M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quand le verdict tombe, lorsque les parents apprennent que leur enfant est atteint d’une maladie grave, tout s’écroule ! C’est un drame. Il n’y a pas d’autres mots ou peut-être manquent-ils pour exprimer les émotions que suscite une telle annonce.
Alors que nous sommes réunis dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer, je souhaite tout d’abord remercier Mme la députée Béatrice Descamps, avec qui j’ai pu échanger, pour le travail accompli et le volontarisme qu’elle a su insuffler dans nos deux chambres sur ce sujet.
Accompagner ces familles est un devoir ; il est impossible d’en refuser la responsabilité en notre qualité d’élu. Nous devons les aider en leur donnant les moyens de continuer à vivre aussi normalement que possible dans une telle situation.
Si l’école n’est pas aussi inclusive que nous pourrions le souhaiter, des efforts significatifs, même s’ils sont encore loin d’être suffisants, ont été faits pour les enfants présentant un handicap. En revanche, rien n’est fait – ou trop peu – pour les enfants porteurs d’une maladie chronique ou d’un cancer. Les enseignants ont besoin de connaître et de comprendre les conséquences, les répercussions de la maladie ou du traitement sur la scolarité de l’élève, sur sa capacité d’attention, de concentration, sur sa fatigabilité, et ce afin d’adapter au mieux leur pédagogie.
L’introduction d’un congé spécifique, à l’instar de celui dont bénéficient les parents d’enfants atteints d’un handicap, est une avancée indéniable, un progrès dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Toutefois, les échanges et les rencontres sur le terrain nous ont permis de mesurer les attentes de nos concitoyens touchés par cette tragédie. Ce que nous devons retenir est simple : bien évidemment, deux jours, ce n’est pas assez, et, bien sûr, il faudra faire plus et encore mieux pour ces enfants et leurs parents.
Deux jours, c’est court. Deux jours, c’est peu pour encaisser le choc. L’annonce d’un tel diagnostic est toujours un moment difficile et douloureux pour les familles. Si certaines pathologies ne nécessitent pas d’hospitalisation ou d’apprentissage thérapeutique particulier, d’autres requièrent en revanche une hospitalisation immédiate. Les parents et les enfants doivent alors comprendre la maladie et apprendre à la gérer, à repérer certains signes, à administrer des traitements, à utiliser du matériel médical, par exemple à faire une injection ou à utiliser un lecteur de glycémie.
L’enfant a besoin de la présence de ses parents pour le suivi de la maladie, mais aussi pour le rassurer.
Je profite de cette intervention pour saluer le travail titanesque effectué par nos associations. À titre d’exemple, je citerai la Ligue contre le cancer, qui, au-delà de toutes ses actions, accompagne et soutient les parents d’enfants malades.
Dans mon département des Alpes-Maritimes, l’association Adrien, dont je suis la marraine, œuvre au quotidien pour soulager les familles et se bat avec de modestes moyens pour récolter des fonds et mener des projets. Au printemps prochain, la maison d’Adrien verra le jour, un lieu unique en France destiné notamment à héberger les familles dont l’enfant est hospitalisé. Il y a là aussi un sujet. L’État aurait dû apporter son soutien à ce remarquable projet : il ne faudrait pas que les associations aient trop souvent à combler les carences de l’autorité publique.
Vous l’aurez compris, personnellement et politiquement investie sur ce sujet, je ne peux que soutenir cette proposition de loi et les améliorations qu’elle permet. Cette reconnaissance législative des enfants atteints d’une maladie chronique et de leurs parents constitue une première pierre.
Pour conclure, je m’adresserai à Adrien, Flavien ou Paloma : nous ne cesserons jamais de travailler pour aller plus loin et répondre avec justesse aux cris d’alarme des familles, qui affrontent avec courage la maladie de leur enfant et les peurs qui en découlent inévitablement.
Fidèle à mon engagement de toujours, je suis fière d’appartenir à une majorité qui s’investit dans la protection et la défense des familles frappées par la maladie. C’est donc en cohérence que je soutiens la création d’un congé spécifique, qui est nécessaire tant du point de vue du droit que du point de vue humain.
Cette proposition de loi constitue un point de départ et non l’aboutissement de la construction du cadre juridique pleinement protecteur que nous appelons tous de nos vœux dans cette assemblée, j’en suis certaine, et ce quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’en venir au contenu de cette proposition de loi déposée par le groupe Union Centriste, que nous remercions, permettez-moi de faire un point sur les maladies chroniques qui justifient ces nouveaux droits.
