Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, je tiens à saluer, par votre intermédiaire, le sénateur Lurel, qui rentre en Guadeloupe – nous le savons – pour une raison qui n’est pas heureuse, et à lui adresser nos pensées amicales.
S’agissant, premièrement, de ma visite, je le répète : j’assume la méthode. J’ai subi suffisamment de pressions politiciennes, à Paris, qui m’invitaient à me précipiter sur le terrain. Je n’ai pas souhaité le faire, pour deux raisons : d’abord pour ne pas gêner les forces de l’ordre – cela fait parfois sourire, mais je tiens compte aussi de cet aspect – et, ensuite, pour laisser sa chance au dialogue local.
Sans vouloir comparer les territoires, cette démarche a fonctionné en Martinique. Si je m’y étais rendu dès les premières heures, nombre de positions syndicales et politiques se seraient crispées et nous n’aurions pas laissé cette chance au dialogue paritaire qui me tient à cœur.
Deuxièmement, en ce qui concerne la supposée symbolique martiale de ma visite, je voudrais apporter ces précisions à l’ensemble des parlementaires : j’ai dormi à Pointe-à-Pitre qui, comme chacun sait, n’est pas la préfecture de la Guadeloupe, plus précisément au fameux régiment du service militaire adapté (SMA) qui encadre des jeunes.
Il m’a été reproché, localement, d’avoir dormi dans un régiment, lequel dépend pourtant de mon ministère. Croyez-moi, il n’y avait là aucune dimension symbolique volontaire ; il fallait bien que je dorme quelque part !
Troisièmement, il ne faut pas nier que la plupart des revendications portent sur des compétences locales. Ce n’est pas se défausser sur les collectivités territoriales que de dire cela.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous êtes des parlementaires de la République, puisque vous votez le budget de l’État, vous incarnez l’État, vous aussi. Vous en conviendrez, les collectivités territoriales ne peuvent ainsi se défausser sur l’État.
Tous ici, nous sommes, nous avons été ou nous avons vocation à redevenir des élus locaux. Les partisans de la décentralisation le savent bien : l’eau potable est la compétence par excellence du bloc communal depuis Mathusalem.
Dès lors, assister à des manifestations dans lesquelles on reproche à Paris – c’est-à-dire autant à vous qu’à moi – de ne pas avoir fait le nécessaire pour alimenter la population en eau potable, pose quand même question. Cela pose la question fondamentale des compétences et de la responsabilité des uns et des autres.
Quatrièmement, je ne jugerai pas de la politique de la chaise vide qu’ont pratiquée les grands élus de Guadeloupe lors de cette visite. Je considère tout de même étonnant de ne pas venir à la rencontre d’un ministre lorsque ce dernier fait le déplacement.
Moi-même, alors que j’étais élu local de l’opposition, je me déplaçais systématiquement dans ces occasions, y compris pour faire entendre mon désaccord. Je pense donc, en effet, que la forme comptera également dans les semaines à venir.
En tout état de cause, je me tiens entièrement disponible pour avancer en vue de la résolution de la crise en Guadeloupe.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, la Guadeloupe et la Martinique s’embrasaient et connaissaient des scènes d’insurrection inquiétantes et désolantes.
À la faveur de votre déplacement, vous avez pu personnellement évaluer la situation sur le terrain. Les revendications de ces agitateurs et casseurs, chauffés à blanc par certains syndicats aussi, ne paraissent pas, hélas, clairement identifiées. Il n’en reste pas moins que ces violences sont intolérables.
Comme dans les autres territoires d’outre-mer, le gouvernement français a fait de gros efforts sur les plans de la vaccination et de la protection sanitaire.
Nous le savons, cette crise, qui nous a fait mettre un genou à terre, a été plus durement ressentie encore, socialement, dans nos départements et territoires d’outre-mer, dont les économies sont fragiles, notamment dans les secteurs du transport, du numérique ou du BTP.
Pourtant, tout est bon en termes de récupération politique pour jeter de l’huile sur le feu. La pseudo-polémique entraînée par vos propos sur une plus grande autonomie de la Guadeloupe semble davantage liée à des tensions politiques de période présidentielle qu’au tabou de l’autonomie, qui n’a pas lieu d’être dans notre cadre constitutionnel.
