M. le président. L’amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sont assujettis à une contribution sur leurs bénéfices exceptionnels perçus au cours du premier semestre de l’année 2022.
Cette contribution exceptionnelle est égale à 50 % du bénéfice exceptionnel réalisé, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution sur les bénéfices exceptionnels. La contribution sur les bénéfices exceptionnels n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
II. – Le bénéfice exceptionnel auquel il est fait référence aux deux premiers alinéas du I correspond au bénéfice net au sens de l’article 39 du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature, retranché d’un bénéfice normal correspondant à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2017, 2018 et 2019.
Pour les personnes morales n’ayant pas été redevables de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2017, le bénéfice normal correspond à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2018 et 2019. Pour les sociétés n’ayant pas été redevables pour l’exercice 2018 ou pour l’exercice 2019, le bénéfice normal est calculé à partir d’une valeur de référence correspondant à 8 % du capital social de la société.
III. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
IV. – Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du I s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
V. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
VI. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à créer une contribution de solidarité nationale égale à 50 % du seul bénéfice exceptionnel réalisé par les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent au cours du premier semestre 2022 plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les bénéfices exceptionnels sont calculés en comparaison de la moyenne des bénéfices réalisés pendant les trois années précédant la crise du covid-19.
Avant même l’accélération de la hausse des prix, le pouvoir d’achat était la préoccupation principale de nos concitoyens. Il faut de petits impôts pour les petits revenus et de gros impôts pour les gros bénéfices.
En effet, alors que la population subit une dégradation rapide de son pouvoir d’achat, les dernières données de l’Insee nous indiquent que le taux de marge général des entreprises acquis en 2022 s’élève à 32,2 %. Depuis 2010, ce taux a seulement été dépassé deux fois, en 2019 et 2021.
Cette augmentation des taux de marge montre une possibilité de trouver un autre équilibre : l’impôt est un outil de la justice sociale et de l’équité ; les entreprises doivent s’honorer de le payer.
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, MM. Marseille, Delahaye, Delcros, J.-M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Maurey et Mizzon, Mme Billon, MM. Bonneau, Bonnecarrère, Cazabonne, Chauvet, Cigolotti et de Belenet, Mme de La Provôté, MM. S. Demilly et Détraigne, Mmes Devésa, Dindar et Doineau, M. Duffourg, Mme Férat, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel, N. Goulet et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Janssens, Kern, Lafon, Laugier et Le Nay, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, P. Martin et Moga, Mmes Morin-Desailly et Perrot, MM. Poadja et Prince, Mmes Ract-Madoux, Saint-Pé, Sollogoub et Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mme Vérien et M. Menonville, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle de solidarité sur le bénéfice net réalisé en 2021 par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts, lorsque celui-ci a dépassé 1 million d’euros et a été supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 % à la différence entre, d’une part, le bénéfice net réalisé en 2021 et, d’autre part, la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.
Lorsque, du fait de la date de création d’une entreprise, la moyenne de ses bénéfices nets ne peut être calculée sur les trois années 2017 à 2019, la moyenne prise en compte pour l’application des deux alinéas précédents est calculée sur la base des derniers exercices clos avant le 1er janvier 2021.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle de solidarité est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le bénéfice net mentionné au I du présent article s’entend du bénéfice net réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des bénéfices nets de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle de solidarité.
D. – La contribution exceptionnelle de solidarité est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle de solidarité est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Le présent amendement vise à instituer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits. Les entreprises dont le bénéfice net aurait été, en 2021, supérieur de 20 % à la moyenne des trois années 2017, 2018 et 2019 se verraient ainsi appliquer une contribution à hauteur de 20 %, calculée sur la différence entre les deux montants.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, en 2020, nous n’avons pas hésité à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les complémentaires de santé, à hauteur de 1,5 milliard d’euros : cette mesure n’a pas fait débat. Au cours de la crise de la covid, nous avons ensuite voté l’ensemble des soutiens aux entreprises, quelles que soient leurs difficultés, par exemple un prêt garanti par l’État à CMA CGM d’un montant d’un milliard d’euros, ou les dispositifs de reports de charges.
Si nous avons été capables de voter des soutiens exceptionnels, il me semble qu’il est possible, désormais, d’espérer une contribution exceptionnelle, au sens où elle serait unique et bornée dans le temps.
Je rappelle que tous les pays voisins mettent en place une telle mesure : l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Grèce, le Royaume-Uni. Et l’Allemagne y réfléchit. Je n’ai pas l’impression que nous serions les seuls à avoir raison de ne pas y penser. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. L’amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors de l’année 2022, par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets ainsi que les sociétés de la branche transports.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 %.