L’établissement d’un lien étroit entre santé et environnement est ancien. Hippocrate écrivait dans son traité Airs, eaux, lieux : « Pour approfondir la médecine, il faut d’abord considérer les saisons, connaître la qualité des eaux, des vents, étudier les divers états du sol et le genre de vie des habitants. »
Les écologistes font d’ailleurs ce constat depuis toujours. En 2007, dans son ouvrage Le Défi des épidémies modernes, le toxicologue André Cicolella a marqué les esprits en parlant de « pandémie des maladies chroniques ». Le terme se justifie. Ainsi, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dénombrait, dans un rapport publié en 2019, vingt millions de personnes – enfants et adultes – atteintes de maladies chroniques en France.
Ce constat est alarmant. À cet égard, je ne peux que rappeler l’importance de développer des recherches multidisciplinaires sur les maladies chroniques sous un angle médical, mais aussi social, économique et environnemental. Or la France a pris du retard dans ce domaine.
L’Organisation mondiale de la santé définit la maladie chronique comme un « problème de santé qui nécessite une prise en charge sur une période de plusieurs années […], engendrant un besoin de soins médicaux, d’aide psychologique, d’éducation ou d’adaptation ».
Aussi cette proposition de loi vise-t-elle à mieux accompagner les enfants atteints de ces pathologies en milieu scolaire, ainsi que leur entourage.
Elle est bienvenue sur un aspect notable : le congé de deux jours qu’il est prévu d’inscrire dans le code du travail pour les parents qui apprennent que leur enfant est atteint d’une pathologie chronique ou d’un cancer. Deux jours, cela peut sembler modeste ; néanmoins, la reconnaissance de ce droit nouveau marque une réelle avancée, qu’il conviendra d’étendre, y compris par les accords de branche.
En revanche, nous nous interrogeons sur l’ambition de l’article 3, raboté par rapport à sa version initiale. Ainsi, la présence « obligatoire » d’un médecin ou d’un infirmier scolaire dans chaque centre d’examen durant les épreuves, afin d’assurer l’équité des conditions de travail entre les élèves, devient une présence « souhaitable » dans la rédaction qui nous est proposée.
De fait, nous craignons une faible effectivité des dispositifs proposés, notamment pour mettre en œuvre les temps de concertation. En effet, lors de l’examen des nombreux textes dont nous discutons, nous nous heurtons à la pénurie de médecins scolaires, de médecins du travail, de médecins en centres de protection maternelle et infantile.
Tout concourt à la faible attractivité de cette spécialisation, laquelle menace la qualité et l’égalité des soins en milieu scolaire et donc la politique de prévention et de promotion de la santé.
L’éducation et l’apprentissage thérapeutiques nécessitent que soient déployés au sein de l’éducation nationale des moyens humains à la hauteur.
Le Gouvernement a récemment demandé au député Paul Christophe de formuler dans un rapport des propositions d’amélioration des dispositifs existants. Si l’on peut s’en féliciter, il est dommage que, concernant la santé des enfants, cette prise de conscience ne se fasse qu’à la fin du quinquennat.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoire votera ce texte conforme, afin qu’il puisse entrer en vigueur au plus vite, même si les avancées qu’il contient sont modestes. Il portera une attention particulière aux propositions du rapport précité, qui devrait être remis en février 2022. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie à mon tour le groupe Union Centriste d’avoir déposé cette proposition de loi, qui concerne entre 1,5 million et 4 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes âgés de quelques semaines à 20 ans et atteints de maladies chroniques.
Elle crée ainsi un nouveau droit à des congés pour les parents à l’annonce du diagnostic de la pathologie afin que ces jeunes patients puissent être entourés. Ce congé viendrait en complément du congé de deuil de douze jours consécutifs pour le décès d’un enfant mineur voté par le Sénat voilà moins d’un an.
Il viendrait également en complément de la proposition de loi que nous avons votée le 4 novembre dernier visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
Sur le fond, cette proposition de loi vise tout d’abord à mieux accompagner les enfants malades dans le milieu scolaire. Nous savons combien c’est important. La crise sanitaire n’a fait que conforter ce constat.
