Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de débattre de la trajectoire des finances publiques au moment de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui sera présenté au mois de septembre prochain et débattu à l’automne. M. Mouiller, me semble-t-il, s’interrogeait sur le calendrier de cette LPFP : il sera donc parallèle à celui du projet de loi de finances pour 2023.
S’agissant à présent du programme de stabilité et de son calendrier – plusieurs interventions portaient sur ce point –, nous le présentons effectivement à la représentation nationale et le transmettons à la Commission européenne avec du retard.
Ce n’est ni la première fois, tant s’en faut, ni probablement la dernière qu’un État transmet son programme de stabilité avec du retard. Bien souvent, cela s’explique par des échéances électorales.
De fait, nous avons fait le choix de préparer ce programme de stabilité après les échéances électorales, car nous attachons une importance toute particulière au vote des Français.
Si nous avions présenté ce texte avant les élections, ceux-là mêmes qui aujourd’hui nous reprochent de le faire trop tard nous auraient reproché de l’avoir fait avant cette échéance démocratique majeure et d’avoir engagé la France avant même que les Français aient pu décider de leur Président ou Présidente de la République, ainsi que de la majorité qu’ils entendaient lui donner.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En fait, vous pressentiez la majorité relative ! (Sourires.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est donc une preuve de respect pour la représentation nationale que d’avoir attendu que les Français se prononcent à l’occasion des élections pour présenter un programme de stabilité. (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Que c’est beau !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le Sénat n’a pas changé de couleur politique, mais l’Assemblée nationale, elle, a sensiblement évolué.
Ainsi, le débat que nous avons eu hier à l’Assemblée nationale n’aurait pu avoir lieu si nous avions présenté le programme de stabilité avant les échéances électorales. Je le répète : il s’agit d’une marque de respect pour la représentation nationale. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il fallait oser !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Plus c’est gros, plus ça passe !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Par ailleurs, il nous a fallu quelques semaines pour tenir compte de la situation internationale et macroéconomique.
La réalité, c’est que nous ne sommes plus dans le même monde ni dans le même environnement macroéconomique qu’au mois d’avril dernier.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il en sera de même à la fin de l’année !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. D’ailleurs, si notre programme de stabilité arrive après celui de nos voisins européens, il est probablement plus juste que les leurs, dans la mesure où il tient compte de la situation macroéconomique mondiale actuelle, qui s’est sensiblement dégradée depuis le mois d’avril dernier, où nous n’en étions qu’aux prémices du conflit ukrainien.
S’agissant ensuite des prévisions, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, s’il est toujours difficile de se livrer à cet exercice – a fortiori dans le contexte aléatoire lié à la situation sanitaire et à la guerre en Ukraine –, les prévisions fondées sur les travaux de la direction générale du Trésor que nous avons inscrites dans le pacte de stabilité sont solides et crédibles.
Je sais que des doutes ont été émis à leur égard, notamment par le Haut Conseil des finances publiques. Je constate néanmoins que, au lendemain de la publication de l’avis du Haut Conseil remettant en cause nos prévisions de croissance – 2,5 % pour 2022 –, l’Insee a confirmé que nous avions atteint 5 % de croissance en 2022.
Force est de constater que, lors du dernier quinquennat, nous avons atteint un certain nombre d’objectifs que d’aucuns jugeaient initialement inatteignables.
Quand Emmanuel Macron, à peine élu en 2017, a annoncé qu’il visait un taux de chômage à 7 % en 2022, nombre de personnalités sont venues expliquer qu’il n’était pas possible d’y parvenir en cinq ans. Or nous y sommes, ou quasiment.
Mme Sophie Primas. Quelle bonne idée les Français ont eue de le réélire ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous pouvons donc atteindre, comme nous l’avons indiqué, le plein emploi à la fin du nouveau quinquennat.
Pour ce faire, quelque 1,2 million d’emplois doivent être créés. Or c’est précisément le nombre d’emplois qui ont été créés au cours du quinquennat écoulé, grâce à la politique qu’ont engagée le Président de la République et son gouvernement en faveur du travail, de l’investissement et de la compétitivité des entreprises.
