Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le congé de présence parentale et l’AJPP sont des dispositifs essentiels permettant aux parents d’être aux côtés d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou d’un accident grave.
Leur enfant ayant besoin d’une présence soutenue et de soins contraignants, ces parents n’ont parfois pas d’autre choix que d’interrompre leur activité professionnelle. Il est alors indispensable que la solidarité nationale vienne compenser la perte de revenus qui en découle. La question centrale qui les préoccupe est celle de la durée du congé et du versement de l’allocation : elle est actuellement de 310 jours sur une période de trois ans après le début de la maladie, ce qui reste insuffisant.
Bien que la loi du 8 mars 2019 ait permis de renouveler les droits du congé et de l’allocation au-delà de trois ans, le dispositif en vigueur n’est toujours pas en phase avec les réalités que connaissent certaines familles.
Prenons le cas des 2 500 cas de cancers pédiatriques dénombrés chaque année. Après deux ou trois années de traitement, l’enfant est souvent soit guéri, soit malheureusement décédé – cela représente 20 % des cas –, ce qui rend sans effet la possibilité existante de renouvellement.
La possibilité de réouverture des droits en cas de rechute ou de récidive de l’enfant n’est pas toujours garantie aux familles, qui se heurtent parfois au refus des CAF, le versement de la prestation étant soumis à l’avis favorable du service du contrôle médical. Les formalités sont également trop lourdes, la prestation étant, de l’avis même de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), complexe à mettre en œuvre.
Devant la détresse de ces familles, nous ne pouvons que saluer et soutenir la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, car elle vise à leur permettre de renouveler une fois la durée maximale du congé et de l’allocation avant la fin de la période de trois ans, et non plus seulement au terme de celle-ci. Par cette mesure de justice sociale, le législateur prend mieux en compte la réalité de la pathologie ou du handicap de l’enfant et des soins qu’il requiert.
À cette avancée importante viendra bientôt – je l’espère – s’ajouter une autre mesure de bon sens, via un amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 : la revalorisation au niveau du SMIC du montant de l’allocation journalière de présence parentale et son extension aux conjoints collaborateurs d’une entreprise artisanale, commerciale, libérale ou agricole.
Un bémol toutefois : l’éparpillement de ces mesures portant sur un même sujet dans des textes différents nuit considérablement à la lisibilité de la réforme.
Regrettons également que le nouveau dispositif de la proposition de loi ne s’applique pas aux agents publics, alors même que chacune des lois relatives aux trois fonctions publiques prévoit le bénéfice du congé parental et aurait donc également mérité d’être modifiée en ce sens. Nous attendons là encore du Gouvernement qu’il rectifie cet oubli lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Restera ouverte la question de l’équité entre les parents.
Malgré la possibilité de partage des jours de congé, c’est souvent le parent dont l’emploi est le moins rémunérateur qui décide d’interrompre son activité afin de se consacrer à son enfant. Cette situation contribue à dégrader l’employabilité du parent accompagnant et à aggraver le sentiment de culpabilité de l’autre parent, qui ne peut pas participer à l’accompagnement autant qu’il l’aurait souhaité. Or un enfant malade a besoin du soutien quotidien de ses deux parents.
Mes chers collègues, nous discutons d’un sujet complexe et douloureux pour les familles. Je ne peux m’empêcher de souligner le manque d’attention dont sont parfois victimes les parents d’enfants malades dans leur environnement professionnel.
Permettez-moi de citer l’exemple vécu par l’une de mes proches, interne en médecine, qui s’est vu refuser un transfert de stage dans l’hôpital où était soigné son bébé de deux mois, atteint d’un cancer, au motif que cela créerait un précédent et pourrait entraîner des demandes multiples d’autres internes… Espérons qu’il n’y ait pas de nombreux internes ayant des enfants atteints de cancer !
Ce genre de réponse n’est pas acceptable. La situation de l’enfant doit primer sur toute autre considération. La bienveillance doit l’emporter sur l’indifférence.
Malgré les imperfections qu’il contient, la commission des affaires sociales a voté le texte sans modification afin de répondre aux situations d’urgence de certains foyers fragilisés par la crise sanitaire.