Monsieur le ministre, pensez-vous que les discussions et les échanges que vous avez eus avec des responsables politiques locaux puissent ramener un peu de calme et de sérénité sur ces deux îles ? Voyez-vous d’autres solutions pour sortir de cette crise ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, votre question me donne l’occasion de rappeler la forte présence de l’État dans les outre-mer.
Additionnées, les prises de parole récentes donnent l’impression d’un grand retrait de la puissance publique.
Or, vous qui votez les lois de finances, mesdames, messieurs les sénateurs, savez à quel point l’État est présent outre-mer, bien au-delà, d’ailleurs, de l’action de ce seul gouvernement. Beaucoup de choses sont faites et nous pourrions les documenter.
Par ailleurs, pardonnez-moi de revenir sur l’affaire de l’autonomie, mais je le dis ici, dans la chambre des territoires : certains propos et amalgames ont profondément blessé les Polynésiens et les Calédoniens.
Les sous-entendus autour de l’autonomie, qui équivaudrait à une espèce d’abandon, à un recul de l’État, à un début de sécession, de rupture avec la communauté nationale, bref, toutes ces inepties juridiques et politiques ont blessé des territoires qui sont aujourd’hui dans l’autonomie et qui sont bien français.
La Nouvelle-Calédonie, jusqu’à preuve du contraire – le référendum a lieu le 12 décembre prochain – et la Polynésie française – qui en a déjà donné la preuve –, c’est la France !
Si la campagne présidentielle exacerbe sans doute les positions, on ne peut sans cesse invoquer, d’un côté, la République des territoires, la décentralisation et la différenciation et, de l’autre, considérer comme scandaleuse ou prématurée l’idée d’une autonomie qui, en fait, correspond au degré le plus poussé de la décentralisation.
Il convient donc de remettre les choses dans le bon ordre, sauf à manquer de cohérence. Cela ne serait pas la première fois, remarquez, qu’un débat politique manquerait de cohérence !
Monsieur le sénateur Médevielle, vous m’interrogez sur mon degré d’optimisme. Je vous répondrai : fermeté absolue pour ce qui se passe la nuit, car cela n’a rien à voir avec ce qui se passe le jour. Le dire ainsi clarifie les choses, me semble-t-il. Il ne faut donc pas que les syndicalistes de jour, notamment en Guadeloupe – M. Domota, pour ne pas le nommer – viennent réclamer l’amnistie pour les protagonistes des événements de la nuit. Ainsi, les choses se passeront très bien et nous pourrons avancer.
La méthode appliquée en Martinique produira vite ses effets, sur des questions d’intérêt général telles que la vie chère, l’avenir de la jeunesse, celui du territoire ou encore l’application de la loi dans les hôpitaux, sur la base d’une documentation Unédic.
Au sein de l’hôpital s’est ainsi noué un véritable dialogue social. Peut-être ce dernier aurait-il pu avoir lieu plus tôt, toujours est-il qu’il est maintenant à l’œuvre.
Je le répète : cette méthodologie devrait vite produire ses effets et peut-être inspirer la Guadeloupe. Là encore, je suis disponible et volontaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, depuis trente ans, la situation se dégrade aux Antilles et le lien national se distend.
La crise sanitaire a exacerbé les problèmes de fond : coupures d’eau potable ou d’électricité, réseau routier saturé, chômage des jeunes, vie chère, excès d’emplois publics.
Aucun des dispositifs déployés jusqu’à présent n’a permis à ces territoires de trouver les conditions d’un développement harmonieux et d’une croissance économique permettant de lutter efficacement contre le chômage, en particulier celui des jeunes.
Il faut agir de concert sur l’emploi et sur la consommation des ménages, afin de créer un choc de revitalisation économique.
Il y a, outre-mer, un véritable problème de coût du travail : son niveau élevé, en comparaison des territoires voisins, limite la compétitivité des entreprises locales.
Il est pourtant nécessaire de permettre à ces entreprises de développer leurs activités, d’investir, d’innover, de baisser leurs prix et de recruter des collaborateurs.
