M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient cette proposition de loi visant à reporter à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession du Rhône, qui arrive à son terme en 2023. Ce texte important prévoit la mise à jour du cahier des charges de cette concession et de son schéma directeur, permettant ainsi de moderniser les modalités et le périmètre des activités de la CNR.
Cette actualisation prévoit 500 millions d’euros d’investissement sur le Rhône, consacrés à la production d’énergie hydraulique, au transport fluvial, à l’irrigation, ainsi qu’à des travaux environnementaux. Sur cette somme, 165 millions d’euros seront dépensés au cours des cinq premières années, avec un volet spécifique de 30 millions d’euros consacré aux projets des collectivités locales. Nous saluons ces mesures.
Nous avons également soutenu en commission les apports du rapporteur, notamment la réaffirmation du cadre de transition énergétique appelant à la neutralité carbone et le renforcement du dialogue territorial.
Nous aurions toutefois souhaité intégrer à ce cadre la question de la préservation de la biodiversité, qu’il est toujours utile de rappeler et qui doit se concilier avec le déploiement de l’hydroélectricité.
Le Sénat a également contribué à rendre le texte juridiquement plus solide et à rappeler les objectifs nationaux de la PPE, à l’atteinte desquels la CNR doit pleinement contribuer.
Nous nous félicitons de ces apports adoptés au Sénat, et nous nous félicitons qu’ils aient été maintenus dans la dernière version du texte.
Si cette proposition de loi est utile et bénéfique pour la CNR, elle ne résout pas les problèmes majeurs de la mise en concurrence pour les autres concessions hydroélectriques, et notamment pour celles qui sont détenues par le groupe EDF. Cette mise en concurrence est imposée par la directive européenne de libéralisation du marché de l’électricité.
Déjà, 39 concessions hydroélectriques sur 400 sont arrivées à échéance et ont été placées sous le régime des « délais glissants ». Leur devenir est très incertain et le Gouvernement n’a toujours pas proposé de solution pérenne.
Le secteur de l’hydroélectricité attend des solutions globales, concrètes et négociées, afin de sortir par le haut de cette situation d’insécurité juridique sans mettre à mal notre souveraineté économique ni notre transition énergétique.
Notre groupe a déposé une proposition de loi visant à maintenir les barrages hydroélectriques dans le domaine public, qui a été examinée en fin d’année dernière. Nous demandions la mise en place d’un véritable service public des énergies renouvelables afin de répondre à l’absence de politique publique efficace et d’apporter une vision stratégique sur ces questions majeures.
Un service public des énergies renouvelables permettrait d’amplifier notre transition énergétique, de planifier, de réguler le déploiement des énergies renouvelables dans notre pays, d’accompagner les acteurs privés, de structurer les filières industrielles et d’organiser la solidarité nationale permettant d’assurer un tarif unique de l’électricité partout en France.
Pour nous, il est donc essentiel que la majorité des capitaux de la CNR demeurent publics. La question du statut hybride de la CNR, mi-public et mi-privé, se posera d’ailleurs à terme. C’est une garantie de stabilité et de perspectives à moyen terme pour l’entreprise et les salariés.
Ce texte est très attendu par les collectivités, les élus et les salariés. Il est important aussi, bien sûr, pour notre politique énergétique, les enjeux climatiques et la biodiversité. Il permet de mettre la CNR à l’abri du contentieux européen.
C’est pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi. Nous resterons mobilisés sur ces enjeux majeurs de souveraineté et de transition énergétique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, enfin, nous y sommes, et c’était attendu ! Attendu par la direction de la CNR, mais aussi attendu par les salariés qui, depuis sept ans, étaient dans l’expectative.
