurs pas à cet article, mais que vous souhaitez garantir le droit à la propriété et l’exigence de proportionnalité. Permettez-moi de souligner, comme l’a fait le rapporteur, que votre demande est nulle et non avenue ! Nous ne parlons pas là de mesures de police administrative, à la main des préfets ou des services de police, mais d’un article du code de procédure pénale, qui encadre l’ensemble des saisies possibles par le principe de proportionnalité et le droit de propriété.

Il serait donc redondant d’adopter ces amendements, dont le juge constitutionnel ou un avocat efficace pourrait même trouver, dans la disposition que vous proposez d’ajouter, des moyens d’annuler des saisies, ce qui n’est évidemment pas le but recherché.

Je souligne aussi le parallélisme entre ce que nous envisageons pour le monde cyber et ce que nous faisons déjà dans le monde physique. Nous voulons que l’argent sale, le nerf de la guerre pour atteindre les criminels et les délinquants, outre les procédures engagées pour les faire condamner, puisse être saisi aussi bien dans le monde numérique que dans le monde physique.

Ces amendements ne devraient donc pas être votés, car leur adoption risquerait d’obérer l’efficacité, attendue, de mesures que nous sommes l’un des premiers pays à prendre.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 165 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.

Mme Nathalie Goulet. Cet article couvre les saisies d’actifs numériques hébergés par des établissements prestataires de services sur actifs numériques (Psan) que nous connaissions déjà. Mais les criminels dont les actifs sont stockés sur des portefeuilles numériques, des wallets, non rattachés à un organisme Psan auront toujours leurs cryptoactifs à l’abri des procédures que nous allons voter.

Pour être intéressante, cette mesure n’est donc pas suffisante.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 16

Article 4

Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre X ainsi rédigé :

« Chapitre X

« Lassurance des risques de cyberattaques

« Art. L. 129-2. – Le versement d’une somme en application d’une clause assurantielle visant à couvrir le paiement d’une rançon par l’assuré dans le cadre d’une extorsion prévue à l’article 312-1 du code pénal, lorsqu’elle est commise au moyen d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données prévue aux articles 323-1 à 323-3-1 du même code, est subordonné à la justification du dépôt d’une plainte de la victime auprès des autorités compétentes au plus tard 48 heures après le paiement de cette rançon. »