M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Olivier Jacquin, je veux vous rassurer : nous continuons à avancer pour donner concrètement des droits aux travailleurs des plateformes. (M. Olivier Jacquin s’exclame.)
Je ne referai pas en quelques minutes les débats que nous avons d’ores et déjà eus à plusieurs reprises, mais il me semble utile de préciser que le projet de directive repose sur trois piliers principaux : une présomption légale et réfragable de salariat – j’y reviendrai –, une meilleure transparence de fonctionnement des algorithmes, un contrôle des effets de ces algorithmes sur les travailleurs eux-mêmes.
Vous m’interrogez sur le premier pilier. La Commission européenne a fait le choix de proposer une présomption réfragable de salariat sur la base de critères issus de certaines jurisprudences européennes.
L’approche retenue par la Commission européenne pose question quant à son intérêt même pour les travailleurs, comme en témoignent mes premiers échanges avec mes homologues européens. Ces interrogations trouveront leur réponse dans le processus normal d’adoption d’une directive : c’est un temps long, qui doit permettre de nombreuses itérations entre la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen.
Toutefois, sans attendre, nous faisons le choix, en France, d’agir au plus vite pour renforcer les droits des travailleurs. Nous nous appuyons pour cela sur le dialogue social, ce qui devrait nous réunir. Je note d’ailleurs que le projet de directive s’inspire de notre modèle, en prévoyant expressément un rôle de consultation des représentants des travailleurs des plateformes. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Le projet de loi de ratification et d’habilitation que vous avez examiné le 15 novembre dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, et qu’a rapporté votre collègue Frédérique Puissat, que je salue, est une étape importante dans la construction de ces droits.
Monsieur le sénateur, vous le voyez, en l’état, ce projet de directive européenne est complémentaire à notre projet de loi, qui vise à créer rapidement de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Vos arguments sont spécieux, madame la ministre. Vous invoquez le dialogue social alors que votre objectif est de casser le droit du travail en imposant du précariat par la jurisprudence et par un sous-statut d’indépendance. Vous parlez de vos homologues européens, mais l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et le Portugal soutiennent la proposition du commissaire européen. Vous êtes isolée : réagissez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen, M. Pascal Savoldelli et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)
passe sanitaire et vaccination
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Christian Bilhac. M. le ministre des solidarités et de la santé a affirmé être en mesure de faire effectuer 20 millions de rappels de vaccin anti-covid avant Noël.
Cette promesse, à laquelle je voudrais bien croire en cette période de vœux, n’est pas reflétée par la réalité à laquelle nos concitoyens sont confrontés. Par téléphone ou sur les applications informatiques, ils tentent en vain, à longueur de journée, d’obtenir un rendez-vous pour leur troisième dose.
Quelque 400 000 personnes prioritaires, âgées de plus de 65 ans, n’ont toujours pas reçu cette troisième dose de rappel. Et à partir d’aujourd’hui, l’on peut aussi faire vacciner les enfants.
Ma question est la suivante : pouvez-vous me rassurer sur le fait que les personnes convaincues de la nécessité de recevoir une troisième injection mais n’ayant pas encore réussi à obtenir de rendez-vous, malgré toute leur bonne volonté, pourront prouver leur bonne foi afin que leur passe sanitaire ne soit pas suspendu le 15 janvier ? Sinon, envisagez-vous un report de la date prévue ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, merci pour votre question, car la confiance est essentielle en matière de vaccination : vous me donnez l’occasion d’apporter un certain nombre d’éléments de réponse aux questions que vous soulevez et de vous rassurer, et de rassurer les Français, sur la campagne de vaccination et de rappel qui est en cours.
Vous l’avez dit, le ministre des solidarités et de la santé a fixé à 20 millions le nombre de rappels à effectuer avant Noël. Nous en sommes aujourd’hui à 15 millions, et plus de 100 000 rappels sont effectués quotidiennement. La trajectoire dessinée par le ministre des solidarités et de la santé sera respectée.
Vous avez raison, nous confortons le passe sanitaire, parce qu’il s’est révélé être l’un des outils importants dans la lutte contre le virus. Nous le faisons en deux temps, en ce qui concerne l’intégration de la troisième dose dans le schéma vaccinal.