C’est donc une issue positive qui nous réunit aujourd’hui, et qui permettra à la Compagnie nationale du Rhône de continuer d’œuvrer pour les territoires, de concert avec les acteurs locaux. La CNR implique 183 collectivités territoriales partenaires, et 50,3 % de son capital est issu du secteur public. Elle ne procure pas moins de 14 500 emplois directs et indirects en vallée du Rhône, notamment grâce à une politique d’achats concentrés à 85 % sur des entreprises locales. La CNR a bien un statut d’entreprise structurante du territoire, et il faut se féliciter que cela continue pour de nombreuses années.
Elle est le premier producteur d’énergie exclusivement renouvelable en France, ce qui l’inscrit parfaitement dans la politique de lutte contre le changement climatique. Avec ses 19 barrages et ses 49 centrales hydroélectriques, elle produit 25 % de l’hydroélectricité française.
Je rappelle toutefois que ma collègue Cécile Cukierman, lors de la première lecture, a déclaré que le développement de l’hydrogène entraînerait des besoins en eau supplémentaires, tout comme le maintien, voire le développement, du parc nucléaire. Nous devons donc veiller à la sécurisation de l’approvisionnement en eau.
Respectueuse de l’environnement, faisant travailler localement nos concitoyens, il ne manquerait plus que la CNR soit rentable pour l’ériger en modèle qui fonctionne… Eh bien, c’est le cas, puisque la CNR est aussi extrêmement rentable, avec un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros et un résultat net compris entre 90 et 100 millions d’euros !
J’en profite pour rappeler au Gouvernement qu’EDF dégage un résultat net de 650 millions d’euros et qu’Aéroports de Paris, avant la crise de la covid-19, avait un résultat net de 588 millions d’euros. Nos entreprises à capitaux majoritairement publics sont donc très souvent excédentaires. Ne les laissons pas à la main des grands groupes privés ! Nous l’avons fait pour les autoroutes, et nous nous en mordons les doigts…
Madame la secrétaire d’État, notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Les décisions qui seront prises dans le dossier EDF peuvent être lourdes de conséquences pour notre souveraineté énergétique, pour la lutte contre le réchauffement climatique, mais également pour l’emploi lié à l’industrie électrique dans notre pays. Le Gouvernement doit apporter une réponse cohérente et montrer qu’une autre voie que celle de la rentabilité peut exister. Nous devons être guidés par une démarche qui réponde aux besoins des Françaises et des Français, de nos entreprises, et qui mène à la décarbonation de la consommation d’énergie.
Je fais le vœu que l’adoption de cette proposition de loi, dans l’unanimité – et je salue le travail de notre rapporteur –, soit le point de départ d’une nouvelle façon de concevoir le service public de l’énergie, en le voyant comme un bien commun. Or un bien commun ne peut en aucun cas être libéralisé. Le simple fait que l’énergie soit pensée comme un service public implique qu’elle soit sortie des logiques de concurrence et de marché.
Je souhaite sincèrement que le modèle de la CNR, respectueux de l’environnement et fonctionnant au service de la population des territoires, soit présent à l’esprit de chacune et de chacun si, dans les mois et années à venir, nous devions examiner un énième texte visant à privatiser nos services publics. Madame la secrétaire d’État, nous savons bien que, si votre majorité est reconduite pour un second mandat, nous aurons à débattre du projet Hercule. Dans ce cas, vous nous trouverez face à vous pour le contrecarrer ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, sans allonger les débats, je voudrais simplement remercier l’ensemble des acteurs de cette discussion et de cette négociation, et notamment les rapporteurs et le Gouvernement. Oui, cher Fabien Gay, nous faisons œuvre utile ! Mais je ne voudrais pas que nous terminions ce débat sans rendre hommage au travail d’Élisabeth Ayrault, qui a présidé la CNR au cours des dernières années. Nous souhaitons le meilleur à la nouvelle présidente, Mme Laurence Borie-Bancel, présente dans la tribune du public. Le Parlement lui accorde toute sa confiance ainsi qu’à son équipe, pour qu’ils continuent leur œuvre utile sur ce fleuve ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)
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Marché de l’assurance emprunteur
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (texte de la commission n° 448, rapport n° 447).
