M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Esther Benbassa. … pendant encore huit mois, sans aucune possibilité de révision. C’est le rôle du Parlement qui est ainsi contesté.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 83 est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Cécile Cukierman. L’article 1er A, introduit sur l’initiative de la commission des lois, crée un nouveau régime de vigilance sanitaire entre le 16 novembre 2021 et le 28 février 2022, qui remplace de fait le régime de sortie de l’état d’urgence, tout en prévoyant des prérogatives plus restreintes. Il autorise le Gouvernement à prendre des mesures restrictives de libertés en lui permettant de réglementer, par exemple, la circulation des personnes ou l’ouverture des établissements recevant du public, ou encore à recourir au passe sanitaire dans les départements où le taux de vaccination est inférieur à 75 %, mais dans lesquels une circulation active du virus est constatée, compte tenu de l’existence d’un taux d’incidence élevé.
Quels que soient les efforts consentis par la commission des lois du Sénat pour prendre en compte les inquiétudes légitimes de nombre de nos concitoyens, d’observateurs et d’acteurs de la vie publique et politique, nous n’approuvons pas cette version du texte. Ce dispositif apparaît certes bien plus mesuré que celui que nous a présenté le Gouvernement, mais il est à nos yeux de la même veine que ceux que ce dernier a précédemment soumis à l’examen du Sénat.
Ce texte est moins attentatoire aux libertés publiques et avance le terme des prérogatives accordées au Gouvernement, mais les instruments envisagés demeurent très similaires à ceux qui sont en vigueur et les objectifs restent les mêmes.
Nous rappelons notre opposition à la prorogation de ce régime juridique d’exception, qui renforce considérablement les pouvoirs de l’exécutif et normalise, voire même banalise des mesures exorbitantes du droit commun.
Le contrôle et la stricte limitation dans le temps de l’état d’urgence sanitaire sont essentiels pour préserver un équilibre entre objectifs sanitaires et respect de l’État de droit. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 83.
M. Stéphane Ravier. Je voudrais reprendre à mon compte la formule de la plus éminente de nos collègues de l’Assemblée nationale, car elle résume assez bien la situation : « Soit le vaccin est efficace et le passe ne se justifie plus ; soit le vaccin n’empêche pas la propagation du virus et le passe ne se justifie plus. »
M. Claude Malhuret. Il empêche les complications !
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez négligé le renouvellement du stock de masques, la fermeture des frontières, l’examen des eaux usées, la recherche d’un traitement, la fermeture par centaines des lits d’hôpitaux, le sort des personnels soignants : cette négligence généralisée se traduit aujourd’hui par des dizaines de milliers de morts !
Maintenant, nous sommes pris au piège, dans un tunnel sans fin, où l’on multiplie contraintes, contrôles, restrictions et tentatives de culpabilisation.
La grande mutation autoritaire que le Gouvernement a engagée à l’occasion de cette crise nous fait craindre le pire pour nos libertés à court, moyen et long terme.
Il nous faut retrouver nos pleins droits et nos libertés maintenant. Nous avons trop reculé !
Dans ce texte, la droite sénatoriale propose de ne proroger le passe sanitaire que jusqu’au 28 février. Quels grands seigneurs ! À force de compromis permanents, son refus de l’opposition vire à la compromission, à un soutien qui ne dit pas son nom. La droite sénatoriale refuse le combat avant de l’avoir commencé ! L’exécutif trinque à votre santé, à la santé de l’opposition docile ! (Mme Sophie Primas proteste.)
