Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Bilan de la politique éducative française
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, visant à dresser un bilan de la politique éducative française.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande disposera d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Max Brisson, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le président Retailleau et le groupe Les Républicains d’avoir inscrit à notre ordre du jour ce débat sur le bilan des politiques éducatives du quinquennat.
Fait rare, vous êtes, monsieur le ministre, le seul titulaire depuis cinq ans du portefeuille de l’éducation nationale. Et ces cinq années vous ont permis d’engager de nombreuses réformes : scolarité obligatoire dès trois ans, priorité au primaire, refonte du baccalauréat, revalorisation du métier de professeur, réorganisation systémique de l’école inclusive. Vous avez incontestablement fait preuve d’une vraie volonté réformatrice. Mais celle-ci a-t-elle eu sur l’école l’effet de revitalisation escompté ?
En fait, à l’heure du bilan, une seule question vaut : l’école se porte-t-elle mieux aujourd’hui qu’il y a cinq ans ? Tentons de le mesurer au travers de quatre orientations : la transmission des savoirs fondamentaux, la fluidité des parcours entre les enseignements scolaire et supérieur, le regard de la société sur les professeurs et l’autonomie des établissements.
Vous disiez en 2017 : « Nous donnerons la priorité à l’école primaire, pour que tous les élèves sachent lire, écrire et compter en arrivant en sixième. » Pourtant, en septembre dernier, 28 % des élèves de sixième ne disposaient toujours pas d’une compréhension suffisante en mathématiques. Et force est de constater que votre action n’a pas permis à la France de connaître, contrairement à d’autres pays européens, le choc déclenché par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) et d’inverser une lourde tendance à la chute dans les classements internationaux.
Plus grave, vos mesures ont contribué à intensifier notre déclassement, notamment en mathématiques, dont 42 % des élèves ont une maîtrise fragile à la fin de l’école primaire. Le dédoublement des classes en réseaux d’éducation prioritaire (REP) et REP+ et le plafonnement des effectifs du primaire devaient pourtant redresser la situation.
Certes, environ 450 000 élèves scolarisés en zone d’éducation prioritaire (ZEP) bénéficient chaque année du dédoublement. Pour autant, à en croire votre ministère, dont je vais citer les évaluations, l’effet du dédoublement des classes paraît, en cours préparatoire, « un peu faible en français, mais conforme aux attentes en mathématiques », et il n’a « aucun effet supplémentaire en cours élémentaire, où le différentiel de progression est, en français comme en mathématiques, faible et non significatif ».
Les écarts entre les élèves relevant de l’éducation prioritaire et les autres continuent donc de se creuser. L’école de notre pays n’a pas inversé une tendance lourde à une transmission de plus en plus aléatoire des savoirs fondamentaux, en particulier pour les élèves des quartiers les plus défavorisés.
La fluidité des parcours entre l’enseignement scolaire et supérieur constituait une autre de vos ambitions en 2017. La réforme du baccalauréat devait y pourvoir. La liberté de choix accordée aux lycéens est certes intéressante, mais les modalités d’organisation restent compliquées. Professeurs et parents regrettent une course permanente à l’évaluation. Le très grand nombre de spécialités et d’options augmente les inégalités entre les petits et les grands lycées. (M. Jacques-Bernard Magner approuve.) Surtout, les élèves peu ou mal conseillés s’aventurent parfois dans des appariements de spécialités sans cohérence avec les attendus et les prérequis de l’enseignement supérieur.
Celui-ci ne s’est d’ailleurs que très partiellement adapté à la réforme du baccalauréat, créant bien des angoisses chez les lycéens – et c’est une attitude qui n’est pas acceptable. Une meilleure articulation entre lycée et licence se dessine-t-elle ? On peut en douter.
Enfin, le baccalauréat à la carte a mis en difficulté l’enseignement des mathématiques : 31 % des lycéens de première et de terminale générales ne suivent plus aucun enseignement dans cette discipline, avec des contrastes entre garçons et filles indignes de notre pays.