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de soumettre aujourd’hui à votre vote le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, qui s’est réunie le jeudi 3 février dernier.
Les débats entre les deux chambres ont été vifs et animés, mais ils ont permis d’aboutir à de très nombreux compromis utiles et consensuels, sur un sujet auquel la majorité de nos concitoyens sont confrontés au moins une fois dans leur vie.
Avec ce texte, nous mettons un point final à une aventure législative qui dure depuis une dizaine d’années et qui aura non seulement permis l’ouverture à la concurrence de ce marché, mais aussi, grâce aux travaux de nos chambres, accompli de grandes avancées en matière de justice sociale.
Je me réjouis donc que nos deux chambres se soient entendues pour avancer sur ces sujets. Je salue le travail de mon homologue de l’Assemblée nationale, Mme Patricia Lemoine, et la remercie pour son écoute et pour tout le temps que nous avons passé à travailler ensemble. Nous sommes partis de loin, dans un contexte où de nombreux mensonges ont été proférés par certaines associations.
Mais j’en viens à ce qui est important aujourd’hui. Vous le savez, en première lecture, nous avions refusé de faire le même pari que l’Assemblée nationale s’agissant de la résiliation à tout moment. L’honnêteté m’oblige à le répéter : à nos yeux, une telle mesure n’apportera quasiment rien aux consommateurs, mais elle présente plusieurs risques, notamment celui de la démutualisation, qui pénalisera en priorité les publics les plus âgés et les plus fragiles. Toutefois, le compromis trouvé en commission mixte paritaire, qui reprend la quasi-totalité des apports du Sénat sur le volet médical, rend un tel pari plus acceptable. La protection apportée aux publics vulnérables qui ont été ou sont frappés par la maladie est significative. Dès lors, et sous réserve que l’information du consommateur soit grandement renforcée, il nous est apparu légitime de valider cette disposition.
Je souhaite évoquer le contenu du texte de compromis auquel nous sommes parvenus. Ainsi que je viens de l’indiquer, compte tenu de la rédaction retenue à l’article 1er, il sera désormais possible de résilier son assurance emprunteur à tout moment ; jusqu’à présent, il fallait respecter certains délais. Néanmoins, un droit de résiliation est inutile si les consommateurs ne le connaissent pas. C’est pourquoi le Sénat souhaitait que les assureurs informent désormais chaque année les assurés de ce droit et de ses modalités de mise en œuvre ; il a été entendu.
Nos apports sur le renforcement des motivations des décisions de refus des prêteurs sont également conservés. De même, les articles additionnels que nous avions introduits en vue de rééquilibrer le rapport de force entre l’emprunteur et le prêteur sont maintenus. Il sera donc interdit à un prêteur de modifier le mode d’amortissement d’un prêt ; il lui faudra afficher le coût de l’assurance emprunteur sur huit ans.
Surtout, nos deux assemblées se sont mises d’accord pour conserver la quasi-intégralité du travail du Sénat sur le droit à l’oubli et la suppression du questionnaire médical.
Ainsi, le droit à l’oubli est réduit de dix ans à cinq ans pour les pathologies cancéreuses et l’hépatite C. Par ailleurs, la convention Aeras (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) devra être travaillée en vue d’un élargissement de ce droit et de sa grille de référence à de nouvelles pathologies, notamment chroniques. En l’absence de résultat, le Gouvernement devra agir avant le 31 juillet 2022.
Le questionnaire médical reste supprimé pour les prêts de moins de 200 000 euros par personne, soit 400 000 euros pour un couple, sous réserve que l’échéance de remboursement du crédit contracté soit antérieure au soixantième anniversaire de l’assuré. Nous avons également prévu qu’un décret puisse faire évoluer les seuils, mais uniquement dans un sens plus favorable à l’emprunteur.
Mes chers collègues, j’ai reçu – j’imagine que c’est pareil pour vous – énormément de courriers de remerciement de concitoyens m’indiquant que c’était la fin d’un cauchemar de plusieurs années pour eux. Nous avons fait œuvre utile. Nous pouvons en être fiers.