Ainsi, il s’agit de maintenir la continuité pédagogique des apprentissages scolaires pour des enfants soumis à des interruptions de scolarité lors des examens médicaux et en raison des effets secondaires de leur maladie et de ses traitements. Il s’agit également de lutter contre les préjugés et les stéréotypes que subissent ces enfants malades. Il s’agit enfin de veiller à l’aménagement des épreuves des examens de ces enfants.
Initialement, la proposition de loi prévoyait la présence d’un médecin ou d’une infirmière scolaire dans le centre d’examen, mais, face au manque de personnels, l’Assemblée nationale a préféré faciliter la communication du projet d’accueil individualisé.
C’est l’occasion pour moi, comme pour l’ensemble des membres de mon groupe, d’alerter sur le désinvestissement des gouvernements successifs dans le secteur de la médecine scolaire, lequel a entraîné une baisse des effectifs. On compte désormais 1 000 médecins et 8 000 infirmières scolaires, les disparités territoriales étant assez fortes.
Nous regrettons également que les services d’éducation spéciale et de soins à domicile ou encore les aidants familiaux – c’est là la limite de cette proposition de loi – ne soient pas mobilisés dans les dispositifs existants.
Enfin, nous déplorons que, sans doute en raison du couperet de l’article 40 de la Constitution, ce texte ne contienne aucune mesure visant à réduire le reste à charge des familles. Selon une enquête réalisée en 2016 – en 2021, les chiffres devraient être plus accablants –, le reste à charge moyen annuel pour un malade chronique s’élève à 752 euros. Pour une personne en affection longue durée, il est d’environ 820 euros, contre 430 euros pour les personnes n’étant pas en affection longue durée. Ce reste à charge pèse donc lourdement sur les familles dont nous parlons.
On le voit, cette proposition de loi, comme les autres, ne prend en compte qu’un aspect du problème, certes important. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, nous examinons en ce moment une série de propositions de loi traduisant souvent des intentions très louables, mais, faute d’appréhender les problématiques dans leur ensemble, ces textes manquent de sens et de cohérence.
Ce qu’il faut, madame la secrétaire d’État, ce sont des projets de loi qui aillent au bout des problèmes qui se posent. C’est d’autant plus vrai dans les domaines de la santé publique et de la protection sociale.
Pour en revenir à cette proposition de loi, les difficultés que rencontrent au quotidien les enfants atteints d’une maladie chronique et leurs familles nécessitent un accompagnement et un soutien de l’État. Vous avez dit en être totalement convaincue, mais il faut aller plus loin en termes de moyens financiers et humains.
En tout état de cause, face à la détresse des familles confrontées à la maladie de leur enfant, on ne peut qu’apprécier le petit progrès que représente cette proposition de loi. C’est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain citoyen et écologiste la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer la députée Béatrice Descamps, présente dans nos tribunes, pour son travail auprès des familles dont les enfants sont porteurs de maladies graves, ainsi que pour son engagement en faveur d’une meilleure prise en charge de la scolarisation de nos enfants.
Le groupe Union Centriste aura eu raison d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux.
Je remercie aussi notre collègue et rapporteur Alain Duffourg pour la clarté de son rapport.
Apprendre que son enfant est porteur d’une maladie grave ou handicapante représente évidemment pour les familles une préoccupation certaine, voire un choc psychologique selon les cas.
Ces familles apprécieront de savoir que le Parlement œuvre afin qu’elles puissent bénéficier de deux jours de congé lorsqu’elles apprennent que leur enfant est atteint d’une pathologie chronique ou d’un cancer.
La durée de ce congé, qui pourrait être perçue comme symbolique, est avant tout une avancée. Le travail est l’un des premiers obstacles qui empêchent les familles de prendre du temps pour se remettre de leurs émotions, mais aussi, et surtout, pour s’organiser, se renseigner, effectuer les démarches nécessaires, être conseillées et accompagnées.
Si la plupart des employeurs se montrent compréhensifs, la libre appréciation ne peut faire loi et justifie la création d’un congé spécifique.
Parfois même, une fois le diagnostic médical posé, l’enfant doit être pris en charge et hospitalisé dans les plus brefs délais. Cette mesure permettra de faciliter la vie des familles et de rassurer l’enfant.
L’idée est somme toute assez simple : il s’agit de modifier l’article L. 3142–4 du code du travail en étendant le droit à congé jusqu’ici réservé aux parents apprenant le handicap de leur enfant aux parents apprenant la pathologie chronique ou le cancer de leur enfant.
