M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avant que nous n’entamions l’examen de cet article, je souhaite présenter de façon pragmatique les éléments qui ont motivé les décisions de la commission, afin de mieux faire comprendre sa position sur l’ensemble des amendements qui ont été déposés.
L’article 16 est assez technique, comme j’ai pu en prendre conscience à l’occasion des auditions que j’ai menées avec Corinne Imbert. Il se revendique comme une série de mises en cohérence sur les contributions des produits de santé.
L’un des enjeux est bien d’assurer la bonne intégration de dispositifs dérogatoires de prises en charge dans les différentes assiettes de contribution, particulièrement dans celle de la fameuse clause de sauvegarde, que j’ai essayé d’apprivoiser. (Sourires.) Sur le fond, la commission a pu partager, en partie au moins, cette intention et a validé une partie du dispositif.
Toutefois, un nombre important de questions se sont posées lors de l’examen de cet article.
Ces contributions ont des contours et des assiettes très imparfaits, et la commission a émis des avis favorables sur une série d’amendements ayant pour objet de modifier ces contributions, afin de renforcer leur cohérence et leur coordination, selon les modes de dispensation, de soutenir certains secteurs industriels apparaissant fragiles ou encore de mettre le doigt sur des lacunes dans les constructions mêmes de ces clauses de sauvegarde ; je pense notamment au dispositif médical.
Avant d’entamer la discussion des amendements déposés sur cet article, je souhaite que chacun ait bien en tête ce qu’est la clause de sauvegarde : le montant M pour le médicament et le montant Z pour le dispositif médical sont des montants, et non des taux, au-delà desquels les industriels sont redevables de contributions très fortes. C’est un mécanisme régulateur de la dépense : cette clause est conçue pour assurer le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam.
Aussi, pour que nos discussions soient complètes, il faudrait que nous puissions, en conséquence de nos amendements, ajuster parfois ces montants, pour ne pas perturber les nécessaires mécanismes de régulation en adoptant une disposition souhaitable sur le fond.
Loin d’un saupoudrage, il faut que nous puissions avoir une position sérieuse et crédible. La commission s’y est attachée. Sur ce point, je regrette d’avoir à constater que la transparence sur la construction de ces montants nous donne malheureusement peu de marge de manœuvre.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, mes chers collègues, je profite de la discussion de cet article pour évoquer la situation de la recherche pharmaceutique et le nouveau dispositif d’accès direct des médicaments innovants.
La France investit 2,2 % du PIB dans la recherche publique et privée, ce qui la place sous la moyenne des pays de l’OCDE, qui est de 2,4 %. Depuis 2000, le désinvestissement dans la recherche a entraîné une dégradation des conditions de travail des chercheurs.
Il me semble que c’est l’occasion ici de réaffirmer qu’il serait important de disposer d’un bilan du crédit d’impôt recherche, le CIR, et, surtout, de conditionner les aides publiques aux industriels pharmaceutiques au maintien des emplois. Bien souvent, en effet, ces aides publiques sont données et participent au financement des dividendes des actionnaires.
Nous l’avons malheureusement vu lors de la pandémie. Nous avons d’ailleurs également vu que nous étions tous concernés, mes chers collègues, et sur tous les territoires : quand les entreprises licencient, cela a des conséquences économiques et sociales.
Notre pays dispose pourtant d’atouts importants en matière de recherche avec l’Agence nationale de la recherche, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; ces trois structures ont connu elles aussi une réduction très forte de leur budget de recherche et le départ de nombreux chercheurs vers la recherche privée.
Cette dégradation s’est ressentie lors de la pandémie, avec des retards de certains industriels pharmaceutiques pour trouver un vaccin contre la covid-19.
À l’occasion d’un Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le Président de la République avait pourtant annoncé l’accélération de la procédure de commercialisation des médicaments innovants. C’est un autre sujet, mais cette nouvelle procédure pose la question de l’équilibre entre sécurité sanitaire et accès aux traitements innovants. On peut s’interroger sur la pertinence d’accélérer encore les procédures de mise sur le marché des médicaments au regard des scandales sanitaires qui ont surgi ces dernières années.