La première période s’ouvre aujourd’hui, pour les plus de 65 ans. Sachez, monsieur le sénateur, que nous mettons tout en place pour que les personnes de plus de 65 ans qui n’ont pas encore reçu cette dose de rappel puissent la recevoir : coupe-files dans les centres de vaccination, plages horaires sans rendez-vous réservées à ce public… Nous avons aussi mobilisé l’ensemble des Ordres, et l’assurance maladie envoie des SMS à ces personnes pour leur proposer de venir se faire vacciner. Bref, tout est mis en œuvre dans les quelque 1 300 centres de vaccination qui ont été réactivés. Vous savez aussi que la médecine de ville et les pharmaciens sont mobilisés dans cette campagne de rappel.
La deuxième étape commencera le 15 janvier, pour toutes les personnes éligibles, c’est-à-dire celles qui auront reçu une deuxième dose plus de cinq mois auparavant. Au vu des moyens mobilisés pour permettre aux Français de bénéficier de cette troisième dose, je vous confirme que nous atteindrons les objectifs fixés, monsieur le sénateur. (Mme Nadège Havet et M. François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas de votre volonté, mais vous ne m’avez convaincu qu’à moitié ! Puisque vous avez évoqué la question du passe sanitaire, je regrette qu’en France, pays des Lumières, on l’impose pour accéder aux bibliothèques, aux médiathèques, aux musées, quand il n’est obligatoire ni dans les transports en commun franciliens ni dans les centres commerciaux. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique ou à Mme la ministre de la mer.
Le 11 juin dernier, au large des côtes corses, un crime écologique a eu lieu. Il s’agit d’un pur acte de délinquance écologique, pour reprendre les mots de vos collègues. À la suite du dégazage sauvage d’un navire au large de la côte orientale, une nappe d’hydrocarbures s’étendant sur quinze kilomètres se répandait au large des côtes corses.
En raison de l’ampleur du délit, Mmes Girardin et Pompili étaient venues sur place et nous avaient annoncé que trois bateaux avaient été identifiés comme auteurs potentiels, et que le Gouvernement était pleinement mobilisé. Elles déclaraient également : « Ceux qui ont dégazé sauvagement […] sont des voyous et […] seront traités comme tels. […] Nous allons pouvoir agir très vite. […] Vous pouvez compter sur les services de l’État pour que les enquêtes soient diligentées. Les auteurs subiront les foudres de la loi. »
Nous avions fait remarquer que la zone de navigation étroite entre la Corse et la Toscane, sensible et à haut risque, car des centaines de navires s’y croisent chaque jour, était totalement dépourvue de moyens spécifiques de lutte contre la pollution, en dépit d’accidents similaires survenus par le passé.
On nous avait alors promis une traque sans concession, et le Gouvernement s’était engagé à ouvrir un débat avec les élus locaux afin d’améliorer la sécurité dans cette zone.
Six mois plus tard, l’urgence d’alors et la rapidité promise pour trouver les coupables font place au silence le plus total.
Six mois plus tard, où en sommes-nous ? Qu’en est-il des mesures visant à améliorer la sécurité de la zone en concertation avec les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, en juin dernier, une pollution par deux nappes d’hydrocarbures lourds avait été observée au large de la côte est de la Corse. Mmes Pompili et Girardin s’étaient rendues immédiatement sur place.
Un dispositif pour coordonner l’action de l’État et limiter les dégâts a été mis en place sous l’égide du préfet maritime, ce qui a permis de récupérer quinze mètres cubes de polluants en mer.
Une enquête a en effet été ouverte par le parquet de Marseille et confiée à la gendarmerie maritime. Les peines pour rejets volontaires sont lourdes : jusqu’à dix ans de prison et 15 millions d’euros d’amende pour l’exploitant ou le capitaine du navire.
Un renforcement en matériel du centre Polmar d’Ajaccio est par ailleurs en cours, dont la dotation en équipements sera complétée à partir de 2022. Je veux saluer la mobilisation et le travail des services de l’État, en mer et sur terre, pour lutter contre la pollution maritime, et rappeler que, si notre espace maritime est l’un des plus surveillés du monde, c’est bien grâce à eux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous ne répondez pas à la question !
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour la réplique.
M. Paul Toussaint Parigi. Ce n’est pas la réponse que j’attendais, monsieur le ministre : aucune concertation avec les élus locaux, aucun respect… Et, une fois de plus, cette zone sensible est en danger. Allons-nous attendre une marée noire pour réagir ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti ainsi que MM. Jérôme Bascher et André Reichardt applaudissent également.)
allocution du président de la république
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, le Président de la République parle : vive le candidat !
