M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Billon, l’article 232 du code général des impôts prévoit que le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants (TLV) comprend les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement.
Par ailleurs, pour inciter à l’affectation des logements à la fonction de résidence principale, l’article 1407 ter du code général des impôts permet aux communes appartenant à la zone d’application de la TLV de majorer la part de cotisation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
Le Gouvernement partage l’analyse que vous faites, à savoir que des territoires hors des grandes agglomérations peuvent présenter des marchés immobiliers tendus, en particulier dans les zones touristiques littorales.
Ces zones se caractérisent par une forte proportion de résidences secondaires et de logements dédiés à la location meublée touristique, pouvant induire des prix de l’immobilier dépassant les capacités financières de la population locale et une attrition du parc de résidences principales.
Les Sables-d’Olonne entrent dans ce cadre, avec un loyer voisin de 13 euros par mètre carré et des prix tournant autour de 4 800 euros par mètre carré, un niveau bien supérieur à celui de certaines métropoles en zones TLV.
L’abaissement, voire la suppression, du seuil de population pour le classement en zone TLV peut ainsi apparaître comme une mesure pertinente. Elle nécessiterait néanmoins une disposition en loi de finances.
Pour mémoire, le seuil de population de la zone d’urbanisation continue a déjà été abaissé par la loi de finances initiale pour 2013. Il était auparavant fixé à 200 000 habitants.
Si l’application de la taxe sur les logements vacants et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires peuvent apporter des solutions, l’impact de ces instruments fiscaux est difficile à évaluer.
D’autres outils peuvent être mobilisés en ce sens, dont la commune des Sables-d’Olonne s’est d’ailleurs emparée. Pour la régulation des meublés de tourisme, l’autorisation de changement d’usage et le numéro d’enregistrement peuvent être rendus obligatoires par décision du conseil municipal ou de la communauté de communes.
Les collectivités concernées peuvent participer au plan national de lutte contre les logements vacants, autre moyen d’accroître l’offre de logements en résidence principale.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Merci de vos réponses, monsieur le ministre.
Aujourd’hui, l’agglomération des Sables-d’Olonne compte 53 622 habitants. Sa situation peut s’étendre à d’autres collectivités littorales.
J’ai rencontré le maire des Sables-d’Olonne et le cabinet de Mme Wargon, qui s’était engagée à ce que ces dispositions figurent en loi de finances. Un an après, aucune décision n’a été prise. Il est urgent d’intervenir pour toutes les villes littorales, notamment Noirmoutier, Les Sables-d’Olonne et de nombreuses autres villes.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
4
Candidature à une commission
Mme le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires sociales a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Conventions internationales
Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé à Port-Louis le 12 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 415, texte de la commission n° 460, rapport n° 459).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la république française et le royaume d’espagne
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d’Espagne, signée à Montauban le 15 mars 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 418, texte de la commission n° 465, rapport n° 464).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
6
Sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022 au Qatar
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022 (projet n° 325, texte de la commission n° 463, rapport n° 462). La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de présenter aujourd’hui devant vous le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, signé à Doha le 5 mars 2021.
La France entretient avec le Qatar un partenariat stratégique qui couvre tous les domaines de coopération. Des relations solides se sont nouées entre nos deux pays dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l’économie et des investissements, de la culture, de l’éducation et du sport.
Je souhaite souligner plus particulièrement aujourd’hui l’importance du partenariat que nous avons établi dans le domaine de la sécurité des grands événements sportifs, axe fort de notre coopération bilatérale avec le Qatar. Inauguré à l’occasion des jeux Asiatiques de 2006, ce partenariat s’est notamment approfondi avec l’organisation des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016 ou encore d’athlétisme en 2019.
Dans le cadre de cette relation de confiance, la France s’est engagée, en réponse à la demande des autorités qatariennes, à accompagner le Qatar dans la préparation et la conduite des actions destinées à assurer la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, qui se tiendra à Doha. Le Qatar sera le premier pays du monde arabe à accueillir cette compétition, du 21 novembre au 18 décembre prochains.