De nombreuses familles ayant déjà épuisé leur crédit de 310 jours, il est en effet indispensable d’adopter rapidement ce nouveau dispositif, via un vote conforme du Sénat, même si ce vote ne doit pas exonérer le Gouvernement d’intervenir dans les meilleurs délais pour en corriger les failles.
Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je remercie l’ensemble des groupes présents dans l’hémicycle de leur soutien à cette proposition de loi présentée par le député Paul Christophe. Je remercie également ceux d’entre vous qui ont souligné la revalorisation de l’AJPP au niveau du SMIC, présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Madame la rapporteure, je vous confirme que l’alignement du régime pour les trois fonctions publiques et les militaires fera l’objet d’un amendement du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, la semaine prochaine au Sénat.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu
Article unique
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 544-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel et par dérogation au premier alinéa, lorsque le nombre maximal d’allocations journalières est atteint au cours de la période mentionnée au même premier alinéa et qu’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant et attestant le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue est confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical prévu à l’article L. 315-1 ou du régime spécial de sécurité sociale, la durée maximale mentionnée au premier alinéa du présent article peut être renouvelée une fois au titre de la même maladie, du même handicap ou du fait de l’accident dont l’enfant a été victime et, ce avant la fin du terme initialement fixé. »
II. – L’article L. 1225-62 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel et par dérogation aux deux premiers alinéas du présent article, lorsque le nombre maximal de jours de congés mentionné au deuxième alinéa est atteint au cours de la période mentionnée au premier alinéa et qu’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant attestant le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue est confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical prévu à l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale ou du régime spécial de sécurité sociale, la période mentionnée au premier alinéa du présent article peut être renouvelée une fois au titre de la même maladie, du même handicap ou du fait de l’accident dont l’enfant a été victime, et, ce avant la fin du terme initialement fixé. »
II bis. – Au premier alinéa de l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 122-28-9 » est remplacée par la référence : « L. 1225-62 ».
III et IV. – (Supprimés)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue le travail qui a été accompli et remercie les députés d’avoir présenté ce texte.
Même si, statistiquement, dans cette maison, nous sommes davantage grands-parents que jeunes parents,… (Protestations amusées.)
Mme Cécile Cukierman. Il y a quelques jeunes parents tout de même ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. … nous devons constater que la question reste entière : le désarroi que font naître ces situations va bien au-delà des seuls parents et affecte toute la famille.
Nous votons un grand nombre de textes sur l’utilité desquels nous nous interrogeons parfois. Lorsqu’à l’occasion d’un texte faisant l’unanimité nous pouvons apporter une valeur ajoutée à la vie de nos concitoyens, surtout si ceux-ci se trouvent dans un désarroi que l’on a peine à imaginer, nous vivons alors l’un de ces moments de bienveillance si importants pour le Parlement, qu’il s’agisse du Sénat ou de l’Assemblée nationale. C’est le cas du texte que nous nous apprêtons à voter : il nous réconcilie avec la fonction parlementaire. C’est un moment de grâce dans une atmosphère nationale difficile.
Nous souhaitons que les compléments qui ont été annoncés soient introduits et que nous puissions véritablement apporter tout le soutien possible aux familles qui connaissent ces situations douloureuses.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée l’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école, ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Administration au service des usagers
Adoption d’une proposition de loi modifiée
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi visant à mettre l’administration au service des usagers, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (proposition n° 76 [2020-2021], résultat des travaux de la commission n° 106, rapport n° 105).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi.
M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’administration assure la stabilité et la continuité de l’État. C’est dire si elle est essentielle à la bonne marche d’un pays, particulièrement en France, où la Nation s’est construite grâce à l’État. L’administration d’un pays fait partie de son identité.
Toute tentative visant à moderniser l’administration laisse un goût d’inachevé, d’abord parce que l’administration vit avec son temps et en partage autant les nouveautés que les archaïsmes, ensuite, parce que l’administration est à l’image du pays et en partage autant les qualités que les défauts. En revanche, il est sain que le législateur cherche toujours à rendre son fonctionnement aussi intelligible que possible, du point de vue des administrés et non de celui des administrateurs.
Il est important de faire en sorte qu’il ne revienne pas à certains Français seulement de connaître les petites ficelles de l’administration, mais que tous puissent bien comprendre son fonctionnement. Ce point est essentiel pour que la confiance des usagers en ces institutions soit renforcée.
