M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, M. L. Hervé, Mme Vérien, M. Delcros, Mmes Férat et Guidez, MM. Kern, Le Nay et Levi, Mme Létard, MM. Moga et Canévet, Mme de La Provôté, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, M. Longeot, Mmes Loisier et Devésa, M. Prince, Mmes Dindar et Jacquemet, MM. Bonneau et Lafon, Mme Sollogoub, M. Henno, Mmes Gatel et Vermeillet, M. Laugier et Mme Billon, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

remplacé par les mots : « , successifs ou non, »

par le mot :

supprimé

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Cet amendement vise à simplifier le texte, lequel prévoit que les juges ne peuvent effectuer plus de cinq mandats. Nous proposons de le modifier en supprimant la mention « successifs ou non ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. La commission avait réécrit cet article, en ajoutant la précision « successifs ou non ».

Notre collègue Nathalie Goulet considère que cette rédaction introduit une ambiguïté. Nous pourrions en discuter, car je ne suis pas certain que cela soit le cas.

Toutefois, eu égard aux états de service et à la sagacité de Mme Goulet, je propose de m’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je m’en remets moi aussi à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce
Article 4 (nouveau) (début)

Article 3 (nouveau)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 723-1 est ainsi modifié :

a) Le 2° est complété par les mots : « , à la condition, pour ces derniers, qu’ils y aient exercé leurs fonctions pendant au moins six années » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les électeurs mentionnés au 2° ne peuvent être inscrits sur la liste des membres du collège électoral de plusieurs tribunaux de commerce. » ;

2° L’article L. 723-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° S’agissant des anciens membres du tribunal, de ne pas être frappées d’inéligibilité et de ne pas avoir été réputées démissionnaires ; »

b) Le 4° est ainsi modifié :

– au début, les mots : « Ne pas être frappé » sont remplacés par les mots : « De ne pas être frappées » ;

– le mot : « son » est remplacé par le mot : « leur ». – (Adopté.)

Article 3 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce
Article 4 (nouveau) (fin)

Article 4 (nouveau)

Le mandat des délégués consulaires élus au cours de l’année 2016 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2021. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que le texte a été adopté à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 4 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce
 

6

Œuvres culturelles à l’ère numérique

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi et des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (texte de la commission, n° 733, rapport n° 732) et des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (texte de la commission, n° 731, rapport n° 730).

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, madame la ministre de la culture, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 1er juillet dernier. Il comprend certaines avancées sur lesquelles je reviendrai, mais, il faut le rappeler, il demeure très éloigné des attentes que nous nourrissions, les uns et les autres, au début du quinquennat.

Disons-le clairement, ce projet de loi n’est pas celui qui permettra au secteur de l’audiovisuel de s’adapter au monde nouveau forgé par les plateformes.

Au déséquilibre des moyens s’ajoute une iniquité concernant les réglementations applicables, qui contraint le développement international des médias français.

La réforme de l’audiovisuel public restera, par ailleurs, l’occasion manquée de ce quinquennat, de même que la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public, que nous attendons toujours. Je le regrette d’autant plus que le projet de loi déposé par votre prédécesseur, M. Franck Riester, madame la ministre, que les députés avaient examiné en première lecture en mars 2020, constituait une solide base de départ.

Alors que le Sénat propose, depuis 2015, de rationaliser l’organisation et la gouvernance de l’audiovisuel public en rassemblant ses moyens pour être plus fort sur le numérique, il est paradoxal de constater que c’est le secteur privé qui aura finalement suivi cette voie, avec le projet de fusion entre TF1 et M6-RTL et l’annonce du rapprochement entre Vivendi et Lagardère. Que de temps perdu pour l’audiovisuel public !

Les objectifs du présent projet de loi étaient beaucoup plus modestes ; néanmoins, nous avons réussi à le faire évoluer pour en faire une étape utile, en attendant des changements plus ambitieux.

Parmi les points qui ont fait l’objet d’un accord avec nos collègues députés, citons les dispositions permettant de lutter contre le piratage. En particulier, nous sommes parvenus à un accord sur le très copieux article 1er, qui constitue le cœur du texte.

Avec la création de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom, nous disposons maintenant d’une autorité pleinement investie et compétente, qui bénéficie d’ores et déjà de l’expertise des agents de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la Hadopi, que je tiens à saluer chaleureusement.