Les règles qui régissent les élections ont posé des principes afin que l’expression démocratique se fasse dans les meilleures conditions. Le législateur s’est fixé pour règle d’assurer une parfaite égalité entre les candidats. Cette règle s’applique à chacun, quels que soient sa fonction ou son statut : c’est une question de justice.
Le Président de la République a le droit de convoquer la télévision. À ce droit est associé un devoir, celui de ne pas en user à des fins électorales.
Combien de temps durera la mascarade qui consiste à faire du président Macron un candidat non assumé mais en pleine campagne ? Nous voyons bien que le chéquier des Français est devenu son meilleur allié, à défaut de politiques qui font sens et produisent de véritables résultats.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), tatillon avec les postulants déclarés, laxiste avec l’aspirant masqué, entretient la fiction juridique ; mais gare à ne pas trop pousser l’ambiguïté !
À quatre mois de l’élection présidentielle, un candidat utilise outrageusement sa fonction de Président de la République pour obtenir une interview sur mesure, enregistrée en duplex, avec des contradicteurs, sur un sujet qu’il a choisi lui-même, et diffusée le jour où sa principale concurrente devait s’exprimer sur une autre chaîne. Quelle élégance ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Très typique du vieux monde, ce privilège monarchique n’a finalement rien de nouveau…
Ne pensez-vous pas qu’il est urgent qu’un débat loyal entre tous les candidats s’installe ?
Ne pensez-vous pas qu’il est urgent que le Président de la République fasse strictement la différence entre le président et le candidat, afin de parvenir à une équité démocratique attendue par nos concitoyens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, les règles qui régissent le temps de parole des formations politiques dans notre pays ne sont fixées ni par nous ni par vous : elles sont fixées par le CSA.
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. Nommé par qui ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Ces règles donnent un tiers du temps de parole à l’exécutif, c’est-à-dire au Président de la République et au Gouvernement, et le reste aux formations politiques, de majorité et d’opposition.
Quand le Président de la République s’exprime, le CSA fait le départ, dans ses propos, entre ceux qui relèvent de sa fonction régalienne et ceux qui relèvent du débat politique. Le temps de parole consacré à ces derniers est décompté du temps de parole de l’exécutif.
C’est ce qui s’est passé, comme le président du CSA le rappelait hier, lors de la dernière allocution du Président de la République. Les propos sur la pandémie ou la vaccination relevaient de ses fonctions régaliennes ; le reste, relevant du débat politique, a été décompté du temps de parole de l’exécutif. C’est exactement ce qui va se passer ce soir : nous sommes dans le cadre des règles fixées par le CSA.
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. ORTF !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Une nouvelle étape commencera le 1er janvier, avec la campagne de l’élection présidentielle, selon une recommandation formulée par le CSA le 6 octobre dernier – et je ne vous ai pas entendue la critiquer à ce moment-là. Je ne comprends donc pas cette polémique autoportée… (Mme Patricia Schillinger applaudit. – Marques d’indignation sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis en plein accord avec ce qu’a déclaré Mme Rachida Dati ce matin : cette polémique est dépassée et n’a pas lieu d’être.
Bien sûr, madame la sénatrice, si vous considérez que c’est être en campagne que de fermer des discothèques, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si vous estimez que demander aux enfants de porter le masque à l’école, c’est être en campagne, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si, pour vous, faire la réforme de l’assurance chômage, qui est une réforme difficile, c’est être en campagne, nous n’avons pas la même conception de ce qu’est une campagne. (Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous ne sommes pas en campagne puisque nous prenons des décisions difficiles pour le pays. Et nous allons continuer à le faire, parce que c’est là notre responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Vous faites le choix de défendre le CSA. Celui-ci prendra ses responsabilités : c’est sa mission. En tout cas, l’attitude du Président de la République en ce début de campagne est révélatrice d’un président fébrile (Mme Patricia Schillinger s’exclame.), car sa réélection est loin d’être acquise. Elle nous montre surtout un candidat qui veut solder le débat sur son bilan, parce qu’il n’aura échappé à personne que celui-ci est désastreux, ce qui mériterait un vrai débat, et non une émission télécommandée.