La première question qui se pose à nous est la suivante : quelles pathologies chroniques figureront dans la liste définie par décret, madame la secrétaire d’État ? Le décret prendra-t-il en compte, par exemple, les leucémies et les tumeurs lourdes ?
Nous serons très attentifs à ce qu’aucune pathologie ou maladie grave ne soit oubliée. Oublier une seule des pathologies chroniques, c’est négliger certaines familles, c’est négliger l’enfant porteur de la maladie.
Puisque j’évoque le décret, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous prendre l’engagement de le publier le plus rapidement possible ?
Nous avons tous noté que le Gouvernement avait déposé un amendement visant à lever le gage de la proposition de loi en première lecture à l’Assemblée nationale, signe de votre soutien à ce texte.
Ne pouvant envisager que vos services soient attentistes, j’imagine que le décret est déjà prêt à être signé, compte tenu du manque de formation du personnel pédagogique sur ces sujets et du besoin de publicité et d’information sur ce nouveau droit.
Aussi, madame la secrétaire d’État, nous aimerions que vous nous le confirmiez, voire que vous nous présentiez ce projet de décret à l’issue de la discussion de ce texte.
J’ajoute que le délai de six mois maximum prévu à l’article 3 bis pour évaluer les difficultés que peuvent rencontrer les parents, recommander des solutions afin de les aider dans les démarches administratives complexes, pour promouvoir le dispositif et le rendre efficient économiquement et socialement, est presque coupable !
Outre ces aspects techniques, j’évoquerai à présent avec un peu de recul un point qui pourrait surprendre nos concitoyens qui nous écoutent.
La durée du congé pour l’annonce de la maladie grave d’un enfant – deux jours – ferait presque figure de petite provocation sachant que l’article L. 3142-4 du code du travail prévoit par ailleurs un congé d’une durée de quatre jours pour la célébration d’un mariage ou d’un PACS. Loin de moi l’envie de faire preuve de cynisme, mais j’oserai dire que, si un mariage est célébré « pour le meilleur et pour le pire », la maladie de son enfant n’est, elle, jamais « pour le meilleur ». Un congé d’une durée d’un à deux jours supplémentaires aurait été bienvenu, même si nous reconnaissons sincèrement l’avancée que permet ce texte.
Doivent également être reconnues comme des avancées les articles 2 et 3, qui portent sur l’accompagnement en milieu scolaire. Le principe républicain d’égalité implique que les élèves puissent suivre leur scolarité sans distinction et disposer des mêmes chances de réussite. La maladie ne doit pas être un frein à la scolarité et à l’épanouissement des enfants.
L’article 2 prévoit un échange entre l’ensemble des personnes impliquées afin d’évoquer les conséquences possibles de la maladie ou des traitements, la scolarité ou le comportement de l’enfant, mais non la maladie en elle-même, le secret médical devant être préservé.
Placer l’élève au centre des réflexions et des échanges afin de garantir sa réussite et son épanouissement, n’est-ce pas là donner du sens à l’école ?
Proposer aux intervenants de la documentation thématique afin de leur permettre de mieux appréhender les conséquences de la maladie sur la scolarité va dans le bon sens.
Adapter les dispositifs d’aménagement des classes, mettre en œuvre des formations de sensibilisation à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, engager la formation spécifique des enseignants d’éducation physique et sportive sur les différentes formes de handicap, c’est rendre l’école plus inclusive.
En ce qui concerne l’école, nous regrettons vivement que l’article 44 alinéa 3 et l’article 45 de la Constitution ne puissent permettre, dans le cadre de cette proposition de loi, une réflexion sur la médecine scolaire.
Mes chers collègues, en matière d’accompagnement des familles et des aidants, nous avançons, certes, mais à petits pas, proposition de loi après proposition de loi, en essayant de colmater et de réformer ici ou là, comme on le voit encore avec le présent texte. Observant des manquements partout, nous appelons de nos vœux une réforme plus ample !
Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les chiffres sont connus, mais il me semble nécessaire de les rappeler. En France, entre 1,5 million et 4 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes, âgés de 0 à 20 ans, sont atteints de maladies chroniques et environ 2 500 enfants sont atteints d’un cancer. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde un sujet douloureux, qui ne peut laisser personne indifférent.
La maladie entraîne de nombreux bouleversements dans le quotidien de ces enfants et de leurs parents. Confrontés à la brutalité de l’annonce, ces derniers doivent mettre en place une nouvelle organisation de leur cadre de vie et de la vie scolaire de leur enfant. Un enfant malade a plus que quiconque besoin d’une vie sociale riche et équilibrée.
