M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens d’emblée à souligner que la CRE, avec laquelle j’ai participé à une réunion en urgence ce matin même, n’est absolument pas demandeuse de ce dispositif.

S’agissant du présent amendement, il vise à renvoyer à un décret simple la fixation des principes du mécanisme de sécurisation et l’encadrement des principes de constitution et de cession des stocks de sécurité.

J’estime que nous examinons ici un texte technique, qui ne présente pas de difficultés d’un point de vue légistique. Je considère en outre que chaque entité ou service administratif doit agir prioritairement dans les domaines où elle apporte de la valeur ajoutée.

Le Conseil d’État est aujourd’hui mobilisé, comme vous le savez, sur un très grand nombre de textes, et ce de façon tout à fait légitime. Dans le cas d’espèce, il serait, me semble-t-il, de mauvaise politique de le surcharger de dispositions techniques, sauf à risquer de nous faire perdre du temps et la course contre la montre dans laquelle nous sommes tous engagés.

Je défendrai du reste ce point de vue à l’égard de toutes les autres demandes de renvoi à un décret en Conseil d’État : lorsqu’il est question de textes techniques qui ne présentent pas de difficultés juridiques, il convient de faire référence à des décrets simples, qui sont pris précisément à cet effet.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Permettez-moi de redire, madame la ministre que, lors de son audition ici même, la CRE a clairement expliqué, j’y insiste, qu’elle préférait une gestion décentralisée des stocks de sécurité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce point n’a rien à voir avec l’amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 433.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 178, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

précise

insérer les mots :

, dans le respect des dispositions du code du travail et des accords de la branche des industries électriques et gazières,

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, puisque vous n’étiez pas au banc du Gouvernement hier soir – je ne vous en fais pas reproche –, sachez que nous avons eu un débat sur la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold, en particulier sur le statut des salariés.

Nous sommes engagés – vous l’avez dit – dans une course contre la montre pour garantir notre souveraineté énergétique. Nous pensons – nous devrions être en accord sur ce point – que cela ne peut se faire ni au détriment du droit de l’environnement ni au détriment du droit des salariés.

Je rappelle que cette industrie particulière a besoin de salariés bien formés, bien rémunérés et bien sécurisés. Leur sécurité est aussi la nôtre ! C’est la raison pour laquelle nous demandons que ces salariés bénéficient du statut des industries électriques et gazières (IEG).

D’un côté, cette mesure ne coûtera pas des dizaines de milliers d’euros ; de l’autre, les hommes et les femmes qui travaillent pour cette filière industrielle ont besoin d’être reconnus et nous sont indispensables. Cette reconnaissance, je le précise, passe par l’attribution à tous les salariés, y compris à ceux qui sont hors statut, du statut des IEG.

Hier, un amendement en ce sens a été rejeté de peu. Aujourd’hui, je propose à M. le rapporteur pour avis de prendre un peu de temps pour reconsidérer sa position.

Tout au long de nos débats d’hier, il a été question de récompenser le travail. Nous pourrions à tout le moins faire un geste en direction de ces hommes et de ces femmes, en leur reconnaissant ce statut.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement est inutile. En effet, l’article 10 concerne uniquement les modalités de constitution et de gestion des stocks de gaz ; il ne prévoit aucun transfert d’activités et n’aura aucune incidence sur le personnel.

Une chose est certaine : le code du travail et les accords de branche s’appliquent et continueront de s’appliquer aux salariés des opérateurs de stockage.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je n’ai rien à ajouter aux arguments que vient de défendre brillamment M. le rapporteur pour avis.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur pour avis, madame la ministre, comme vous le savez, certains personnels travaillant déjà pour ce secteur d’activité sont des intérimaires hors statut.

Compte tenu du probable surcroît de travail à venir, le nombre d’hommes et de femmes hors statut qui seront amenés à intervenir pour assurer la sécurité de notre approvisionnement énergétique devrait s’accroître.

La centrale thermique de Saint-Avold, par exemple, comptait quatre-vingt-sept salariés sous statut et deux cents hors statut juste avant qu’elle soit fermée. Nous allons suivre attentivement ce qu’il va se passer pour les personnels lors de sa remise en route. Je doute que les candidats soient si nombreux à vouloir y retravailler s’ils ne bénéficient pas du statut des IEG.