Si vous êtes sûrs de vous, jouez le match à fond, au lieu de tenter d’en changer les règles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
pénurie de remplaçants dans l’enseignement du premier degré
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, les alertes concernant les non-remplacements d’enseignants du premier degré, je ne les compte plus ! À Saint-Gervais-sur-Roubion, dans la Drôme, les parents d’élèves me sollicitent, inquiets, après onze jours sans remplacement. Ce n’est là qu’un exemple d’une réalité qui concerne l’ensemble du territoire français. Dans l’Eure ou la Seine-et-Marne, les académies recourent massivement à des enseignantes et des enseignants retraités pour pallier les manques. C’est édifiant !
Quand un enseignant n’est pas remplacé, cela a pour conséquence que les élèves sont en surnombre dans d’autres classes, hors vague de covid, ou que des élèves restent à la maison. Dans tous les cas, ce sont des apprentissages qui ne se feront pas et un retard difficile à rattraper, alors que nos élèves prennent la crise sanitaire de plein fouet depuis déjà deux ans.
Cette dégradation inédite des conditions de remplacement dans le premier degré s’explique facilement. C’est le prix à payer lorsqu’on poursuit des objectifs multiples – dédoublement des classes en REP et REP+, augmentation des volumes horaires de décharge – sans augmentation proportionnelle des moyens humains.
Faute de créations de postes suffisantes, ces politiques, certes louables, conduisent, après avoir vidé le dispositif « Plus de maîtres que de classes », à piocher au sein des brigades de remplacement.
Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour résoudre ce problème ? En janvier, le travail sur la carte scolaire commencera. Êtes-vous prêt à allouer des dotations suffisantes pour assurer les remplacements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, merci pour cette question, qui porte sur un sujet très important. Le remplacement correspond en effet au vécu des élèves, des parents d’élèves et des professeurs.
Sur le plan structurel, notre manière de remplacer dans le premier degré en France a fait récemment l’objet d’un rapport de la Cour des comptes.
Sur le plan conjoncturel, nous devons faire face à un absentéisme particulier, lié à la crise sanitaire.
Au niveau structurel, les progrès sont en cours. Il faut d’abord prévenir l’absentéisme. L’une des meilleures façons de le faire, c’est d’éviter que l’institution elle-même n’en crée. Je pense notamment à la formation continue, dont nous avons augmenté l’offre hors temps scolaire.
Il faut aussi disposer d’un vivier de remplaçants, ce qui nous amène au cœur de votre question. Les chiffres pour le premier degré sont importants : nous avons 30 000 remplaçants pour l’école primaire en France, soit à peu près 9 % de nos effectifs. Nous les mobilisons pleinement.
Contrairement à ce que vous avez dit, nous n’avons pas diminué le nombre de remplaçants en France. Au contraire, et il n’y a jamais eu autant de créations de postes dans le premier degré que depuis quatre ans, alors que nous avons moins d’élèves. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
C’est un fait, que chacun peut vérifier : nous avons atteint un taux d’encadrement inédit dans le premier degré. Dans chacun de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, le taux d’encadrement s’est amélioré, rentrée après rentrée, depuis 2017. Vous pouvez tous le vérifier, et c’est inédit dans les annales de la Ve République ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER.) Tout cela se fait non pas au détriment du remplacement, mais au contraire pour le renforcer.
Il est tout à fait exact, madame la sénatrice, qu’il y a davantage d’absentéisme en ce moment, à cause de la crise sanitaire. Cela n’aura échappé à personne, et c’est vrai dans tous les métiers.
Nous faisons face. Quand vous dites que nous faisons appel à de jeunes retraités, vous montrez plutôt notre pragmatisme et notre capacité adaptation qu’autre chose. Oui, il faut faire flèche de tout bois face à un absentéisme plus important que d’habitude.
Je ne nie pas les problèmes qui se posent, mais nous allons progresser, à la fois par les facteurs structurels que j’ai mentionnés, mais aussi par des mesures spéciales, comme celles que nous avons prises en recrutant plus de contractuels l’année dernière au cœur de la crise, ou celles que nous prenons à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Les retraités, monsieur le ministre, ne veulent pas y retourner, et les contractuels ne constituent pas une solution !
Déjà, nous manquons de postes. C’est cela, la réalité : je crois qu’il faut vraiment que vous alliez sur le terrain écouter le ras-le-bol de celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour instruire nos enfants.