II. – A. – Le fait générateur de la contribution prévue au I du présent article est constitué par la publication de la présente loi. La contribution est exigible au lendemain de la publication de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 31 décembre 2022.
La contribution est contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
B. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.
Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration fiscale et lui sont communiquées à première demande.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle de 20 % sur le résultat net réalisé en 2022 par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets, ainsi que celles de la branche transports.
Selon les derniers comptes trimestriels de l’Insee, ces deux branches se distinguent par une hausse spectaculaire de leur taux de marge, sur une très courte période. Dans la branche énergie, eau et déchets, le taux de marge est passé de 60 % au quatrième trimestre de 2020 à 74 % au premier trimestre de 2022. Dans la branche transport, le taux de marge est passé de 37 % à 47 % sur la même période. Autrement dit, ces entreprises ont exploité le contexte d’inflation pour augmenter leurs profits d’environ un quart.
Si une partie de l’inflation française résulte bien de facteurs internationaux, qu’il s’agisse de problèmes de ravitaillement ou de la guerre en Ukraine, des entreprises présentes en France l’ont elles aussi alimentée, en augmentant trop fortement leurs prix, afin de faire gonfler leur marge.
Par conséquent, pour lutter contre l’inflation, il est indispensable de mettre fin à ces agissements, qui contribuent à entretenir la crise et l’inflation.
La taxation de ces profits de crise, proposée au travers de cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, présente un double avantage : financer des mesures plus ambitieuses en direction des personnes fragilisées et inciter les entreprises à modérer leurs marges, contribuant ainsi au ralentissement de l’inflation. Des pays européens comme l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et le Royaume-Uni ont pris cette voie.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 249 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 320 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros.
Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.
D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.
III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 249 rectifié.
M. Rémi Féraud. De nombreux amendements vont dans le même sens : il s’agit certainement de l’un des débats les plus importants de ce PLFR.
Notre amendement vise à instituer en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés de l’énergie et des transports, ainsi que sur les sociétés autoroutières qui sont redevables de l’IS pour un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
Il s’agit d’un nombre très limité d’entreprises. Nous souhaitons instituer une contribution exceptionnelle de leur part à hauteur de 25 % du résultat imposable.
Si le Sénat votait les amendements précédents, pour lesquels le plafond est fixé à hauteur de 20 % du résultat imposable, nous serions également très heureux : l’important, c’est le principe, et c’est de dégager des recettes pour l’État.
La question, importante, a été déjà longuement traitée : je vous remercie, monsieur le ministre, d’être resté avec nous pour en débattre. Cependant, je n’ai pas été convaincu par vos arguments, qui sont tout de même très idéologiques.
Il a été question du niveau global de la fiscalité, mais le sujet n’est pas là. Sans même considérer les recettes de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal actuel et pour le précédent, en forte augmentation bien que les multinationales ne paient que peu d’impôts, l’inéquité fiscale demeure entre, d’une part, les entreprises qui peuvent se permettre, et qui pratiquent, une très forte évasion fiscale, et, d’autre part, celles qui rapportent à travers l’impôt sur les sociétés des ressources financières à l’État. Cette taxe sur les superprofits rétablirait de l’équité fiscale entre les entreprises françaises.
À vous de choisir votre argument : cette taxe est-elle, de toute façon, vaine ? Si elle ne saurait rien rapporter, puisque rien n’est produit en France…
M. Roger Karoutchi. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Rémi Féraud. … alors nous pouvons nous permettre de la voter. Au contraire, s’agit-il d’une spoliation dangereuse pour notre économie ? Il faut choisir ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 320.
M. Éric Bocquet. Je souhaite citer Mme la première ministre, qui affirmait, il y a quelque temps : « Sur le principe, évidemment, s’il y a des gens qui tirent des surprofits de la crise, on souhaiterait que cela puisse bénéficier à tout le monde et alléger les charges que la crise peut générer ». Et elle ajoutait ensuite : « Après, ce n’est pas complètement simple – déjà, la nuance… –, beaucoup de nos voisins ont mis en place des mécanismes pour taxer ces surprofits, mais on n’est pas dans la même situation » en France. Voilà ce que nous entendons encore aujourd’hui.
Parmi les singularités de notre pays figure cette politique de dépenses publiques accordant des aides publiques au monde économique sans conditionnalité. En France, il est possible d’aider des entreprises qui, le mois suivant, licencient du personnel. Elles peuvent toucher des aides publiques tout en ne payant pas d’impôts sur les bénéfices en France : plusieurs cas ont été cités. Les entreprises peuvent toucher des aides publiques et, en parallèle, verser des dividendes, voire augmenter ces versements !