Là réside à mes yeux tout l’intérêt du principe selon lequel « silence gardé par l’administration vaut acceptation », qui constitue un moyen simple et efficace de s’assurer que la puissance publique réponde effectivement aux attentes des citoyens. En clair, c’est à l’administration que revient la responsabilité de mener à bien les procédures, et non aux usagers.
Ce principe a été introduit en 2013 par une loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Cette loi posait le principe général du « silence vaut acceptation », dit SVA, et fixait les conditions selon lesquelles il est possible d’y déroger, notamment par voie réglementaire. Elle permettait donc aussi d’établir des procédures pour lesquelles « silence vaut rejet ».
En 2015, un rapport d’information cosigné par Jean-Pierre Sueur au nom de la commission des lois a porté sur l’application de ce principe. Il rappelait que la loi de 2013 revenait sur la pratique du « silence vaut rejet », ancrée dans la culture administrative depuis le milieu du XIXe siècle. Il pointait déjà une dérive problématique : dès le début, il y avait deux fois plus de procédures administratives dérogatoires que de procédures relevant du principe général.
En d’autres termes, dès le début, l’exception était la norme et le principe général de la loi était largement dévoyé. Parmi ces possibilités de dérogation, certaines répondent à des critères déterminés par la loi et sont parfaitement fondées. D’autres, en revanche, le sont « eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration ». Ces exceptions laissent les coudées franches au Gouvernement pour déroger au « silence vaut acceptation », ce qui nuit à la force de ce principe établi par le législateur.
Il s’agit précisément du sujet dont nous allons débattre aujourd’hui. Mes chers collègues, je vous propose de redonner sa vigueur au principe général, en limitant la possibilité d’y déroger par voie réglementaire et en harmonisant les délais dérogatoires.
L’idée est de rendre le système plus lisible pour les usagers. Le dispositif de la proposition de loi se fonde sur un constat réalisé sur le terrain auprès des acteurs qui entreprennent et sont à l’initiative – bref, de tous ceux qui veulent faire changer les choses.
Ceux qui se heurtent à une administration tatillonne ou à un fonctionnaire excessivement zélé représentent sans doute une minorité, car, dans son ensemble, notre administration accomplit un travail remarquable. Malgré cela, nous connaissons des exemples où les retards demeurent aussi inexplicables qu’inexpliqués.
J’insiste : je ne fais ni mauvais procès ni mauvaises généralisations. Nous connaissons tous des serviteurs de l’État qui exercent avec beaucoup de professionnalisme et qui font preuve d’une grande réactivité. Ils font honneur à la fonction publique, et je tiens à les remercier.
M. Dany Wattebled. Je tiens tout de même à vous raconter une anecdote qui en dit long sur les effets néfastes du « silence vaut rejet ».
Dans mon territoire, un entrepreneur engage une démarche auprès d’une administration pour réaliser un projet. Plusieurs mois passent et cette demande demeure sans réponse. L’entreprise relance l’administration. Là encore, pendant plusieurs mois, l’administration reste aux abonnés absents. Une troisième tentative demeure vaine. La situation dure pendant deux ans. L’entrepreneur choisit donc d’engager son projet et de prendre les devants pour faire bouger les choses. Là, ni une ni deux, l’administration se réveille et sanctionne l’entreprise.
Malheureusement, un tel scénario n’a rien d’exceptionnel. Si les entrepreneurs bloqués par l’administration ne représentent qu’une minorité des usagers, ils demeurent trop nombreux pour que nous ne fassions rien.
Bien évidemment, la situation est encore pire pour les usagers qui se retrouvent démunis face à la complexité administrative et qui ne disposent d’aucune aide juridique pour s’y retrouver. Nous devons leur simplifier la vie.
Au cours de ce quinquennat, plusieurs textes ont été défendus par le Gouvernement et votés par le Sénat, afin de simplifier les relations entre les citoyens et l’administration.
Je pense notamment à la loi de 2018 pour un État au service d’une société de confiance (Essoc). Sans modifier le régime du « silence vaut acceptation », cette loi identifiait bien le dévoiement de ce principe par la multiplication des exceptions réglementaires.