Par cet amendement, nous proposons d’en finir avec le passe sanitaire au 15 novembre, comme cela était prévu initialement : plus que quinze jours à tenir dans cette folie liberticide, à l’unique condition d’avoir le courage de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Sans surprise, la commission est défavorable à ces amendements, car nous avons préféré réécrire cet article plutôt que de le supprimer. Comme je l’ai dit, nous avons prévu des conditions draconiennes pour que le passe sanitaire ne puisse plus être utilisé que dans certains cas très limités. Aussi, il a vocation à entrer en quelque sorte en voie d’extinction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 83.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, la date : « 15 novembre 2021 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2022 » ;
a bis) Le premier alinéa du A du II est ainsi modifié :
– la date : « 15 novembre 2021 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2022 » ;
– à la fin, les mots : « et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 » sont remplacés par les mots : « , aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation » ;
b) Le D du même II est ainsi modifié :
– au dernier alinéa, les mots : « ou de proposer à un tiers, de manière onéreuse ou non, y compris par des moyens de communication au public en ligne, l’utilisation frauduleuse d’un tel document » sont supprimés et les mots : « pour les interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 » sont remplacés par les mots : « réprimant le fait, pour toute personne, de se rendre dans un établissement recevant du public en méconnaissance d’une mesure édictée sur le fondement du 5° du I de l’article L. 3131-15 » ;
– sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le fait de transmettre, en vue de son utilisation frauduleuse, un document authentique attestant du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 est puni dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 3136-1 dudit code réprimant le fait, pour toute personne, de se rendre dans un établissement recevant du public en méconnaissance d’une mesure édictée sur le fondement du 5° du I de l’article L. 3131-15 du même code.
« Le faux commis dans un document attestant du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. L’usage, la procuration ou la proposition de procuration du faux mentionné au présent alinéa est puni des mêmes peines. » ;
c) Le J du même II est ainsi modifié :
– après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le certificat médical de contre-indication vaccinale mentionné au premier alinéa du présent J peut être contrôlé par le médecin conseil de l’organisme d’assurance maladie auquel est rattachée la personne concernée. Ce contrôle prend en compte les antécédents médicaux de la personne ainsi que l’évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication, au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires. » ;
– au dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
d) Le VI est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le Gouvernement présente au Parlement, trois mois après la promulgation de la loi n° … du … portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, et au plus tard le 15 février 2022, un rapport exposant les mesures prises en application du présent article depuis l’entrée en vigueur de cette même loi et précisant leur impact sur les indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Ce rapport indique les raisons du maintien, le cas échéant, de certaines des mesures prises sur tout ou partie du territoire national ainsi que les orientations de l’action du Gouvernement visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en commission permanente ou en séance publique.
« Un deuxième rapport contenant les informations mentionnées au deuxième alinéa du présent VI est présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 15 mai 2022.
« Les informations mentionnées au même deuxième alinéa sont également communiquées, entre la date de publication de la loi n° … du … portant diverses dispositions de vigilance sanitaire et le 31 juillet 2022, chaque mois par le Gouvernement au Parlement sous la forme d’un rapport d’étape. » ;
2° Au II de l’article 3, la date : « 15 novembre 2021 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2021 » ;
3° L’article 4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, la référence : « n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire » est remplacée par la référence : « n° … du … portant diverses dispositions de vigilance sanitaire » ;
b) Les 2° et 3° deviennent les 3° et 4° ;
c) Le 2° est ainsi rétabli :
« 2° Le deuxième alinéa du J du II n’est pas applicable ; »
4° Après l’article 4, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – Pour l’application à Wallis-et-Futuna de l’article 1er, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, le deuxième alinéa du J du II n’est pas applicable. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à rétablir les dispositions relatives à la prorogation et à l’adaptation du régime de sortie de crise, telles qu’elles figuraient dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.
En effet, comme l’ont mentionné un certain nombre d’entre vous, on observe une accélération de la circulation du virus partout en Europe, et le risque de rebond épidémique demeurera élevé durant plusieurs mois encore en raison de l’entrée toute proche dans la période hivernale, dont nous savons qu’elle est propice aux épidémies.
En outre, une grande vigilance s’impose face au risque d’apparition d’un nouveau variant, que nous ne pouvons prévoir aujourd’hui, et dont les caractéristiques pourraient être différentes de celles que nous connaissons déjà.
Dans ce contexte qui demeure donc incertain, il est indispensable de prolonger, jusqu’à l’été, les outils de gestion de l’épidémie, de façon à pouvoir réagir à toute nouvelle dégradation de la situation sanitaire. Nul ne peut prévoir ici comment la situation va évoluer dans les semaines à venir.
Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, défini par la loi du 31 mai 2021, et le passe sanitaire ont démontré leur efficacité pour contenir la circulation du virus, limiter les conséquences de cette circulation sur la population et sur le système de santé, tout en permettant à la vie économique et à la vie sociale de notre pays, de nos concitoyens, de se poursuivre.