Moins performante dans la transmission des savoirs fondamentaux, et n’ayant guère amélioré la fluidité des parcours entre le scolaire et le supérieur, l’école est également moins considérée, moins respectée. Un sondage commandé par le Sénat à l’occasion de l’Agora de l’éducation le montre nettement : 53 % des Français estiment que l’école fonctionne mal, et 65 % sont pessimistes sur son avenir, une proportion qui atteint presque 80 % chez les enseignants.
Sur ce point, toutes les études démontrent que vous n’avez pas réussi à mener l’immense chantier qui s’offrait à vous. Désormais, dans le pays où Victor Hugo assimilait les maîtres d’école à « des jardiniers en intelligence humaine », seuls 7 % des professeurs de collège estiment que leur profession est appréciée.
Vous vouliez pourtant redonner toute sa place au professeur dans sa classe et dans la société. Or la revalorisation salariale s’est enlisée dans un saupoudrage empêchant de reconnaître ceux qui s’engagent au-delà de leurs strictes obligations. Quelque 1 500 d’entre eux sont prêts à déserter pour fuir le professeur-bashing. Les jeunes aspirants enseignants rechignent de plus en plus à se retrouver dans les établissements et les quartiers les plus difficiles, alors que la progression de la violence à l’école n’a pas été enrayée et que des établissements de plus en plus nombreux sont chaque jour davantage soumis aux pressions communautaires.
À ces difficultés s’ajoute enfin un pilotage dont la verticalité est contestée par les syndicats et les personnels. N’aviez-vous pas annoncé, en 2017, vouloir donner « plus d’autonomie aux équipes éducatives » ? En fait, seulement 2 % des décisions prises dans les établissements le sont en autonomie totale, comme vient de le signaler un rapport de la Cour des comptes. Ce quinquennat n’aura donc été en rien celui d’une rupture avec une pratique très jacobine du pilotage.
Bien au contraire, il n’y a jamais eu autant de discours prescriptifs, de circulaires, de vade-mecum et de foires aux questions, dont les réponses deviennent autant de directives dictées depuis la rue de Grenelle. Vous n’avez pas su, vous n’avez pas pu, desserrer l’étau qui étouffe le dernier système éducatif centralisé et bureaucratisé d’Europe.
On est bien loin d’un ministère qui se recentrerait sur l’essentiel, d’un ministre qui n’écrirait aux professeurs que lorsque c’est indispensable, laissant la main aux recteurs chaque fois qu’il n’est pas impératif que les décisions soient prises à Paris.
En conclusion, il est indéniable que les réformes engagées partaient pour la plupart d’intentions louables. Mais, finalement, le bilan, en demi-teinte, apparaît bien insuffisant au regard de l’ampleur de la crise de l’école et de toute une série de modes de fonctionnement anciens, qui s’essoufflaient, et s’essoufflent encore, inlassablement.
Je veux bien concéder que la crise sanitaire a largement perturbé votre action. (M. Julien Bargeton le confirme.) Mais il est bien difficile de dire qu’aujourd’hui l’école se porte mieux qu’il y a cinq ans.
L’engagement des professeurs n’est pas en cause. C’est un problème d’organisation : comme d’autres avant vous, au nom de l’égalitarisme, confondu avec la recherche de l’équité, vous avez privilégié le saupoudrage et bridé les initiatives. (M. le ministre le dément.)
Comme celles d’autres avant vous, vos réformes se sont enlisées. Contre cet enlisement, il n’y a qu’un antidote : plus de liberté pour les écoles et les établissements, et une nouvelle conception du métier de professeur et de sa place dans la société. Vous en rêviez en 2017, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas eu les marges de manœuvre politiques pour y parvenir.