C’est la raison pour laquelle nous voulons poursuivre les réformes. J’ai entendu des appels à réformer davantage. Je me réjouis donc par avance de bénéficier du soutien de ceux qui appellent à ces réformes quand, à la rentrée prochaine, nous présenterons la réforme de l’assurance chômage dans sa nouvelle version, la réforme des retraites, la réforme de l’accompagnement des demandeurs d’emploi ou encore la réforme du lycée professionnel, pour que le succès de l’apprentissage se vérifie aussi dans la voie professionnelle et scolaire.
Mme Sophie Primas et M. Roger Karoutchi. Cela dépendra du contenu des réformes !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le répète : l’activité économique et l’emploi sont au cœur de notre stratégie économique et budgétaire.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. C’est une nécessité !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous l’avons montré ces dernières années et nous continuerons à le faire.
J’évoquais nos prévisions qui se sont d’ores et déjà réalisées pour 2022. Je maintiens que, pour les années suivantes également, elles sont crédibles. En 2023, nous prévoyons 1,4 % de croissance, soit exactement la prévision qui vient d’être avancée par la Commission européenne dans son avis rendu à la mi-juillet.
À M. Joly, qui remettait en question notre prévision de croissance à 1,8 % pour 2027, j’indique que l’OFCE lui-même – un organisme pourtant souvent cité comme référence par les groupes de gauche –…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. N’y aurait-il que la gauche qui ait raison ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … nous attribue une prévision de croissance – 1,9 % – supérieure à celle que nous retenons. Cela montre que l’objectif est atteignable.
Venons-en à présent aux certitudes. Dans cet océan d’aléas, il est en effet important d’en avoir.
La première des certitudes – je l’évoquais à l’instant – est que nous allons continuer de mettre l’emploi et l’activité économique au cœur de notre stratégie.
La deuxième certitude est notre détermination absolue à tenir nos comptes. Je vous le redis : nous allons maîtriser la dépense.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Enfin !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai entendu les uns expliquer que la trajectoire que nous avions annoncée dans le programme de stabilité promettait du sang et des larmes et les autres soutenir que l’effort était inexistant… C’est donc bien que nous devons être sur une trajectoire équilibrée !
Il faut le dire : nous réalisons des efforts. La réalité est que 0,6 % de croissance en volume sur le quinquennat représente le plus gros effort consenti depuis vingt ans en matière de dépenses publiques. C’est une réalité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En intention !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. M. le rapporteur général de la commission des finances semblait s’inquiéter d’une absence de baisse des dépenses en 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous nous inquiétons toujours !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je lui réponds que le tiré à part sur les plafonds ministériels pour 2023 lui sera transmis dans les tout prochains jours.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Cela fait un moment que nous l’attendons !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il doit y avoir des problèmes d’imprimerie ! (Sourires.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En outre, je lui indique que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une baisse de la dépense publique de 1,3 % en volume et que nous allons poursuivre cette trajectoire tout au long du quinquennat.
Une troisième certitude est que la maîtrise de la dépense ne se fera pas de manière aveugle, avec un rabot uniforme.
Pour répondre là encore à plusieurs interventions, nous faisons des choix politiques.
Ainsi, nous faisons le choix de continuer à investir massivement dans l’hôpital et dans notre système de santé. Parmi les grands sous-secteurs, celui de la santé est le seul qui verra sa dépense augmenter en volume. Je rappelle d’ailleurs que le budget de l’hôpital public est passé de 79 milliards d’euros en 2017 à 95 milliards d’euros en 2022.
Autre choix, nous allons également investir massivement dans l’éducation. Le ministère de l’éducation nationale fait partie de ceux qui verront leur budget augmenter le plus fortement en 2023, notamment pour financer l’engagement du Président de la République, formulé pendant la campagne présidentielle, de revaloriser de 10 % le salaire des enseignants sur un an.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette promesse avait déjà été faite sous le gouvernement d’Édouard Philippe !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous continuerons également à investir pour la sécurité des Français, au travers de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur – 15 milliards d’euros sur le quinquennat – et de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire – les marches successives à 3 milliards d’euros qui ont été votées par l’Assemblée nationale et le Sénat seront respectées.
