M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. Le décret d’application du présent article porte principalement sur la mise en œuvre du dispositif de compensation des émissions de gaz à effet de serre. Cette thématique entre pleinement dans le champ de compétence du Haut Conseil pour le climat, contrairement à ce qu’affirment les auteurs de ces dispositions.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mes chers collègues, il s’agit du dernier avis que je donne à l’article 16. À ce titre, je tiens à revenir sur la proposition émise hier et cette après-midi par le président Retailleau : nous devons vraiment ouvrir un grand débat sur la question de l’énergie.
Il y a quelques mois, lors d’une audition de notre commission, on nous affirmait qu’il n’y avait pas de souci au sujet du nucléaire. Or on voit bien qu’à un moment donné le nucléaire a été abandonné et qu’il est aujourd’hui cabossé. Nous nous voyons contraints de rouvrir Saint-Avold et de continuer avec Cordemais : un grand débat sur l’énergie est absolument nécessaire, car, ce qui est en jeu, c’est l’indépendance et l’avenir de la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Haut Conseil pour le climat est une instance qui évalue les politiques publiques et non les textes réglementaires individuels. Il ne le souhaite d’ailleurs pas, car là n’est pas sa mission.
Il ne faut pas brouiller le message au sujet du HCC. Cela ne change rien au fait qu’il sera, sans doute, appelé à étudier de manière globale les émissions de gaz à effet de serre de la France, ainsi que sa politique énergétique au titre de cette année.
En effet, selon toute probabilité, 2022 ressemblera assez peu aux années précédentes pour des raisons que l’on devine aisément : le faible productible d’électricité nucléaire, qui est l’énergie la moins carbonée, le recours aux énergies alternatives et une plus grande sobriété.
Qu’en résultera-t-il ? Ce sera la mission du HCC de nous le dire et de juger nos politiques climatiques, mais non de se prononcer sur un décret.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’ai été très surpris par cet amendement du groupe RDPI. Je ne sais pas s’il résulte de discussions avec le Gouvernement : comme tout le monde, je respecte totalement la distance qui s’impose entre le Gouvernement et les groupes parlementaires. Toutefois, à écouter la réponse de Mme la ministre, je subodore quelques échanges… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Il ne s’agit pas que le HCC donne un avis technique sur le décret, mais qu’il formule un avis sur la compensation négociée, notamment, avec la région Grand Est.
Chère collègue, cette question centrale permet précisément au HCC de réfléchir à l’enjeu de la compensation, ce qui relève tout à fait de ses missions ; or vous voulez écarter cet acteur de la réflexion. Les bras m’en tombent !
J’espère que la commission mixte paritaire conservera cette mention du HCC. J’y insiste, la réflexion du Haut Conseil ne portera pas sur le décret – ce n’est pas ce qui est écrit –, mais sur le fait d’aller ou non dans le sens de la compensation. Sur ce point, nous avons besoin de son avis.
M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique
Avant l’article 17
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 336-3 du code de l’énergie est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les années 2022 et 2023, tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals qui ont réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros ou qui sont des filiales de groupe ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros ne sont pas éligibles au mécanisme d’accès régulé et limité à l’électricité nucléaire historique prévu aux articles L. 336-1 à L. 336-10.
« L’avant-dernier alinéa du présent article ne s’applique pas aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai ensemble les amendements nos 188 rectifié et 189 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 189 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 336-3 du code de l’énergie est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les années 2022 et 2023, tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals qui ont réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros ou qui sont des filiales de groupe ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros ne sont pas éligibles aux volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique supplémentaires octroyés au-delà du volume global maximal de 100 térawattheures fixé par la Commission européenne dans sa décision du 12 juin 2012 sur les tarifs réglementés de l’électricité en France.
« L’avant-dernier alinéa du présent article ne s’applique pas aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Nous donnerons notre point de vue sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) lors de l’examen de l’article 17.
Ces deux amendements sont un tour de chauffe avant lundi : nous débattrons alors de la taxation des superprofits et je sens que nous allons les taxer ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Vous faites le vote, alors ? (Nouveaux sourires.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas Noël !
M. Fabien Gay. Je ne fais pas le vote, monsieur Karoutchi : je fais un vœu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas pareil !
M. Fabien Gay. C’est autre chose ; mais je suis certain qu’avec vous nous allons y arriver. Tout à l’heure, vous avez voté un amendement socialiste et lundi vous voterez un amendement communiste (Sourires.), pour taxer les superprofits.
Plus sérieusement, nous proposons que les entreprises qui ont réalisé des superprofits n’aient plus droit à l’Arenh. Entre autres entreprises de l’énergie, Total a dégagé 15 milliards d’euros de bénéfices en 2021 : je ne vois pas pourquoi on les subventionnerait en matière énergétique, alors même qu’elles rackettent chaque jour les Français à la pompe à essence.