Voilà quelques axes de réflexions pour ce nécessaire débat, mes chers collègues. Celui qui s’ouvre ce soir sera, j’en suis certain, l’occasion de dresser un tableau des faiblesses et des lacunes de notre système éducatif, mais aussi de ses atouts et des raisons d’espérer, pour répondre enfin aux enjeux de l’école de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon et M. Franck Menonville applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d’abord vous remercier toutes et tous d’avoir organisé ce débat. Je suis extrêmement heureux de disposer de cette tribune, non seulement pour répondre point par point au véritable réquisitoire du sénateur Brisson, mais aussi pour faire le bilan, devant la représentation nationale, de ce qui a été fait depuis cinq ans.
Il est très important, en effet, de dresser un tel bilan, et de dégager des perspectives, d’autant que nous entrons dans une campagne présidentielle où, je n’en doute pas, des propositions seront formulées.
Je vous remercie d’avoir rappelé que nous arrivons au terme de cinq ans d’action en continu, ce qui est un record dans l’histoire de la République. Il y a encore cinq ans, lorsqu’on évoquait le ministère de l’éducation nationale, on parlait toujours d’instabilité et de difficultés à conduire des politiques continues. Cette fois, pendant cinq ans, des politiques publiques, que j’assume parfaitement et dans les détails desquelles je vais entrer devant vous, ont été menées à bien.
Que n’entendait-on pas auparavant ! On disait que c’était impossible, et que tous ceux qui y parvenaient étaient dans la concession vis-à-vis des organisations syndicales ou de tous les groupes de pression. Vous considérez apparemment, monsieur le sénateur, que je n’ai pas suffisamment été soumis à cette pression…
L’important, aujourd’hui, est de voir que des sillons ont été creusés. Vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur : en matière éducative, il faut savoir semer des graines. Je ne prétends pas que nous sommes à l’heure des moissons ; je prétends que nous sommes au moins à l’heure des bourgeons.
Et ces bourgeons sont là, devant nous : ils sont réels. Je suis toujours surpris quand, dans le débat public, on évoque les classements internationaux. Vous ne l’avez pas fait aujourd’hui, mais vous l’avez fait récemment dans la réplique d’une question au Gouvernement, sachant que je ne pouvais pas vous répliquer à mon tour. Pourtant, le dernier classement international date de 2018. Il émane du PISA et concerne des élèves de quinze ans.
Oui, quand je suis arrivé, la situation n’était pas bonne ; oui, le lycée était à bout de souffle. Et cela faisait 20 ans qu’on parlait de la réforme nécessaire du baccalauréat. Oui, quand je suis arrivé, le niveau de mathématiques était très faible, et il n’y avait qu’une faible proportion d’élèves issus de la filière S dans les filières scientifiques, puisque seuls 50 % des élèves de terminale S faisaient ensuite des études supérieures scientifiques. Les travaux sur la dernière rentrée nous montrent que cette proportion a dépassé 80 % aujourd’hui. Évitons donc de proférer de manière hasardeuse des informations inexactes !
Quand je suis arrivé, c’était le règne du « pas de vagues ! ». À chaque fois qu’il y avait des atteintes à la laïcité, des violences, du harcèlement, on n’en parlait pas. L’une des premières choses que j’ai dites était qu’il fallait, au contraire, signaler – et que, quand il y avait des signalements, il fallait réagir. Nous avons donc accompli une révolution copernicienne sur ce sujet.
Quand je suis arrivé, la rémunération des enseignants n’était pas à la hauteur. Certes, il reste encore beaucoup à faire, j’y reviendrai, mais nous avons procédé à des augmentations.
Il ne s’agit pas de dire que rien n’avait été fait avant nous, bien entendu. Je pense notamment à la politique d’éducation prioritaire, qui a franchi des étapes importantes depuis les années 1980, ou à la politique de l’école inclusive, qui a commencé avec Jacques Chirac, et à laquelle nous avons fait faire un nouveau pas très important. Je ne ferai pas, pour ma part, une sorte de procès manichéen à tous ceux qui m’ont précédé.
Mais il est certain que la situation était difficile et que les changements à faire étaient nombreux. Les priorités ont été indiquées d’emblée : la réforme de l’école primaire, d’abord, puis l’évolution de l’enseignement professionnel, enfin, la réforme du lycée général et technologique. Autant de totems auxquels personne ne s’était attaqué comme cette majorité l’a fait. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Les objectifs étaient clairs, aussi : l’élévation du niveau général et la lutte contre les inégalités.
