Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les sujets qui ont été abordés sont nombreux. Je vais essayer d’y répondre, car je considère que ce débat est utile.

Je tiens tout d’abord à remercier le président Patriat, le sénateur Médevielle et d’autres parmi vous, comme le président Requier, qui ont rappelé, de manière factuelle, que la réforme de la haute fonction publique a déjà une longue histoire et que le consensus existe sur un certain nombre de sujets.

Certains parmi vous ne souhaitent pas voter la ratification, mais reconnaissent l’importance de la qualité du service public, que M. Bas l’a rappelé, et celle de la formation, qu’il faut ouvrir pour prendre en compte les enjeux de notre temps. Malgré leur opposition à la ratification, ils souhaitent débattre de ces sujets, dans la plus stricte cohérence des majorités auxquelles ils ont appartenu.

En effet, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, Alain Juppé, François Hollande – dans le désordre, et sans remonter jusqu’au programme commun de 1972 – n’ont fait que reprendre ce que l’on dit partout depuis plus de trente ans, à savoir que la réforme du système ne doit pas remettre en cause l’engagement des hommes et des femmes qui en font partie, mais les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier. Il n’y a rien d’indécent à s’inscrire dans cette continuité.

Monsieur Kanner, vos propos m’ont attristée, car vous n’avez fait que m’intenter un procès en illégitimité, sous prétexte que je ne suis pas fonctionnaire. Selon vous, je ne connaîtrais pas l’administration et, parce que je suis jeune, je n’aurais pas de vision de l’histoire.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’a jamais dit cela !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous vous servez de ces arguments pour insinuer que nous irions trop vite. Certes, nous allons vite, mais cela fait trente ans que l’on parle de cette réforme et nous avons pris un retard immense.

Les 7 000 hauts fonctionnaires que j’ai interrogés s’accordent massivement pour dire que, malgré leur extrême attachement à l’État, ils ont besoin d’accompagnement, de visibilité et de mobilité. Ils souhaitent donc qu’on leur donne la capacité de mieux faire ce qui les engage au quotidien, c’est-à-dire servir les Français. Par conséquent, nous agissons, et nous ne redoutons pas de dire que nous le faisons vite.

Pour ce qui est des préfets, nous ne faisons qu’appliquer des textes qui ont été écrits par des majorités précédentes, notamment par le gouvernement de M. Valls. Celui-ci avait en effet proposé la même réforme sur les préfets que celle que nous menons.

Quant au nombre d’ordonnances que nous avons prises et que vous jugez considérable, sans faire un cours de droit public – ce n’est pas le lieu ici –, je tiens à rappeler que, en dehors de la période de crise sanitaire, que M. Bas a rappelée à juste titre, le Gouvernement n’y a pas eu davantage recours que sous le quinquennat précédent.

M. Philippe Bas. C’était déjà trop !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. On peut considérer que l’article 38 de la Constitution n’est plus adapté à la démocratie française telle qu’elle se pratique désormais, mais il faut alors réformer la Constitution.

Pour en rester à la question démocratique, il me semble que la crise sanitaire a montré notre capacité à débattre. Nous l’avons fait notamment lorsqu’il fallait que nous défendions des projets de loi ne suscitant pas forcément l’accord de tous. En réalité, chacun dans cet hémicycle appartient à un groupe politique dont il porte l’héritage en matière de réformes, et je regrette que nous n’ayons pas trouvé l’occasion de confronter nos visions.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’en avez pas !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ai formulé des propositions, moi, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Elles consistent à déconstruire le texte de 1945 !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Elles figurent dans une ordonnance qui a été déposée et dont chaque article témoigne clairement des intentions du Gouvernement.

Les ordonnances s’inscrivent dans un cadre démocratique. Si leur principe pose problème, il faut changer la Constitution.