Je le précise, le risque de hausse soudaine des tarifs que brandissent certains assureurs n’est pas crédible. En effet, nous avons renforcé la concurrence.
Je tiens à le souligner, ce texte est un texte « vivant ». Tout gouvernement, quel qu’il soit, pourra par un simple décret relever le plafond de 200 000 euros ou l’âge maximal de 60 ans. Il pourra aussi, toujours par décret, et grâce au travail de la convention Aeras,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. … exclure de nouvelles pathologies chroniques. Cela permettra à de multiples familles d’acheter un appartement ou une maison, voire de la faire construire ; c’est souvent un projet de vie.
Je souhaite vraiment saluer le travail du Sénat. Notre vote en première lecture a été un élément essentiel dans la réussite de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, texte déposé par la députée Patricia Lemoine.
La possibilité de changer à tout moment de contrat d’assurance permettra aux Français de gagner environ 550 millions d’euros de pouvoir d’achat par an. Pour un jeune emprunteur ayant souscrit un contrat afin d’acquérir, pour la première fois, son logement, l’économie moyenne sera de 3 800 euros sur la durée du prêt.
Au demeurant, une telle réforme présente l’avantage non négligeable pour le ministre des comptes publics que je suis de ne pas coûter un seul euro à l’État. La proposition de loi introduit des mesures de simplification et crée des droits nouveaux pour les emprunteurs sans venir grever les finances publiques.
Vous le savez, pour beaucoup de nos concitoyens, l’accession à la propriété représente l’objectif de toute une vie. Or cela repose essentiellement sur le crédit immobilier, qui est très souvent conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur. Une telle assurance peut parfois représenter jusqu’à 30 % du coût total du crédit.
Ainsi, l’accessibilité d’une assurance emprunteur au meilleur prix, confortant le pouvoir d’achat des Français, est une préoccupation forte du Gouvernement.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui répond à deux objectifs essentiels, que le Gouvernement soutient évidemment : d’une part, permettre aux Français de changer à tout moment leur contrat d’assurance, gage d’un libre choix et de la possibilité pour chacune et chacun de bénéficier de meilleures garanties, au meilleur tarif ; d’autre part, permettre de réduire les discriminations d’accès des personnes qui sont ou ont été atteintes par des maladies de longue durée. C’est aussi une question de justice sociale devant l’accès à la propriété et au prêt qui la conditionne.
Le marché de l’assurance emprunteur compte entre 20 millions et 25 millions de contrats actifs. Au cours de la dernière décennie, le législateur s’est légitimement penché à plusieurs reprises sur le sujet pour que l’assurance emprunteur protège les assurés à un coût le plus compétitif possible.
Les réformes qui se sont succédé depuis 2010 ont d’ores et déjà permis des avancées significatives. Le marché de l’assurance emprunteur pour le crédit immobilier s’est progressivement ouvert à la concurrence. Avant 2010, chacun devait adhérer au contrat de groupe qui pouvait lui être imposé par sa banque. Aujourd’hui, les emprunteurs ont tout loisir de retenir l’assureur de leur choix, sachant de surcroît que ce choix n’est désormais plus irrévocable.
De plus, il est possible de résilier son contrat à tout moment jusqu’à douze mois après la signature de l’offre de prêt, puis lors de chaque échéance annuelle. C’est cet aspect du droit que cette proposition de loi va pouvoir améliorer.
Les réformes intervenues depuis 2010 ont facilité le changement d’emprunteurs et ont déjà offert des bénéfices substantiels pour les consommateurs. Le bilan qui en est dressé met en évidence un renforcement de la concurrence et une baisse de la tarification des contrats d’assurance emprunteur pour le plus grand nombre. Ainsi, le Comité consultatif du secteur financier fait état d’une baisse tarifaire comprise entre 20 % et 41 % dont bénéficient tous les assurés depuis 2010. Je crois que nous pouvons nous en féliciter.