Je rappelle que ce sont la formation des salariés, leur sécurité, et donc la nôtre, qui sont en jeu. Croyez-moi, chaque fois que nous ferons appel à la sous-traitance ou à des travailleurs intérimaires, c’est-à-dire à des personnels hors statut IEG, nous nous mettrons nous-mêmes en danger !

La question se pose aujourd’hui, mais ce débat nous animera, à l’évidence, pendant de longs mois, voire de longues années. Nous devrions réinvestir dans la formation et la sécurité des travailleuses et des travailleurs et, surtout, éviter de nous attaquer au statut des IEG.

Je vous propose un amendement analogue à celui dont on n’est pas passé loin de l’adoption hier. Nous devrions au minimum faire un geste en direction de ces salariés cet après-midi.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Pour dire les choses différemment et de manière peut-être plus virulente, le Président de la République serait bien avisé de faire, à l’occasion du lancement de son projet annoncé de Conseil national de la refondation, l’inventaire de ce qu’a apporté à notre pays, pendant des décennies, le Conseil national de la résistance, dont sont issus Électricité de France, EDF, et le statut des industries électriques et gazières, qui est l’un des plus beaux statuts que l’on puisse trouver dans l’histoire de notre pays, en tout cas au XXe siècle.

Je sais que la politique conduite aujourd’hui au plus haut niveau tend à casser et éradiquer les statuts pour précariser toujours plus.

Pour ma part, je crois que nous avons besoin de ces salariés, qui ont des compétences ou qui les acquerront. Il est logique que, au titre de la reconnaissance nationale que nous leur devons et que nous leur devrons, ils bénéficient du statut des industries électriques et gazières. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 178.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 79 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, Mouiller et D. Laurent, Mmes Di Folco et Jacques, MM. Brisson, Paccaud, Chatillon et Somon, Mme Gruny, MM. Tabarot, Daubresse, J.P. Vogel et Frassa, Mmes Canayer, Demas, Puissat, Lassarade et Chauvin, MM. Savary, J.B. Blanc et Belin, Mme M. Mercier, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Dumont, MM. Sido, Genet, Anglars, Mandelli et C. Vial, Mme Imbert, M. Piednoir et Mmes Férat et Lopez, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La cession des stocks de sécurité ne peut pas dépasser la date du 31 octobre de l’année suivante.

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Cet amendement de précision a pour objet de fixer une limite dans le temps à la constitution et à la cession de ces stocks de sécurité, en imposant que les opérations de revente du gaz immobilisé soient réalisées sur l’année gazière concernée par la constitution de stocks de sécurité.

Ne pas limiter dans le temps de tels stocks reviendrait à constituer des réserves stratégiques, ce qui n’est pas l’objectif visé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ce que vous proposez, mon cher collègue, n’est pas souhaitable.

Tout d’abord, les stocks de gaz doivent être stables et pérennes. La proposition de règlement de la commission européenne, en cours d’élaboration, ne prévoit aucune durée limite ni aucune dérogation.

Plus encore, notre commission a souhaité confier à la CRE la détermination des modalités de constitution et de cession des stocks de gaz. Or votre amendement prévoit non pas de renforcer les pouvoirs de la CRE, mais d’élargir le champ du décret. Cela contrevient aux besoins des opérateurs de stockage, qui plaident pour un système décentralisé – je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure.

Enfin, puisque la commission a accru les pouvoirs de la CRE, cette dernière pourra examiner et, le cas échéant, fixer par délibération des ajustements similaires à ceux que vous préconisez. En confiant un tel pouvoir à la CRE, la commission satisfait indirectement votre demande, mon cher collègue.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il nous faudra de la souplesse pour gérer nos stocks stratégiques, et ce pour deux raisons.

D’abord, ne sachant pas exactement ce que l’avenir nous réserve, ma responsabilité de ministre est d’anticiper et de prévoir un maximum de garanties pour protéger les Français. Nous ne dérogerons pas à ce principe.

Ensuite, il faut noter que l’efficacité des stocks que nous constituons est d’autant plus faible que ceux-ci diminuent, pour des raisons de gestion propres aux systèmes gaziers : je ne suis pas ingénieure, mais lorsque la pression baisse, la capacité à prélever dans ces stocks s’amenuise.