M. le président. L’amendement n° 344 rectifié, présenté par M. Savary, Mmes Imbert et Lassarade, MM. Bascher et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bouchet et Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Demas et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Férat, MM. B. Fournier, Genet et Gremillet, Mme Joseph, MM. Karoutchi, Klinger, D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Sido, Sol, Somon, Tabarot et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Avant la référence :
L. 162-18-1
ajouter la référence :
, L. 138-9,
II. – Alinéa 11
Avant la référence :
L. 162-18-1
ajouter la référence :
L. 138-9,
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. On entre dans le vif du sujet et dans les complications annoncées par Mme la rapporteure générale… (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, sans doute pourrait-on simplifier les choses et traiter les dispositifs médicaux comme les médicaments.
Or le montant M, qui concerne les médicaments, correspond au chiffre d’affaires généré par le laboratoire, alors que le montant Z, qui concerne les dispositifs médicaux, correspond au montant remboursé. Si l’on fixait les mêmes critères pour évaluer ces différents dispositifs d’un point de vue financier, ce serait déjà un peu plus simple.
Dans un souci de simplification, je propose de traiter de façon identique l’analyse des différents types de remise et de ne pas faire de distinction, comme c’est aujourd’hui le cas, entre les vecteurs de distribution de ville et les vecteurs de distribution d’hôpital.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer en commission à notre collègue que l’avis serait plutôt défavorable.
Je me suis moi-même interrogée sur l’opportunité de procéder à cet ajustement, qui aide en priorité les fabricants de génériques, dont les remises sont d’ailleurs les plus importantes, avec un plafond à 40 %.
Toutefois, si elle me semble pertinente, cette mise en cohérence ne peut se faire sans ajustement parallèle du montant M. C’est pour cela que j’ai insisté en préambule sur tous ces éléments : on peut avoir une bonne intention sur un ensemble de dispositifs, mais, si l’on n’agit pas conjointement sur les autres, cela peut être pénalisant et on n’atteint pas l’objectif. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
C’est pour cette raison que cet amendement n’apparaît malheureusement ni acceptable ni solide. Nous ne disposons pas du montant de ces remises, ce qui permettrait de sous-amender ou de rectifier cet amendement. L’adopter dans sa rédaction actuelle serait donc peu crédible pour la commission.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Vous l’avez indiqué, madame la rapporteure générale, nous abordons un sujet éminemment technique, que certains connaissent bien ici, puisque, sauf erreur, tous les ans, à cette même période, nous avons un débat sur le mécanisme de la clause de sauvegarde, le seuil de déclenchement, le périmètre de l’assiette, etc.
Je vous rejoins sur la nécessité de simplifier les choses, madame la rapporteure générale, mais ne nous privons pas de ce débat cette année encore. (Sourires.)
Je fais miens la plupart des propos que vous avez tenus. Cette proposition permettrait bien de prendre en considération des remises consenties sur l’initiative des entreprises et serait favorable aux génériques, dans la mesure où les fabricants peuvent réaliser jusqu’à 40 % de remise commerciale. À cet égard, elle est intéressante, mais elle porte sur un chiffre d’affaires dont les montants ne sont pas négligeables, à savoir près de 3,8 milliards d’euros, donc sur des remises commerciales induites qui le seraient tout autant en proportion.
Toutefois, comme vous l’avez fort bien expliqué, madame la rapporteure générale, l’adoption de cette proposition déstabiliserait complètement l’équilibre de la régulation du médicament si elle ne s’accompagnait pas en parallèle d’une modification du montant M, que nous ne pouvons évaluer à l’heure actuelle.
Par conséquent, sans mesure d’impact préalable, le Gouvernement ne peut être favorable à ce dispositif. Monsieur Savary, je vous propose que nous étudiions cette question en 2022 et que, en attendant, vous retiriez votre amendement.
M. le président. Monsieur Savary, l’amendement n° 344 rectifié est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette proposition, qui constitue une avancée.
Pour les médicaments génériques, le taux devient malgré tout intéressant, même s’il n’est pas encore satisfaisant.