Dans ce contexte, le ministère de l’intérieur français propose d’apporter aux services qatariens une expertise de haut niveau, dans une offre dite « intégrée », afin de les accompagner dans la planification et la conduite de cette compétition. À cette fin, il peut s’appuyer en particulier sur la relation historique entre la gendarmerie nationale et la force de sécurité intérieure qatarienne qui a conduit à l’organisation de nombreuses actions de formation et d’exercices conjoints.
La richesse de la coopération entre la France et le Qatar dans le domaine de la sécurité s’est d’ailleurs illustrée par la mobilisation de plusieurs experts français à Doha, en fin d’année dernière, lors de la Coupe arabe des nations de football de 2021. Cette compétition a permis à la France d’affiner encore son offre sécuritaire et d’aider le Qatar à définir ses besoins en vue de l’organisation, en 2022, d’un événement de plus grande ampleur.
Je voudrais ajouter que ces échanges croisés, qui ont pour objectif principal d’accompagner les forces qatariennes avant et pendant la compétition, nous offrent également l’occasion de développer nos propres savoir-faire dans la perspective des grands événements sportifs que la France organisera ces deux prochaines années, à savoir la Coupe du monde de rugby, en 2023, et les jeux Olympiques et Paralympiques, en 2024.
Le présent accord s’inscrit ainsi dans la volonté d’offrir un cadre juridique protecteur aux experts français qui pourront être déployés pendant la préparation et le déroulement de cette compétition. Négocié par le ministère de l’intérieur français et le comité de sécurité qatarien en charge de l’organisation de cet événement sportif, cet accord vise à rendre possible le déploiement d’une assistance technique et opérationnelle.
Je me félicite qu’il constitue le premier instrument juridiquement contraignant signé entre la France et le Qatar dans le domaine de la sécurité intérieure. Les coopérations liées à de précédents grands événements sportifs n’avaient en effet jamais donné lieu à une formalisation juridique spécifique, dans la mesure où elles revêtaient un caractère essentiellement technique et restaient d’une ampleur plus modeste. Le présent accord pourra donc offrir une référence pour l’avenir et contribuer à encourager la partie qatarienne à inscrire le développement de la coopération bilatérale dans un cadre juridique de long terme.
L’objectif de cet accord est double. Tout d’abord, il s’agit d’accompagner le Qatar dans l’organisation et la gestion de la sécurité de la Coupe du monde dans les meilleures conditions. La France est ainsi en mesure de proposer une offre de coopération articulée autour de dix grandes fonctions : planification, contre-terrorisme, gestion de l’ordre public, renseignement et anticipation, sécurité des installations, sécurité des mobilités, moyens spéciaux terrestres, moyens aériens, cybersécurité et sécurité civile.
Ensuite, il nous est apparu essentiel de sécuriser juridiquement le déploiement d’experts destinés à apporter une assistance technique et opérationnelle aux autorités qatariennes dans le cadre de l’organisation de cet événement majeur. En effet, en l’absence d’accord, le personnel français déployé sur le territoire qatarien aurait été soumis au droit local, donc exposé à des risques. Le présent accord crée ainsi des garanties équivalentes à celles qu’un accord de statut des forces à l’étranger, ou Status of Forces Agreement (SOFA), procure pour une coopération de défense. Je tiens à préciser que le SOFA entre la France et le Qatar fait actuellement l’objet d’une procédure d’approbation distincte et sera examiné prochainement par la Haute Assemblée.
Rédigé sur la base de la réciprocité et s’inspirant des clauses classiques figurant dans les accords de statut des forces signés par la France, l’accord aujourd’hui soumis à votre examen détermine le statut juridique et les conditions de séjour des personnels français déployés au Qatar et des personnels qatariens déployés en France dans le cadre d’activités de coopération en matière de sécurité.
Les experts déployés sont tenus au respect de la législation de la partie d’accueil et ne sont autorisés à pénétrer sur son territoire qu’avec son consentement préalable.
En matière de dépenses, l’essentiel de la charge liée aux actions de coopération incombe à la partie qui en bénéficie. Ainsi, la partie d’accueil paie les frais occasionnés par les activités de la partie d’envoi dans l’État d’accueil. En outre, la partie d’envoi peut importer et réexporter, en franchise de droits de douane et taxes, les matériels, équipements, véhicules et engins qui lui appartiennent et qui seraient engagés sur le territoire de la partie d’accueil dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord.