Aussi, cet amendement nous paraît totalement justifié.
M. le président. L’amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros et dont le chiffre d’affaires enregistré en 2022 ou 2023 est supérieur d’un tiers à la moyenne constatée sur les cinq exercices précédents. .
Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.
D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.
III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Les dispositions de cet amendement présentent une légère différence de montant. L’idée est d’élever à 25 % la taxe exceptionnelle sur les superprofits, à savoir ceux des entreprises qui ont connu une augmentation significative de leur chiffre d’affaires en 2022 et/ou en 2023.
À titre d’exemple, cette taxe devrait permettre de récolter environ 4 milliards d’euros de la part de TotalEnergies, 925 millions d’euros d’Engie, 4,4 milliards d’euros de CMA CGM, 875 millions d’euros des concessionnaires d’autoroutes.
Cette disposition montre que le groupe SER est ouvert au débat. Elle propose un montage moins extensif de ce qui est désormais communément appelé « la taxe sur les superprofits ». Nous considérons que cette dernière peut rencontrer un rejet de principe, idéologique, auquel cas, monsieur le ministre, il suffirait de le dire et de l’assumer. Mais le rejet peut être d’ordre technique, lié au montage du dispositif. Dans ce cas, nous proposons, au travers de cet amendement, un dispositif moins ambitieux, malgré les chiffres records annoncés par TotalEnergies il y a quelques jours.
Mes chers collègues, j’irai même plus loin : nous sommes prêts à débattre de sous-amendements. En effet, au-delà de toute considération technique, nous voulons que le Sénat vote une taxation sur les superprofits : ce serait, je crois, un symbole fort de justice sociale et fiscale pour le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon avis sera défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
En ce qui concerne l’amendement n° 319, monsieur Bocquet, vous voulez asseoir l’imposition sur les résultats de longues périodes : de 2017 à 2019, puis de 2020 à 2022. Si les bénéfices progressent, il faudrait, selon vous, imposer davantage… Il est pourtant de notre intérêt que les entreprises soient en bonne santé.
Au sujet de l’amendement n° 226 rectifié, la difficulté est que M. Breuiller fixe le plancher à 750 millions d’euros. À bien y regarder, si l’on additionne l’impôt sur les sociétés et cette proposition, le taux normal d’imposition pour les entreprises visées s’élève à 75 %. Cette mesure ne me semble donc pas envoyer un bon signal.
L’amendement n° 130 rectifié bis a pour objet des profits exceptionnels : Mme Vermeillet vise les entreprises qui ont réalisé des profits en 2021 et non en 2022 : je comprends dès lors, et c’est pour moi un souci, que cela n’a rien à voir avec la crise de l’énergie ni avec la crise en Ukraine.
Surtout, cette mesure entraînerait plusieurs difficultés.
Premièrement, elle pourrait avoir des conséquences dommageables pour les entreprises en croissance.
Deuxièmement, ma chère collègue, vous entendez toucher toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un million d’euros : l’assiette, me semble-t-il, est extrêmement large, pour ne pas dire excessivement large.
Troisièmement, cette contribution tomberait, vous le savez, a posteriori : les entreprises qui ont fait des choix d’investissement et distribué des dividendes se retrouveront dès lors sanctionnées a posteriori. Je trouve cela dommageable.
Enfin, votre proposition est source de risques : elle pourrait peser à l’avenir sur les investissements des entreprises, voire les brider.
Les auteurs de l’amendement n° 227 rectifié reviennent sur la question du chiffre d’affaires, y compris des petites entreprises. Le taux d’imposition pour toutes les sociétés des secteurs évoqués serait de 45 % : ce n’est pas ce dont nous avons actuellement besoin, car l’IS, malgré sa baisse, produit, pour l’instant, davantage de recettes.
Les dispositions des amendements identiques nos 249 rectifié et 320, ainsi que de l’amendement n° 250 rectifié, constitueraient un poids considérable pour certains secteurs d’activité qui ne sont pas tous redevables d’impositions sur le territoire national. Par conséquent, il faut faire attention à ne pas taper à côté de la cible, si j’ose dire, en proposant de prélever davantage sur ces entreprises.
Je privilégie la voie suivante : quand la situation est difficile, si les entreprises, dans leur secteur d’activité, peuvent immédiatement mener des politiques plus offensives afin d’accompagner les Français face aux difficultés, c’est cette solution qu’il convient d’encourager. Il faut certainement donner un cadre nouveau pour exercer cette possibilité, mais c’est la réactivité et l’efficacité qui sont à privilégier, davantage que la taxation.
J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.