Nous avons donc besoin, pour que le système demeure performant dans la durée, de disposer de cette capacité à ajuster les stocks si besoin.

Cela étant, je veux vous rassurer : il ne s’agit pas ici de constituer des stocks stratégiques au long cours – je crois que vous l’avez bien compris.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je rejoins Mme la ministre sur la nécessité de prendre des mesures d’urgence pour protéger notre pays face aux difficultés que nous rencontrons pour nous approvisionner en gaz russe.

Prenons un peu de recul. Certaines des décisions qui ont été prises par le passé vont à contre-courant de celles que nous prenons aujourd’hui : après avoir fermé la centrale de Saint-Avold et celle de Fessenheim, par exemple, on rouvre Saint-Avold et on découvre que l’on a besoin d’énergie nucléaire.

Souvenez-vous, nous avons également pris la décision de nous priver de la possibilité d’explorer et d’exploiter les ressources, pétrolifères notamment, de notre propre sous-sol. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Je suis élu d’un territoire qui borde le pays briard. On y trouve des pompes qui fonctionnent depuis cinquante ans, qui extraient une quantité de pétrole correspondant à environ 3 % de la consommation nationale et qui permettent à 112 personnes de travailler.

Or, aujourd’hui, on annonce à ces personnes que cette exploitation ne sera plus autorisée à l’horizon de 2040.

De ce fait, les investissements ont cessé et nous nous privons des ressources de notre propre territoire quand, dans le même temps, nous faisons les yeux doux à un prince arabe pour bénéficier de son pétrole !

Dans ces conditions, comment voulez-vous que nos concitoyens comprennent quelque chose à la politique énergétique de ce pays ? Soyons attentifs aux décisions que l’on prend, sauf à ce que la transition énergétique ne soit plus comprise des Français – c’est du reste déjà le cas – ni même acceptée.

Dans mon territoire, il n’y a plus que des éoliennes qui entourent les villages. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) Et, dans le même temps, on veut cesser l’extraction du pétrole, une activité qui, elle, n’embête personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 79 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Patrick Chaize. J’ai bien écouté M. le rapporteur pour avis et Mme la ministre. Il est effectivement essentiel de distinguer les stocks de sécurité des stocks stratégiques.

Je note aussi que la CRE sera saisie et sera attentive sur ce point. En conséquence, monsieur le président, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 79 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
Article 11 bis

Article 11

Le premier alinéa de l’article L. 431-6-2 du code de l’énergie est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou demande à un gestionnaire de réseau de distribution alimenté par le réseau de transport de procéder ou de faire procéder à l’interruption nécessaire de la consommation des consommateurs finals agréés raccordés à ce réseau de distribution. Lorsque le gestionnaire de réseau de distribution procède ou fait procéder à cette interruption, il en informe sans délai l’autorité organisatrice de la distribution de gaz mentionnée à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ».

M. le président. L’amendement n° 208, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au plus tard deux mois après la promulgation de la présente loi, le ministre chargé de l’énergie établit une liste d’activités économiques non essentielles pouvant être prioritairement concernées par les obligations inscrites à l’alinéa premier du présent article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. La Commission européenne a récemment présenté un plan européen de réduction de la demande en gaz, afin de limiter sa consommation et éviter un blackout énergétique cet hiver.

Elle propose ainsi aux États une grille de lecture leur permettant de distinguer les industries essentielles des industries non essentielles qui pourraient être concernées par les coupures d’énergie, comme cela a été fait en Allemagne.

Cet amendement vise à établir une telle liste, afin d’anticiper un délestage stratégique pour notre économie et d’organiser au mieux le partage de l’effort, en ne faisant pas reposer celui-ci sur les seuls ménages ou le faire dépendre uniquement du volontariat.

Madame la ministre, il est temps, me semble-t-il, de définir des critères clairs et de communiquer à ce sujet. Cette démarche contribuera à l’acceptation des délestages, s’il doit y en avoir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Il n’est pas souhaitable de mettre en œuvre cette mesure, tout d’abord parce que les conditions d’application du mécanisme d’interruptibilité rémunérée sont déjà fixées par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie, après avis de la CRE. Une liste de secteurs prioritaires est donc inutile.

Ensuite, l’interruptibilité rémunérée est un mécanisme volontaire, alors que celui que vous prévoyez, mon cher collègue, est obligatoire, ce qui est une source de confusion.