Enfin, plusieurs interventions semblaient opposer la tenue de nos comptes et la lutte contre le réchauffement climatique ou la transition énergétique. Elles faisaient écho à un discours tenu hier devant moi à l’Assemblée nationale par une députée La France insoumise, qui expliquait qu’il fallait choisir entre les 3 % et les 3 degrés…
Je pense précisément l’inverse ! Si nous considérons que la tenue de nos comptes est un obstacle à la transition énergétique, alors nous ne parviendrons pas à réaliser cette dernière.
On voit aujourd’hui à quel point la dette nous prive de marges de manœuvre. Cette année, elle nous coûte 17 milliards d’euros de plus, l’équivalent du double du budget du ministère de la justice ! Si nous continuons à la laisser filer, elle nous privera tellement de marges de manœuvre que nous n’aurons plus les moyens d’investir pour la transition énergétique et pour la transition écologique.
M. Vincent Segouin. Merci de le reconnaître !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous vous avions mis en garde !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tenir nos comptes est donc un moyen de continuer ce pour quoi chacune et chacun d’entre nous sommes élus : faire des choix politiques au service des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité pour 2021-2027.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (texte de la commission n° 851, rapport n° 850).
La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau et M. Franck Menonville applaudissent également.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un texte sur le pouvoir d’achat appelle humilité et sens des responsabilités.
Face à une inflation exceptionnelle, nos concitoyens attendent des réponses ciblées et immédiates à leurs préoccupations du quotidien : manger, se déplacer, se chauffer, pouvoir concrétiser leurs projets et travailler plus, pour ceux qui le veulent, selon leurs priorités et les possibilités de leur employeur.
En examinant ce projet de loi, nous avons veillé à suivre cette boussole, étant entendu que la protection de notre niveau de vie relève de responsabilités partagées : l’État, les collectivités territoriales, que je salue, mais surtout les entreprises et bien sûr les ménages, qui prennent aussi leur part pour faire face à ces augmentations.
Même s’il a validé la revalorisation anticipée au 1er juillet de diverses prestations et aides sociales, le Sénat, attentif à l’équilibre financier global des mesures qu’il a adoptées, a tenu à marquer la fin du « quoi qu’il en coûte ».
La commission mixte paritaire, réunie seulement trois jours après l’adoption du projet de loi par le Sénat, est parvenue à établir un texte commun à partir de deux copies assez différentes, il faut bien le reconnaître. Je m’en réjouis.
Pour la partie relevant de la commission des affaires sociales, le texte de la commission mixte paritaire (CMP) reprend plusieurs apports importants du Sénat sans lesquels le projet de loi n’aurait pas répondu à nos attentes.
Tout d’abord, il inclut l’article 1er bis, que nous avons introduit afin de limiter, de manière pérenne, le surcoût associé aux heures supplémentaires, tout en recentrant ce dispositif sur les petites et moyennes entreprises de moins de 249 salariés.
Au travers de ce dispositif, très complémentaire de la réduction d’impôt qui figure dans le projet de loi de finances rectificative, il s’agit bien sûr de rendre effectifs les gains de pouvoir d’achat que les salariés volontaires pourront tirer des heures supplémentaires.
La CMP a adopté la mesure de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale, qui apportera un soutien immédiat aux salariés dont les revenus sont insuffisants face à la hausse des prix.
Elle a également introduit l’accélération de la procédure d’extension des accords salariaux lorsque plusieurs revalorisations du SMIC sont intervenues dans les douze derniers mois. Comme je l’ai évoqué dans cet hémicycle, je reste sceptique sur l’incitation des partenaires sociaux à négocier par le biais de la restructuration des branches, que la CMP a réintroduite. Mais le compromis obtenu, qui renvoie les partenaires sociaux et l’État à leurs responsabilités respectives, me semble équilibré.
De même, une solution de compromis a retenu l’essentiel de la rédaction de l’Assemblée nationale sur la prime de partage de la valeur (PPV), en créant un dispositif pérenne pour toutes les entreprises, tout en intégrant plusieurs apports du Sénat, en particulier la limitation du fractionnement de la prime à un versement par trimestre et l’anticipation du dispositif à la date du 1er juillet 2022.