L’article 72 de la loi Essoc prévoyait que le Gouvernement remettrait un rapport au Parlement pour faire le point sur l’application du principe « silence vaut acceptation ». Dans ce rapport, le constat demeure sans appel : seulement un tiers des procédures administratives respecte le principe général. En d’autres termes, l’exception demeure la norme et le pouvoir législatif n’a plus la main pour faire appliquer le principe général.
L’examen de la loi Essoc a été une occasion manquée d’adopter des propositions concrètes et nous avons dû nous contenter d’un rapport remis par le Gouvernement. Ce rapport indique également que la majorité des procédures dérogatoires relève du domaine environnemental : la multiplication des études d’impact change la donne pour les entrepreneurs de nos territoires.
Je tiens à alerter l’opinion sur ce point, car tout porte à croire que la situation en la matière risque de se détériorer dans les prochaines années. La prise en compte des enjeux écologiques ne doit pas entraver les initiatives individuelles. Je crois sincèrement que nous devons fonder la relation entre les usagers et l’administration sur la confiance mutuelle plutôt que sur la défiance réciproque.
Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), examiné par le Sénat au début de l’année 2020, était l’occasion de passer à l’action. J’ai donc déposé lors de sa discussion deux amendements qui visaient à réduire la possibilité laissée au Gouvernement de déroger au principe établi par le Parlement. Malgré le double avis défavorable de la commission et du Gouvernement, ces amendements ont tous deux été adoptés par notre assemblée.
En émettant leurs avis sur ces amendements, la commission et le Gouvernement m’avaient suggéré de retravailler le dispositif. Je m’y suis donc attelé en rédigeant le texte de cette proposition de loi et j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter un texte charpenté, qui reprend également des mesures proposées à l’Assemblée nationale, en particulier certaines qui figuraient dans la proposition de loi relative à l’effectivité et à l’efficacité du principe du « silence de l’administration vaut accord », déposée au mois de mai 2016 par le député Lionel Tardy, membre du groupe Les Républicains ; malheureusement, cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale.
En conclusion, je tiens à remercier chaleureusement Mme le rapporteur Brigitte Lherbier, qui a tenu à amender le texte afin de permettre son adoption par le Sénat. Les propositions qu’elle défend au nom de la commission des lois vont dans le sens de notre texte, et je m’en réjouis.
Je suis heureux que nous en débattions avec l’ensemble des groupes de façon constructive, pour trouver une solution de consensus. Plusieurs amendements visent à mieux cadrer le dispositif du texte, donc à limiter sa portée. Nous les abordons avec bienveillance et je m’en remets à la sagesse du Sénat pour élaborer un texte réaliste et pragmatique.
Mes chers collègues, si elle était adoptée, je suis convaincu que cette proposition de loi pourrait améliorer le quotidien de nombre de Français. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Brigitte Lherbier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de 1864 à 2013, le droit administratif établissait que le silence de l’administration valait rejet d’une demande, sous réserve d’exceptions ciblées, par exemple pour l’attribution des autorisations d’urbanisme.
Or, comme vous le savez, une réforme menée sur l’initiative du président Hollande en 2013 a renversé ce principe. Depuis lors, le silence de l’administration vaut en principe acceptation, sous réserve de très nombreuses exceptions prévues par le droit.
Si l’objectif de cette réforme de multiplier les procédures de SVA a été rempli – elles ont été multipliées par quatre –, force est de constater que ce résultat a été obtenu en sacrifiant la lisibilité du régime du silence de l’administration prévu par le code des relations entre le public et l’administration.
En effet, l’inversion du principe s’est accompagnée de la création d’une multitude d’exceptions qui rendent la compréhension du droit positif assez chaotique. L’affaire de la ferme des mille vaches en est une preuve, puisqu’il a fallu un pourvoi en cassation et une décision du Conseil d’État pour déterminer si, en l’espèce, le silence de l’administration valait acceptation ou rejet.
Autre preuve, même l’administration en charge de la publication de la liste des procédures de SVA a du mal à s’y retrouver… Alors, mettez-vous à la place de l’usager lambda !
Ces très nombreuses exceptions étaient malheureusement prévisibles, tant le système SVA souffre de faiblesses intrinsèques.