M. Bruno Retailleau. C’est leur ratification qui pose problème !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je suis très heureuse d’être devant vous pour en débattre. J’aurais d’ailleurs aimé que cela donne lieu à des contre-propositions de votre part, pour éviter un débat stérile, qui tourne en rond, où chacun se positionne pour ou contre sans discussion de fond. Le Parlement s’honorerait à mener un débat de fond.

M. Jean-François Husson. C’est ce qu’il fait !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Bas, vous me reprochez de remettre en question l’alliance entre la gauche et la droite.

Vous négligez cependant une petite différence politique, lorsque vous me dites que je ne peux être déçue d’une telle alliance, dans la mesure où je la revendique. En réalité, si nous faisons travailler ensemble la droite et la gauche, c’est pour agir, certainement pas pour tout bloquer, ni pour trouver comme seul point de convergence l’idée de ne rien faire. Nous considérons, au contraire, que des hommes et des femmes de valeur, issus de toutes les travées, peuvent partager une vision qui les porte à l’action plutôt qu’à l’immobilisme.

M. Jean-François Husson. Tout cela, c’est de la rhétorique !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous avez longuement évoqué le recrutement des fonctionnaires. Je suis très honorée de pouvoir dire que la réforme de la fonction publique a été l’occasion de concrétiser une décision majeure, qui figurait déjà dans une ordonnance datant du mois de février dernier et qui porte sur la création des classes « Talents du service public ».

Monsieur Kanner, dans votre région des Hauts-de-France, à Roubaix, à Tourcoing, à Valenciennes et à Lille, depuis maintenant un mois, des centaines de jeunes, répartis dans neuf classes, disposent d’un tuteur, d’un logement d’étudiant et de 4 000 euros de bourse complémentaire, car il s’agit d’étudiants boursiers, pour préparer des concours auxquels ils n’auraient jamais pu se présenter s’il avait fallu qu’ils viennent à Paris, rue Saint-Guillaume ou place du Panthéon, d’autant qu’ils ne se seraient pas sentis légitimes pour cela.

Dans la région Occitanie, qui est représentée par un certain nombre d’entre vous, nous avons ouvert sept classes préparatoires Talents, à Tarbes, à Toulouse, à Montpellier. Nous en avons fait autant dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, à Lyon, à Clermont-Ferrand et dans la banlieue de certaines agglomérations. Ces classes attirent désormais 1 500 étudiants, qui viennent des territoires les plus ruraux et les plus populaires, ainsi que des outremers.

Nous considérons que ces jeunes peuvent constituer une nouvelle génération de fonctionnaires, engagés pour leur pays, quels que soient leur origine et leur milieu social. Nous menons ainsi la plus grande réforme jamais conduite en matière d’égalité. Nous renforçons d’ailleurs un dispositif que le président Sarkozy avait introduit.

M. Jean-François Husson. Vous semblez regretter le président Sarkozy… (Sourires.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Quant aux leçons que certains voudraient nous donner, du côté gauche de l’hémicycle, elles me paraissent fort malvenues.

J’entends des critiques sur le fait que nous ne défendrions pas assez l’égalité républicaine, alors que c’est précisément ce que nous faisons.

S’agissant de l’INSP, sa création ne se résume pas à un changement de nom. Elle vise à revoir en profondeur le contenu des formations initiales et à créer des liens avec le milieu de la recherche académique. Quelle bizarrerie, en effet, veut que nous soyons le seul pays au monde où les meilleurs chercheurs, récompensés par le prix Nobel, ne rencontrent jamais les hauts fonctionnaires ?

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’apport académique des premiers serait pourtant d’un secours appréciable aux seconds, car les décisions qu’ils doivent prendre portent souvent sur des sujets complexes.

Nous devons investir massivement dans la formation continue et nous assurer que les uns et les autres puissent échanger et se former ensemble, même après cinq, dix ou quinze ans d’expérience professionnelle. En effet, qui pourrait tout apprendre à l’ENA, en une seule fois ?