Par ailleurs, la possibilité de cumul entre l’exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs et la réduction du taux de cotisation maladie-maternité, adoptée par le Sénat sur l’initiative de notre collègue Laurent Duplomb, que je salue, a été transformée d’un commun accord en droit d’option pour l’un ou l’autre de ces dispositifs.
Les modifications apportées par le Sénat à l’article 3, qui tend à faciliter le développement de l’intéressement, ont été conservées en CMP, en particulier celle qui visent à limiter à quatre mois le délai donné à l’administration pour l’agrément d’un accord de branche d’intéressement, de participation ou instituant un plan d’épargne salariale. La CMP a prévu que ce délai pourra être prorogé une fois, pour une durée maximale de deux mois.
Enfin, je me réjouis que l’assouplissement temporaire des règles d’utilisation des titres-restaurant ait été conservé dans la rédaction issue du Sénat. Cette mesure ne doit pas susciter l’inquiétude des professionnels concernés : il me semble que l’équilibre global des aménagements apportés au dispositif du titre-restaurant ne leur porte pas préjudice. Toutefois, j’ai parfaitement saisi l’inquiétude bien plus large du secteur de l’hôtellerie-restauration, sur lequel nous devons porter un regard attentif.
Ce texte n’épuise pourtant pas le sujet du pouvoir d’achat. Nous ignorons comment évoluera l’inflation et nous ne savons pas quelles nouvelles mesures seront nécessaires. En outre, nous ne méconnaissons pas la situation singulière des Français les plus fragiles, que ce soit dans les outre-mer ou dans les territoires ruraux.
Les prochains textes devront contenir des mesures plus structurelles en faveur du pouvoir d’achat des Français. Dans l’attente de ces prochains rendez-vous, je vous invite aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau et MM. Franck Menonville et Alain Duffourg applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, notre commission était chargée d’examiner les 32 articles du volet économique du projet de loi.
Si les délais d’examen du texte, déterminés par le Gouvernement, étaient très resserrés, le compromis, obtenu en CMP, est quant à lui tout à fait satisfaisant. Je me réjouis que notre commission y ait imprimé sa marque.
De manière générale, nous avons souhaité maintenir un équilibre entre la législation d’urgence, d’une part, et la liberté économique et le droit de propriété, d’autre part.
De plus, nous avons souhaité combler certains angles morts en matière de protection des consommateurs et de régulation des marchés de l’électricité et du gaz, ainsi que de promotion des solutions de remplacement aux énergies fossiles. C’est fondamental face à la crise inflationniste actuelle.
J’en viens à la question de l’énergie. Notre commission a obtenu le gel du plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 térawattheures jusqu’en 2025, ainsi que le relèvement de son prix à 49,50 euros par mégawattheure.
De plus, le cadrage introduit sur ce thème a été maintenu. Nous avons ainsi consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière de stockage. Nous avons également conditionné les pouvoirs de crise à une menace grave et prévu la motivation de leur indemnisation.
De plus, nous avons associé les collectivités locales à tous les dispositifs pertinents, parmi lesquels figure l’interruptibilité. Enfin, nous avons circonscrit le champ des méthaniers flottants et complété leur programme d’investissements.
Plusieurs apports sénatoriaux ont été pris en compte : tout d’abord, les projets de biogaz bénéficieront de solutions de simplification. En outre, les consommateurs d’électricité et de gaz seront mieux informés et les coupures d’électricité seront encadrées. Enfin, les conséquences du bouclier tarifaire sur les collectivités seront évaluées.
Je tiens à saluer les apports du Sénat en matière de consommation. Les nouvelles modalités de résiliation des offres groupées, de l’assurance emprunteur et des services de télévision et de vidéo à la demande sont des avancées concrètes. Il en va de même avec la pénalisation des banques, à proportion des retards de remboursement des victimes de fraudes.
Bien sûr, ces mesures, techniques et ponctuelles, ne répondent en rien au besoin d’une vision politique et de mesures structurelles.