Je tiens à saluer le dispositif mis en place à l’article 1er, qui vise à répondre à la difficulté, pour les parents, de concilier vie privée et vie professionnelle lorsque survient la maladie de leur enfant. En effet, une telle annonce est toujours une épreuve difficile à surmonter pour les familles.
Ce nouveau droit ne règle évidemment pas tout : deux jours peuvent sembler dérisoires pour certains, mais c’est toutefois une avancée. Le groupe du RDSE soutient évidemment cette disposition, car il faut laisser du temps aux parents pour commencer à accepter cette annonce et, surtout, pour mieux s’organiser dans leur quotidien.
Ce texte entend également améliorer l’accueil de ces enfants à l’école. Si la scolarisation des enfants en situation de handicap a progressé ces dernières années – le taux de scolarisation a été multiplié par trois depuis la loi de 2005 –, celle des enfants porteurs de maladies chroniques reste encore trop faible. C’est pourquoi la formation des équipes pédagogiques aux pathologies chroniques est une très bonne chose. Trop d’enseignants, souvent par crainte de mal faire, sont en effet réticents à accueillir ces enfants. Les former et les sensibiliser permettra à ces enfants de bénéficier d’une scolarité normale et d’un accompagnement mieux adapté à leur état de santé.
Je me félicite tout particulièrement de l’article 2 quater, qui permettra de faciliter la réintégration de l’enfant malade en milieu scolaire. Le retour à l’école reste en effet un moment particulièrement difficile lorsque l’enfant est frappé par la maladie.
Permettre un réel temps d’échange au sein de l’établissement avec les élèves de la classe pour leur expliquer la situation, avant le retour de leur camarade, devrait permettre de retisser le lien social autour de l’enfant malade, ce qui lui donnera l’énergie indispensable pour se battre contre la maladie.
Bien que nous soyons par principe opposés aux demandes de rapport – c’est une coutume dans cet hémicycle –, l’article 3 bis me semble également important. À la douleur personnelle s’ajoutent en effet trop souvent des contraintes financières, professionnelles et sociales, qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. (M. Alain Milon acquiesce.)
Enfin, je tiens à remercier nos collègues du groupe Union Centriste d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée. Certes, ce texte comprend des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire. Certes, il est « un petit pas, qui s’ajoute à une série de textes ponctuels portant sur des sujets connexes », comme l’a rappelé Jocelyne Guidez en commission. Pour autant, ce texte répond à une forte attente des parents et, de manière plus large, des familles.
C’est pourquoi le groupe du RDSE apportera bien évidemment son soutien à ce texte, qui constitue une avancée et permettra une meilleure prise en charge et une meilleure inclusion des enfants souffrant de pathologies chroniques ou de cancers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Michelle Meunier et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, le nombre d’enfants atteints de maladies chroniques, c’est-à-dire de maladies de longue durée, évolutives, ayant un retentissement sur la vie quotidienne, augmente régulièrement.
Ainsi, depuis vingt ans, le diabète de type 1 progresse de 3 % à 4 % par an et apparaît de plus en plus précocement, notamment chez les enfants de moins de 5 ans. De même, chaque année, 2 500 enfants et adolescents se voient diagnostiquer un cancer. Le nombre de ces cancers augmente de 1 % à 2 % par an en Europe depuis trente ans.
À l’annonce de la maladie, c’est toute la vie de la famille qui est bouleversée.
La proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée, à la demande du groupe Union Centriste, que je remercie, s’inscrit dans la lignée des nombreuses initiatives parlementaires, ces dernières années, visant à assurer une meilleure prise en charge des enfants malades et à mieux accompagner leur famille.
Tout récemment, cela a été rappelé, notre assemblée a été amenée à discuter de la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Promulguée le 16 novembre 2021, cette loi permet le renouvellement de la durée du congé de présence parentale, qui peut être portée à 620 jours au total.
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 revoit à la hausse le montant de l’allocation journalière de présence parentale en prévoyant sa revalorisation annuelle par référence au SMIC.
Cette proposition de loi vient compléter cet ensemble de dispositions. Elle est une première étape dans la reconnaissance par la loi des enfants atteints de maladies chroniques, ainsi que de leurs parents. Toutefois, il est indispensable qu’elle en appelle d’autres.