Non, monsieur le sénateur Brisson, le niveau général n’a pas baissé en cinq ans. Vous ne pouvez pas dire une chose pareille, que rien n’étaye. C’est même le contraire ! Les évaluations nationales de CP, de CE1 et de sixième ne montrent pas que tous les élèves possèdent les savoirs fondamentaux consolidés, évidemment. Mais elles montrent que leur niveau a progressé en cinq ans. Vous ne pouvez pas marteler le contraire alors que c’est faux. Et ce n’est pas de la littérature, ce sont des mathématiques, des chiffres, qui sont attestés ! Votre but est-il de démoraliser le pays à partir de données fausses ? Je le dis devant la représentation nationale, et personne ne peut me contredire sur ce point : nos évaluations de CP, de CE1 et de sixième nous montrent, je le répète, de manière parfaitement transparente, une consolidation des savoirs fondamentaux.
La photo est-elle bonne ? Peut-on dire que tous les élèves qui arrivent en sixième disposent des savoirs fondamentaux consolidés ? Bien sûr que non, malheureusement. Mais la pente est très longue, et la tâche est difficile, d’autant plus que nous avons traversé une crise sanitaire, comme personne ne l’ignore.
À cet égard, je souhaite faire un constat devant la représentation nationale, et même vous donner rendez-vous avec l’avenir : nous sommes l’un des seuls pays, en tous cas occidentaux, à avoir amélioré le niveau à l’école primaire tout en traversant l’une des crises sanitaires les plus importantes de l’histoire. L’Unesco vient d’ailleurs de saluer l’action de la France en matière scolaire pendant la crise sanitaire. Nous faisons partie des 10 % de pays qui ont le moins fermé les écoles.
J’ai rencontré des correspondants de différents pays. Dans certains d’entre eux, les élèves ne sont pas allés à l’école pendant deux ans !
Alors, je sais bien que vous faites profession de minimiser cet état de fait, mais nous avons réussi, malgré les nombreuses oppositions, à traverser cette crise sanitaire. À cet égard, je n’aurai pas la cruauté – si j’avais le temps, je le ferais – de citer les propos de tel ou tel leader politique sur la question de la fermeture des écoles : combien m’ont recommandé de les fermer alors qu’aujourd’hui, nous savons qu’il fallait les maintenir ouvertes ? Et c’est ce que nous avons fait, par-delà les critiques et les difficultés. Peu de ministres de l’éducation peuvent en dire autant de par le monde : en dépit de la crise sanitaire, le niveau de l’école primaire a progressé en France, c’est attesté.
Pour autant, il est vrai que, pendant un an, en 2019-2020, le niveau a baissé, du fait du premier confinement, cependant que nous avons remonté la pente en 2020-2021. Ces chiffres sont donc très réalistes, les courbes sont très claires.
Je le répète : il ne s’agit pas d’arguments en l’air, mais de données chiffrées.
Toute personne qui prétend aujourd’hui que les savoirs fondamentaux se sont dévalorisés à l’école primaire pendant le quinquennat avance une contre-vérité qui n’affecte pas seulement le ministre de l’éducation nationale – je comprends bien l’intention –, mais tous les enseignants du primaire, qui, pendant cinq ans, se sont attelés à la tâche, avec des outils nouveaux.
Monsieur le sénateur, vous avez parlé de verticalité, mais comment gérez-vous une crise sanitaire si vous ne disposez pas d’un minimum d’unité de commandement ?
Comment croyez-vous que nous avons traversé la crise ? Ce n’est pas seulement grâce aux bonnes décisions qu’a prises le Président de la République ou aux autorités scientifiques et à l’ensemble des professeurs de France : si nous avons pu ouvrir les écoles malgré tout, c’est aussi grâce à l’unité du système.