Toutefois, notre commission appelle à les adopter sans réserve, et je tiens à saluer le travail mené avec les rapporteurs de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mes collègues Olivier Dussopt, Olivia Grégoire et Olivier Klein, qui ont également défendu le projet de loi. Je me ferai leur porte-voix.
Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte en faveur du pouvoir d’achat des Français, après plus de trois semaines de débats nourris. Je crois que nous pouvons collectivement saluer l’adoption de ce texte qui favorisera le pouvoir d’achat des Français, en particulier des plus fragiles d’entre eux.
Le Parlement l’a adopté en un temps record, alors que nous vivons une grave crise énergétique, qui pèse pour 60 % de l’inflation ressentie au quotidien par nos concitoyens.
Je remercie le Parlement d’avoir pris ses responsabilités. Je l’ai dit ici même, nous sommes engagés dans une course contre la montre, afin de sécuriser nos approvisionnements en énergie pour l’hiver prochain. Les mesures prévues au titre III du texte donnent à l’État les leviers indispensables pour agir au plus vite.
Je veux saluer certaines mesures de ce projet de loi, ainsi que les évolutions apportées par le Parlement.
Le Parlement a limité à quatre ans la réquisition des centrales à gaz produisant de l’électricité en cas de forte tension sur le réseau et a précisé les modalités d’application de la cogénération. Ces évolutions sont le fruit de discussions avec plusieurs groupes politiques, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le projet de terminal méthanier flottant est nécessaire pour sécuriser nos approvisionnements en gaz durant l’hiver 2023-2024. La conception du terminal, qui couvrira l’équivalent de 60 % de l’apport en gaz russe, limitera le plus possible les conséquences sur les plans social et environnemental. Le terminal est temporaire : son exploitation est limitée à cinq ans.
J’en viens aux coupures d’énergie pour impayés. Le Parlement apporte une protection supplémentaire aux Français en dehors de la période de trêve hivernale, en instaurant une période incompressible d’au moins un mois avant que la coupure de courant soit effective. Cette période doit être mise à profit pour trouver un accord entre le consommateur et le fournisseur.
Je salue l’adoption des mesures visant à sécuriser le rehaussement du plafond de l’Arenh de 20 térawattheures. Là encore, un compromis sécurise la protection des entreprises électro-intensives et des collectivités territoriales face aux hausses des prix de l’énergie constatées durant l’année 2022.
Par ailleurs, l’État réaffirme le caractère stratégique d’EDF, via sa participation à l’augmentation de capital du mois d’avril dernier, en vue de détenir 100 % des actions de l’entreprise.
Le projet de loi répond aussi à l’urgence, afin d’agir directement sur le portefeuille des Français et leur revenu disponible. Ces mesures ont été défendues par Olivier Dussopt.
Nous avons avancé les revalorisations des prestations sociales prévues au 1er janvier ou au 1er avril prochain. L’ensemble des prestations augmentera de 4 %. Cette revalorisation s’ajoutera à celle de 1,1 % décidée le 1er janvier dernier ou à celle de 1,8 % arrêtée le 1er avril dernier. C’est le cas, entre autres, des minima sociaux, mais également de la prime d’activité. Sur ce sujet, la volonté du Gouvernement est sans ambiguïté : nous n’opposons pas la valeur travail au soutien à nos concitoyens les plus fragiles.
Nous avons ainsi proposé, à l’article 3, de favoriser le recours à l’intéressement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Les modalités de ce dispositif sont simplifiées, et la validation des accords facilitée.
Enfin, conformément à une promesse de campagne du Président de la République, nous prévoyons une diminution des charges pesant sur les indépendants, qui se traduira par un gain pouvant aller jusqu’à 550 euros pour les artisans-commerçants et les professions libérales qui gagnent l’équivalent du SMIC.
Ce texte est un exemple de coconstruction : lors de l’examen du texte en première lecture, plusieurs d’entre vous ont défendu un amendement tendant à déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Cette disposition entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023. Le Parlement a également autorisé jusqu’au 31 décembre 2022 le déblocage anticipé de l’épargne salariale, jusqu’à 10 000 euros, en vue de l’acquisition de biens ou la fourniture de services.