La plus importante de ces faiblesses réside dans le fait que le « silence vaut acceptation » ne s’applique qu’à propos des demandes auxquelles l’administration peut répondre par oui ou par non. Si vous demandez à une administration d’effectuer un choix parmi plusieurs possibilités, son silence ne permettra pas de répondre à la question posée. De la même manière, si vous demandez à une administration de vous verser une indemnité, son silence n’entraînera pas le versement de la somme demandée. Il s’agit là d’un état de fait auquel le législateur ne peut rien.
L’autre faiblesse du système SVA concerne les droits des tiers. Avec le « silence vaut acceptation », la perte d’un courrier ou une erreur de traitement aboutit à l’acceptation tacite d’une demande par l’administration, même si l’usager ne remplit pas les critères d’attribution. Ce dernier se retrouve donc dans une situation plus favorable qu’une personne présentant le même dossier et ayant été déboutée à juste titre. Il y a donc un problème de rupture d’égalité.
Le SVA peut également conduire à une perte de chance pour les tiers. Ceux-ci peuvent plus difficilement prendre connaissance de l’acceptation en l’absence de décision expresse favorable au pétitionnaire et formuler un recours le cas échéant.
C’est dans ce contexte particulièrement compliqué qu’intervient la proposition de loi que nous examinons. Son auteur Dany Wattebled a eu le courage de se pencher sur ce problème en ayant la volonté – que je partage – de rendre le système plus efficace et moins compliqué.
Si nous partageons l’objectif, nous ne sommes pas d’accord sur les moyens choisis pour les mettre en œuvre. De trop nombreuses divergences nous ont conduits à ne pas adopter de texte en commission, en application du gentlemen’s agreement d’usage pour les propositions de loi de niche.
Les amendements de la commission modifient profondément la proposition de loi, mais en conservent l’esprit initial. Notre démarche a été guidée par deux principes.
Le premier principe directeur réside dans le respect des fonctions et de l’identité de l’administration. Les relations entre le public et l’administration sont perçues comme des relations purement bilatérales, souvent conflictuelles. Or l’activité de régulation confiée aux administrations a in fine pour objet de préserver l’ordre public, l’environnement et les droits des tiers.
L’instruction d’une autorisation d’urbanisme peut, par exemple, révéler une atteinte possible à une servitude établie au bénéfice d’un tiers. L’administration n’est pas l’ennemie de l’usager, il est important de le rappeler.
Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. Partant de ce constat, notre second principe directeur réside dans le maintien d’un équilibre entre les conditions d’une bonne administration et les droits du public. C’est précisément le sens de la réécriture de l’article 1er que nous vous présenterons lors de la discussion des articles.
Alors que la proposition de loi initiale supprime purement et simplement la possibilité laissée au pouvoir réglementaire de déroger au principe SVA, nous avons préféré conserver cette faculté tout en précisant les cas dans lesquels une telle dérogation demeurait possible.
En revanche, nous émettrons un avis favorable sur l’amendement déposé par Jean-Pierre Sueur qui a pour objet de réécrire l’article 4 afin de plafonner les délais dérogatoires fixés par le pouvoir réglementaire pour établir les décisions implicites de l’administration. Ce plafonnement semble nécessaire pour sauvegarder l’intérêt des usagers et éviter que des délais exagérés ne vident de son sens le principe SVA.
La recherche d’équité dans les rapports entre l’administration et le public a également orienté la réécriture de l’article 5 que nous vous proposerons. Cette rédaction prévoit que les appels de pièces complémentaires suspendront simplement les délais laissés à l’administration pour instruire les demandes, ne permettant plus de remettre les compteurs à zéro.
En effet, certaines administrations détournent les demandes de pièces complémentaires, dans le cadre d’une manœuvre dilatoire visant à allonger significativement le délai dont elles disposent avant qu’une décision implicite d’acceptation soit rendue.
Outre ces trois modifications importantes, nous vous proposerons la suppression totale ou partielle d’articles présentant certaines malfaçons et pour lesquels des modifications ne nous ont pas semblé possibles ni souhaitables.
Par conséquent, mes chers collègues, sous réserve de l’adoption de ces différents amendements, nous vous engageons à adopter cette proposition de loi. Ainsi modifiée, elle nous semble constituer la garantie d’un meilleur équilibre entre les intérêts de l’administration et ceux de l’usager. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Cécile Cukierman et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)