Cependant, et c’est là un grand regret, nous avons dû abandonner en cours de route le mécanisme de transaction pénale, qui faisait pourtant l’unanimité dans la profession. Je forme le vœu que ce renoncement de l’Assemblée nationale ne vienne pas affaiblir, dès sa création, le nouveau régulateur, qui aurait ainsi disposé d’un outil efficace et moderne.

Au rang des satisfactions, je note que notre commission s’était fortement mobilisée contre le piratage des retransmissions sportives, un sujet sur lequel l’article 3 du texte offre une avancée décisive, même s’il faudra attendre le 1er janvier 2022 pour sa mise en œuvre, alors que les saisons sportives ont déjà recommencé.

Je salue la convergence obtenue sur la composition du collège de l’Arcom à l’article 5, qui permet de préserver l’influence du Parlement, à laquelle nous sommes attachés, tout en intégrant la présence de deux magistrats, conformément à la volonté du Gouvernement.

Je vous rappelle, par ailleurs, que le projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a également fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. La disposition qu’il porte constitue une mesure de coordination nécessaire pour tenir compte du remplacement du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, par l’Arcom.

À l’article 10 bis A, je note l’ajout d’une disposition visant à tenir compte des coûts d’investissement des chaînes historiques lors des renouvellements des autorisations d’émettre.

Deux autres avancées concernaient plus particulièrement le service public, l’une relative à la réception du signal local de France 3, à l’article 10 quater, l’autre à la possibilité d’obtenir des données sur la consommation des programmes, à l’article 10 quinquies.

Concernant les dispositions qui ont suscité le plus de débats, après de nombreux échanges, nous avons trouvé une rédaction commune pour l’article 17 ter, relatif à la réglementation de la production, qui est suffisamment ouverte et qui pourrait permettre des assouplissements raisonnables, devenus indispensables, s’agissant notamment des parts de coproduction dans l’animation et le documentaire.

Un accord a par ailleurs été trouvé concernant le seuil de concentration des réseaux de chaînes locales, porté à 19 millions d’habitants à l’article 10 septies.

La recherche d’un accord nécessite souvent des sacrifices et nous avons plusieurs déceptions à déplorer.

Si nous avons pu intégrer dans le texte l’expérimentation de l’ultra haute définition, ou UHD, nous regrettons l’absence de progrès concernant l’interactivité et la norme Hybrid broadcast broadband TV, ou Hbb TV.

Concernant l’évolution du secteur, nous aurions aimé revenir, à l’article 13 ter, sur la disposition adoptée en 2016, qui pénalise les opérations industrielles au même titre que les opérations spéculatives.

Nous regrettons également la rédaction de l’article 13, lequel, à notre sens, comporte un risque juridique en raison d’une disproportion manifeste entre la sanction encourue et les faits reprochés.

Avant de conclure, je voudrais en quelques mots replacer notre débat de ce jour dans le contexte plus large de la réforme des relations entre grands acteurs de l’audiovisuel.

La transposition par ordonnances de la directive SMA, que nous avons acceptée face à l’urgence, se heurte aujourd’hui, pour être pleinement applicable, à la question toujours épineuse et jamais résolue de la chronologie des médias. Les positions des uns et des autres sont connues ; il faut maintenant trancher, et chacun doit accepter de faire un pas, pour créer, enfin, le cadre cohérent permettant de poursuivre le financement des œuvres françaises et européennes.

Sachez, madame la ministre, que nous suivons de près ce dossier essentiel, sur lequel notre commission s’est beaucoup investie. J’ai en particulier à l’esprit la mobilisation de la présidente Catherine Morin-Desailly et de notre collègue Jean-Pierre Leleux, que je veux d’ailleurs saluer ici très amicalement.

Cela étant, les avancées obtenues sur ce texte l’emportent largement sur les regrets ou les réserves.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter le projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, ainsi que le projet de loi organique qui l’accompagne à des fins de coordination concernant l’application de l’article 13 de la Constitution, relatif aux nominations effectuées par le chef de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, cher Laurent Lafon, monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet, mesdames, messieurs les sénateurs, les secteurs audiovisuel et cinématographique connaissent des mutations profondes, chacun d’entre nous peut en faire le constat chaque jour.

