M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre absent, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voici ce que j’avais prévu de dire au ministre de la santé s’il avait pris la peine de venir.
Monsieur le ministre de la santé, vous avez déclaré : « L’heure n’est pas venue de nous priver d’un outil qui nous protège ». Ces propos m’intriguent, car ils interviennent au lendemain du vote de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, mais aussi avant que le Sénat soit saisi d’une éventuelle prolongation de ce passe.
Je l’ai déjà dit, je le répète, monsieur le ministre, vous traitez notre chambre, non comme un lieu d’échanges, de discussion, où l’on tente d’améliorer le contenu des textes, mais comme une étape obligatoire dont vous vous passeriez bien.
Vous entendez, par l’intermédiaire de ce texte, faire passer une énième prolongation de l’état d’urgence et de vos pouvoirs durant les huit prochains mois. Ainsi, vous passeriez outre la consultation du Parlement, pourtant légitime en cas de reprise épidémique, à une période peut-être trop proche, pour le Président de la République, des échéances électorales.
Dès le début de la crise, il y a quelques mois, ici même, notre groupe avait alerté sur le risque d’une généralisation excessive du passe sanitaire dans le temps, tant en ce qui concerne son périmètre, les activités ou les lieux où il serait mis en œuvre que les maladies ou les critères qui déclencheraient son application.
Nos craintes étaient justifiées, nous le voyons bien aujourd’hui. Ce passe dessine un projet de société, un modèle social que nous redoutons et que nous dénonçons.
Sous prétexte, donc, que le passe sanitaire protège et protégera, vous nous demandez de reconduire cette boîte à outils dont l’efficacité en tant que telle, c’est-à-dire le simple pouvoir de limiter l’accès des personnes non vaccinées ou non testées à certains lieux de vie, est peu étudiée et encore moins évaluée à moyen terme.
Ces derniers mois, il nous est apparu que, si le passe avait fait preuve de son efficacité, c’est surtout pour avoir incité la population à se faire vacciner. Or notre groupe reconnaît la puissance de l’outil vaccinal dans la lutte contre la pandémie.
Ce que nous savons d’ores et déjà, c’est que les personnes les plus fragiles, le public prioritaire, ne sont toujours pas totalement vaccinées et que les plus précaires, les plus éloignés de l’épicentre de notre vie sociale, ne le sont pas suffisamment, que 85 % des personnes âgées de plus de 80 ans ont un schéma vaccinal complet, et que le passe sanitaire n’aura sûrement aucun effet protecteur sur ces populations.
Parlons des doses maintenant.
La moitié des personnes complètement vaccinées ont reçu les deux doses requises avant le 1er juillet 2021. Or le site du ministère lui-même précise que le recul actuel prouve que l’efficacité de la protection est valable pendant six mois. Dès lors, comment pouvez-vous présenter un texte prorogeant des mesures d’exception jusqu’en juillet 2022, sans même envisager de discuter de la baisse de l’immunité de la population générale vaccinée ?
Ce projet de loi serait-il une sorte de cache-nez, une manière de dissimuler une éventuelle future campagne de généralisation de la troisième dose ? Autant en parler dès maintenant, me semble-t-il, et répondre aux questions que les parlementaires vous ont posées.
Depuis le début de la crise, l’état d’urgence a été renouvelé à plus de dix reprises. Ce projet de loi franchit une nouvelle étape : il crée un état d’urgence de précaution face à un risque non évalué.
Bien sûr, des mesures seraient nécessaires pour faire face à une reprise épidémique. Mais, avant cela, pourquoi ne pas tirer les conséquences des dispositions qui ont déjà fait leurs preuves, comme le télétravail ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’il faudrait une campagne de vaccination bien plus efficace, notamment en direction des personnes les plus âgées et des plus marginaux ? Pourquoi ne pas insister sur les gestes barrières, dont nous connaissons pourtant parfaitement l’efficacité ?
Le passe sanitaire comporte nombre d’effets pervers. L’illusion qu’il nous protège, malgré une immunité déclinante, s’accompagne d’un relâchement des gestes barrières : c’est un danger bien plus grand aujourd’hui que vous ne voulez l’admettre, sûrement davantage que la suppression immédiate du passe sanitaire.
Nous demander d’accepter, au vu de la situation sanitaire et vaccinale actuelle, de nous dessaisir, pour un si long moment, de notre pouvoir de décision ne nous paraît ni sérieux ni acceptable.