Nous devons cependant améliorer encore le dynamisme de ce marché et la protection des consommateurs, et ce au bénéfice de tous. De nombreux acteurs, dont les associations de consommateurs, se font régulièrement l’écho de difficultés concrètes rencontrées par nos concitoyens pour remplacer le contrat proposé par la banque par un autre à travers une délégation d’assurance. Le dispositif actuel paraît souvent peu lisible pour les emprunteurs. Je suis aussi fermement convaincu que nous devons continuer à lutter contre les pratiques de nature à décourager les emprunteurs dans leur démarche.
Le Gouvernement soutient donc les mesures qui permettent de rendre le dispositif de résiliation pleinement opérationnel. Je pense à la transparence des décisions de refus de substitution pour l’assurance, à la meilleure information des assurés, à l’introduction d’un délai de production de l’avenant au contrat de crédit lors d’une substitution d’assurance ou encore au renforcement des sanctions administratives à l’encontre des prêteurs et des assureurs qui auraient des pratiques dilatoires.
Ainsi conçu, le dispositif de résiliation infra-annuelle devra permettre d’accélérer le mouvement engagé en orientant encore les tarifs à la baisse pour le plus grand nombre. Cette nouvelle possibilité de résiliation rapprochera aussi l’assurance emprunteur du régime de résiliation infra-annuelle, qui s’est étendu à un certain nombre de contrats de masse, comme les assurances auto, les assurances habitation, ainsi que les complémentaires santé.
Une telle mesure vient également, je l’ai indiqué, soutenir le pouvoir d’achat. C’est peut-être l’objet d’une appréciation un peu divergente entre M. le rapporteur et le Gouvernement, mais nous considérons que le dispositif pourrait faire économiser sur la durée du prêt un peu moins de 4 000 euros à un primo-accédant ayant emprunté 250 000 euros, à l’âge de 35 ans, pour acheter son logement.
Le Gouvernement veille enfin tout particulièrement à l’effectivité des réformes menées au bénéfice de nos concitoyens. Il sera donc nécessaire de prévoir un bilan de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle, par exemple un an ou deux ans après son entrée en vigueur. Le Gouvernement avait confié dès l’origine au Comité consultatif du secteur financier la tâche de suivre la mise en œuvre des réformes engagées depuis 2010. Je salue l’excellent travail de cette instance et les avancées qu’il a permises.
La proposition de loi comporte un deuxième pilier majeur ; vous y avez fait référence, monsieur le rapporteur. Il s’agit de permettre aux personnes en situation de risque aggravé de santé du fait d’une maladie ou d’un handicap d’avoir accès à l’assurance emprunteur, donc à la propriété. Le crédit immobilier doit être accessible à tous, notamment aux plus fragiles.
À ce titre, je remercie les parties prenantes de la convention Aeras, signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance, de la mutualité, les associations de malades et de consommateurs. Celle-ci a pour objet d’élargir l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème de santé. Leurs travaux ont permis de grandes avancées. Les derniers dispositifs spécifiques mis en place depuis 2015, comme le droit à l’oubli et la grille de référence Aeras offrent des possibilités plus larges d’accès à l’assurance des prêts. Cette grille évolue régulièrement, prévoyant la prise en charge par les assureurs et les réassureurs de nouvelles pathologies en fonction des progrès de la médecine et des données de santé disponibles.
Ce cadre conventionnel est essentiel pour favoriser l’accès à l’assurance des plus fragiles, afin que les candidats à l’emprunt ayant été atteints d’un cancer ou d’une autre pathologie ne subissent pas une double peine, avec des refus, des exclusions de garantie ou des surprimes importantes pour raisons de santé. Il repose non pas sur l’occultation des situations personnelles, mais sur l’encadrement des pratiques à l’égard des plus fragiles. C’est pour nous le seul moyen efficace de garantir que les assureurs puissent continuer d’assurer les plus fragiles dans des conditions raisonnables.
