M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 127, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 26 à 46
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 54, 68 et 69
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Sebastien Pla.
M. Sebastien Pla. Le présent amendement vise à supprimer la réforme du régime de réduction de peine introduite dans cet article.
L’intention du Gouvernement de fusionner les crédits de réduction de peine et les réductions supplémentaires de peine est louable, car cette double voie rend parfois illisibles pour les justiciables certaines décisions de justice. Toutefois, comme le Conseil d’État l’a signalé, le dispositif proposé présente deux risques : celui de permettre un maintien en détention accru et celui d’augmenter les sorties sèches, entravant ainsi une bonne réinsertion.
En l’état, il semble donc préférable de conserver le dispositif hybride actuel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 79 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 179 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 26 à 38
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 79.
Mme Cécile Cukierman. Ce dispositif, si on le comprend bien, marque un retour à la logique antérieure à la réforme de 2004, en supprimant le caractère dit « automatique » de l’attribution de certaines réductions de peine, pour en conditionner l’octroi aux efforts fournis par les condamnés.
Il convient de rappeler, comme l’a souligné le Conseil national des barreaux (CNB), que ce régime avait été justement supprimé parce qu’il engendrait une énorme charge de travail pour les juges d’application des peines. Nous n’allons pas entrer dans une bataille de chiffres, mais si des efforts ont été faits, ils n’ont pas été suffisants.
La question de cette charge de travail reste donc posée, tout comme celle de l’efficacité réelle d’un tel dispositif.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 26 à 38 de l’article 9, qui réécrivent l’article 721 du code de procédure pénale, afin de rétablir le régime actuel de réductions de peine.
La modification opérée dans ces alinéas ne répond à aucune demande des professionnels de la justice ; elle ne fait suite à aucune mission et à aucun rapport, même commandé par la Chancellerie.
Les alinéas 26 à 38 reviennent sur les remises de peine dites « automatiques » qui, dans les faits, ne le sont pas. Ces réductions accordées d’emblée, lors du placement sous écrou, sous réserve d’une bonne conduite, peuvent être retirées par décision du juge d’application des peines en cas de manquement du condamné.
La connaissance, même à long terme et sous réserve d’une bonne conduite, d’une date de sortie est également essentielle pour la préparation d’un projet de réinsertion.
Aussi, sous couvert d’une plus grande fermeté, ces alinéas ne témoignent que d’une défiance supplémentaire à l’égard du juge d’application des peines.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer, Bellurot et Thomas, M. Courtial, Mme Noël, MM. Pellevat, Panunzi et Calvet, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent, Bouchet, Bonhomme, Somon et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mme Bourrat et M. Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
et le mot :
quatorze
par le mot :
sept
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à limiter à un quart, au lieu de 50 %, la réduction de peine possible pour bonne conduite.
Cela a été dit lors de l’Agora de la justice, qui s’est tenue lundi dernier, la moitié des Français ne font pas confiance à la justice. Par ailleurs, nos concitoyens estiment qu’un tiers des peines prononcées ne sont pas adaptées, pas assez sévères.
Si les remises de peine contribuent à affaiblir l’effectivité des condamnations – un condamné ne purge potentiellement pas l’intégralité de la peine à laquelle il a été condamné « au nom du peuple français » –, elles permettent toutefois de valoriser les parcours de réinsertion des condamnés et de leur offrir une raison d’adopter une bonne conduite en prison ; cela a été souligné et c’est exact.
Il convient néanmoins de trouver le bon équilibre entre, d’une part, le besoin de sanctionner, de punir et de mettre à l’abri du danger, et, d’autre part, les remises de peine. Or, en donnant la possibilité à un condamné de n’effectuer que la moitié de sa peine au motif qu’il aurait adopté une conduite exemplaire, ce projet de loi ne va pas rétablir la confiance dans la justice, déjà très largement considérée comme étant trop peu sévère, au niveau non pas des peines prononcées, mais des peines exécutées.