Si je suis favorable à un encadrement plus strict du passe sanitaire, j’estime, comme les députés, que cet encadrement doit reposer sur la prise en compte de plusieurs critères – et non pas d’un seul –, notamment l’incidence, mais aussi le taux de positivité des tests, la couverture vaccinale, la tension hospitalière, bref l’ensemble des indicateurs qui nous guident et nous aident depuis le début à gérer cette épidémie.
Enfin, j’ajoute que le conseil scientifique et le Conseil d’État ont, chacun dans son rôle, validé tant le principe du maintien des outils actuels que la date du 31 juillet 2022, celle que défend le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir, non pas le texte du Gouvernement, mais la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Or nous avons précisément voulu la modifier dans le sens qui a déjà été indiqué.
La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’y ait aucun malentendu entre nous : presque personne ici, et personne au sein de notre groupe, ne nie la possibilité d’une reprise de l’épidémie provoquée par le développement d’un nouveau variant. Le cas échéant, il faudrait bien sûr prendre les décisions qui s’imposent.
Cela étant, la véritable question est la suivante : doit-on autoriser les mesures dérogatoires que vous nous proposez jusqu’au mois de juillet prochain, ce qui revient à enjamber l’élection présidentielle et les élections législatives ? De fait, ces dispositions viennent restreindre un certain nombre de droits. Elles peuvent même être vécues comme attentatoires aux libertés.
Le cœur du débat, c’est donc, d’une part, le calendrier retenu pour l’application des mesures prises, et, d’autre part, le rôle du Parlement, qu’il s’agisse de son association aux décisions ou de ses missions de contrôle.
J’ai entendu les propos tenus par Mme Bourguignon avant la suspension de séance. Que les membres du Gouvernement viennent devant nous chaque semaine pour répéter le même discours, c’est une chose ; qu’ils entendent les parlementaires et travaillent avec eux, c’en est une autre !
Nous demandons au Gouvernement non pas de revenir une énième fois devant nous, mais de nous donner les moyens d’un véritable exercice démocratique. En effet, lors d’une crise, quelle qu’elle soit, l’un des enjeux, c’est aussi de rétablir la confiance des citoyens envers les institutions et dans les mesures qu’elles mettent en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d’État, l’évolution de l’épidémie se révèle préoccupante dans un certain nombre de pays. Nous ne le contestons pas. Cette situation doit bel et bien nous inciter à la vigilance : la pandémie est malheureusement loin d’être finie et elle peut flamber de nouveau.
Toutefois, il est impensable de vous laisser décider de tout en la matière, sans débat parlementaire, pendant plus de six mois, d’autant qu’au terme de cette période votre majorité ne sera plus nécessairement aux affaires.
Nous en sommes profondément convaincus : on ne peut pas lutter contre cette épidémie en donnant carte blanche au Gouvernement pour six mois. Au contraire, le Parlement doit être consulté de manière systématique, à chaque évolution de la situation ; c’est d’ailleurs ce que l’on fait depuis maintenant un an et demi.
De quel droit feriez-vous l’économie de ces débats ? Les prochaines échéances électorales ne sont en rien un motif valable !
De quel droit refuseriez-vous d’affronter, devant les assemblées, la réalité de la situation ? Ce n’est pas acceptable. Le Parlement peut travailler en février et en mars 2022 si les circonstances l’exigent. Par leurs délibérations, les représentants du peuple sont les mieux placés pour adapter, autant que possible, les mesures qui s’imposeront.
Je le répète, sur de tels sujets, nous ne pouvons pas vous laisser les mains libres, sans contrôle, pendant plus de six mois : les dispositions prises peuvent, de fait, se révéler attentatoires aux libertés.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, la crise que nous traversons est tout sauf simple. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Il s’agit d’une pandémie. En d’autres termes, cette épidémie touche le monde entier, et l’on ne peut pas la gérer tout à fait à sa guise.
Or, je l’ai déjà dit, les chiffres actuels sont tout sauf idylliques. Dans certains pays, ils sont même fort inquiétants.
Il y a quelques mois, on avait coutume de reprocher au Gouvernement son manque de pédagogie ; il n’aurait pas suffisamment expliqué son action. Le travail mené en faveur du passe sanitaire, avec nous tous d’ailleurs, a donné depuis d’excellents résultats. (M. le secrétaire d’État le confirme.) Cette pédagogie fonctionne. Néanmoins, nous devons poursuivre nos efforts, car il reste un certain nombre de personnes non vaccinées, donc en danger.