À l’inverse, modifier un paramètre de ce cadre de manière excessive ou injustifiée au regard des données médicales en remettant en cause les conditions de mutualisation ou d’aléas ne permettrait pas de couvrir davantage les plus fragiles et se traduirait par un renchérissement massif des tarifs et une suppression de la concurrence, puisqu’aucun assureur de substitution n’aurait de connaissance de ses assurés.
Nous avons opté depuis trente ans, toutes majorités confondues, pour un modèle reposant sur la protection des plus vulnérables, en encadrant les pratiques et en intégrant tous les acteurs, qu’il s’agisse des banques, des assureurs ou des associations, à une convention de place.
La collégialité des décisions relatives à l’évolution de la grille de référence Aeras et au dispositif du droit à l’oubli est indispensable. Pour nous, c’est même une condition pour préserver l’accès le plus large possible au crédit des malades et des anciens malades. Ce modèle est copié en Europe, car il permet non pas d’ignorer de telles situations personnelles, mais bien d’encadrer les pratiques.
Nous proposons de renforcer ce régime fondé sur l’association de toutes les parties prenantes en traduisant l’engagement pris par le Président de la République et partagé par nombre de parlementaires sur toutes les travées de l’Assemblée nationale et du Sénat : réduire la durée de droit à l’oubli des anciens malades d’un cancer ou de l’hépatite C à cinq ans au lieu de dix ans et augmenter le montant du plafond jusqu’auquel les modalités d’assurance des personnes malades sont encadrées pour mieux les protéger. Nous le ferons via une méthodologie que vous avez rappelée, monsieur le rapporteur. Elle est facile, souple, et permet des adaptations, toujours dans le respect du consensus et de l’accord de place que j’ai évoqué voilà un instant.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient la présente proposition de loi, qui renforce la justice et le pouvoir d’achat et qui répond à la préoccupation d’un grand nombre de nos concitoyens fragilisés ou ayant été fragilisés par la maladie. Les droits nouveaux qu’elle crée nous paraissent tout à fait essentiels.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés, ou acceptés, par le Gouvernement.
En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur
TITRE IER
DROIT DE RÉSILIATION À TOUT MOMENT DE L’ASSURANCE EMPRUNTEUR ET AUTRES MESURES DE SIMPLIFICATION
Article 1er
I. – Le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice de l’article L. 113-12 » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à l’article L. 113-12, à l’exception du dernier alinéa » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
2° bis (nouveau) À la deuxième phrase, les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances » ;
3° À la fin de la même deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, la référence : « ou à l’article L. 113-12 du présent code » est supprimée.
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice du » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés et les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances ».
Article 2
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 313-8 et L. 313-28, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
2° L’article L. 313-30 est ainsi modifié :
aa) À la première phrase, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
a) Après le mot : « résiliation », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « prévu au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. » ;
b) La dernière phrase est ainsi rédigée : « Toute décision de refus est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus. » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle précise, le cas échéant, les informations et garanties manquantes. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 313-31, la référence : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du code des assurances, » est supprimée, les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code des assurances » et les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa » ;
4° (nouveau) À l’article L. 313-32, la référence : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du même code » est supprimée et les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa ».
Article 3
I. – Après l’article L. 113-15-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-15-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-15-3. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 113-12-2, l’assureur informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu à l’article L. 113-12, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à cette obligation sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues à la section II du chapitre Ier du titre Ier du livre III.
« II. – Les manquements à cette obligation peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 313-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette notice indique la possibilité pour l’emprunteur de résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt. » ;
1° bis (Supprimé)
2° Après le 29° de l’article L. 511-7, il est inséré un 30° ainsi rédigé :
« 30° De l’article L. 113-15-3 du code des assurances et de l’article L. 221-10-4 du code de la mutualité. »
III. – Après l’article L. 221-10-3 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 221-10-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-10-4. – I. – Pour les contrats d’assurance mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 221-10, la mutuelle ou l’union informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu au premier alinéa du même article L. 221-10, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à ces obligations sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues au livre V.