M. le président. L’amendement n° 227 rectifié, présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mmes Blatrix Contat et M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Lurel, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 336-3 du code de l’énergie est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’année 2022, tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals qui ont réalisé un chiffre d’affaires sur l’année 2021 supérieur à 500 millions d’euros ou qui sont des filiales de groupes ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros ne sont pas éligibles aux volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique supplémentaires octroyés au-delà du volume global maximal de 100 TWh fixé par la Commission européenne dans sa décision SA.21918 du 12 juin 2012 sur les tarifs réglementés de l’électricité en France.
« Pour l’année 2023, tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals qui ont réalisé un chiffre d’affaires sur l’année 2022 supérieur à 500 millions d’euros ou qui sont des filiales de groupes ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros ne sont pas éligibles aux volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique supplémentaires octroyés au-delà du volume global maximal de 100 TWh fixé par la Commission européenne dans sa décision SA.21918 du 12 juin 2012 sur les tarifs réglementés de l’électricité en France.
« Le chiffre d’affaires mentionné aux deux précédents alinéas s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour le groupe, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Les volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique qui auraient dû être affectés aux opérateurs non éligibles en vertu des deux précédents alinéas ne sont pas réaffectés aux autres opérateurs éligibles.
« Les trois précédents alinéas ne s’appliquent pas aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Quand EDF annonce une perte historique de plus de 5 milliards d’euros, TotalEnergies affiche au deuxième trimestre un bénéfice de plus de 5 milliards d’euros, du fait de la hausse des prix de l’énergie, notamment fossile, et des effets d’aubaine qui l’accompagnent. En 2021, cette même entreprise a engrangé plus de 14 milliards d’euros de bénéfices. Si l’on en croit la tendance trimestrielle, ce résultat sera dépassé en 2022. On peut s’en réjouir ; le contraste n’en est pas moins saisissant.
Pourtant, ce grand groupe, dont les profits explosent, bénéficie d’un droit de tirage sur l’énergie nucléaire historique à un prix particulièrement faible – 42 euros le mégawattheure –, qui n’a pas bougé depuis 2012 : aucune augmentation n’a eu lieu, pas même pour rattraper l’inflation. Force est de constater que cette situation entraîne des effets d’aubaine.
L’Arenh constitue en réalité une subvention par l’opérateur historique et public, EDF, de ses concurrents : TotalEnergies n’est pas le seul concerné.
L’augmentation de 20 térawattheures supplémentaires du volume de l’Arenh ne fait que gonfler la subvention – je le répète, c’est bien de cela qu’il s’agit – que touche TotalEnergies en sa qualité de fournisseur alternatif d’électricité.
Le décret du 11 mars 2022 définit les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité de l’Arenh. Il s’agit là d’aides directes exceptionnelles d’un montant total de 4,2 milliards d’euros, qui partent d’EDF en direction de ses concurrents fournisseurs alternatifs, y compris ceux qui ont réalisé d’importants profits en raison de la crise.
Il serait particulièrement injuste qu’EDF, dont la situation financière est très préoccupante, finance des concurrents qui n’ont manifestement pas besoin d’aide.
Nous souhaitons que les groupes énergétiques qui profitent largement de la crise actuelle – ce n’est pas un jugement de valeur, mais un constat – ne puissent plus bénéficier d’aides directes, via l’Arenh, de la part d’une entreprise majoritairement publique,…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Franck Montaugé. … dont les difficultés financières sont considérables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ces amendements ont le même objet : interdire à certains fournisseurs de recourir à l’Arenh.
De telles dispositions ne peuvent être conservées.
Tout d’abord, elles s’appliqueraient de manière rétroactive à l’année 2022, alors que les guichets ont déjà été attribués.
Ensuite, elles éroderaient les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), autorité indépendante chargée des demandes d’Arenh, qu’il s’agisse des volumes ou des prix.
Enfin, l’Arenh est un mécanisme de régulation imposé comme une mesure concurrentielle compensatoire par la Commission européenne en 2012 en contrepartie des tarifs réglementés de vente d’électricité.
La commission demande donc le retrait de ces trois amendements. À défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rappelle qu’en vertu d’une disposition explicite de l’article L. 336-1 du code de l’énergie l’Arenh bénéficie aux consommateurs et non aux fournisseurs.
De plus, le contrôle de l’utilisation de l’Arenh figure parmi les missions de la CRE.
Que s’est-il passé concrètement cette année ? Les 20 térawattheures d’Arenh ont évité d’augmenter d’environ 20 % le prix de l’électricité pour les résidentiels, les « petits pros » et les collectivités territoriales qui ne sont pas au tarif régulé…
M. Fabien Gay. Ce n’est pas vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est cela, la réalité, monsieur Gay.
L’Arenh a permis d’éviter une augmentation du prix de l’électricité d’environ 25 % pour toutes les entreprises et collectivités de plus de dix salariés, et même de 40 % à 60 % pour les entreprises électro-intensives.