Le Gouvernement propose de créer de nouveaux emplois aidés dans les secteurs public et associatif, alors qu’il est déjà reconnu que le secteur public occupe une place très importante dans l’économie des outre-mer. Un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, a d’ailleurs dénoncé cette situation dans la presse, il y a quelques jours.
Dans ces conditions, ne devrait-on pas favoriser l’insertion dans les entreprises du secteur privé ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour développer les entreprises ?
Dans le cadre du grand débat national, l’ensemble des organisations socioprofessionnelles martiniquaises avaient proposé une mesure phare, véritable choc pour leur attractivité : elles avaient proposé de détaxer le travail afin de relancer l’économie.
Quel est, monsieur le ministre, votre avis sur cette proposition ? Comment, dans ces territoires ultramarins, créer un véritable tissu économique reposant sur un capitalisme patrimonial ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, veuillez me pardonner d’avoir été absent lors des questions au Gouvernement de ce jour et de n’avoir pu répondre à votre question.
La dernière fois que j’ai affirmé ne pas avoir de sujet tabou sur les questions statutaires, j’ai vécu deux ou trois jours agités. Je ferai donc preuve de prudence dans mes propos en matière économique.
Nous nous situons, cela étant, dans le même domaine de réflexion. L’évolution de la fiscalité est manifestement une question fondamentale. Si l’on s’interroge, en passif et en creux, sur le point de savoir si la défiscalisation telle qu’imaginée il y a quelques années et soumise au Parlement par Brigitte Girardin produit encore ses effets, la réponse est oui, mais plus complètement. Voilà un beau sujet pour le début du prochain quinquennat, quelle que soit la majorité qui sera aux manettes !
La question de l’octroi de mer est à manier également avec force précautions lorsque l’on s’exprime en tant que ministre des outre-mer.
L’octroi de mer constitue encore, sans nul doute, une barrière douanière protectrice pour l’économie insulaire et pour un certain nombre de biens de production du secteur marchand. Doit-il s’appliquer aux armes des fonctionnaires de police ou de gendarmerie, ainsi qu’à certains organes ou aux biens culturels ? Ce n’est pas là, me semble-t-il, sa vocation.
S’agissant de l’eau potable, il est évident que le développement d’une économie touristique en Guadeloupe est peu compatible avec l’existence de tours d’eau dans les gîtes ou les hôtels.
En matière de fiscalité et de défiscalisation, il ne faut négliger aucune piste.
Enfin, s’il y a un mot qu’il faut prononcer, c’est le mot « concurrence ». L’une des solutions, pour lutter, d’une part, contre la vie chère et, d’autre part, pour animer un vivier de jeunes entrepreneurs, réside évidemment dans la création de conditions concurrentielles, dans lesquelles – nous avons appris cela à l’école – l’offre peut rencontrer la demande.
« Vaste programme ! », comme aurait dit qui vous savez.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, cette question appelle – on le voit bien – un débat apaisé et posé, qui s’appuie sur l’Assemblée nationale, sur le Sénat et sur les différentes délégations.
Il convient d’agir sans précipitation et de mettre – vous l’avez dit – l’avenir et le développement de nos territoires ultramarins au cœur du prochain quinquennat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, malgré une accalmie, la Guyane a traversé une crise sanitaire sans précédent, qui a mis les personnels des trois seuls hôpitaux guyanais au bord de la rupture.
Ces derniers mois, alors que le taux d’incidence frôlait les 500 cas pour 100 000 habitants, les soignants ont fait face en dépit de l’obligation vaccinale, puisque, dans certains hôpitaux, à peine 50 % d’entre eux sont vaccinés.
Cette défiance des soignants envers la vaccination fait d’ailleurs écho à celle de la population générale : avec 26 % de personnes vaccinées, la Guyane affiche le taux de vaccination le plus faible du pays.
Mais comment convaincre la population et les personnels soignants de se faire vacciner quand seule s’applique la contrainte et que l’État a failli, notamment, dans sa mission de service public ? Quand, depuis des années, la Guyane, dont presque 30 % du territoire est classé en zone sous-dense, est le plus grand désert médical du pays ? Quand, à ces inégalités d’accès aux soins se conjuguent – cela a été dit – vie chère, un taux de pauvreté à près de 53 % et un revenu médian d’à peine 900 euros ?