La moindre des choses serait d’informer, au moment du verdict, le public et les victimes du fait que, en cas de bonne conduite, la peine peut être réduite. Nous devons trouver le chemin pour rétablir la confiance du peuple français dans la justice et dans les peines prononcées. Or ce ne sont pas les remises de peine automatiques, souvent décidées à l’insu des victimes, qui y contribueront…
Voilà ce qui motive cet amendement et nombre de ceux qui vont suivre.
M. le président. L’amendement n° 180 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Plus nous avançons dans le texte, monsieur le garde des sceaux, plus je me demande quelle est votre vision du juge de l’application des peines.
À cet égard, l’alinéa que cet amendement vise à supprimer détaille les caractéristiques du « bon détenu ». La référence aux activités culturelles et universitaires témoigne d’une déconnexion de la réalité. Hier, vous m’avez reproché de vous avoir accusé d’élitisme lors de la discussion générale. Mais ce n’est pas le sujet, monsieur le ministre.
Pour appliquer les remises de peine, le texte demande aux juges de tenir compte des efforts sérieux qu’auront fournis les détenus au cours d’activités culturelles ou universitaires. Or les populations concernées soit n’ont aucune appétence pour ces activités, soit n’ont jamais reçu les codes nécessaires pour s’y intéresser.
L’alinéa 30 évoque aussi des paiements de réparation. Mais ces mêmes détenus ne seront peut-être pas en capacité d’honorer ces paiements.
Enfin, les activités à partir desquelles seront évalués les efforts sérieux demandés aux détenus ne sont pas forcément accessibles. Comme vous le savez, on ne trouve pas dans toutes les prisons des organisations à même d’offrir de telles activités ou des tuteurs de niveau universitaire. En outre, certains détenus peuvent être placés en isolement pour leur propre sécurité et non forcément pour une faute qu’ils auraient commise. Ces derniers ne pourront donc, de facto, avoir accès à ces activités ; à elle seule, cette inégalité de traitement devrait nous pousser à supprimer cet alinéa.
Faisons confiance au juge d’application des peines et ne l’obligeons pas à entrer dans des détails qui ne sont pas de son ressort. À ce rythme, comme je l’ai souligné hier, on pourrait tout aussi bien passer par des algorithmes pour prendre les décisions.
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer les mots :
Lorsque la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins
par les mots :
Sauf décision contraire du juge de l’application des peines, lorsque la personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à corriger une erreur.
Comme c’est le cas actuellement, la durée de la réduction de peine doit pouvoir être diminuée à l’encontre du condamné qui ne suit pas les soins qui lui sont proposés en détention, même s’il n’a pas été condamné à un suivi sociojudiciaire comprenant une injonction de soins.
Par ailleurs, cet amendement tend à reprendre les dispositions du droit positif, notamment celles de l’article 721-1 du code de procédure pénale, qui permet au juge de l’application des peines de déroger à la limitation de la durée de la réduction de peine dans un objectif d’individualisation.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Bellurot et Thomas, M. Courtial, Mme Noël, MM. Pellevat, Panunzi et Calvet, Mmes Belrhiti et Garnier, MM. D. Laurent, Bouchet et Bonhomme, Mme Lavarde, MM. Somon et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Cadec et Grosperrin, Mme Bourrat, M. Frassa et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Après la première occurrence du mot :
article
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement concerne les injonctions de soins.
L’article 9 prévoit qu’une personne condamnée à un suivi sociojudiciaire avec une injonction de soins qui ne suit pas le traitement proposé ne peut bénéficier de la réduction de peine qu’à hauteur de trois mois par année d’incarcération et de sept jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
Eu égard à l’importance des injonctions de soins, nous proposons de supprimer les réductions de peine des individus qui ne les respectent pas.