Voyez nos voisins européens, voyez la situation de l’Allemagne ou de l’Italie. Il y a une fierté française sur ce point, qui n’est pas celle de votre serviteur, mais qui est une fierté collective.
Vous devriez la saluer à mes côtés, plutôt que de la minimiser en permanence. Vous devriez reconnaître que les professeurs de l’école primaire de France ont réussi non seulement à traverser la crise sanitaire en gardant l’école ouverte dans des circonstances difficiles – les parents d’élèves ont vécu, eux aussi, des moments difficiles –, mais aussi, ce faisant, à augmenter le niveau des élèves.
On ne devrait pas nier cette évidence au simple motif qu’on siège dans l’opposition. Elle a été soulignée – je l’ai dit – par l’Unesco et par l’OCDE. Elle l’est aujourd’hui par tous les observateurs internationaux des réalités scolaires.
J’ai bien noté votre virulence à l’occasion des différents débats sur ce thème et je n’ignore pas que nous sommes en campagne présidentielle (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.), mais, en tant que ministre de l’éducation nationale, je ne peux pas laisser démoraliser le pays dans un domaine où nous avons progressé grâce à des réformes structurelles.
Je souligne d’ailleurs que, durant ces cinq dernières années, vous avez salué ces réformes, monsieur le sénateur,…
M. Julien Bargeton. C’est vrai !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … et que, depuis quelques mois, vous trouvez soudainement que tout va mal. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourtant, et vous le savez puisque vous étiez présent à ce moment-là, nous avons accepté certaines de vos propositions ; vous trouviez alors que nous allions dans le bon sens, s’agissant par exemple des directeurs d’école. La critique est aisée, mais l’art est difficile !
M. Max Brisson. Restez calme, monsieur le ministre !
M. Julien Bargeton. Mais il est calme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, je vous ai écouté en silence, vous pouvez en faire autant.
Mme Catherine Belrhiti. On ne vous a pas agressé !
M. Julien Bargeton. Si !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il importe avant tout aujourd’hui de faire preuve d’impartialité : ne pas nier les difficultés du système scolaire français – je suis le premier à les signaler –, tout en reconnaissant les progrès qui ont été réalisés, d’autant que certains d’entre eux, je l’affirme, sont inédits – et aucun de mes prédécesseurs ne peut en dire autant.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans ce cas, je répondrai à M. le sénateur au travers de mes réponses aux questions, dans le débat interactif.
M. Max Brisson. Au lieu de vous mettre en colère, vous auriez mieux fait de nous répondre !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je ne fais que vous répondre, monsieur le sénateur, et je vais continuer.
Mme Catherine Belrhiti. La discipline vaut pour tous ! Il fallait aller au fond des choses et non pas nous critiquer, monsieur Blanquer !
M. Max Brisson. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus de deux minutes !
Mme la présidente. Vous disposiez en effet de huit minutes, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je le regrette, madame la présidente. Je pensais disposer de tout le temps nécessaire ; j’en viens donc directement à ma conclusion.
Au-delà de la question de l’école primaire, sur laquelle je vous ai répondu,…
M. Max Brisson. Madame la présidente, M. le ministre a dépassé son temps de parole de plus de deux minutes trente !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, je vois que votre désir d’aller au fond des choses rencontre certaines limites. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je souligne simplement que tout cela n’a été possible que grâce aux outils que sont les évaluations auxquelles j’ai fait référence ou encore les référentiels pédagogiques en français et en mathématiques. Plus globalement, il faut saluer le travail de formation continue à l’école primaire.
Le temps dont je dispose ne me permet d’aborder que le cas de l’école primaire. Je vous répondrai donc ultérieurement sur l’ensemble des éléments.
Ma conclusion est simple : oui, l’école primaire a progressé en France de 2017 à 2022 (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) ; oui, elle a disposé de moyens supplémentaires, alors que le nombre d’élèves a diminué ; oui, les classes ont été dédoublées. Tous ces éléments sont documentés, ne vous en déplaise, monsieur le sénateur. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Tout va bien, alors…
M. Laurent Burgoa. Trois minutes de dépassement ! (Marques d’assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum (Exclamations.) pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Monsieur le ministre, il existe, à Saint-Martin, un créole anglais de base anglophone.