Quant à la territorialisation introduite comme une sorte de compromis par la commission des lois, elle ne nous paraît pas non plus adaptée. Les bassins de vie et, donc, les possibles contaminations n’ont souvent rien à voir avec les frontières administratives, qu’il s’agisse des frontières départementales ou de celles d’autres échelons.
Au sein même d’un département coexistent des métropoles très denses et des villages isolés : comment justifier qu’on applique à leurs habitants les mêmes mesures malgré des indicateurs parfaitement divergents ? En outre, quels indicateurs probants utiliser et adopter dans le cadre de cette territorialisation ? Mes chers collègues, il n’existe pas de réponse à ces questions.
La commission a jugé utile d’inscrire des critères qui ne correspondent à aucune réalité épidémiologique intelligible – je pense au taux des personnes vaccinées dans un département – ou qui sont assez flous – le constat d’une circulation active du virus dépend du taux d’incidence observé –, sans jamais prendre en compte l’apparition ponctuelle de nouveaux variants, l’ancienneté de la vaccination, le taux de reproductibilité effective du virus.
Nous, sénateurs du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, en appelons à des mesures fortes dès maintenant pour aller vers les populations non vaccinées, à des annonces claires sur la nécessité d’une troisième dose, et ce sans lien avec une possible désactivation du passe sanitaire actuel, à un rappel énergique de l’importance des mesures barrières.
Tout cela ne nécessite ni prolongation de l’état d’urgence ni maintien du passe sanitaire. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte, contre les pouvoirs concentrés entre les mains de l’exécutif, y compris après les élections du printemps 2022, contre un passe sanitaire qui assure à ce stade une moindre protection individuelle et contre une territorialisation des dispositifs qui ne se fonde pas sur de réels critères sanitaires, mais crée de véritables inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons donc aujourd’hui du onzième projet de loi visant à instaurer des mesures sanitaires draconiennes dans notre pays en réponse à la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19.
Si l’intitulé du texte qui nous est soumis fait référence non plus à l’état d’urgence, mais à la vigilance sanitaire, il s’agit pourtant bel et bien, et malgré cette tentative de recourir à une sémantique moins anxiogène, des mêmes dispositifs d’urgence que ceux qui ont été régulièrement renouvelés ces dix-huit derniers mois. Je veux parler de ces mesures tendant à accorder au Premier ministre, au ministre de la santé et, sur habilitation, aux représentants de l’État dans les territoires des pouvoirs de police administrative exorbitants du droit commun.
Ces divers régimes juridiques, soit d’état d’urgence, soit d’état d’urgence en demi-teinte, ont conduit à une limitation des libertés individuelles et collectives sans précédent : liberté de mouvement, liberté de manifester et même, à un moment donné, droit à un procès équitable.
Aujourd’hui, le Gouvernement nous propose, pour l’essentiel, de proroger l’application du régime de gestion de la crise sanitaire et du passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, et de reporter la date de caducité du régime de l’état d’urgence sanitaire à la même date.
En parallèle, M. Bas nous propose un nouveau régime, applicable entre le 16 novembre 2021 et le 28 février 2022, et qui remplacerait le régime actuel de sortie de l’état d’urgence, tout en s’en inspirant largement, avec des prérogatives néanmoins plus restreintes.
Ce nouveau régime permettrait tout de même à l’exécutif de mettre en œuvre le passe sanitaire dans les départements où le taux de vaccination de la population est inférieur à 75 %, mais où l’on constate une circulation active du virus, mesurée par un taux d’incidence élevé.
M. Philippe Bas, rapporteur. J’ai été compris ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. La séquano-dionysienne que je suis vous a bien compris, monsieur Bas ! (Nouveaux sourires.)
Un régime plus dur complète celui que je viens d’évoquer. Il prévoit un second niveau de prérogatives plus attentatoires aux libertés, dont le Gouvernement pourrait disposer dans certains territoires pour faire face à une dégradation significative de la situation sanitaire.
Selon nous, si le texte de la commission est bien plus mesuré que celui du Gouvernement – preuve en est la suppression des dispositions visant à créer un traitement spécifique des données de santé dans les établissements scolaires – et s’il est nettement plus respectueux de la représentation nationale, puisqu’il prévoit un contrôle de l’action de l’exécutif digne de ce nom,…
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
Mme Éliane Assassi. … il n’en demeure pas moins qu’en prolongeant la possibilité de recourir à de tels dispositifs le Gouvernement, comme la majorité sénatoriale, continue à privilégier une approche sécuritaire de la gestion de crise et fait le choix de proposer une politique disciplinaire désormais banalisée au nom de la prévention sanitaire. (M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.)