Lors des questions d’actualité au Gouvernement, cet après-midi, plusieurs de nos collègues ont décrit la situation absolument apocalyptique de « Stalincrack », à Paris. On voit bien l’importance des injonctions de soins à la fois pour l’intégrité et la dignité des personnes concernées, mais aussi pour le bien de la population.
Aujourd’hui, il me semble tout à fait important et salutaire de faire en sorte que ces injonctions de soins soient mieux respectées dans notre droit.
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Bellurot et Thomas, M. Courtial, Mme Noël, MM. Pellevat, Panunzi et Calvet, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent, Bouchet et Bonhomme, Mme Lavarde, MM. Somon et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cadec et Grosperrin, Mme Bourrat, M. Frassa et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable à toute personne condamnée pour une infraction prévue aux articles 221-1 à 227-33 du même code sur un magistrat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Le projet de loi prévoit de maintenir des réductions de peine individualisées, qui pourront porter sur un quantum équivalent à 50 % de la peine : six mois par année ou quatorze jours par mois.
Au-delà du débat sur le caractère de cette mesure, que d’aucuns considèrent comme laxiste, il est inexplicable et inadmissible qu’elle puisse profiter à toute personne s’étant rendue coupable de violences ayant ou non entraîné la mort à l’encontre d’un fonctionnaire, et a fortiori d’un policier, d’un gendarme, d’un douanier, d’un membre de l’administration pénitentiaire ou encore d’un pompier.
Cet amendement tend donc à prévoir qu’aucune remise de peine ne pourra être accordée à un individu qui se serait rendu coupable, sur les forces de l’ordre et les magistrats, de l’une des infractions prévues au livre II du code pénal, intitulé « Des crimes et délits contre les personnes », à savoir les atteintes à la vie, les atteintes à l’intégrité physique ou psychique ou encore les mises en danger de la vie.
S’en prendre à des représentants de l’État, c’est s’en prendre à l’autorité de l’État, ce qui appelle des sanctions exemplaires sans possibilité de remise de peine. Je crois que l’adoption de cet amendement est attendue par de nombreux Français, qui y verraient un signal en faveur du respect des personnes qui consacrent leur vie à la population.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat, Gosselin et Puissat, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Belin, Bouchet et Gremillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Milon, Mmes Drexler, Joseph, Bourrat et Lherbier et MM. Panunzi, Cadec, H. Leroy et Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 36, première phrase
Remplacer le mot :
peut être
par le mot :
est
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Le projet de loi prévoit que la réduction de peine, dans l’année suivant son octroi, peut être rapportée en tout ou partie, après avis de la commission d’application des peines, en cas de mauvaise conduite du condamné.
Cette disposition n’est pas suffisamment ferme. Si un détenu se comporte mal, il mérite une sanction. C’est la raison pour laquelle je vous propose de remplacer le verbe « pouvoir » par « devoir » pour faire en sorte de sanctionner chaque écart de conduite.
La réduction de peine est déjà un privilège contestable ; tout mauvais comportement mérite d’entraîner son annulation, au moins partielle.
M. le président. L’amendement n° 153 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Daubresse, Frassa, Bonhomme, Duplomb et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Laménie et Gremillet, Mmes Bonfanti-Dossat et Demas, MM. A. Marc, Guerriau, Charon, Meurant, Sido, Hingray et Genet, Mmes Gosselin et Thomas, MM. Le Rudulier, Burgoa et Pointereau, Mme Billon, M. Chasseing, Mmes Chauvin, Pluchet et Lherbier, MM. Saury et Levi et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Cet amendement vise à priver les terroristes du bénéfice de toute réduction de peine.
Il faut se poser les bonnes questions : pourquoi les Français sont-ils si nombreux à ne pas avoir confiance en notre justice ? Parce que, trop souvent, la main du législateur et celle de la justice tremblent.