Cet anglais saint-martinois, langue vernaculaire et maternelle de la très grande majorité de la population, sert de moyen de communication entre les nombreuses communautés vivant sur l’île.
L’enseignement public est, bien évidemment, délivré en français. Cependant, de très nombreux élèves accueillis dans les classes ne parlent que le créole haïtien ou l’espagnol. Ainsi l’enseignement scolaire à Saint-Martin est-il très compliqué, car le multilinguisme y est particulièrement prononcé.
En conséquence, les enseignants sont confrontés à des classes très hétérogènes, tant du point de vue linguistique que par les différences de milieux socioculturels.
Le rectorat de la Guadeloupe, tout comme les services de l’éducation nationale de Saint-Martin, a pleinement conscience de ces enjeux, puisqu’un enseignement bilingue y est dispensé à quelques élèves.
C’est ainsi qu’à la rentrée 2021, on comptait dans le premier degré, de la moyenne section au CM1, 30 classes bilingues scolarisant 546 élèves et, dans le second degré, de la sixième à la troisième, 8 classes bilingues scolarisant 186 collégiens. Au vu des évaluations, les résultats sont encourageants.
Afin de faire évaluer les pratiques pédagogiques et d’aider les élèves en échec scolaire, des formations en français langue étrangère (FLE), dispensées par le Centre national d’enseignement à distance (CNED), ont été proposées à 200 enseignants en 2016 et 2017.
Ces initiatives portent leurs fruits. Elles doivent donc être confortées et renforcées, afin de lutter notamment contre le très fort taux d’échec scolaire que nous connaissons malheureusement.
Nous devons aller encore plus loin. Conformément aux dispositions des articles L.O. 6314-9 et L.O. 6314-10 du code général des collectivités territoriales, la collectivité peut déterminer les conditions dans lesquelles est dispensé, dans les écoles du premier degré, un enseignement complémentaire en anglais, afin de faciliter l’apprentissage de la langue française.
Les élus du conseil territorial ont déjà délibéré en ce sens à l’unanimité. Pouvons-nous compter sur un accompagnement de l’État, qui pourrait permettre la généralisation de l’enseignement bilingue sur l’ensemble du territoire de Saint-Martin ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, le bilinguisme en outre-mer est un sujet majeur et très sérieux.
Comme recteur de Guyane, j’y ai été – vous le savez – particulièrement sensible, notamment à l’égard des langues amérindiennes ou bushinenguées de Guyane, mais ce beau sujet concerne pratiquement tous les territoires d’outre-mer. Il ne doit pas être vu comme une difficulté, mais d’abord comme une opportunité et une richesse.
Sur ce thème comme sur d’autres, l’important est d’abord de permettre aux élèves d’être fiers de leur langue maternelle pour qu’ensuite, la maîtrise de cette langue soit un levier pour un autre objectif non moins fondamental : la maîtrise du français.
Il est tout à fait logique et souhaitable, pour l’avenir de ces enfants, que le français soit, à Saint-Martin comme ailleurs outre-mer, la langue d’enseignement.
J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte lors de mon déplacement à Saint-Martin aux côtés du Président de la République, au lendemain du passage de l’ouragan Irma. Sur place, mes interlocuteurs m’ont tenu des propos comparables aux vôtres et je les entends parfaitement.
Avec la rectrice de Guadeloupe, nous sommes donc très ouverts à de nouveaux développements en matière de bilinguisme. Ces derniers doivent naturellement reposer sur l’évaluation des premières expériences en la matière – nous savons en effet que lorsqu’elles sont mal conduites, de telles expériences peuvent se révéler contre-productives –, mais aussi s’accompagner d’une offre pédagogique de qualité.
Sous ces réserves, nous sommes effectivement favorables à de nouvelles ouvertures de classes bilingues à Saint-Martin.