En parallèle, je l’ai également dit, le personnel soignant se trouve dans un état d’extrême fatigue. Il a besoin de stabilité et attend des signes de notre part. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est précisément pourquoi nous devons assurer la stabilité des décisions prises.
Aujourd’hui, nous avons deux outils extraordinaires à notre disposition (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.), le premier, étant le vaccin. Visiblement, tout le monde n’est pas d’accord avec moi sur ce point et j’en suis peiné. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Non !
Mme Céline Brulin. Il ne s’agit pas du vaccin !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas le débat !
M. Martin Lévrier. Le second, c’est le passe sanitaire, qui fonctionne bien.
Alors même que la pandémie peut repartir de plus belle à l’arrivée de l’hiver, il est indispensable de conserver ces armes encore un certain temps.
Mme Sophie Primas. Pas sans contrôle du Parlement !
M. Martin Lévrier. C’est pourquoi il faut soutenir l’amendement du Gouvernement.
Mme Sophie Primas. Le Parlement est à votre disposition !
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Mes chers collègues, sur un tel amendement, qui vise à réécrire un article entier, il est impossible d’être exhaustif en deux minutes. Je me contenterai donc de donner quelques éléments supplémentaires pour expliquer plus avant pourquoi, selon moi, le texte de la commission n’est pas satisfaisant.
Premièrement, la territorialisation proposée pose problème. Retenir deux critères, et deux critères seulement, pour supprimer le passe sanitaire, à savoir l’incidence et le taux de vaccination, c’est s’enfermer dans un cadre excessivement rigide.
En matière de santé publique, ces seuls critères ne sauraient suffire : les éléments à prendre en compte sont beaucoup plus nombreux, et le conseil scientifique y travaille d’ailleurs en permanence.
Quant à la fixation d’un seuil strict par département, elle ignore la réalité des déplacements : il n’y a pas de frontières entre les départements de France. Ce système sera incompréhensible, en particulier lors des périodes touristiques : c’est pourquoi je l’ai qualifié « d’usine à gaz ». Il sera extrêmement difficile à appliquer et, bien entendu, provoquera une foule de protestations et d’incompréhensions.
Deuxièmement, la rédaction de la commission réduit le périmètre du passe sanitaire, en excluant certaines activités.
Aujourd’hui, un tel choix peut sembler légitime, puisque l’épidémie recule ou, du moins, semble en régression. Mais, en cas de recrudescence du virus, nous serions privés d’un certain nombre d’outils. C’est pourquoi il ne me semble pas souhaitable de restreindre dès aujourd’hui le champ du passe sanitaire.
Troisièmement, je ne comprends pas la nécessité de bâtir un nouveau mode de gestion de la crise sanitaire alors que le régime actuel a fait la preuve de son efficacité. Vous le voyez comme moi : les Français sont loin de s’en plaindre. Je dirais même qu’il les rassure.
Quatrièmement, et enfin, au cours de la discussion générale, toutes les interventions se sont concentrées sur l’échéance du 31 juillet 2022. Je n’y reviendrai pas, faute de temps ; d’ailleurs, nous nous sommes tous expliqués sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques instants encore, ce débat me semblait conserver une certaine légitimité. L’épidémie a faibli, mais elle n’est pas tout à fait derrière nous, j’en conviens ; et, à mon sens, nous étions tous en train de chercher les meilleurs moyens d’en sortir en associant le plus grand nombre de nos concitoyens à cette démarche.
Toutefois, les premiers mots de votre collègue, Mme Bourguignon, m’ont quelque peu refroidie. Elle nous a dit d’entrée de jeu : nous ne transigerons pas sur la date du 31 juillet 2022, ce qui augurait mal d’un débat constructif.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Cette attitude cache quelque chose. Mais la seule boussole qui doit nous guider, tous autant que nous sommes, c’est la gestion sanitaire de cette crise ; ce sont les mesures sanitaires à prendre.
Mme Céline Brulin. Beaucoup d’orateurs l’ont expliqué mieux que je ne vais le faire : la présence de quelques réfractaires à la vaccination a ouvert la voie à une politisation du débat. Nous ne saurions poursuivre en ce sens, mais le véritable enjeu ne saurait être esquivé : oui, la volonté d’enjamber des échéances électorales majeures pose un problème démocratique pour notre pays.