Alors que l’épidémie reste active, même si la situation sanitaire s’est nettement améliorée, notamment grâce à la vaccination massive de la population, on ne peut pas continuer à concentrer les pleins pouvoirs entre les mains du Gouvernement, comme le permet cet état d’urgence sanitaire.
Voici ce que le conseil scientifique faisait observer le 5 octobre dernier : « Contrairement aux précédentes poussées épidémiques, la proportion de Français vaccinés est aujourd’hui très élevée. » Il tenait ainsi à « alerter sur le risque d’une banalisation du passe sanitaire et des mesures de contrôle associées ». Son avis du 6 octobre, le lendemain donc, était beaucoup plus circonstancié, ce qui ne peut manquer de nous étonner, voire de nous inquiéter.
En outre, la prolongation de toutes ces mesures nous semble inutile car, si la situation venait à se dégrader, même subitement, le Gouvernement pourrait parfaitement convoquer le Parlement. En effet, malgré une suspension des travaux prévue à compter du 28 février, nos assemblées sont appelées à siéger en session ordinaire jusqu’au 30 juin prochain.
S’agissant de la reconduction du passe sanitaire, ce qui nous inquiète, c’est l’accoutumance de notre pays à ce type de dispositif. Sera-t-il recyclé dans les années à venir pour prévenir d’autres épidémies, par exemple ? Sera-t-il décliné pour les jeunes enfants dont les parents sont soumis à plusieurs obligations vaccinales ? Quel format donnera-t-on à ce genre de passe à l’avenir ? On peut aujourd’hui le présenter au format papier ; peut-être exigera-t-on demain que nous nous fassions photographier grâce à cette prometteuse technologie de la reconnaissance faciale…
On connaît bien le risque d’« effet cliquet » de ce genre de mesure. Le danger est réel si l’on en juge par notre législation récente. En outre, il est toujours difficile, vous le savez bien, de rétablir les libertés perdues.
Nous avons aujourd’hui toutes les raisons de nous inquiéter. Et ces raisons, parmi tant d’autres, nous incitent à mettre fin à cette mesure draconienne qui n’aurait jamais dû s’appliquer dans notre pays. Après tout, d’autres États européens, voisins de la France, sont bien parvenus à un taux de vaccination satisfaisant, comparable au nôtre, sans recourir à un dispositif de cette nature.
Vous l’aurez compris, nous voterons contre le texte de notre commission, qui reste une copie, certes améliorée, de la version absolument inacceptable présentée par le Gouvernement. Nous détaillerons point par point nos arguments au cours du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Avant que nous abordions le fond du texte, je veux préciser, puisqu’un certain nombre de nos collègues du groupe socialiste se sont étonnés, tout à l’heure, de l’absence du ministre Olivier Véran, que celui-ci m’avait indiqué hier qu’il ne pourrait être présent dans notre hémicycle aujourd’hui, devant se rendre en Isère pour des raisons personnelles et familiales dont j’ai compris qu’elles étaient très importantes.
Sans doute ai-je manqué à mes obligations envers les commissaires aux lois en omettant de les en avertir à la veille de nos débats. En tout état de cause, je devais en informer le Sénat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le président de la commission, je vous remercie pour ces quelques mots.
Monsieur Benarroche, sachez que chacun des membres du Gouvernement présent au banc représente celui-ci dans son ensemble, d’autant que nous formons, au sein du ministère des solidarités et de la santé, une équipe particulièrement soudée,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Et polyvalente !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Polyvalente, complémentaire et efficace ! (Sourires.)
Permettez-moi de revenir sur certaines des remarques ou interrogations qui nous ont été adressées lors de la discussion générale.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie tout d’abord d’avoir rappelé le succès de la campagne de vaccination organisée par le Gouvernement avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les élus locaux. Celle-ci a permis à la France d’atteindre l’un des meilleurs taux de couverture vaccinale d’Europe.
L’anticipation, la réactivité dans les commandes et la distribution des doses, la finesse du maillage territorial obtenue grâce aux sites de vaccination, le soutien financier, matériel et humain apporté par l’État, la mobilisation des collectivités locales – je le redis – et des acteurs associatifs, la participation de l’ensemble des professionnels de santé, notamment des agences régionales de santé – je tiens à saluer leur travail, particulièrement à cet instant, dans la mesure où j’ai pris connaissance ce matin d’un certain nombre de déclarations qui m’ont particulièrement étonné –, tout cela nous a permis d’atteindre cet objectif.