Les Antilles s’enflamment pour les mêmes raisons : ces inégalités sociales et sanitaires territoriales qui perdurent, alors que l’égalité n’est convoquée que pour justifier l’obligation vaccinale.
Monsieur le ministre, que prévoit le Gouvernement pour en finir enfin, à court terme, avec les zones sous-denses, où toute politique « d’aller vers » est vaine, dès lors que l’accès aux soins n’est pas garanti ?
Quelles politiques publiques, rompant avec l’abandon des personnels soignants et des habitants, le Gouvernement entend-il mener en Guyane ? Elles seules sont à même de redonner confiance dans la parole politique et institutionnelle et, très certainement, à terme, d’améliorer la couverture vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, je répondrai d’abord à la fin de votre question.
Pour que la confiance revienne, il faudra que nous nous accordions, tous, pour lutter localement contre tous les populismes.
Il me paraît souhaitable de détacher la question de l’acceptation globale de la vaccination de celle de l’obligation vaccinale des soignants et des questions d’accès aux soins, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
La Guyane est aussi le territoire de la République dans lequel les fantaisies, les mensonges et les fake news – je pourrai vous le démontrer – ont été les plus invraisemblables et les plus graves. Parfois, ces allégations n’ont été confrontées à aucune contradiction, pas même de la part de l’État qui, certes, a fait son possible et dont je défends les équipes.
On a le droit de ne pas soutenir le Gouvernement, mais je vous prie de croire, mesdames, messieurs les sénateurs, que les personnes qui rendent le service public au quotidien à l’ARS, à l’hôpital ou dans les centres médico-sociaux de proximité ont fait le maximum pour porter la parole de la vaccination. Il ne leur fut pas seulement opposé des théories sur les puces 3G ou autres, mais aussi des affirmations bien plus graves encore.
Il importe de dénoncer ces comportements, car ils ont eu, malheureusement, des effets tout à fait déplorables et très graves sur la protection de nos concitoyens outre-mer. En la matière, me semble-t-il, c’est collectivement que nous devons agir.
Par ailleurs, je vous confirme que la Guyane accuse, sur le plan de la couverture vaccinale, un retard considérable. Dans ce domaine, la mère des batailles reste l’hôpital public.
En effet, la présence de l’hôpital public permet de développer des stratégies « d’aller vers » et de déployer des centres de proximité. J’ai visité un de ces centres, à Maripasoula ; il va d’ailleurs être totalement reconstruit pour devenir un véritable hôpital, car l’attente est importante à cet endroit.
Enfin, le centre hospitalier de Cayenne va devenir centre hospitalo-universitaire (CHU), ce qui représente un tournant majeur pour la Guyane, à l’horizon 2024-2025. Cette transformation va permettre de diversifier l’offre de soins et, surtout, de proposer une offre de formation renouvelée aux personnels de santé. Il faudra malgré tout faire preuve d’un peu de patience, parce que les choses ne se font pas en quelques semaines.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, « quand on se déplace, c’est que les choses sont mûres ! » expliquiez-vous avant votre départ en Guadeloupe dimanche dernier…
Une chose est certaine, monsieur le ministre : ce qui est mûr, ce sont les inégalités entre la métropole et les outre-mer, dénoncées depuis de très nombreuses années.
L’obligation vaccinale des soignants et des pompiers a mis le feu aux poudres dans un contexte multidimensionnel devenu insupportable pour nos outre-mer. Mon camarade Fabien Gay et d’autres collègues ont multiplié les exemples de ces inégalités vécues et subies par nos compatriotes antillais : le non-accès à l’eau potable, la vie chère, le chômage des jeunes, etc.
Il est vrai que ces fractures sont anciennes – nous ne faisons que les constater année après année depuis bien trop longtemps.
Et elles ne s’arrêtent pas aux Antilles. En Guyane, au-delà de la situation de l’hôpital public que vous venez d’évoquer, on dénombre seulement 55 médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 104 en moyenne nationale. L’habitat indigne représente 13 % du parc de logements outre-mer. Il y a autant de personnes qui vivent dans un bidonville à Mayotte que dans tout l’Hexagone.