Commettre un acte terroriste est ce qu’il y a de plus abject : c’est s’en prendre à la Nation, à la République, aux familles, à n’importe quel citoyen. Combien de nos enfants, de nos journalistes, de nos professeurs, de nos membres des forces de sécurité, de nos chefs d’entreprise égorgés, décapités, abattus ? Et combien le seront encore ?
Mes chers collègues, lorsqu’un terroriste s’en prend à la France, la réponse doit être intransigeante, raison pour laquelle je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 165, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Certains souhaitent remédier à ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse de la part des juges, notamment des juges d’application des peines.
Au risque de paraître trop nuancé, ce qui n’est pas dans l’air du temps – tout est blanc, tout est noir, c’est parfait et avançons… –, il est absolument nécessaire de maintenir une différenciation entre le condamné et le détenu, et de laisser le juge d’application des peines s’intéresser principalement à ce dernier. Le condamné, reflet des actes du passé, se distingue en effet du détenu, personne présente et à venir, encore en construction.
Comment justifier, par exemple, qu’un détenu condamné pour violences conjugales, sans aucun projet de réinsertion, puisse plus facilement bénéficier d’une remise de peine qu’un autre détenu, ayant un projet, mais qui a été condamné pour violences sur un policier ? Je ne vois aucune justification à cette différence de traitement, sinon celle d’un pur affichage politique.
M. le président. L’amendement n° 152 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Bonhomme, Frassa, Duplomb et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Laménie et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Demas, MM. A. Marc, Guerriau, Charon, Meurant, Sido, Hingray et Genet, Mmes Gosselin et Thomas, MM. Le Rudulier, Burgoa, Cadec, Panunzi, Pointereau et Chasseing, Mmes Chauvin, Pluchet et Lherbier, MM. Saury et Levi et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Après les mots :
Les personnes
insérer les mots :
en état de récidive légale ou
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Lorsqu’une personne est en état de récidive, c’est qu’elle n’a pas retenu les leçons de son séjour en prison. À nous d’en tirer les conséquences.
Le régime de réductions de peine, même à titre de récompense, doit être plus sévère pour les récidivistes, à l’image de ce que prévoit le projet de loi qui vise les auteurs de violences contre les élus ou les agents publics. Pour ces personnes, le quantum de remise de peine susceptible d’être accordé est moins généreux que pour les autres condamnés.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. Babary, Mmes Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mmes Chauvin et de Cidrac, M. B. Fournier, Mme Garnier et MM. Grosperrin, Lefèvre, H. Leroy, Saury et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Après les mots :
présent code
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Nous proposons que les personnes condamnées pour des violences à l’encontre de dépositaires de l’autorité publique ne puissent bénéficier de réductions de peine. L’actualité nous montre chaque jour qu’il ne doit plus y avoir de tolérance à l’égard des individus qui, en attaquant nos policiers, nos élus ou encore nos professeurs, s’en prennent à la République française.
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Bellurot et Thomas, M. Courtial, Mme Noël, MM. Pellevat, Panunzi et Calvet, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent, Bouchet, Bonhomme, Somon, Charon, H. Leroy et Grosperrin, Mme Bourrat, M. Frassa et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Supprimer les mots :
ou, s’il s’agit d’un délit, de quatre mois par année d’incarcération et neuf jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Compte tenu de la gravité des faits en cause, cet amendement tend à prévoir que les condamnés pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique ne puissent bénéficier d’aucune réduction de peine.
Aujourd’hui, l’uniforme ne protège plus ; ceux qui le portent sont devenus une cible. En 2019, on a dénombré plus de 50 000 faits d’agressions, de menaces, d’outrages et d’injures à l’encontre de policiers. Parallèlement, les violences contre les dépositaires de l’autorité sont passées, entre 2000 et 2019, de 15 500 environ à plus de 38 500. Rapportées à la population, elles ont plus que doublé en vingt ans. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de protéger ceux qui nous protègent.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Bellurot et Thomas, M. Courtial, Mme Noël, MM. Pellevat, Panunzi et Calvet, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent, Bouchet, Bonhomme, Somon, Charon et H. Leroy, Mme Bourrat, M. Frassa et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Remplacer les mots :
de quatre
par les mots :
d’un
et le mot :
neuf
par le mot :
deux
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à porter les réductions de peine des personnes condamnées pour agression sur des détenteurs de l’autorité publique à un mois par année d’incarcération et à deux jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 246 du Gouvernement, qui tend à rectifier une erreur.