Depuis le début du quinquennat, le premier degré est affiché comme une priorité, pour justifier des suppressions de poste dans le secondaire. En réalité, les conditions d’enseignement se dégradent dans le premier degré. (M. le ministre le conteste vivement.)
Et ce sera pis à la rentrée, car, pour le premier degré, dans le projet de loi de finances pour 2022, il y a zéro création de postes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Monique de Marco applaudissent également.)
pénurie de lits et de personnels dans les hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé – ou à son remplaçant.
Les projections Pasteur du 13 décembre concernant l’évolution du nombre de patients covid dans les services hospitaliers sont extrêmement préoccupantes. Les besoins en lit croissent chaque jour. Pour armer ces lits, il faut pouvoir recourir à des personnels médicaux supplémentaires.
Or le contexte vous est connu : épuisement des personnels hospitaliers, urgences engorgées, hôpital proche de la saturation.
Par la force des choses, les hôpitaux doivent déprogrammer des activités chirurgicales et médicales pour redéployer des personnels. Les renforts sont difficiles, pour ne pas dire même impossibles. Les médecins hospitaliers sont quant à eux contraints de prioriser les patients, avec le désarroi de devoir encore différer des soins programmés.
Tout cela s’apparente à une bombe à retardement en termes de santé publique.
Dans ce contexte, l’agacement des soignants croît avec leur lassitude et les questionnements éthiques ne manquent pas. Le lien de causalité n’est plus à faire entre armement de lits covid, notamment en réanimation, occupés à 70 % ou 80 % par des patients non vaccinés, et déprogrammations.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous épauler les professionnels de santé confrontés à des prises de décisions de limitation thérapeutique, autrement dénommée triage ? Le critère de vaccination peut-il être retenu comme discriminant positif dans un contexte de saturation des capacités en soins critiques ? Quelle organisation territoriale de la prise en charge des patients entre public et privé envisagez-vous pour affronter les vagues à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Valérie Létard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Milon, les tensions à l’hôpital, réelles, sont amplifiées, depuis deux ans déjà, par les épidémies concomitantes de covid et des virus hivernaux. En quelques semaines, nous avons compté 14 000 admissions hospitalières, et nous avons quelque 2 800 personnes en réanimation aujourd’hui, chiffre qui devrait atteindre 4 000 d’ici à la fin du mois.
Les études de l’Institut Pasteur que vous évoquez étayent ce constat. C’est parce que nous le partageons, que nous partageons ce discours de lucidité, que nous ne disons pas non plus que tout va mal.
Le ministre Olivier Véran a demandé que la situation soit objectivée par une enquête sur les tensions en ressources humaines et sur le capacitaire, dont les conclusions vont être remises dans les tout prochains jours – nous vous les communiquerons.
Compte tenu de cette situation, nous devons nous mobiliser collectivement, avec des réponses immédiates, d’urgence, susceptibles de produire des résultats dans les toutes prochaines semaines.
D’abord, nous devons maintenir ce qui a permis aux hospitaliers de tenir jusqu’à présent, en prolongeant les majorations des heures supplémentaires et du temps de travail additionnel jusqu’en janvier 2022, ainsi que les dispositions sur le cumul emploi-retraite.
Nous devons aussi encourager une mobilisation collective, chacun devant prendre sa part : les établissements de santé publique, mais également le privé et le secteur ambulatoire. Dans une période si compliquée, c’est collectivement que nous tiendrons dans les semaines qui arrivent, comme nous avons pu tenir par le passé.
Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions dans les services d’urgence, en pédiatrie et dans les maternités. Le ministre a demandé aux agences régionales de santé d’être pleinement mobilisées pour accompagner les établissements en activant leurs cellules territoriales de suivi et en organisant la solidarité territoriale nécessaire, notamment en mobilisant les établissements privés et les professionnels libéraux.
Les actions plus structurelles, vous les connaissez, et je ne rappelle pas les efforts sans précédent du Ségur de la santé, dont les effets, s’ils se feront sentir sur le long terme, sont déjà importants, avec 30 milliards d’euros pour revaloriser la rémunération de ceux qui soignent, et 19 milliards d’euros en faveur de l’investissement courant et de la restauration des capacités financières.
Enfin, grâce à l’adoption de la loi Rist visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, les hôpitaux disposent désormais de nouveaux outils pour transformer leur gouvernance et leur fonctionnement interne, et pour que l’organisation territoriale puisse mieux répondre aux défis du moment. (M. Martin Lévrier applaudit.)