Le changement de modèle porte aussi sur le tronc commun, qui n’est pas, comme je l’ai entendu, un grand tout, une grande fusion ou une grande absorption des écoles de service public.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais combien les valeurs de la République, la laïcité et l’égalité de traitement vous sont chères (M. Bruno Retailleau approuve.), car nous sommes un pays républicain, dont la tradition ne consiste pas, comme chez nos voisins anglo-saxons, à importer des concepts conduisant à couper la société en petits morceaux, plutôt qu’à l’envisager comme un tout.

Sur ce sujet, il n’y avait pas de formation commune aux magistrats judiciaires, aux commissaires de police, aux officiers de gendarmerie, aux futurs préfets, aux directeurs d’hôpitaux et aux administrateurs territoriaux. Pourtant, c’est absolument nécessaire si nous voulons qu’ils puissent examiner ensemble les situations. (Marques dironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Bruno Retailleau. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est absurde !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. De la même manière, pour ce qui concerne la transition climatique, nous devons proposer un tronc commun de formation. (Mme Cécile Cukierman sexclame.) En effet, si nous confions cette question uniquement à celles et à ceux qui travaillent au ministère de la transition écologique, nous n’y arriverons jamais ! Sur tous ces sujets, nous défendons donc bien un tronc commun.

J’en viens au reproche de politisation. En fait, celui-ci concerne plus le passé que le futur. Depuis Napoléon, les préfets sont nommés par le pouvoir exécutif. Depuis François Ier, les ambassadeurs sont nommés par le pouvoir exécutif.

La nomination des directeurs d’administration centrale et des chefs d’inspection générale – je me tourne vers M. le questeur Bas, qui connaît très bien les procédures de décision et de nomination en conseil des ministres – ne sera pas modifiée : les préfets seront nommés tous les mercredis en conseil des ministres, comme ils l’ont toujours été.

La différence, c’est que nous réduisons le tour extérieur de nomination du Gouvernement au Conseil d’État et à la Cour des comptes. Nous voulons précisément maintenir, alors que telle n’était pas votre proposition initiale, un corps et un statut de la fonction publique protégeant de nominations qui ne seraient que pure contractualisations ; certains, sur vos travées, défendent d’ailleurs cette position.

Nous visons exactement l’inverse d’une politisation ! À partir du moment où nous mettons en avant les compétences, la transparence et l’ouverture réelle des procédures de recrutement, nous nous éloignons de la pratique des nominations décidées, vous le savez, au regard non pas des compétences, mais des appartenances, notamment politiques, et des accointances personnelles.

En ce qui concerne les préfets, je souhaite apporter certaines clarifications. Être préfet, c’est un métier. Ce n’est ni un titre, ni un statut, ni un droit à vie. C’est avant tout un engagement à servir un territoire et des projets et à faire travailler ensemble les acteurs publics, les élus territoriaux, les entreprises, bref l’ensemble des acteurs qui font la réussite de ce territoire.

Il y aura toujours des préfets et des sous-préfets. Ils seront toujours nommés par le pouvoir exécutif. Mais nous voulons qu’il n’y ait plus de préfet sans affectation territoriale et qu’il n’y ait plus de préfet sans une fonction réelle.

Être un patron dans un département ou une région n’oblige pas à être membre d’un corps. Cela oblige, vous l’avez dit, à avoir des compétences, à avoir été formé, à avoir une expérience, ce qui n’implique pas l’appartenance à un corps.

Aujourd’hui, nous avons 270 préfets et 140 postes territoriaux. Les 130 personnes qui ne sont pas en poste pourraient utiliser leurs compétences et exercer des missions pour lesquelles nous avons besoin d’hommes et de femmes engagés et connaissant bien l’État.

Je le redis, la réforme que nous proposons a été étudiée au cours du précédent quinquennat et esquissée voilà plus de dix ou quinze ans. En effet, ce corps était le seul où grade et emploi se confondaient. Pour celles et ceux d’entre vous qui connaissent bien la fonction publique, c’est une bizarrerie, que nous allons enfin résorber.