Nos usages changent, avec la multiplication des canaux de diffusion des œuvres et la possibilité de consommer des offres culturelles à tout moment, sur tout support et en tout lieu.

Notre paysage change également, avec l’apparition de nouveaux acteurs géants, aux capacités d’investissement considérables et à l’offre de programmes globalisée, installés en dehors de notre territoire et de sa régulation.

Si ces mutations comportent des chances pour la création française, elles appellent aussi à établir de nouvelles règles, adaptées à une économie beaucoup plus ouverte et compétitive. Elles exigent également de trouver les moyens de renforcer notre création et de maintenir une ambition industrielle et culturelle pour et par l’audiovisuel et le cinéma.

Pour renforcer les moyens de notre création, j’ai tout d’abord engagé une réforme en profondeur des mécanismes de soutien de son financement, avec la révision des décrets SMAD – relatifs aux services de médias audiovisuels –, TNT – concernant la télévision numérique terrestre – et câble-satellite, qui fixent les obligations d’investissement dans la production des télévisions et des plateformes.

J’ai également souhaité que soit déposé le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

Ce texte important vise à améliorer la protection des droits des auteurs, des artistes, des producteurs, des diffuseurs ou des fédérations sportives, en renforçant la lutte contre le piratage. Je rappelle que la perte de valeur que celui-ci fait subir à toute la filière est immense ; on l’estime à 1,3 milliard d’euros par an.

Cette lutte est donc une ardente obligation pour les pouvoirs publics, d’autant que, après une baisse du nombre de pirates pendant deux années consécutives, les périodes de confinement ont tout récemment favorisé une poussée de la consommation illicite – c’était attendu.

C’est tout l’objet des premiers articles du projet de loi, qui permettent de dresser une liste noire des sites internet dont le modèle économique repose sur le piratage, de façon à tarir leurs sources de revenus. Ces articles visent aussi à lutter plus efficacement contre les sites miroirs, qui reprennent en totalité ou de manière substantielle les contenus d’un site jugé illicite. Ils créent, par ailleurs, un mécanisme ad hoc de référé pour lutter contre le piratage sportif.

Ce texte permet également la modernisation de notre régulation. La fusion du CSA et de la Hadopi était attendue ; l’Arcom sera dans quelques mois un nouveau régulateur compétent pour l’ensemble du champ de la régulation des contenus audiovisuels et numériques, qu’il s’agisse de lutter contre le piratage, de protéger les mineurs ou de défendre les publics contre la désinformation et la haine en ligne.

Ce texte permet, enfin, de garantir l’accès du public à nos œuvres françaises, en instaurant un dispositif protecteur, qui permettra, en cas de cession d’une œuvre française, de vérifier que l’acheteur, même s’il ne s’agit pas d’un producteur établi en France, présente toutes les garanties nécessaires pour que l’œuvre puisse être exploitée et donc vue par le public, en France et à l’étranger.

Ce texte a aussi été enrichi – je ne l’oublie pas ! – de nombreux ajouts qui sont le fruit du travail du Sénat, monsieur le rapporteur, et de celui de l’Assemblée nationale.

J’ai bien sûr à l’esprit les dispositions relatives à la modernisation de la TNT, à la redéfinition de la production indépendante, ou encore à l’actualisation des règles anti-concentration pour les télévisions locales et les radios.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie au mois de juillet dernier a permis de trouver un accord sur les quelques points – peu nombreux, avouons-le ! – de divergence entre vous et l’Assemblée nationale ; je m’en félicite.

L’examen de ce texte s’est déroulé dans un climat apaisé, avec des débats particulièrement intéressants ; ils ont permis qu’un travail de qualité soit mené par vos deux chambres pour l’enrichir. Je veux, à ce titre, chaleureusement remercier le président Laurent Lafon et le rapporteur Jean-Raymond Hugonet de la relation de confiance que nous avons nouée, ainsi qu’avec nos équipes respectives, au cours de cet examen.

Vous le savez, c’est tout à fait mon état d’esprit : travailler avec chacune et chacun d’entre vous pour faire avancer des chantiers importants pour le secteur de la culture, au-delà des habituels clivages partisans.