Madame Goulet, la situation sanitaire n’est pas aussi favorable que vous la décrivez. Comme l’ont signalé un certain nombre d’entre vous, on constate une légère reprise de l’épidémie avec une hausse du nombre de cas. Autre point, la possibilité de mobiliser le passe sanitaire par voie réglementaire sera examinée dans les prochaines semaines.
Le Gouvernement partage les réserves qui ont été exprimées, notamment par M. Benarroche, sur une territorialisation du passe, à la fois pour des raisons sanitaires et pour des motifs tenant à la lisibilité des règles applicables. On le sait, cette clarté est indispensable si l’on veut emporter l’adhésion de nos concitoyens.
Je vous remercie également, madame Goulet, d’avoir insisté sur la nécessité de respecter les gestes barrières dans les prochains mois. Le Gouvernement lancera prochainement une vaste campagne pour en rappeler l’importance.
Madame de La Gontrie, comme l’a indiqué le ministre en commission, le passe sanitaire contribue à la réduction de la circulation du virus, en complément d’autres mesures de freinage, comme le port du masque, l’utilisation du gel ou la distanciation sociale.
S’agissant de l’intégration de la dose de rappel au passe sanitaire, autre point que vous avez soulevé, le Gouvernement a saisi les autorités scientifiques pour qu’elles étudient l’opportunité d’une telle évolution au vu de la situation sanitaire. L’« incapacité » – je vous cite, madame la sénatrice – du ministre à répondre sur ce sujet tient en réalité à son souci de bénéficier d’un éclairage scientifique suffisant et de prendre le temps de la réflexion à ce stade. Je suis sûr que vous rejoindrez le ministre sur ce point.
Madame Carrère, la définition du périmètre actuel du passe sanitaire résulte d’un accord entre les deux assemblées, matérialisé dans la loi du 5 août dernier.
Cet outil, désormais bien accepté par nos concitoyens, me semble-t-il, permet de maintenir l’ensemble des activités de loisirs et rassure nos compatriotes. Son périmètre sera adapté à l’évolution de la situation sanitaire, la circulation du virus, l’évolution de la vaccination et la mobilisation du système hospitalier.
Madame Di Folco, l’accès des directeurs d’établissement scolaire aux données virologiques et vaccinales est nécessaire pour fiabiliser et améliorer la campagne de dépistage et de vaccination auprès des jeunes. Nous aurons sans doute de nombreux débats à ce sujet au cours de cette séance.
C’est la condition pour faire progresser et pour affiner le protocole sanitaire en place dans les écoles depuis quelques semaines, lequel vise à limiter, vous le savez, les fermetures de classes dans l’hypothèse où un ou plusieurs cas positifs seraient recensés. Ce protocole permet aux élèves testés négatifs de revenir en classe dès le lendemain et, ainsi, de continuer à bénéficier des cours et à fréquenter leurs camarades. On a pu mesurer, l’année dernière, les effets négatifs de la fermeture des classes sur la santé mentale des enfants.
Monsieur Benarroche, nous avons manifestement des points de divergence, notamment ma présence aujourd’hui au banc du Gouvernement… Je vous remercie d’ailleurs pour ces remarques fort peu amènes. Cela étant, le Gouvernement partage les réserves que vous avez exprimées sur la perspective d’une territorialisation du passe sanitaire en fonction de frontières administratives et selon des critères sanitaires rigides, qui seraient fixés dans la loi. Nous en reparlerons dans quelques instants.
Enfin, monsieur le sénateur Malhuret, je crois pouvoir faire miens un certain nombre des propos que vous avez tenus.
Mme Éliane Assassi. Et moi ? Et moi ? (Sourires.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame Assassi, je ne doute pas que nous aurons l’occasion de débattre d’ici peu ! (Nouveaux sourires.)
Mme Laurence Rossignol. Elle est impatiente !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire
Article 1er A (nouveau)
I. – À compter du 16 novembre 2021 et jusqu’au 28 février 2022 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :
1° Réglementer la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;
2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité.
La fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu’ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ;
3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.