S’agissant du corps des administrateurs de l’État, il est parfois complexe de vous suivre collectivement : certains disent que tout va bien, tandis que d’autres, je pense en particulier à Hervé Marseille, affirment que le système n’est pas attractif.

On le voit bien, il existe un cloisonnement entre corps, qui crée des hiérarchies implicites, des cloisonnements et des accès différenciés à telle ou telle fonction. Au fond, face à cet échec, nous voulons la réaffirmer la promesse de 1945.

Dans ce corps des administrateurs de l’État, la revalorisation réelle des fonctions et la reconnaissance collective seront assurées. Il y aura une réelle mobilité entre les métiers, avec une vraie évaluation, parce que la qualité compte. Sur le sujet des corps techniques, la mission est en cours. Je la suivrai avec beaucoup d’attention. Vous avez rappelé certains objectifs, qui sont, me semble-t-il, nécessaires.

Enfin, monsieur Kanner, vous avez affirmé que nous avions manifestement des difficultés avec le dialogue social. Je vous le dis avec beaucoup d’humilité, depuis le mois de juillet 2020, je m’occupe matin, midi et soir du dialogue social.

J’ai pris mes fonctions en essayant de trouver avec les organisations syndicales une manière d’avancer sur trois sujets.

Le premier est la protection santé complémentaire, ou mutuelle des fonctionnaires. C’est un sujet qui s’inscrit dans le temps long, puisqu’il est en discussion depuis une quinzaine d’années. Nous avons trouvé un accord majoritaire permettant, à partir de 2022, à tous les agents de l’État d’avoir une prise en charge de 15 euros par mois de leur mutuelle santé. Ce n’est pas un privilège ! Se soigner, nous l’avons vu au cours de la crise sanitaire, est essentiel.

Surtout, l’ensemble des agents publics, d’ici à 2026, bénéficiera d’une prise en charge par l’employeur de 50 %, équivalente à celle qui est versée aux personnes travaillant dans le privé. C’est un progrès social majeur, acquis grâce au dialogue social.

Nous avons également conclu, au cours des dernières semaines, un accord majoritaire sur la négociation collective dans la fonction publique, qui a permis à celle-ci, quelques semaines après que j’ai ouvert une négociation sur le télétravail, d’être à la pointe du progrès dans le cadre d’une nouvelle organisation du travail.

Cette négociation a fait l’objet d’un accord unanime de l’ensemble des organismes syndicaux et des organisations des employeurs publics. Elle traite du droit à la déconnexion, de l’égalité entre les hommes et les femmes et du télétravail, afin de sortir d’un télétravail subi, pour aller vers un télétravail choisi.

Surtout, nous devons cesser d’être vus, en tant qu’employeurs publics, comme une organisation à côté de la société, toujours en retard, et loin des évolutions de notre temps.

Toutes ces avancées, je les revendique en tant qu’avancées collectives. Si nous y sommes arrivés, c’est parce que nous avons travaillé dans le cadre du dialogue social.

M. Patrick Kanner. Il n’y a pas eu d’augmentation du point d’indice depuis 2017 !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. C’est la raison pour laquelle j’ouvre une conférence sur les perspectives salariales. En effet, il y a des sujets qui ne se règlent pas en un après-midi, à coups de points d’indice. Je pense aux carrières, aux contractuels, aux mobilités, à l’attractivité et à la gestion des carrières. Je traiterai de ces sujets avec la même ambition d’un dialogue social approfondi.