L’article 1er crée un nouveau droit à congé pour événements familiaux lors de l’annonce de la survenue d’une pathologie chronique. Il s’agit là d’une mesure d’urgence, un amortisseur face au choc de l’annonce, qui consacre une certaine égalité face aux employeurs.
Ce congé d’une durée de deux jours permettrait aux parents de s’occuper de leur enfant sans que cette absence soit décomptée de leurs congés payés ni qu’ils perdent une partie de leur salaire, comme c’est le cas avec les congés pour garde d’enfant malade.
Si cette mesure représente une avancée par rapport au droit existant, la durée de ce congé nous paraît bien faible face aux bouleversements et aux difficultés auxquels ces parents sont confrontés.
Le droit actuel prévoit en effet, cela a été dit, l’octroi de quatre jours de congés pour un mariage ou un PACS, contre seulement deux jours pour l’annonce de la maladie d’un enfant, alors même que, le plus souvent, ce dernier doit subir de nombreux examens, être accompagné à l’hôpital et voit sa vie quotidienne bouleversée ! Cela ne nous paraît pas très cohérent.
L’article 2 relève pour nous davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif. Il instaure une réunion obligatoire sur les modalités du projet d’accueil individualisé et prévoit la remise d’une documentation spécifique à l’équipe pédagogique, lors de l’annonce de la maladie et de l’arrivée ou du retour de l’élève dans l’établissement.
Il est extrêmement important pour un enfant atteint d’une maladie chronique de prendre part aux activités scolaires et périscolaires, car cela influe sur son équilibre psychique, physique et physiologique. Cependant, pour les parents, confier leur enfant à un tiers peut susciter de nombreuses interrogations, souvent même du stress. Cette réunion entre l’équipe encadrante et les familles pour organiser le retour de l’enfant est donc primordiale.
Certes, les possibilités de concertation et de coordination existent déjà dans les faits. Cependant, dans la pratique, les entretiens ont souvent lieu trop tard. L’enjeu de cet article était donc de réduire le délai de tenue de cette réunion destinée à permettre l’adaptation de la scolarité de l’élève à sa situation. Toutefois, l’article prévoyant désormais que cette réunion doit se tenir « si possible, dans un délai de vingt et un jours », sa portée s’en trouve considérablement réduite. À notre sens, il aurait fallu rendre ce délai obligatoire.
Nous sommes également favorables à la mise en place de formations spécifiques pour les enseignants, les éducateurs sportifs et l’ensemble des équipes, ainsi qu’à la sensibilisation des futurs enseignants aux problématiques liées aux pathologies chroniques et aux cancers.
L’article 3 prévoit la communication du PAI au centre d’examen, celui-ci pouvant indiquer « si la présence d’un professionnel de santé dans le centre d’examen est souhaitable lors de ces épreuves ».
La présence d’un professionnel de santé dans un centre d’examen relève pour nous de l’incantatoire. En effet, la médecine scolaire est exsangue. En 2016, le taux moyen d’encadrement variait de 2 000 à 46 000 élèves par médecin et certains départements n’avaient même plus de médecin de secteur. À titre d’exemple, on compte un médecin scolaire pour 3 000 élèves à Paris et un médecin pour 99 000 en Dordogne, alors qu’il faudrait un médecin pour 5 000 élèves, voire pour 3 000 en zone difficile.
Depuis 2013, la moitié des postes offerts au concours – cinquante par an – ne sont pas choisis et demeurent vacants. La profession de médecin scolaire risque de s’éteindre. Les questions de l’attractivité de cette profession et des moyens de la médecine scolaire sont depuis de trop nombreuses années négligées. La majorité sénatoriale a d’ailleurs manqué l’occasion de traiter ce sujet en rejetant le projet de loi adéquat, c’est-à-dire le projet de loi de finances pour 2022.
Alors que nous appelons tous de nos vœux une école plus inclusive, nous ne nous donnons pas les moyens d’y parvenir. Nous le déplorons.
Nous le voyons, cette proposition de loi est de portée modeste, son sujet ainsi que sa disposition principale, à savoir l’instauration d’un congé de deux jours payé par l’employeur à l’annonce d’une telle maladie, oblige. Reste que, avec la stratégie des petits pas, on est toujours loin d’un statut de parent accompagnant.
Il faut désormais aller plus loin et instaurer un statut de parent protégé pendant tout le temps de la maladie de l’enfant.
Pour finir, j’indique que le logement est un problème lorsque les enfants sont hospitalisés loin de leur domicile.