Enfin, les conditions d’application du mécanisme d’interruptibilité rémunérée s’apprécient davantage en fonction d’un seuil de puissance que des secteurs d’activité concernés.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. À ce sujet, il me semble que nous sommes coupables des mêmes errances que par le passé. Nous privilégions toujours l’incitation au détriment de l’obligation.

À un moment donné, si nous voulons que nos décisions soient acceptées, il nous faut être cohérents et clairs.

Si nous sommes confrontés cet hiver à de graves difficultés d’approvisionnement et à un blackout énergétique, pourrons-nous nous contenter d’incitations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, je crains que vos propos ne suscitent une certaine confusion. Les systèmes de délestage existent d’ores et déjà : il n’est donc nul besoin d’en créer ou d’en inventer.

En ce qui nous concerne, nous cherchons à mettre en place un système additionnel permettant d’empêcher un éventuel délestage. Plus précisément, nous cherchons à attirer des entreprises volontaires, susceptibles de faire cet effort et de nous éviter cet écueil.

Par ailleurs, je tiens à couper court à un fantasme : nous ne savons pas prendre de mesures de délestage au niveau des ménages. Ceux-ci ne seront donc pas concernés ! L’arrêt d’une installation gazière nécessite l’intervention d’un technicien spécialisé de GRDF et prend un certain temps. Ce type d’intervention existe dans les grandes industries, pas pour les ménages, qui, je le répète, ne seront pas délestés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
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Article 12

Article 11 bis

L’article L. 434-3 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant le 31 mars de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation des mesures prises l’année précédente en application du présent article. Ce rapport comporte une synthèse de ces mesures et un bilan de leurs effets. » – (Adopté.)

Article 11 bis
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Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 408

Article 12

I. – La section 2 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est complétée par un article L. 143-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 143-6-1. – Le ministre chargé de l’énergie peut :

« 1° En cas de menace grave et imminente sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou de suspendre l’activité de leurs installations ;

« 2° Si, à la menace grave et imminente mentionnée au 1°, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin qu’elles fonctionnent uniquement selon les directives et sous le contrôle de l’opérateur qu’il désigne.

« Les mesures prévues aux 1° et 2° s’appliquent pendant la durée strictement nécessaire au maintien de la sécurité de l’approvisionnement. Elles sont proportionnées à la gravité de la menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel ou en électricité. Elles sont appliquées en priorité, compte tenu des contraintes liées à la sécurité d’approvisionnement, aux installations qui ne produisent pas en cogénération de l’électricité et de la chaleur valorisée. Les mesures prévues aux mêmes 1° et 2° ne s’appliquent pas aux installations de cogénération pour lesquelles un contrat d’obligation d’achat de l’électricité est en vigueur en application de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre III ou qui alimentent en énergie thermique un réseau de distribution de chaleur ou de froid répondant à la qualification de service public industriel et commercial au sens de l’article L. 2224-38 du code général des collectivités territoriales.

« Dans tous les cas, les indemnités dues à l’exploitant de l’installation compensent uniquement la perte matérielle, directe et certaine que la restriction ou la suspension d’activité ou la réquisition lui impose. Elles tiennent compte exclusivement de toutes les dépenses qui ont été exposées d’une façon effective et nécessaire par l’exploitant, de la rémunération du travail, de l’amortissement et de la rémunération du capital, appréciés sur des bases normales. Aucune indemnité n’est due pour la privation du profit qu’aurait pu procurer à l’exploitant la libre exploitation de son installation. En cas de réquisition, les dispositions des articles L. 2234-17 et L. 2234-19 du code de la défense relatives aux réquisitions de services sont applicables.

« En cas de réquisition, les éventuelles recettes tirées du fonctionnement de l’installation pendant la période de réquisition sont reversées à l’exploitant. Elles viennent en déduction des indemnités mentionnées au cinquième alinéa du présent article.

« La décision de restriction ou de suspension d’activité ou de réquisition est motivée et précise sa durée d’application ainsi que les modalités de sa mise en œuvre. La décision d’indemnisation est également motivée.