Enfin, la réforme de la haute fonction publique, je tiens à vous le dire, a fait l’objet d’instances formelles et informelles et de discussions avec les organisations syndicales. Elle a recueilli non pas un avis contraire unanime, mais, à l’inverse, un soutien des uns ou des autres sur des points essentiels. Globalement, des éléments très positifs remontent des organisations syndicales. Il serait caricatural de considérer que nous n’écoutons personne et choisissons systématiquement le passage en force.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie des échanges que nous venons d’avoir. Il me semblait utile de revenir, dans le détail, sur un certain nombre d’éléments. Simplement, j’aurais aimé connaître votre vision, puisque, manifestement, certains d’entre vous ne sont pas d’accord avec cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.

proposition de loi tendant à permettre l’examen par le parlement de la ratification de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’état

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État est ratifiée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, vous nous demandez d’exprimer une vision. Mais alors, il fallait présenter un projet de loi, parce que la haute fonction publique et son avenir exigent une loi globale, qui soit l’occasion de clarifier, de débattre et de rendre lisible aux Français ce que l’on fait. En effet, ces derniers n’ont rien compris à votre histoire, en particulier s’agissant des mutations. Tout cela est hypertechnique et, dans bien des cas, selon moi, dangereux.

Vous nous expliquez maintenant qu’il fallait faire des contre-propositions ! Pour ma part, mes chers collègues, je ne vote jamais, sauf cas rarissime, les habilitations à légiférer par ordonnances. Le Parlement doit se faire respecter ; il faut dire non ! Nous ne l’avons pas fait. Désormais, avec le principe validé selon lequel la non-ratification fait loi, nous sommes totalement dépossédés de notre pouvoir, y compris pour modifier ce que contient l’ordonnance.

J’approuve la démarche visant à mettre les pieds dans le plat : on ne peut pas accepter cette méthode, qui est d’ailleurs révélatrice du contenu de la réforme.

Pour ma part, je suis pour une haute fonction publique qui soit indépendante et neutre, mais qui ne soit pas un État dans l’État. Pour ce faire, elle ne doit être ni soumise, de manière abusive, au pouvoir de l’exécutif, ni ignorante de l’importance du Parlement et des partenaires sociaux dans l’élaboration des réflexions et des solutions.

Or, justement, plus notre système institutionnel dévalorise le Parlement, plus votre culture du spoil system s’applique pour les hauts fonctionnaires, moins ceux-ci sont en respiration avec la réalité de ce pays, moins ils sont porteurs, dans la durée, d’une certaine complexité, entre la nécessité d’être efficaces, mais aussi de suivre la ligne politique du Gouvernement et de prendre en compte l’inscription dans le temps de ce qu’est l’État, qui n’est pas seulement un instrument aux mains du Gouvernement.

Enfin, le sujet majeur n’est pas traité, à savoir l’indépendance des hauts fonctionnaires par rapport aux lobbies et aux puissances économiques. Lors de l’examen de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, je me suis aperçue que 70 % des hauts fonctionnaires ayant œuvré sur ce texte travaillaient dans les grandes banques.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce sujet central n’est pourtant jamais traité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, depuis le début de notre débat, vous dites quelque chose de faux, car vous affirmez que vous faites une réforme, alors que tel n’est pas le cas. En effet, votre ordonnance n’est qu’une déconstruction du texte de 1945. Vous prenez tous les articles un à un et vous les abolissez.

Vous mettez ainsi à mal une construction républicaine qui nous réunit tous. Comprenez-vous cela ? C’est très important ! Cessez de dire que vous faites une réforme. Vous déconstruisez ce qui a été construit, à partir de la Résistance, avec le général de Gaulle, Michel Debré et bien d’autres. Vous le savez aussi bien que moi. Dès lors, pourquoi ne le dites-vous pas ?

Il n’y aura plus de corps d’inspection. L’indépendance des inspecteurs généraux, y compris à l’égard du ministre, auxquels ils ont le devoir de dire la vérité, sera mise à mal.

Quant au corps des préfets, il existe bel et bien ! Cela fait quarante ans que je travaille avec des préfets, et j’ai une haute estime pour eux. Vous aurez demain des préfets intermittents, intérimaires, fonctionnalisés, contractualisés. Je vois très bien de quoi il s’agit : c’est un système qui met en cause toute une cohérence républicaine, laquelle est nécessaire à l’heure de la décentralisation.