En matière pénale, l’accord prévoit un partage de juridiction.
Les infractions commises par un membre du personnel de la partie d’envoi relèvent en principe de la compétence des juridictions de la partie d’accueil. Toutefois, les autorités compétentes de la partie d’envoi exercent prioritairement leur juridiction lorsque l’infraction a été accomplie dans le cadre du service, ou lorsqu’il a été porté atteinte aux biens ou à la sécurité de la seule partie d’envoi ou de son personnel.
En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d’accueil, la personne concernée bénéficie des garanties relatives au droit à un procès équitable, et en particulier du droit à être jugée dans un délai raisonnable, à être représentée ou assistée, à bénéficier des services d’un interprète, à communiquer avec un représentant de son ambassade, à être informée des accusations portées contre elle, à être confrontée aux témoins à charge et à se voir appliquer le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.
Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l’État d’accueil, l’accord prévoit que ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l’État d’envoi.
Si dans l’État qui exerce sa juridiction une infraction est punie de la peine de mort ou d’une peine contraire aux engagements résultant des conventions internationales auxquelles adhère l’autre État, ce dernier ne remettra au premier État une personne faisant l’objet de poursuites que contre l’assurance que de telles peines ne seront ni requises ni prononcées ou, si elles sont prononcées, qu’elles ne seront pas exécutées. (Des bruits de conversation se font entendre sur diverses travées.)
Mme le président. Un peu de silence, je vous prie, mes chers collègues ! Le bruit empêche Mme la ministre de poursuivre dans les meilleures conditions.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je vous remercie, madame la ministre, d’autant que ce texte n’est pas facile – mais il est important !
La peine de mort étant toujours en vigueur au Qatar, la France a inséré dans l’accord cette clause de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, résultant notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il était essentiel pour la France que l’accord écartât toute possibilité d’application de la peine de mort ou d’un traitement inhumain ou dégradant, aussi bien pour un Français ayant commis une infraction au Qatar que pour un Qatarien ayant commis une infraction en France et dont le Qatar demanderait la remise.
La France entretient un dialogue régulier et exigeant avec le Qatar quant au respect des droits de l’homme, mais également au respect des normes et des standards internationaux en matière de droit du travail. Des efforts ont été faits et un certain nombre de réformes ont été engagées par le Qatar, en particulier en ce qui concerne les droits des travailleurs étrangers. Je pense notamment à la suppression de la kafala, ce régime de tutelle légale qui était imposé aux travailleurs migrants, ainsi qu’au dialogue tripartite engagé entre la France, le Qatar et l’Organisation internationale du travail.
Ces progrès bien réels doivent être poursuivis et approfondis. Nous entendons, à cette fin, maintenir un dialogue continu avec les autorités qatariennes, avec nos partenaires européens et avec les organisations internationales sur ces questions.
Telles sont, madame le président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022.
Ce texte a été adopté par notre commission lors de sa réunion du 9 février. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste et le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont souhaité le retour à la procédure normale, afin qu’il soit débattu de cette convention de partenariat.
Toutefois, je tiens à rappeler que nous ne pouvons amender ce projet de loi, qui sera soit adopté soit rejeté par notre assemblée.
Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l’ambition politique qui avait été tracée par la déclaration d’intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.
Le Qatar a été désigné en décembre 2010 par la Fédération internationale de football pour accueillir sur son territoire la Coupe du monde de 2022.
Afin de prendre en considération le climat particulièrement chaud du pays, la Coupe du monde de football a été décalée en novembre-décembre 2022. Cela étant, les douze stades dans lesquels se joueront les matchs seront climatisés.
Il s’agira du plus grand événement sportif jamais organisé dans le monde arabe. Le Qatar pourrait accueillir jusqu’à 1,5 million de supporters.
Je voudrais tracer un parallèle permettant de prendre la mesure du défi qui attend les autorités du Qatar : ce pays compte 2,6 millions d’habitants, dont seulement 300 000 Qatariens, soit 11,5 % de la population. À l’échelle de la France, cela signifierait que sur notre territoire vivraient 60 millions d’étrangers pour 8 millions de Français et que nous nous apprêterions à accueillir 40 millions de visiteurs étrangers supplémentaires !
M. Bruno Sido. C’est énorme !
M. Olivier Cadic, rapporteur. Vous l’avez compris, cet événement va engendrer des flux considérables et une très forte concentration de personnes sur les différents sites. Il va mettre le Qatar face à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques… Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n’est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d’alcool, actions d’organisations contestataires…
Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États avec lesquels il était déjà lié, dont la France.
En effet, la France et le Qatar ont développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense. Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis.
Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme en témoigne l’achat récent de trente-six Rafale.
Le Qatar est également, ces dernières années, un partenaire stratégique, tant au niveau français qu’au niveau international, en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation.
Sur le plan bilatéral, Le Président de la République et l’émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d’intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cette coopération a été confortée par la mise en place d’un dialogue stratégique, en février 2019.
L’émirat joue un rôle actif au sein de la Coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d’Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel.
De surcroît, le Qatar et l’Organisation des Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l’ouverture à Doha d’un bureau du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.
Force est de constater que le Qatar, en parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, a réalisé d’importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. Il est en effet le premier État de la région à avoir abrogé, en 2016, le système de la kafala, qui oblige l’expatrié à dépendre d’un « parrain », souvent qualifié de « sponsor », qui peut être une personne physique ou morale.
Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Le texte législatif afférent, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021. Ces efforts doivent néanmoins être poursuivis.
Le rapport de l’Organisation internationale du travail publié en novembre dernier conclut à un nombre trop important d’accidents du travail, dont certains se sont avérés mortels, sur les chantiers de la Coupe du monde. Dans ce rapport, élaboré en collaboration avec les institutions qatariennes, sont identifiées des lacunes dans la collecte des données ; ses auteurs recommandent la mise en place d’une plateforme nationale qui permettrait une meilleure indemnisation des victimes et de leurs familles.
La peine de mort, toujours en vigueur au Qatar, continue d’être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, si l’on met à part le cas de l’exécution d’un ressortissant népalais, condamné à mort pour meurtre, en 2020.
La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les jeux Asiatiques de 2006, qui furent le premier grand événement sportif accueilli par l’émirat.
Elle s’est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d’athlétisme en 2019, et à l’occasion de la Coupe arabe des nations de football de 2021.
Concernant la Coupe du monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux que ce qui a été réalisé jusqu’à présent ; d’où le souhait d’une formalisation juridique plus aboutie, c’est-à-dire d’un cadre sécurisant le déploiement d’un volume important d’experts sur le terrain.
Cet accord peut se définir comme une offre de services de la part de la France, de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sécurité inhérents à l’organisation d’un grand événement sportif.
Sa mise en œuvre pourra s’appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l’intérieur, gendarmes, policiers, pompiers, pour des missions de conseil et d’accompagnement, voire pour un appui opérationnel au partenaire qatarien.
La partie qatarienne doit, à brève échéance, formuler plus précisément ses besoins, en fonction desquels l’offre de coopération française sera modulée.
L’accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.
Il prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l’intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien aux fins de la mise en œuvre du présent accord.
Ainsi bénéficieront-ils des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) du 4 novembre 1950 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
En outre, l’accord organise une protection contre l’application de la peine capitale ou d’autres traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CESDH.
Ces dispositions offriront une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l’intérieur qui participeront aux activités de coopération mises en œuvre en vue de la Coupe du monde de football de 2022 et durant l’événement, à l’instar des garanties offertes aux agents du ministère de la défense via l’accord bilatéral relatif au statut des forces, qui a été présenté à la commission des affaires étrangères du Sénat la semaine dernière.
Notons toutefois que, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.
En outre, une telle conclusion est à replacer dans son contexte économique : les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent des opportunités importantes à nos entreprises, dans de nombreux secteurs d’activité.
Ce partenariat est aussi l’occasion de nous préparer à l’accueil et à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, en 2023, et des jeux Olympiques, en 2024.
Les autorités qatariennes n’ont à ce jour pas notifié à la France l’accomplissement des procédures nationales requises pour l’entrée en vigueur de l’accord, qui sera examiné par l’Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.
Notre commission s’est montrée majoritairement favorable à l’adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. François Bonneau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord tracer les contours des relations qu’entretient la France avec le Qatar.
Pour anciennes qu’elles soient, elles ont pris un véritable essor au début des années 1990, et ce dans les domaines de la sécurité et des hydrocarbures. La volonté qatarienne de diversifier l’économie du pays et de réduire sa dépendance à la rente gazière a ensuite permis d’élargir le spectre de nos coopérations à de nombreux secteurs, qu’il s’agisse du domaine économique, de la culture ou de l’éducation.
La coopération de sécurité et de défense entre nos États constitue un pilier essentiel de cette relation bilatérale. La visite effectuée par le Président de la République le 7 décembre 2017 s’est ainsi assortie de la signature d’accords majeurs, dont une déclaration d’intention relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment.
Par la suite, le 11 février 2019, lors de la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères à Doha, nos deux gouvernements ont signé une déclaration d’intention relative à la mise en place d’un dialogue stratégique, afin de renforcer notre partenariat dans tous les domaines et de permettre un suivi technique de ses principales réalisations.
Quelles sont les finalités du présent accord et quelles en seront les conséquences ? Il faut bien mesurer qu’il s’agit là du premier accord instaurant un instrument juridiquement contraignant conclu entre nos deux États dans le domaine de la sécurité intérieure. Se trouve créé, par là même, un cadre de coopération que les parties pourront décliner en fonction des besoins capacitaires qui seront identifiés.
Par le biais du présent accord, la France porte l’ambition d’aider le Qatar, pays classé parmi les plus sûrs au monde et donc peu préparé aux débordements susceptibles de se produire pendant la Coupe du monde, à gérer dans les meilleures conditions un événement aussi sensible que complexe.
Plus largement, les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent à nos entreprises d’importantes possibilités, dans de nombreux secteurs d’activité.
De surcroît, cet accord concourt à dynamiser notre coopération policière bilatérale autour d’un projet structurant d’accompagnement de l’organisation d’un événement sportif mondial. À cet égard, il est susceptible de constituer une vitrine permettant de valoriser les compétences de nos services et de faire rayonner nos pôles d’expertise.
En même temps, il nous importe de prendre absolument conscience de la condition sociale des migrants travaillant sur les chantiers liés à la Coupe du monde. Si, en 2017, le Qatar a mené un certain nombre de réformes positives, les lois ainsi votées ne sont que trop peu appliquées, sinon pas du tout. L’émirat a, par exemple, adopté des lois facilitant l’accès des travailleurs à la justice et instaurant un salaire minimum.
Reste que la condition sociale des travailleurs migrants n’est pas le seul objet de vigilance. D’autres sujets doivent compter au nombre de nos préoccupations, au premier rang desquels les droits des femmes et la liberté d’expression.
Ainsi, il convient pour la France et son gouvernement d’user de toute son influence et de tous les leviers possibles pour permettre une meilleure prise en compte de ces points.
Nous voterons cet accord pour trois raisons.
Premièrement, ces dispositions offriront une sécurité juridique nécessaire aux agents français du ministère de l’intérieur qui participeront aux activités de coopération mises en œuvre avant et durant l’événement.
Deuxièmement, l’accord favorise la sécurisation de la région moyen-orientale.
Troisièmement, il permet de mettre en valeur le savoir-faire français et constitue, en cela, un levier d’influence.
Le Qatar s’est révélé être un partenaire stratégique essentiel en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années, tant au niveau de la France qu’au niveau international.
L’Émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un solide soutien logistique en mettant à disposition la base militaire d’Al-Udeid et en fournissant un appui à la force conjointe du G5 Sahel.
Parallèlement à son implication dans la lutte contre le terrorisme, il faut accompagner le pays dans les importantes réformes en faveur des droits et de la condition sociale des travailleurs étrangers.
Assurément, l’accord contribuera à stabiliser notre partenariat à un niveau très élevé, dans un contexte plus concurrentiel que par le passé. En effet, il faut bien voir que si les autorités qatariennes continuent de s’appuyer sur des coopérations historiques, avec les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, elles établissent également de nouveaux partenariats, notamment avec l’Allemagne, l’Italie, la Turquie, afin de profiter du savoir-faire de plus grand nombre à l’approche de la Coupe du monde.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît important d’approuver cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)