Je souhaite revenir sur trois points du titre Ier du projet de loi.
Tout d’abord, assurer la pérennité de la PPV pour les entreprises de plus de 50 salariés est un signal important de lisibilité sur le long terme envoyé aux entreprises et aux salariés qui en bénéficient.
Je sais que le sujet des intérimaires a suscité des inquiétudes sur ces travées. Je tiens à rassurer l’ensemble de la représentation nationale : à travail égal, salaire égal. Selon ce principe, la rémunération du travailleur temporaire ne peut être inférieure à celle qui est perçue par un travailleur disposant des mêmes qualifications et occupant le même poste de travail après sa période d’essai.
En conséquence, si l’entreprise décide de verser la PPV à ses salariés, le travailleur temporaire en mission dans l’entreprise la percevra également. Elle lui sera versée par l’entreprise de travail temporaire qui assure le paiement de sa rémunération.
Une entreprise de travail temporaire pourra également octroyer la prime, tant à ses salariés permanents qu’à ses salariés mis à disposition ou en intermission. Une instruction confirmera prochainement ces modalités d’application.
Ensuite, l’article 4, qui permet d’engager la restructuration des branches professionnelles disposant de minima conventionnels durablement inférieurs au SMIC a été rétabli. Certes, le dialogue social en entreprise reste le pilier des négociations salariales, mais cette disposition offre un levier d’action supplémentaire afin de prévenir les blocages durables. Elle incitera les branches à rester mobilisées, dans une période où le SMIC augmente régulièrement du fait de l’inflation.
Enfin, les heures supplémentaires bénéficieront d’une nouvelle exonération forfaitaire de cotisations sociales patronales. Cette proposition pérenne s’appliquera aux entreprises de 20 à 250 salariés. Je suis satisfaite qu’un compromis ait pu être trouvé entre les deux chambres sur ce sujet qui allie compétitivité et pouvoir d’achat.
Le projet de loi consacre également des avancées notables en matière de protection des consommateurs. Celles-ci ont été défendues dans le titre II par mes collègues Olivia Grégoire et Olivier Klein.
Le texte crée un bouclier tarifaire portant sur les postes de dépenses les plus importants des Français, parmi lesquels les loyers : alors qu’elle aurait pu atteindre près de 6 %, l’augmentation de ces derniers est plafonnée à 3,5 %, et les aides personnalisées au logement sont revalorisées du même taux, pour protéger nos concitoyens qui en ont le plus besoin.
Le Gouvernement se réjouit de la mesure adoptée par le Sénat visant à plafonner l’indice des loyers commerciaux des PME à 3,5 %, en lien avec les représentants des bailleurs et des commerçants. Cette disposition fait suite à l’alerte lancée par les députés et à leur mobilisation sur cette question.
Nous rendons le consommateur maître de ses choix et de ses dépenses. C’est tout l’objet du « bouton résiliation » créé pour les abonnements du quotidien et les contrats d’assurance et de mutuelle. Là encore, je salue le travail des parlementaires : grâce au rapporteur Gremillet et au sénateur Lemoyne, le périmètre de ces dispositifs a été élargi : les consommateurs pourront résilier en ligne leur contrat, dès lors que l’entreprise dispose d’un mode de souscription en ligne.
Les modalités de commercialisation des assurances affinitaires, comme les garanties sur les téléphones portables ou l’électroménager, et certains frais d’incidents bancaires seront fortement encadrés, afin de mieux protéger les consommateurs les plus vulnérables. Ces dispositions, qui proviennent d’amendements issus des deux assemblées, ont enrichi le texte.
Enfin, sans le renforcement des sanctions et des moyens de contrôle et de communication, la protection du consommateur ne serait pas réellement assurée contre les arnaques qui se développent rapidement, sur internet notamment. Nous devons prémunir les Français de ces abus. Le préjudice estimé des fraudes au compte personnel de formation (CPF) faisant actuellement l’objet de poursuites devant les juridictions pénales avoisine 27 millions d’euros durant ces deux dernières années… Cela prouve la nécessité d’agir directement sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)