Pour ma part, je suis à la fois pour une forte décentralisation et pour un pouvoir de l’État fort et solide. Cela ne signifie pas un État omnipotent ; il s’agit simplement de laisser ce dernier faire ce qu’il a à faire avec cohérence.

Madame la ministre, vous ne menez pas une réforme : vous vous contentez de déconstruire le texte de 1945. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État sont abrogées.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Mes chers collègues, nous sommes pour ou contre la réforme, mais nous ne pouvons pas nous quitter en ne décidant rien !

Cet amendement, particulièrement radical dans sa rédaction, vise à supprimer la réforme, en abrogeant l’ordonnance et en demandant au Gouvernement de tout reprendre à zéro et de gérer correctement la situation.

Cette proposition s’inscrit dans la logique de ceux qui ont considéré que cette réforme n’était pas bonne. Faire un débat pour le plaisir ne sert à rien ; il vaut mieux rester à la maison. Il nous faut voter et dire si nous sommes pour ou contre la réforme. L’adoption de cet amendement permettrait à ceux qui le souhaitent d’exprimer leur désaccord avec la réforme et de rejeter le système dans son ensemble.

Sinon, nous aurons discuté pendant deux heures pour rien, et tout continuera comme avant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Masson, les dispositions de l’amendement n° 2 vont au-delà de ce que vous venez de dire. Il s’agit en effet d’abroger non seulement la présente ordonnance, mais aussi la loi de transformation de la fonction publique. Vous êtes hors sujet, et d’ailleurs il n’est pas question de toucher à cette loi.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je pense, comme Mme la rapporteure, que cet amendement va bien au-delà du sujet. La loi de transformation de la fonction publique, promulguée en août 2019, est porteuse de nombreuses avancées ayant fait l’objet de multiples débats.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je suis contre l’ordonnance et je n’ai pas voté la loi en question.

Indépendamment de cela, rassurez-vous, madame le rapporteur, j’ai déposé des amendements de repli visant à supprimer chaque article de l’ordonnance. Rassurez-vous, j’ai de la suite dans les idées !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

ratifiée

par le mot :

abrogée

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.

En conséquence, la discussion commune ne se justifie plus. Les seize amendements suivants vont donc être examinés successivement.

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - L’article premier de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État est abrogé.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Cet amendement vise à répondre à l’objection soulevée par Mme le rapporteur, puisqu’il s’agit de supprimer l’article 1er de l’ordonnance.

On ne peut pas dire que l’on n’est pas d’accord avec la réforme et refuser de voter des amendements visant à supprimer les articles de l’ordonnance, qu’il convient, selon moi, de réduire à néant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il n’est pas question d’abroger les articles de l’ordonnance. La commission, qui manque d’éléments, a proposé la non-ratification. Le chantier réglementaire reste à mener, et des missions, notamment la mission Bassères, n’ont pas encore rendu leur rapport. Mme la ministre a également créé une nouvelle mission sur l’attractivité de la fonction publique. Nous manquons donc d’informations pour ratifier.

Par conséquent, la commission est défavorable à l’ensemble des amendements déposés par M. Masson.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans la mesure où mon avis sera constant, je puis d’ores et déjà me dire défavorable aux seize amendements restant en discussion.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour indiquer que le chantier réglementaire se poursuit. Il est important que je puisse venir vous rencontrer en commission des lois ou dans un autre cadre, pour détailler la manière dont nous reconstruisons, dans l’esprit de 1945 de défense de la République, de son unité, de son efficacité et de sa proximité.

Je ne m’exprimerai pas sur ces seize amendements, mais je me tiens bien évidemment à la disposition de celles et ceux qui souhaiteraient connaître en détail la manière dont nous mettrons en œuvre les principes figurant dans cette ordonnance. Je reste à votre disposition sur ce sujet majeur.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est trop aimable ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - L’article 2 de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État est abrogé.

La parole est à M. Jean Louis Masson.