« Avant le 31 mars de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement, ainsi qu’aux comités régionaux de l’énergie mentionnés à l’article L. 141-5-2, un rapport d’évaluation des mesures prises l’année précédente en application du présent article. Ce rapport comporte une synthèse de ces mesures et un bilan de leurs effets. »

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment sa durée qui ne peut excéder cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … portant mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. »

II. – (Supprimé)

III. – (Non modifié) L’article L. 143-6-1 du code de l’énergie est abrogé cinq ans après la promulgation de la présente loi.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je viens de vous entendre dire que les ménages français ne seront pas délestés. Toutefois, il me semble important que l’on puisse anticiper les ruptures d’approvisionnement – on ne sait jamais ! –, notamment si l’on veut garantir la continuité des soins.

Chacun sait en effet que beaucoup de nos concitoyens font l’objet d’un suivi médical à leur domicile, que ce soit pour un traitement par hémodialyse, par exemple, ou, plus largement, dans le cadre d’une hospitalisation. J’y insiste, de telles situations doivent nous pousser à anticiper.

Certes, les systèmes autonomes existants nous permettent encore de faire face pour le moment, mais il convient aujourd’hui de mieux valoriser l’énergie photovoltaïque et l’éolien, quand cela est possible, pour assurer la continuité des soins et ainsi éviter les pertes de chance.

D’autres pistes doivent être explorées.

Nous pourrions davantage nous tourner vers les biocarburants, puisque nous disposons de ressources propres. Comme je l’ai indiqué lors d’une réunion avec la direction générale des outre-mer (DGOM), nous pourrions notamment mieux valoriser les sargasses.

Leur collecte coûte certes cher aujourd’hui, mais celles-ci émettent un gaz composé d’hydrogène sulfuré, le SH2, et d’ammoniac, le NH3, que l’on pourrait utilement extraire. Il faudrait donc financer en urgence la recherche et l’innovation dans ce domaine. L’enjeu, s’agissant de ces algues, est de transformer des déchets en ressources innovantes.

Je pourrais également vous parler des biogaz. Lors de la récente crise sanitaire, par exemple, nous avons prouvé que nous étions capables, à partir de la canne à sucre, de fabriquer notre propre gel hydroalcoolique en transformant l’éthanol d’origine agricole produit sur notre territoire. Vous le voyez, nous pouvons utiliser des ressources diverses de manière performante. N’attendons pas le pire, anticipons !

M. le président. L’amendement n° 418, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer les mots :

grave et imminente

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement tend à revenir partiellement sur une disposition adoptée en commission. En effet, il n’est pas souhaitable de restreindre cet article 12 aux situations de pénurie et d’atteinte grave et imminente.

Vous êtes beaucoup sur ces travées à réclamer de l’anticipation. Or anticiper, c’est non pas attendre le dernier moment pour prendre des mesures, mais prendre une décision quand on constate que la pression augmente.

J’en profite au passage pour répondre à l’interpellation de Mme Jasmin. Nous considérons bien évidemment que les services de soins ne peuvent pas être délestés. Pour les mêmes raisons que celles que je mentionnais tout à l’heure, ils ne seraient pas plus délestés en gaz qu’en électricité, sauf installations très particulières.

Par ailleurs, comme les départements et territoires d’outre-mer font partie de zones non interconnectées avec le système européen, ils ont certes leurs propres problèmes, mais ils ne sont pas exposés au risque d’une raréfaction du gaz russe. La problématique qui est la leur est donc différente.

Enfin, madame la sénatrice, vous évoquez un certain nombre de solutions alternatives, en particulier les énergies issues de la biomasse ou renouvelables. Il me semble que ces questions pourraient être évoquées dans le cadre du futur projet de loi d’accélération de la transition énergétique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. En proposant de supprimer la mention d’une menace « grave et imminente », le Gouvernement entend revenir sur les travaux de la commission, qui a entendu trouver un équilibre entre le vote d’une loi d’urgence, d’une part, et le respect de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété, d’autre part.

L’article 12, qui prévoit la suspension, la restriction et la réquisition de certaines installations de production d’électricité, est suffisamment important pour que l’on prévoie un tel cadrage. Il s’agit d’une demande forte des acteurs économiques.

Par ailleurs, les adjectifs « grave et imminente » figurent aussi aux articles 15 bis et 15 ter, introduits par le Gouvernement lui-même. Il nous semble plus cohérent d’appliquer un même cadrage pour l’ensemble du texte.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement.