Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Les amendements identiques nos 285 et 375 ont pour objet de rappeler que le juge des enfants peut prononcer une astreinte à l’encontre du département qui ne respecte pas sa décision concernant la reconnaissance d’un jeune comme mineur non accompagné.
Si l’on peut regretter le manque d’application par certains départements des mesures ordonnées par le juge s’agissant des MNA, la loi permet déjà à celui-ci de prononcer des astreintes. En outre, l’article 14 bis interdit expressément aux départements de procéder à des réévaluations de la minorité.
Ces amendements étant donc déjà satisfaits, même si vous avez tout à fait raison sur le fond, madame Poncet Monge, madame Cohen, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Raymonde Poncet Monge, l’amendement n° 285 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 285 est retiré.
Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 375 est-il maintenu ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 375 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L’article 14 bis est adopté.)
Après l’article 14 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 374, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil est ainsi modifié :
1° Les mots : « , selon le cas, le procureur de la République ou » sont supprimés ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette orientation n’est possible que sur décision du juge des enfants. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, madame la présidente. Je précise que nous l’avons déposé en lien avec Unicef France, qui réalise un travail d’expertise remarquable. J’en profite pour remercier ses membres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement vise donc à supprimer la compétence du parquet pour se prononcer sur l’orientation vers un département du jeune évalué comme MNA par un président de conseil départemental. Seuls les juges des enfants seraient alors compétents.
Les délais d’audience devant le juge des enfants étant très longs, cet amendement, à mon avis, porterait vraiment préjudice aux MNA, qui ne pourraient être pris en charge rapidement.
C’est pourquoi l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 374.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15
I. – Après l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-4. – I. – Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence.
« II. – En vue d’évaluer la situation de la personne mentionnée au I, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.
« L’évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d’évaluation à une structure du secteur public ou du secteur associatif, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d’évaluation par la structure délégataire.
« Sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste, le président du conseil départemental, en lien avec le représentant de l’État dans le département, organise la présentation de la personne auprès des services de l’État afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement, par les agents spécialement habilités à cet effet, du traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le représentant de l’État dans le département communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne.
« Le président du conseil départemental peut en outre :
« 1° Solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne ;
« 2° Demander à l’autorité judiciaire la mise en œuvre des examens prévus au deuxième alinéa de l’article 388 du code civil selon la procédure définie au même article 388.
« Il statue sur la minorité et la situation d’isolement de la personne, en s’appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, sur les informations transmises par le représentant de l’État dans le département ainsi que sur tout autre élément susceptible de l’éclairer.
« La majorité d’une personne se présentant comme mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ne saurait être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans le traitement automatisé mentionné au présent II ou dans le traitement automatisé mentionné à l’article L. 142-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
« III. – Le président du conseil départemental transmet au représentant de l’État dans le département, chaque mois, la date et le sens des décisions individuelles prises à l’issue de l’évaluation prévue au II.
« IV. – L’État verse aux départements une contribution forfaitaire pour l’évaluation de la situation et la mise à l’abri des personnes mentionnées au I.
« La contribution n’est pas versée, en totalité ou en partie, lorsque le président du conseil départemental n’organise pas la présentation de la personne prévue au deuxième alinéa du II ou ne transmet pas, chaque mois, la date et le sens des décisions mentionnées au III.
« V. – Les modalités d’application du présent article, notamment des dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 280 est présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 286 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 366 rectifié est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 280.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à supprimer l’article 15, qui tend à exercer une pression supplémentaire sur les départements pour que le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) soit efficient, par l’instauration de sanctions financières. En effet, si un département n’organise pas la présentation des MNA et ne transmet pas tous les mois les décisions individuelles prises à l’issue des évaluations, la contribution forfaitaire de l’État pour la phase d’évaluation ne lui sera pas versée.
Pour rappel, pour 100 MNA, la contribution forfaitaire s’élève à 50 000 euros.
Selon nous, le fichier AEM fragilise considérablement l’accès des MNA à la protection. Ceux-ci sont particulièrement vulnérables, et cette volonté de fichage, et d’affichage, est délétère.
L’article 15, de plus, ne relève pas d’une question de protection de l’enfance, mais davantage d’un enjeu de régulation des flux migratoires. Il met à mal la règle de présomption de minorité en nous faisant passer d’une évaluation « en cas de doute » à une évaluation généralisée, sauf en cas de minorité manifeste.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 286.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 15 contient des dispositions qui relèvent de la question migratoire. Il n’est pas acceptable d’ouvrir ce débat, sur lequel de forts dissensus existent sur ces travées, à la faveur à la faveur d’un texte sur la protection des enfants, thème sur lequel nous pouvons souvent parvenir à des consensus, comme nous l’avons vu ces derniers jours.
L’enfant migrant est d’abord un enfant, et ses droits à la protection priment. Cet article a été rédigé sans qu’aucune évaluation soit faite de l’usage du fichier AEM par les départements y recourant déjà de manière volontaire. Il a comme principale justification le nomadisme des mineurs isolés, petit frère – ou petite sœur – de la théorie de l’appel d’air. Or ces concepts ne sont ni validés ni étayés par aucune analyse sérieuse, ni quantitative ni qualitative. À défaut d’une réalité signifiante, ils relèvent d’une approche essentiellement idéologique.
Ce qui est réel aujourd’hui, c’est que plus des deux tiers des enfants qui font un recours auprès d’un juge des enfants sont reconnus mineurs. Cette proportion monte même à 80 %, selon une association, lorsque ceux-ci sont logés et accompagnés, comme le démontre le dispositif « La station » de la métropole de Lyon.
Le véritable nomadisme a lieu pendant le temps du recours, recours qui conduit dans la grande majorité des cas à la reconnaissance de la minorité des enfants. Pendant ce temps, ceux-ci sont dans la rue.
L’objet de cette loi, ainsi que la priorité des départements, chefs de file de la protection des enfants, n’est pas de mettre en œuvre la politique migratoire de l’État, dont nous parlerons peut-être à l’occasion de l’examen d’autres véhicules législatifs, mais de protéger les enfants en danger, y compris en respectant la présomption de minorité. Toute autre politique serait contraire aux recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article 15.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons également la suppression de l’article 15, qui vise à rendre obligatoire le recours au fichier automatisé AEM, ainsi que les échanges d’informations entre les services départementaux et préfectoraux.
Le décret du 30 janvier 2019 a autorisé la création du fichier AEM et les dispositions de l’article L. 142-3 du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ont permis d’y enregistrer des données biographiques et biométriques sur les personnes se disant MNA.
Pour l’instant, le président du conseil général décide si ses services ont recours, ou non, à ce fichier, en sollicitant, ou non, le concours du préfet.
L’étude d’impact du projet de loi relatif aux collectivités territoriales, dit « 3DS », ayant montré au Gouvernement que certains départements – au nombre de quinze, apparemment – se montraient récalcitrants, notamment en Île-de-France, celui-ci a décidé de rendre obligatoire, par l’article 39 de ce projet de loi, le recours à l’AEM.
Cette disposition est ici reprise dans un projet de loi visant à protéger les enfants. Il n’existe pas de statut juridique propre aux mineurs isolés étrangers. Ces derniers se trouvent donc à un croisement relevant à la fois du droit des étrangers et des dispositions sur l’enfance en danger. Or le dispositif français de protection de l’enfance ne pose aucune condition de nationalité. C’est le statut d’enfant qui devrait prévaloir pour ces personnes, et non le statut d’étranger, conformément aux engagements de la France au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est ce que le groupe CRCE a toujours défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Je ne vais pas vous rappeler ce que l’article 15 prévoit de rendre obligatoire. Afin de rendre effectives les obligations, cet article prévoit également de conditionner à leur respect le versement de la contribution forfaitaire de l’État aux départements.
Le recours au fichier AEM, déjà en vigueur dans quatre-vingts départements, permet de vérifier si la personne qui se déclare mineure a déjà fait l’objet d’une évaluation dans un autre département et de consulter les résultats de cette évaluation.
Un tel fichier national permet d’éviter le phénomène de nomadisme de la part de majeurs qui tentent leur chance dans différents départements et engorgent les dispositifs d’accueil. La généralisation de ce fichier au niveau national apparaît comme nécessaire pour accroître son efficacité et améliorer la qualité des évaluations dans tous les départements.
J’ajoute, mes chers collègues, que ce dispositif a été adopté par le Sénat au sein du projet de loi 3DS. Par conséquent, je vous invite à ne pas voter ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression est défavorable.
Pour vous expliquer pourquoi, je vais vous citer quelques chiffres et données financières, ce qui me permettra de répondre aussi à certaines questions que le sénateur Laurent Burgoa a posées au cours de la discussion générale.
Le traitement d’appui à l’évaluation de la minorité, c’est-à-dire ce fameux fichier AEM, n’est utilisé que lorsque la minorité n’est pas manifeste. Il ne constitue qu’une étape de l’évaluation et n’est qu’un élément parmi un faisceau d’indices que le département doit réunir. Nous l’avons encadré de toutes les garanties posées par le Conseil constitutionnel, d’une part, dans sa décision de 2019, et par le Conseil d’État, d’autre part, dans sa décision de 2020.
Quoi qu’on en dise ici, et si peu élégante que soit cette expression, le « nomadisme administratif » est une réalité. Il ne s’agit pas d’en grossir l’importance, mais on constate que, dans les départements qui sont passés au traitement par le fichier AEM, le nombre de personnes venant se présenter comme mineures a baissé de 20 % à 50 %. On peut interpréter ces chiffres comme l’on veut, mais ils sont réels !
L’évaluation doit être faite d’une manière ou d’une autre. C’est un sujet complexe. Justement, la direction générale de la cohésion sociale a établi un guide pour améliorer la qualité de l’évaluation, et pour la rendre plus homogène entre les départements. De fait, il y a quelques années, le taux de personnes reconnues mineures variait, selon les départements, de 10 % à 100 %… Désormais, le fichier et ce guide font converger les taux de reconnaissance de minorité entre les départements – même si je ne dispose pas de chiffres. C’est la garantie d’une plus grande équité en faveur des enfants.
Nous conditionnerons donc le versement de l’aide financière de l’État aux départements à l’utilisation de ce fichier. Comme vous l’avez dit, environ quatre-vingts départements l’utilisent, sur quatre-vingt-seize en tout – les départements outre-mer ne sont pas concernés. La tendance actuelle est plutôt à ce que les départements rejoignent le mouvement. Je pense notamment à des départements dominés par des forces politiques dont les représentants siègent du même côté de l’hémicycle que les auteurs de ces amendements, comme la Gironde ou plusieurs départements de Bretagne.
On parle souvent de compensation financière dans cet hémicycle. Dans le cas d’espèce, l’État compense à hauteur de 500 euros par jeune évalué. Sur cette somme, 100 euros sont obligatoirement consacrés à un bilan de santé du jeune au moment de son évaluation. Certains départements omettent cette étape, qui doit pourtant être systématique. L’État verse ensuite 90 euros par jour et par enfant, pendant quatorze jours, pour la mise à l’abri, puis 20 euros par jour pour les neuf jours qui restent.
À cela s’ajoute ce qu’on appelle le dispositif Cazeneuve, qui prévoit un apport financier de l’État de 6 000 euros par enfant pour 75 % du nombre supplémentaire de jeunes par rapport à l’année précédente. En 2018 et en 2019 sont arrivés sur notre territoire un certain nombre de MNA. Il y a eu 51 000 évaluations en 2018 – certaines personnes ont pu être évaluées plusieurs fois – aboutissant à 17 000 reconnaissances de minorité ; en 2019, 37 000 évaluations ont donné lieu à 16 000 reconnaissances de minorité ; en 2020, les derniers chiffres font état de 16 000 évaluations et de 9 500 reconnaissances de minorité.
Au total, la compensation de l’État pour les départements, calculée en fonction du nombre de mineurs évalué, était de 126 millions d’euros en 2019 et de 65 millions d’euros en 2020. La loi de finances pour 2021 a provisionné 120 millions d’euros de compensation et d’accompagnement de l’État pour les départements.
Je le répète, l’avis du Gouvernement est défavorable, car le recours au fichier AEM est utile.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je confirme que le recours à ce fichier est utile, et qu’il l’est aussi pour le MNA. En effet, celui-ci sera ultérieurement empêché de trouver un emploi si ses papiers sont falsifiés, alors même qu’il aura subi cette falsification, puisqu’il aura été entraîné par différentes circonstances dans ce circuit. À mon avis, plus l’évaluation est longue et contestée, moins bien se porte le mineur. Mieux vaut donc prendre ses responsabilités directement. Ce fichier permettra notamment de recentraliser le dispositif. Puis, pour celui qui a la conscience tranquille, confier ses données biographiques et biométriques ne doit pas poser de problème… Il est donc important, à la fois pour les départements et pour les mineurs, que ce dispositif soit généralisé.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir répondu ! Depuis hier, je me sentais quelque peu frustré…
Je ne serai pas donneur de leçons, mais, sur ce sujet passionnant, les uns ou les autres nous pouvons avoir des paroles qui dépassent notre pensée. Or c’est un sujet avant tout humain, prenons-y garde. Avant de parler de majeurs ou de mineurs, n’oublions pas que ce sont des personnes qui sont en cause, des personnes qui ont souffert avant d’arriver sur le sol français.
Il y a quelques semaines, avec mes collègues Xavier Iacovelli, Hussein Bourgi et Henri Leroy, j’ai rendu un rapport d’information sur la question, et celui-ci a fait consensus. J’aimerais que nous restions ce soir dans le même consensus.
Avec toute l’estime que j’ai pour ma collègue Meunier, que je sais très investie sur ce sujet, je me permets de lui dire que je suis un peu surpris qu’elle ne partage pas, avec son groupe, la position de M. Bourgi. Dans le rapport d’information, il a validé sans problème – et sans contrainte – la recommandation n° 5 tendant à rendre obligatoire le recours par les départements au dispositif AEM.
Sur les articles suivants, qui portent également sur des aspects avant tout humains, j’aimerais que nous soyons, les uns et les autres, au moins de temps en temps, cohérents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. J’avais prévu de prendre la parole avant votre interpellation, cher collègue, et ne la prends donc pas pour y répondre.
En demandant la suppression de l’article 15, nous sommes en totale cohérence avec ce que mon groupe a voté sur le projet de loi 3DS, dont il souhaitait supprimer l’article 39. C’est la même logique, et je n’ai aucun problème sur ce point.
Le vrai risque est que ces jeunes, de peur d’être fichés, ne viennent pas vers la protection de l’enfance. C’est un risque de santé publique, et un risque de santé pour eux-mêmes, bien sûr. Et aboutirons-nous à davantage de sécurité, de tranquillité et de protection pour ces jeunes en leur proposant ce cadrage très contraint ? Tous ces arguments de précaution qu’on emploie ne sont en fait que de mauvais prétextes pour maintenir, dans un texte sur la protection de l’enfance, des questions de politique migratoire, qui doivent certes être prises en compte, mais dans d’autres textes que celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour explication de vote.
M. Gilbert Favreau. Par mon amendement n° 42 rectifié ter, je demande la suppression de l’alinéa 5 de cet article, alinéa qui instaure une présomption de minorité qui n’existait pas jusqu’à présent. Le département a reçu compétence pour mener à bien l’évaluation. Et le mineur qui est évalué majeur peut très bien faire appel de la décision du juge. C’est d’ailleurs très fréquent, puisque ces personnes sont généralement accompagnées par des associations.
On constate qu’une reconnaissance de minorité contestée par le département est, dans 80 % des cas, confirmée par les évaluations qui sont faites, de manière très honnête, par les services du département. Je m’associe donc à ceux qui considèrent qu’aucune raison ne justifie de voter cet article 15 dans sa rédaction actuelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 280, 286 et 366 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 281, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Harribey, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article 375 du code civil, après les mots : « du service », sont insérés les mots : « ayant recueilli l’enfant provisoirement ou ».
II. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 223-2 et saisit sans délai le juge des enfants en vue de l’application du premier alinéa de l’article L. 375-5 du code civil. L’accueil provisoire d’urgence se prolonge tant que n’intervient pas une décision du juge compétent
III. – Alinéas 3 à 13
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« II. – Au cours des mesures provisoires prises en application du premier alinéa de l’article 375-5 du code civil, le juge statue sur la situation de danger et la minorité de la personne mentionnée au I.
« Il prend en compte les documents présentés par la personne en application de l’article 47 du même code.
« Il peut ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative en application de l’article 1183 du code de procédure civile.
« Il peut ordonner les examens prévus à l’article 388 du code civil selon la procédure définie à cet article.
« Le juge convoque les parties dans un délai qui ne peut excéder quinze jours en application de l’article 1184 du code de procédure civile.
« III. – Si au terme des mesures provisoires, la personne est reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge prend une mesure d’assistance éducative dans les conditions prévues à l’article 375 du code civil. Le juge demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné en application du troisième alinéa de l’article 375-5 du même code.
« Si au terme des mesures provisoires, la personne n’est pas reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge des enfants prend une décision de non-lieu à assistance éducative laquelle met fin à l’ensemble des mesures provisoires décidées antérieurement. L’intéressé peut interjeter appel de cette décision dans les conditions prévues à l’article 1191 du code de procédure civile. »
IV. – Alinéa 14
Supprimer les mots :
, notamment des dispositions relatives à la durée de l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV,
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Comme je l’ai dit, l’article 15 relève davantage de la politique migratoire que de la protection des enfants. Cet amendement vise à replacer le juge des enfants comme acteur central de la procédure d’évaluation chargée de déterminer, avec l’appui des départements et des services de l’état le cas échéant, en même temps que l’existence d’un danger ou d’un risque de danger, si la personne est mineure ou non – conformément aux articles 375 et suivants du code civil.
Cet amendement prévoit l’ordonnance de mesures provisoires par le juge des enfants lorsque celui-ci est saisi sans délai par le service auprès de qui le mineur se déclarant privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est présenté, et le maintien de l’accueil provisoire d’urgence tant que la décision du juge n’intervient pas.
La compétence du parquet pour prendre des mesures provisoires ne peut en principe être exercée qu’en cas d’urgence grave, en dehors du temps de présence au tribunal du juge des enfants. Concernant les MNA, elle est utilisée systématiquement, alors qu’en réalité les conditions de son exercice ne sont pas remplies.
Dans la grande majorité des cas, le département et le parquet sont les seuls à statuer sur la minorité et l’isolement des mineurs isolés qui ne sont pas encore en capacité d’exercer un recours.
Cet amendement rétablit donc le rôle central du juge des enfants. Ce dernier est souverain dans son appréciation de la majorité ou de la minorité. Il peut ordonner les examens selon la procédure définie dans le code civil. Cela permet de mettre un terme aux ruptures de protection et à la violation des droits fondamentaux des mineurs dont les départements refusent l’admission à l’aide sociale à l’enfance, et qui sont souvent reconnus a posteriori, sur décision du juge des enfants après plusieurs mois passés sans protection.
Il s’agit aussi de se mettre en conformité avec le droit international et la jurisprudence. Cet amendement a pour objet, à cet effet, de réaffirmer qu’un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée soit rendue. Durant toute la procédure judiciaire, sa prise en charge doit être assurée en protection de l’enfance.