II. – À compter du 16 novembre 2021 et jusqu’au 28 février 2022 inclus, dans les départements où le taux de vaccination contre la covid-19 est inférieur à 75 % et dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, l’accès des personnes âgées d’au moins douze ans à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes :
a) Les activités de loisirs, lorsque celles-ci, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ;
b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;
c) Les foires, séminaires et salons professionnels ;
d) Sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent d ne peut se voir imposer d’autres restrictions d’accès liées à l’épidémie de covid-19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l’accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l’établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire.
La réglementation mentionnée au premier alinéa du présent II est rendue applicable au public ainsi qu’aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue.
L’application de cette réglementation ne dispense pas de la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus si la nature des activités réalisées le permet.
Dans chaque département concerné, l’application de cette réglementation cesse dès que les critères mentionnés au même premier alinéa ne sont plus réunis.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Monsieur le secrétaire d’État, avec ce projet de loi portant diverses dispositions dites « de vigilance sanitaire », le Gouvernement nous demande une onzième fois – cela a été dit à plusieurs reprises – de prolonger un régime d’exception, alors que rien ne justifie de lui octroyer ce pouvoir disproportionné.
Aujourd’hui, plus de 80 % des Français âgés de plus de 12 ans sont vaccinés ; les masques et les tests de dépistage sont disponibles en grande quantité et les taux d’incidence et de positivité aux tests restent très faibles. Pourtant, le Gouvernement nous demande, au cas où, de lui donner les moyens d’imposer un reconfinement ou un couvre-feu quand bon lui semble, sans avoir à nous consulter.
Shooté depuis des mois à la prise de décision non concertée et non contrôlée, voilà que le Gouvernement vient nous réclamer une nouvelle dose !
Mes compatriotes établis hors de France, qui vivent dans des pays où le Parlement exerce un contrôle très strict de l’action du pouvoir exécutif, me disent souvent à quel point ils sont choqués de voir que, chez nous, le Gouvernement piétine les droits du Parlement et, donc, méprise les Françaises et les Français que nous représentons.
Le projet de loi, qui nous invite à prolonger une nouvelle fois des dispositions liberticides, ainsi que vos amendements, monsieur le secrétaire d’État, qui sont la preuve de votre entêtement à vouloir revenir à la date du 31 juillet, sont une nouvelle démonstration de votre mépris à l’égard du Parlement et du peuple français. C’est pourquoi je vous demande de faire preuve de respect vis-à-vis de nos compatriotes, en revenant sur votre intention de passer par-dessus le Parlement jusqu’au 31 juillet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. L’article 1er A est injustifié au regard des faits. Les dernières données épidémiologiques attestent de taux d’incidence beaucoup moins élevés qu’au plus fort de la crise. La vaccination a atteint un record : 85 % des Français, dont plus de 90 % de ceux qui appartiennent aux tranches d’âge les plus à risque, ont été vaccinés.
De ce fait, il est plus raisonnable, comme l’a soutenu la commission, de restreindre le passe sanitaire aux seuls départements dans lesquels moins de 75 % de la population est complètement vaccinée.
Le maintien de ce dispositif sur l’ensemble du territoire, sans véritable justification sanitaire, est attentatoire aux libertés. Comme un refrain, vous ne cessez de répéter que le passe sanitaire obligatoire pousse à la vaccination massive et que l’objectif sera très bientôt atteint.
C’est pourquoi le Sénat a tenu à avancer au 28 février 2022 le terme des prérogatives exceptionnelles accordées par le législateur au Premier ministre.
Je crains que l’exécutif ait pris la mauvaise habitude des interdictions décidées par décret. Vous semblez nier les problèmes à venir pour les élections présidentielle et législatives : y aura-t-il besoin d’un passe pour aller voter ? À quelques mois de ces échéances, vous devriez faire preuve de davantage de clairvoyance dans vos décisions.
En juillet dernier, la Défenseure des droits a appelé de ses vœux l’organisation d’un débat démocratique public. Je soutiens cette initiative qui permettrait d’éclairer les zones d’ombre entourant la prorogation de ce passe sanitaire.
Je reçois, comme mes collègues, des centaines de courriels de familles en souffrance, qui sont réellement touchées dans leur quotidien et qui se sentent marginalisées. Le passe sanitaire provoque une véritable rupture du lien social, puisque, aujourd’hui, rien ne peut se faire sans lui.
Si cet article est adopté tel quel, cela signifiera que le Gouvernement souhaite que le Parlement lui donne un blanc-seing…