Certains amendements touchent à l’essentiel en visant à supprimer les dispositions de ce texte. Leurs auteurs contestent le principe même de la réforme et souhaitent revenir au système de remise de peine automatique.
D’autres amendements contestent également les principes qui fondent le projet de loi. Leurs auteurs estiment que les dispositions de ce texte seraient sympathiques dans un monde idéal, mais que fixer les conditions de réduction de peine en fonction de la capacité de travail de l’un, ou du respect des obligations de soins d’un autre, suppose que certaines activités soient accessibles dans les maisons d’arrêt ou, par exemple, que l’on y trouve des psychiatres…
La critique qui vous est adressée, monsieur le garde des sceaux, est la suivante : vous n’aurez pas les moyens de cette réforme et vous vous lancez dans une aventure dont le résultat ne sera pas positif.
Le Conseil d’État avait eu un avis nuancé. Lors de nos premières auditions, les juges d’application des peines, les avocats, les personnels de l’administration pénitentiaire n’ont pas témoigné d’appétence particulière pour cette réforme. Cela étant, nous avons souhaité la soutenir pour des raisons de cohérence avec notre discours et au regard de l’Agora de la justice, à laquelle nous avons fait beaucoup référence.
Si nous considérons qu’il y a un problème de transparence et de crédibilité de la justice, en laquelle nos concitoyens n’ont pas confiance, il faut reconnaître que l’idée selon laquelle les remises de peine doivent tenir compte du comportement du condamné est d’une légitimité incontestable.
Le fait de revenir à la situation antérieure à la loi Perben II ne suffit pas à contester l’intérêt de cette évolution. Nous considérons ainsi que la réforme proposée redonne de la légitimité aux remises de peine et qu’elle est compréhensible, contrairement aux remises automatiques.
Certains amendements visent à revenir sur la remise de peine en cas de refus de suivre une injonction de soins. Or le texte prévoit déjà une réduction de moitié de la remise de peine dans ce cas de figure. De même, en cas de récidive, les peines sont déjà doublées. À un moment, il faut trouver un équilibre !
En ce qui concerne les terroristes, soyons clairs : ils ne peuvent bénéficier de crédits automatiques de réduction de peine. Reste la question de savoir s’ils sont éligibles à des réductions supplémentaires de peine.
Ce sujet concerne l’ensemble des sociétés. Les terroristes sortiront un jour de prison : si aucune remise supplémentaire de peine n’est possible, ils n’ont aucun intérêt à se faire soigner ou à exercer une activité professionnelle, ou autre. (M. le garde des sceaux opine.) Nous ne voulons rien ôter à la nécessaire réponse de la société face au terrorisme, et nous partageons entièrement vos préoccupations, madame Boyer. Pour autant, votre proposition est-elle de nature à mieux protéger la société ? Je suis quelque peu dubitatif…
Au premier semestre dernier, nous avons débattu de la question des agressions commises à l’encontre des titulaires de l’autorité publique lors de l’examen de la loi sur la sécurité globale. Nous sommes parvenus à un accord avec l’Assemblée nationale sur une réduction de moitié. Il me paraît difficile d’y revenir aussi tôt.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’ensemble des amendements, à l’exception de l’amendement n° 246 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Comme vous le savez, deux systèmes coexistent : l’un qui tient compte des efforts du condamné, et un autre de réduction automatique. Avec cette réforme, nous allons mettre un terme à cette hypocrisie.