Nos compatriotes ultramarins manifestent aujourd’hui pour une revalorisation de leur pouvoir d’achat, pour une progression des salaires, pour des moyens de sortir de la précarité, etc. Ils manifestent tout simplement pour plus d’égalité et pour vivre dignement !
Comme l’a dit Fabien Gay, nous condamnons avec fermeté toutes les violences, mais la réponse à ces manifestations ne peut pas se résumer à l’envoi de forces de police.
Quant à votre évocation d’une autonomie pour la Guadeloupe, question qui aurait été abordée « en creux », monsieur le ministre, c’est un sujet institutionnel d’importance, bien trop sérieux pour être avancé au beau milieu d’une crise aussi grave. Une telle réponse résonne, d’une certaine façon, comme une menace d’abandon. Surtout, elle est totalement décalée au regard de l’urgence sociale, en particulier quand on connaît la longueur des processus que nécessiterait sa mise en œuvre…
Je pourrais évoquer d’autres sujets et vous m’excuserez, monsieur le ministre, de vous poser une question d’ordre général. En tout cas, il faut absolument que vous apportiez des réponses concrètes pour mettre un terme aux injustices structurelles que je viens d’évoquer, comme d’autres l’ont fait avant moi cet après-midi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Je vous remercie, madame la sénatrice. Je vous apporterai trois éléments de réponse.
Tout d’abord, j’estime qu’il n’y a jamais de mauvais moment pour rappeler les principes républicains. Quand des élus de la République vous expliquent que la loi ne s’appliquera pas sur leur territoire, le devoir d’un ministre est de dire qu’elle s’appliquera !
J’ai ajouté que, si l’on s’inscrit dans cette logique, il faut aller jusqu’au bout et demander un changement de statut. Je n’ai rien dit d’autre et la presse est libre d’écrire ce qu’elle veut. Je crois que c’est notre rôle à tous de dire que les lois de la République doivent aussi s’appliquer dans les départements et régions d’outre-mer.
Voilà ce que j’ai dit, madame la sénatrice, et je crois que nous pouvons tous nous retrouver sur ce point.
Ensuite, il n’est évidemment pas possible de répondre en deux minutes à l’ensemble des points que vous avez évoqués. Si vous aviez examiné l’ensemble du projet de loi de finances pour 2022, nous aurions pu débattre de ces questions, par exemple du logement, sujet sur lequel des choses sont en train de bouger.
Enfin, vous avez raison de dire que, sur certains sujets, les réponses devront être plus radicales dans les années à venir.
Par exemple, quand on évoque la vie chère, il faut évidemment mener une réflexion sur la fiscalité, notamment sur l’octroi de mer : il ne s’agit pas de le remettre en cause, mais de lui redonner son rôle de barrière douanière. Aujourd’hui, l’octroi de mer est l’une des causes de la vie chère, en particulier pour les produits de première nécessité.
Peut-être faut-il aussi répéter – c’est un sujet parfois méconnu à Paris – que, depuis des années, l’État ne perçoit plus un euro de fiscalité sur les carburants outre-mer. Je ne veux pas, en disant cela, montrer du doigt les collectivités territoriales, puisqu’il revient au législateur et à l’exécutif de mettre en place des solutions.
Je prends un autre exemple : les aides au fret. Il est évident que les transformations actuelles du commerce international liées à la pandémie de covid-19 nous amèneront à revoir la question de l’accompagnement de ce secteur. Une partie de la structure des prix outre-mer dépend de cette question.
Dernier exemple : les productions insulaires. Faire venir des matières premières en surgelé, sur des milliers de kilomètres et à prix d’or n’a aucun sens, en particulier si l’on veut développer des productions locales à coûts moindres.
Voilà autant de sujets sur lesquels nous devrons apporter une réponse d’ensemble.
J’ajoute pour conclure que nous devrons avancer sur les questions de concurrence – ce n’est pas un mot tabou pour moi. Outre-mer, beaucoup de prix sont élevés parce que nos concitoyens n’ont malheureusement pas le choix en termes de produits ou de circuits de distribution. Je le sais, c’est un sujet qui peut diviser les Ultramarins, mais nous pouvons en parler calmement. En tout cas, nous devrons aussi avancer sur ce dossier.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « La situation économique, sociale et sanitaire dans les outre-mer. »
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.