Madame Apourceau-Poly, vous connaissez bien l’entreprise Arc. Soyons clairs : sans Arenh, cette société, qui compte tout de même 4 000 salariés, était acculée au dépôt de bilan. (M. Fabien Gay proteste.)
L’Arenh a protégé les industriels. Ce dispositif a protégé les collectivités territoriales et les consommateurs qui ne sont pas au tarif régulé. En revanche, il n’est pas formidable pour EDF, loin de là : c’est pourquoi nous prenons nos responsabilités en tant qu’actionnaire et assumons l’ensemble du risque en montant au capital.
Ne nous privons pas pour autant de cet instrument qui a sauvé des emplois. Au total, 150 entreprises et 45 000 emplois étaient en jeu. Ne les remettons pas en difficulté ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Parce que vous pensez que nous menaçons l’emploi ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je ne peux pas entendre cela sans réagir.
Vous avez cassé les tarifs réglementés de l’énergie. (Mme la ministre proteste.) Vous avez libéralisé le marché. Vous avez créé ce système abscons qui dépèce EDF et lui demande de donner une partie de son énergie produite par le nucléaire – 25 % ! – à ses concurrents directs.
Un contrat avait été passé ; in fine, les concurrents s’engageaient à assurer un certain volume de production. Or, douze ans après, que s’est-il passé ? Ils n’ont pas investi un seul euro ! Pis encore : lors du confinement, quand le marché libre a chuté à 21 euros, ils ont tous fui ! Ils ont tous couru devant les tribunaux pour demander à sortir de l’Arenh ! Puis, au lendemain du déconfinement, le marché a de nouveau dépassé les 42 euros et les mêmes sont revenus en déclarant qu’il leur fallait davantage de volume.
Et vous nous dites que ce système protège les consommateurs ? Mais non : c’est une spoliation organisée !
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. Fabien Gay. Il y a encore pire. Avant 2020, la CRE estimait que les augmentations successives du tarif réglementé n’étaient pas liées au coût de l’énergie. Dans plus de 60 % des cas, la demande venait des acteurs alternatifs : ces derniers allaient devant la CRE pour obtenir le relèvement du tarif réglementé d’EDF et, ainsi, mieux le concurrencer sur le marché libre.
Et vous nous expliquez que ce système bénéficie aux consommateurs ? Cela fait douze ans qu’il les spolie ; douze ans qu’il spolie EDF, et vous continuez. Les autres fournisseurs ne respectent pas le contrat, et vous, qu’est-ce que vous faites ? Vous leur en donnez un peu plus ! Cela n’existe nulle part ailleurs.
Nous sommes face à des requins : dès qu’ils peuvent se goinfrer, ils le font sur notre dos ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Pierre Ouzoulias. Ça, c’est un débat, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. L’Arenh a été dévoyé : il est devenu un outil de casse du service public, que représente EDF.
Madame la ministre, je ne suis pas du tout d’accord avec vous quand vous dites que l’intégralité de l’Arenh est utilisée au bénéfice des consommateurs. Je vous demande de nous démontrer, documents à l’appui, ce qu’est devenue cette subvention que constitue l’Arenh.
De fait, mes chers collègues, avec ce mécanisme très compliqué, nous ne parlons plus de volumes d’électricité, mais de subventions : de cet argent qui part de l’entreprise EDF pour aller chez les fournisseurs alternatifs. Il s’agit bel et bien d’une aide d’État.
Or, à cet égard, la France n’est pas en règle. Elle ne respecte pas ses obligations européennes en matière d’Arenh. Je pense notamment au dernier décret, qui augmente les volumes de 20 térawattheures. Nous sommes complètement en dehors des clous, car le Gouvernement n’a pas notifié ce décret lourd de conséquences, au risque de se faire reprendre par les autorités européennes.
Bref, nous sommes face à un mécanisme d’aide qui, de manière éhontée, organise la casse d’un des plus grands services publics français.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Franck Montaugé. Voilà la réalité. Démontrez-nous le contraire : j’attends de voir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, de mémoire, l’Arenh a été décidé en 2011 et mis en œuvre en 2012, par le gouvernement Fillon.
Vous avez raison de le souligner : ce dispositif n’a pas eu l’effet attendu,…
M. Fabien Gay. C’est peu dire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … à savoir la création de structures alternatives concurrentes qui investissent dans le système. Mais, pour ma part, je vous parle des 20 térawattheures additionnels…
M. Fabien Gay. Zéro ! Ça ne marche pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Si, précisément ! Aujourd’hui – c’est le fruit de l’histoire –, 30 % des consommateurs relèvent de l’Arenh. Allez leur expliquer que le prix de leur électricité doit être multiplié par dix : c’est de cela qu’il est question !