Aujourd’hui, un homme définitivement condamné à dix de prison sait, dès son entrée dans le fourgon cellulaire, qu’il va bénéficier de trois mois de réduction automatique par an, plus deux mois pour les années restantes, soit vingt et un mois de remise de peine automatique. Cela ne rime à rien ! Comme je l’ai dit, le sens de l’effort n’est pas un sens interdit. Il est tout à fait normal de faire des efforts, partout : si la prison est séparée de la société par des murs d’enceinte, elle reste la société, avec ses règles.
Les réductions de peine automatiques, votées par la droite voilà longtemps, ne sont rien d’autre qu’une régulation carcérale qui ne dit pas son nom. Je veux mettre un terme à ce système très hypocrite.
Nous en avons déjà discuté, monsieur Benarroche, je souhaite que les efforts demandés soient à l’aune de la personnalité de chacun : soins, lecture, apprentissage, travail – et je me bats pour qu’il y ait du travail en prison.
Interdire toute réduction de peine à un condamné, quel qu’ait été son crime, c’est l’inciter à ne faire aucun effort. C’est ridicule, c’est un non-sens, c’est un effet d’affichage ! Pardon de vous le dire…
Vous évoquez, à juste titre, la protection que l’on doit aux forces de sécurité intérieure. Mais que dire des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, confrontés à des détenus qui n’ont plus de raison de faire l’once d’un effort ? Leur situation n’est-elle pas plus dangereuse ? Je ne comprends pas ces amendements de surenchère – ou plutôt, je ne les comprends que trop bien !
Monsieur Benarroche, c’est extraordinaire de vous entendre dire, au sein de cette Haute Assemblée, qu’être nuancé présente un risque. Et le plus terrifiant, c’est que vous avez raison ! Aujourd’hui, on ne peut plus être nuancé, on doit forcément être manichéen : tout est blanc ou noir, on est soit un affreux laxiste, soit dans l’air du temps. Nous jouons les M. et Mme « Plus » et l’on en rajoute encore et encore…
Pourtant, ce texte, qui est équilibré, distingue déjà les terroristes et les personnes condamnées pour violences à l’encontre des forces de sécurité intérieure des autres détenus. Que voulez-vous de plus ?
Je suis défavorable à tous les amendements. Quant à celui que j’ai défendu, il vise à corriger une erreur rédactionnelle.
Monsieur le rapporteur, mille postes supplémentaires sont prévus pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Nous n’avons pas travaillé sur cette réforme au doigt mouillé. Ne pensez-vous pas que la direction de l’administration pénitentiaire s’est interrogée sur sa faisabilité ? Non, je ne me lance pas dans une aventure, pour reprendre vos mots ! Le budget de l’insertion est ainsi en hausse de 4 % en 2021, ce qui est particulièrement significatif.
Nous avions une divergence avec les juges d’application des peines. Désormais, ils se feront aider par les surveillants pénitentiaires, qui souhaitaient tenir un autre rôle que celui d’ouvrir et de fermer les portes des cellules. Ce seront des « surveillants-acteurs », comme le stipule la charte signée avec les trois organisations syndicales. Je n’en suis pas peu fier : ces trois organisations n’avaient pas signé une charte avec leur ministre depuis vingt ans !
Cette réforme a du sens. Elle est utile en ce qu’elle ne ferme pas les portes à l’effort, au travail, à la réinsertion. Au fond, que veut-on ? Non pas punir pour punir, mais aussi pour permettre la réinsertion. C’est cela, le rôle de la prison ; on a tendance à l’oublier.
Vous avez évoqué votre colloque de l’Agora. Y avez-vous rappelé les mots de Foucault sur le rôle de la prison, à savoir punir, réinsérer et placer à l’écart de la société un individu dangereux pour elle ? Elle doit remplir ces trois rôles ; l’un ne va pas sans l’autre. La surenchère, toujours la surenchère, ça a tout de même des limites !