En revanche, pour les dispositifs médicaux, le taux n’est pas encore suffisant. Les médicaments hybrides constituent une forme de galénique souvent différente d’un générique, mais c’est peu ou prou la même chose. Il faudrait donc procéder à des harmonisations et avoir les mêmes circuits.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux bien retirer cet amendement. Ce qui est important, c’est de se pencher sur cette question et de trouver la voie nécessaire, afin de réaliser des économies par le biais de prescriptions de médicaments équivalents et d’arriver au taux de prescription des pays européens voisins.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 344 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 343 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mmes Imbert et Lassarade, MM. Bascher et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Demas et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Férat, MM. B. Fournier, Genet et Gremillet, Mme Joseph, MM. Karoutchi, Klinger, D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mme Malet, MM. Milon, Pellevat, Piednoir et Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Sido, Sol, Somon, Tabarot et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 10
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
- sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Ne sont toutefois pas pris en compte :
« – les spécialités génériques définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
« – les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques en application des deux dernières phrases du b du même 5° de l’article L. 5121-1 ;
« – les spécialités de références définies au a dudit 5° de l’article L. 5121-1, lorsqu’elles sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application du II de l’article L. 162-16 du présent code ou lorsqu’elles le sont sur la base de remboursement la plus chère en vigueur pour les spécialités génériques ou hybrides appartenant au groupe générique ou hybride concerné, en application du III de ce même article, ou lorsque leur prix de vente au public est identique à celui des spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent ;
« – les médicaments biologiques similaires définis au a du 15° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
« – les médicaments hybrides définis au c du 5° du même article L. 5121-1. » ;
II. – Alinéa 37
Remplacer le nombre :
24,5
par le nombre :
19,5
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Je retente ma chance (Sourires.), avec cet amendement que Corinne Imbert, Florence Lassarade et moi-même avons rectifié.
Nous avons particulièrement travaillé ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, au travers d’un certain nombre d’auditions, et nous avons modestement essayé d’apporter notre petite pierre à l’édifice.
Pour préserver l’approvisionnement en médicaments anciens, dont l’utilité a été démontrée, il est nécessaire d’alléger la fiscalité sur les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires, donc de les exclure de la clause de sauvegarde.
M. le président. L’amendement n° 954 rectifié bis, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier et Rossignol, M. Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, MM. Chantrel, Durain, Gillé, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Leconte, Lurel, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot, Vaugrenard, Stanzione, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 10
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
- Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Ne sont toutefois pas prises en compte :
« – les médicaments ou classes de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur définis à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique produits dans un État membre de l’Union européenne ;
« – les spécialités génériques définies au a) du 5° de l’article L. 5121-1 du même code produites dans un État membre de l’Union européenne ;
« – les médicaments biologiques similaires définis au a) du 15° du même article L. 5121-1 produits dans un État membre de l’Union européenne. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cette proposition va dans le même sens que les précédentes.
La crise du covid-19 a mis en évidence la nécessité de réduire notre dépendance en matière d’approvisionnement de médicaments. Face à cette situation, il est indispensable de relocaliser en Europe la production, le conditionnement et la distribution des médicaments, nous en sommes tous d’accord.
Au mois de septembre 2020, la Ligue contre le cancer a publié une étude dressant un constat alarmant en oncologie, puisque trois quarts des professionnels de santé sont confrontés à la problématique des ruptures de stock, et 70 % des oncologues confrontés à ces pénuries de médicaments contre le cancer considèrent que celles-ci auront un impact sur la vie à cinq ans de leurs patients.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 consacre l’obligation pour les industriels de constituer, pour chaque médicament, un stock de sécurité de quatre mois. Or le décret du 30 mars 2021 a révisé à la baisse cette obligation à deux mois à peine : cette mesure ne correspond pas à une mesure de prévention des pénuries.
Bien que la question des stocks ne puisse être abordée dans l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nos amendements sur ce sujet ayant été déclarés irrecevables, cet amendement vise à apporter une solution à l’objectif de souveraineté sanitaire et à la lutte contre les pénuries de médicaments.
Cette proposition nous paraît plus efficiente que la possibilité de prendre en compte le principe de la sécurité d’approvisionnement du marché français dans la fixation des prix des médicaments, qui est prévue à l’article 38.