« II. – Les manquements au premier alinéa du I du présent article peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
Article 3 bis
Au 2° de l’article L. 313-8 du code de la consommation, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « , sur une durée de huit ans et ».
Article 4
Au troisième alinéa de l’article L. 313-31 du code de la consommation, après le mot : « avenant », sont insérés les mots : « , dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution, ».
Article 4 bis
À l’article L. 313-32 du code de la consommation, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « y compris son mode d’amortissement, ».
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Article 6
I. – Le présent titre est applicable aux nouvelles offres de prêts émises à compter du 1er juin 2022.
II. – Le présent titre est également applicable, à compter du 1er septembre 2022, aux contrats d’assurance en cours d’exécution à cette date.
TITRE II
DROIT À L’OUBLI ET ÉVOLUTION DE LA GRILLE DE RÉFÉRENCE DE LA « CONVENTION AERAS »
Article 7
I A. – L’article L. 1141-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, le délai au-delà duquel aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses et à l’hépatite virale C ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans après la fin du protocole thérapeutique. » ;
4° (Supprimé)
I. – Les signataires de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique engagent, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une négociation sur la possibilité d’appliquer :
1° Pour les pathologies autres que cancéreuses, des délais au-delà desquels aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ;
2° Pour davantage de pathologies autres que cancéreuses, les interdictions prévues dans le cadre de la grille de référence mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique.
II. – Les signataires de la convention nationale mentionnée au I du présent article engagent, au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une négociation sur une hausse du montant mentionné au 1° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique.
III – L’instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° du même article L. 1141-2-1 adresse un rapport d’avancement au Gouvernement et au Parlement au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi.
IV. – À défaut d’accord au terme des négociations mentionnées aux I et II du présent article, les conditions d’accès à la convention sont fixées par décret en Conseil d’État au plus tard le 31 juillet 2022. Ces conditions sont fixées à un niveau au moins aussi favorable pour les candidats à l’assurance que celles en vigueur à la date de publication de la présente loi.
Article 7 bis
Après l’article L. 113-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-2-1. – Par exception au 2° de l’article L. 113-2, lorsque le contrat d’assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un contrat de crédit mentionné au 1° de l’article L. 313-1 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, aucune information relative à l’état de santé ni aucun examen médical de l’assuré ne peut être sollicité par l’assureur, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Le montant dû au titre de la quotité assurée est inférieur à 200 000 euros ;
« 2° L’échéance de remboursement du crédit contracté est antérieure au soixante anniversaire de l’assuré.
« Un décret en Conseil d’État peut définir des conditions plus favorables pour l’assuré en termes de plafond de la quotité assurée et d’âge de l’assuré. »
Article 8
(Supprimé)
Article 9
Le Comité consultatif du secteur financier mentionné à l’article L. 614-1 du code monétaire et financier et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution remettent chacun au Parlement, au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, un rapport mesurant les conséquences tant pour les assureurs que pour les assurés de la mise en œuvre de la résiliation à tout moment et de la suppression du questionnaire de santé.
Ces rapports évaluent notamment l’impact de la présente loi sur le processus de mutualisation des risques et sur la segmentation des tarifs en fonction des profils de risque, sur l’évolution des tarifs proposés, sur le type et le niveau des garanties proposées aux emprunteurs dans les contrats d’assurance et sur leur évolution depuis six ans, ainsi que sur les capacités d’accès à l’emprunt immobilier des emprunteurs selon leur profil de risque.
Ces rapports évaluent également la mise en œuvre de l’article 7 bis de la présente loi notamment en termes d’égalité de traitement entre les emprunteurs, proposent les ajustements éventuels des conditions relatives à l’âge et la quotité des prêts ainsi que les conditions d’application de la suppression du questionnaire médical aux prêts professionnels.