J’entends ce que vous dites sur cet accès régulé et sur son effet au cours des dix dernières années. Vous avez raison, il n’a pas eu l’effet de structuration que l’on escomptait. Il n’a pas tenu ses promesses : je vous le dis.
M. Franck Montaugé. C’est bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mais, à ce jour, il s’agit du seul levier pour protéger ces 30 % de consommateurs, en particulier les industriels. Nous avons donc pris nos responsabilités.
De même, il ne vous aura pas échappé que le prix de l’Arenh était fixé à 42 euros du mégawattheure.
M. Fabien Gay. Oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous l’avons augmenté, pour les 20 térawattheures additionnels, à 46,20 euros. Cette hausse est-elle suffisante ? On peut en débattre…
M. Fabien Gay. Elle ne l’est pas !
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas suffisant !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En tout état de cause, nous avons pris en compte la structure de coûts. Vous imaginez bien que nous avons eu une discussion informelle avec la Commission européenne sur ce sujet.
M. Fabien Gay. Un pansement sur une fracture…
M. Franck Montaugé. Les aides d’État doivent être notifiées à la Commission européenne.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous le savez comme moi, le dispositif de l’Arenh arrive à échéance à la fin de l’année 2025. Il est indispensable de penser le futur : il y va de la compétitivité de nos industries, de nos emplois et de nos chaînes de production. Vous mesurez, dès lors, l’importance de l’enjeu : il faut trouver un autre système.
M. Franck Montaugé. Des aides d’État notifiées à l’Union européenne !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous n’allons pas réussir à traiter la totalité de la question de l’Arenh et du marché de l’électricité aujourd’hui à dix-neuf heures. Ce constat plaide une nouvelle fois pour un débat approfondi.
Le problème est que l’Arenh ne fonctionne ni dans un sens ni dans l’autre.
D’une part, ce dispositif est incapable de se déployer sur un marché par ailleurs aberrant. Je l’ai dit hier soir : à propos des pics de consommation de l’hiver prochain, on parle aujourd’hui de 1 500 euros le mégawattheure ! Il faut rapporter ce chiffre aux 40 à 50 euros de l’Arenh…
D’autre part – un rapport produit au Sénat il y a dix ans avec notre collègue Jean Desessard le prouvait déjà –, l’Arenh ne correspond pas au coût réel de la production électrique française d’origine nucléaire, qui est plutôt de l’ordre de 70 à 80 euros en tenant compte de la prolongation des installations.
Aussi, le coût de l’Arenh est sous-évalué. Or, à part nous, tout le monde en Europe investit massivement dans les énergies renouvelables : si, demain, la production électrique renouvelable européenne croît comme prévu, le nucléaire français devra faire face à une électricité photovoltaïque, produite notamment au sud du continent, dont le coût sera de 30 à 35 euros le mégawattheure, soit deux fois moins que le coût réel de notre production nucléaire.
Bref, ce système dans son ensemble ne fonctionne plus et il faut en sortir au plus vite : il s’agit peut-être d’un point de consensus entre nous, même si, pour le reste, je m’attends à des débats complexes.
M. le président. L’amendement n° 298 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 224 rectifié, présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mmes Blatrix Contat et M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Lurel et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2023, le Gouvernement remet un rapport d’évaluation au Parlement dressant le bilan de l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie. Ce rapport apprécie notamment les conséquences tarifaires de la création du marché européen de l’énergie.
Ces évaluations sont réalisées par des organismes publics indépendants et pluralistes. Elles débouchent sur un débat démocratique et contradictoire sur le bilan de la libéralisation énergétique et sur les réformes nécessaires pour assurer une maîtrise publique tarifaire au bénéfice des consommateurs.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Ce sujet a déjà été évoqué à de multiples reprises au cours de l’après-midi. Nous en appelons à un grand débat public associant à la fois les Français – ce sujet les concerne au premier chef – et les parlementaires.
Dans cette perspective, nous demandons une évaluation de la situation énergétique du pays, de celle de l’entreprise EDF et du projet industriel, social et environnemental de notre nation en matière d’électricité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Par principe, notre commission est rarement favorable aux demandes de rapport. De plus, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a remis un rapport sur l’organisation du marché européen d’électricité le 29 avril 2022.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 225 rectifié, présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mmes Blatrix Contat et M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Lurel et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 octobre 2022, le Gouvernement remet un rapport au Parlement comportant une analyse relative à la définition du statut juridique d’EDF répondant au mieux aux enjeux tarifaires d’un côté et à ceux de la transition écologique et du changement climatique, de l’autre.
La parole est à M. Franck Montaugé.