Il s’agit donc d’exonérer de la clause de sauvegarde les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, les génériques ou les biosimilaires produits dans l’Union européenne. Cela constitue pour nous une mesure plus efficace, afin de relocaliser l’industrie du médicament.
M. le président. L’amendement n° 827, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 37
Remplacer le nombre :
24,5
par le nombre :
23,5
II. – Alinéa 38
Remplacer le chiffre :
2,15
par le chiffre :
2,03
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement a une tonalité quelque peu différente : il vise à abaisser le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde à 23,5 milliards d’euros pour le montant M et à 2,03 milliards d’euros pour le montant Z.
J’ai bien noté que le déclenchement de la clause de sauvegarde n’était par nature pas censé intervenir, mais le contexte sanitaire actuel, conjointement à celui de croissance du médicament, dynamisera au contraire le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, ce qui explique l’inquiétude des Entreprises du médicament (LEEM) et du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).
Loin de moi l’idée de ne pas être sensible à leur devenir, mais je rappelle tout de même que les entreprises pharmaceutiques se portent vraiment très bien. Ainsi, directeur de Sanofi, Paul Hudson, touche un salaire annuel d’environ 12 millions d’euros ; il est le troisième patron le mieux payé du CAC 40. Le bénéfice net de ce grand laboratoire a connu une hausse de 340 % en 2020, passant à 12,3 milliards d’euros. Les dividendes ont connu leur vingt-septième année consécutive de hausse, s’élevant à plus de 4 milliards d’euros.
Pourtant, malgré ces profits vertigineux, Sanofi, qui a été incapable de sortir un vaccin contre la covid-19, annonce encore cette année 1 700 licenciements, dont plus de 1 000 en France.
Aussi est-ce bien le moins que de demander d’être plus exigeant sur la contribution de ces entreprises en cas d’évolution aussi massive de leur chiffre d’affaires. C’est pourquoi nous proposons de réévaluer à la baisse, et non à la hausse, comme le prévoit l’article 16, les montants Z et M.
Si maîtrise des dépenses il doit y avoir, c’est bien sûr à celle qui est liée aux médicaments, qui pèse sur le budget de l’assurance maladie, qu’il nous faut être attentifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs des amendements nos 343 rectifié bis et 954 rectifié bis se font le relais des préoccupations des industriels, en particulier des entreprises fragiles, aux marges réduites.
L’amendement n° 343 rectifié bis a pour objet d’exclure les médicaments du répertoire de l’assiette de la clause de sauvegarde, c’est-à-dire les génériques et les princeps, médicaments de référence, alors que l’amendement n° 954 rectifié bis ne vise que les génériques.
M. Patrick Kanner. Et les biosimilaires !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La cohérence commande de bien intégrer l’ensemble du répertoire, y compris les génériques et princeps.
Il semble donc préférable de privilégier l’amendement n° 343 rectifié bis, dont je partage totalement l’intention ayant présidé à sa rédaction. Je voulais déposer un amendement similaire au nom de la commission, sous réserve d’ajuster le montant M. Tel est bien l’objet de cet amendement, dans sa version rectifiée bis.
L’enjeu, c’est d’ajuster et de mettre en cohérence l’assiette ou de priver de toute portée la clause de sauvegarde, le chiffre d’affaires hors taxes du répertoire étant de 5 milliards d’euros, selon le rapport du Comité économique des produits de santé, le CEPS. Tel est bien l’objet de l’amendement n° 343 rectifié bis, qui vise à réévaluer d’autant à la baisse le montant M.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 827. En effet, une telle révision des montants conduirait à un déclenchement disproportionné des clauses de sauvegarde, avec des conséquences dévastatrices pour les industriels, particulièrement dans le cas des dispositifs médicaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Permettez-moi de considérer, non sans malice, que prévoir des exonérations ne va pas dans le sens de la simplicité que vous appeliez de vos vœux et que nous souhaitons tous. (Sourires.)
Les amendements nos 343 rectifié bis et 954 rectifié bis visent à exclure un certain nombre de médicaments de l’assiette de la clause de sauvegarde.
Je rappelle que la clause de sauvegarde a pour objectif de protéger notre système de santé d’une évolution trop rapide de l’ensemble des dépenses, quel que soit le type de médicaments.