Certains font valoir que l’hôpital est en tension.
M. Martin Lévrier. C’est bien le cas !
Mme Céline Brulin. Toutefois – d’autres l’ont rappelé avant moi –, c’est aujourd’hui la onzième fois que nous discutons de ces questions et, au cours de ces onze débats, nous n’avons cessé de mettre la question de l’hôpital sur la table !
Hier encore, le président du conseil scientifique rappelait que 20 % des lits d’hôpital sont actuellement fermés faute de soignants. Voilà une question majeure à laquelle il faudrait répondre, et ce n’est pas par des restrictions de libertés que l’on y parviendra.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début de cette pandémie, nous ne cessons de rappeler que le Parlement n’est pas un obstacle à la gestion de la crise sanitaire. (M. le rapporteur acquiesce.) Depuis l’examen du premier texte d’urgence sanitaire, nous avons plaidé pour une association avec le Gouvernement.
M. Martin Lévrier. Nous sommes d’accord !
M. Fabien Gay. Or ce n’est pas le choix que vous avez fait. Je n’engagerai pas de vaines polémiques, mais si le Gouvernement avait réussi en tout point par sa pratique purement verticale du pouvoir, cela se saurait…
Nous vous l’avons dit et répété : associez le Parlement ! Ce n’est pas un empêcheur de tourner en rond : c’est l’un des garants de notre efficacité.
Un certain nombre d’orateurs l’ont souligné en s’opposant à cette prolongation de l’état d’urgence : nous ne pouvons pas donner un quitus au Gouvernement pour sept ou huit mois supplémentaires.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Fabien Gay. Si la situation l’exige, il sera toujours temps de se revoir et d’aviser. (Mme Sylviane Noël opine.)
Quant à vous, monsieur Lévrier, vous vous tournez vers nous en suggérant, voire en affirmant, que nous serions antivaccins. Ce n’est pas correct.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Martin Lévrier. Je n’ai pas dit cela !
M. Fabien Gay. Depuis le début, nous avons dit non à l’état d’urgence, non au passe sanitaire, mais oui, mille fois oui, à la vaccination !
M. Martin Lévrier. C’est bien !
M. Fabien Gay. Depuis le début, nous avons d’ailleurs plaidé pour la levée universelle des brevets sur les vaccins, à laquelle vous vous êtes toujours opposés.
M. Martin Lévrier. Oui !
M. Fabien Gay. Vous ne pouvez pas laisser entendre que, parce que nous sommes contre l’état d’urgence, pour la démocratie, pour le respect du Parlement et contre le passe sanitaire, nous sommes contre la vaccination. Au contraire, nous y sommes favorables !
La parole publique est déjà discréditée dans suffisamment d’enceintes : ne vous faites pas le relais des pires diffamations au sein du Parlement.
Aussi, j’attends des excuses de votre part ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, la colère de Fabien Gay est aussi la mienne.
À présent, je comprends parfaitement pourquoi vous venez devant nous à ce moment précis pour défendre ce texte de loi : vous l’instrumentalisez au profit d’un débat politique tendant à faire passer le Président de la République pour l’incarnation de la raison et son opposition pour l’incarnation du mal. On va jusqu’à prétendre que nous serions contre la vaccination.
Je vous le dis avec une extrême gravité : ce dont nous débattons, c’est de la préservation de l’État de droit et de la Constitution. (M. Yan Chantrel opine.) Notre norme suprême n’est pas abolie par l’épidémie, et ce que nous voulons, ce sont des arguments juridiques, non des arguments médicaux : j’y insiste, ce que nous défendons ici, c’est la Constitution.
Depuis le début de cette crise, le Gouvernement a disposé de pouvoirs exorbitants, bien supérieurs à ceux que lui confère l’article 36 de la Constitution, relatif à l’état de siège, lequel, je vous le rappelle, doit être régulièrement prorogé par les assemblées.
Ce que nous réclamons, c’est le rétablissement des pouvoirs du Parlement. Ce que vous voulez, c’est que nous nous sabordions, au motif que seule l’élection présidentielle compterait. Nous le refusons solennellement ! (Mme Céline Brulin et M. Yan Chantrel applaudissent.)