Je rappelle également que la loi de financement de sécurité de la sécurité sociale pour 2019, qui mettait en œuvre les engagements du CSIS 2018 a justement amélioré la lisibilité de la régulation macroéconomique des médicaments en intégrant l’ensemble des médicaments dans l’assiette de la taxe, et ce sans exception. Elle a permis d’accroître la prévisibilité de la clause de sauvegarde pour les entreprises.
En ce sens, l’adoption de l’un de ces deux amendements conduirait, à cet égard en tout cas, à un retour en arrière par rapport aux évolutions qui ont été menées ces dernières années sur la clause de sauvegarde.
Je précise par ailleurs que les contributions au titre de cette clause ne pèsent pas de la même manière sur l’ensemble des laboratoires, puisque le calcul de la contribution due est fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. Elles pèsent donc proportionnellement moins sur les laboratoires dont les produits sont les moins coûteux, comme les exploitants de génériques ou de biosimilaires.
L’amendement n° 954 rectifié bis a pour objet d’inciter à la relocalisation de l’industrie du médicament. Nous avons déjà plusieurs leviers d’action à notre disposition pour atteindre cet objectif : outils conventionnels, d’une part, au travers de l’accord-cadre qui a été signé entre les industries et le Comité économique des produits de santé ; outils législatifs, d’autre part, puisque l’article 38 du présent texte intègre le critère industriel dans les critères de tarification des produits de santé.
Le Gouvernement est convaincu que ces dispositifs incitatifs porteront leurs fruits pour atteindre l’objectif qui est visé ici.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 343 rectifié bis et 954 rectifié bis.
L’amendement n° 827 a pour objet d’abaisser le montant de la clause de sauvegarde des médicaments et des dispositifs médicaux.
Nous partageons évidemment cette volonté de réguler efficacement les dépenses associées aux produits de santé, ce qui est indispensable pour assurer la soutenabilité de notre système. Pour autant, l’objectif des clauses de sauvegarde est de contenir la progression de la dépense, laquelle est liée, certes, à une hausse des coûts de traitement, mais également à un vieillissement de la population et à l’arrivée en miroir d’innovations thérapeutiques au fil des années.
Par conséquent, abaisser les niveaux des clauses de sauvegarde par rapport à l’année précédente, comme tend à le prévoir cet amendement, irait à l’encontre des annonces faites par le Président de la République, dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) du mois de juin dernier, qui annonçait une croissance de 2,4 % en moyenne sur la dépense remboursée des produits de santé pour la période 2022-2024, justement pour permettre d’accueillir l’innovation en France et de pouvoir répondre à des besoins nouveaux provoqués par le vieillissement de notre population.
C’est donc une croissance indispensable pour permettre aux patients – je ne parle pas des industries – d’accéder à plus de médicaments et à plus de dispositifs médicaux qui sont onéreux à l’hôpital et pour assurer la souveraineté nationale en encourageant les investissements dans les outils productifs de notre territoire.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je remercie la commission d’avoir émis un avis favorable sur mont amendement. Son adoption ferait avancer les choses. En effet, ce système de régulation en arrive, pour certains produits, à être contre-productif. C’est notamment le cas pour les princeps anciens : on tire les prix tellement bas que la production s’arrête, ce qui crée ensuite une pénurie.
Il faut donc trouver une solution, même si ce n’est pas une mesure de simplification – votre réflexion malicieuse est, à cet égard, judicieuse, monsieur le secrétaire d’État. Ce constat est d’ailleurs largement partagé par nombre d’entreprises de ce secteur.
Il faut également préserver notre maillage industriel. C’est pourquoi il est intéressant de tenir compte d’un certain nombre de dispositions qui font que ces entreprises reviennent fabriquer en France : il faut les y inciter. Ce sont souvent de grands groupes et, si la France n’est pas incitative, ils n’hésiteront pas à aller là où l’herbe est plus verte…
C’est enfin un moyen de faire en sorte que cette fiscalité soit un peu plus juste, pour ceux qui font des efforts, notamment en fabriquant des génériques.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président. Il vaut mieux nous focaliser sur lui, si ma collègue en est d’accord. Et si nous l’adoptons, nous pourrons en rediscuter dans le cadre de la navette parlementaire.