Grâce à vous, ce projet de loi permettra d’adapter, une nouvelle fois, la loi du 30 septembre 1986 aux nouvelles réalités économiques et aux nouveaux enjeux de régulation. Il permettra d’apporter des réponses concrètes à trois enjeux essentiels : la protection des droits des auteurs, la modernisation de notre régulation et la défense de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises, dans un contexte où la demande d’œuvres n’a jamais été aussi forte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait du bon travail, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais être bref, puisque nous arrivons au terme de ce débat.

La crise sanitaire a eu pour conséquence un usage massif du numérique, notamment une amplification du streaming. Nombre de Français se sont inscrits tout à fait légalement sur des plateformes et se posent la question, en cette rentrée culturelle, du retour en salle, s’agissant aussi bien du spectacle vivant que du cinéma.

La consommation du numérique a été beaucoup plus importante, tout comme, cela a été souligné, son usage illégal, avec une hausse inédite du piratage par rapport à ce que l’on connaissait dans le passé.

Ce texte est donc de bon aloi, parce qu’il apporte des mesures innovantes, efficaces et pragmatiques pour lutter contre le piratage audiovisuel et pour respecter les œuvres. En effet, sans création, il n’est pas possible de diffuser et de voir des œuvres. Il importe donc de protéger ces dernières à l’heure du numérique. C’est ce que fait ce texte, en respectant les apports du Sénat, comme vous l’avez dit, madame la ministre.

Nous avons trouvé un accord sur la composition de l’Arcom. Ce point a donné lieu à des débats, mais il me semble que l’équilibre trouvé est satisfaisant, parce qu’il répond à la demande d’une composition comprenant des magistrats tout en respectant les prérogatives du Parlement. Je remercie le Sénat d’avoir avancé sur ce sujet.

Nous avons également progressé sur certains points, car il a fallu se mettre d’accord sur la transaction pénale ou sur la possibilité de saisir le juge sur les sites miroirs.

Un accord est donc intervenu. Alors que nous entrons dans une phase plus tendue de la vie politique, il est utile de rappeler qu’un travail parlementaire peut aboutir, sur des sujets comme la lutte contre le piratage en matière audiovisuelle.

Je me satisfais des avancées que nous avons obtenues et de l’équilibre ainsi trouvé, et notre groupe soutiendra le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ère du numérique a profondément remanié le secteur audiovisuel, en transformant le paysage de la communication, avec ses avancées et ses dangers.

Cette mutation est toujours à l’œuvre, et nous devons répondre aux grands défis qu’elle impose, à savoir la nécessité de protéger les droits de la création, de réguler le secteur et de garantir un accès le plus large possible du public aux œuvres.

Si ce constat est simple, il est compliqué d’y répondre, comme en témoigne la liste des acteurs entrant dans le champ de la régulation, que nous avons dû élargir à l’article 8 du texte.

Il faut en effet agir sur plusieurs fronts, qui sont ouverts tant par la multiplication des types de supports que par la forte croissance des usages, qui ne sont pas tous bienveillants, hélas !

À cet égard, nous pouvons nous féliciter que le Sénat et l’Assemblée nationale se soient largement accordés sur les dispositifs de lutte contre le piratage, un volet essentiel, puisqu’il touche aux droits de la propriété intellectuelle.

Si l’envergure de ce projet de loi semble limitée aux yeux de certains, nous ne pouvons ignorer les avancées mises en œuvre en parallèle. Gardons à l’esprit nos engagements européens, qui conduisent notre pays à transcrire des directives importantes, comme les deux directives sur le droit d’auteur et sur les droits voisins dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite « Ddadue », adoptée en fin d’année dernière.

L’audiovisuel n’ayant pas de frontières, nombre de nos réponses doivent aussi passer par une collaboration internationale. Dans cet esprit, le nouvel article 8 bis A introduit par nos collègues députés permettra à l’Arcom de contribuer à renforcer la position de la France en matière de protection des droits de propriété intellectuelle auprès des organisations internationales et communautaires.

Une mesure phare du texte, la fusion du CSA et de la Hadopi, a été adoptée de façon presque consensuelle à l’article 1er. En première lecture, ma collègue Véronique Guillotin avait rappelé que le groupe RDSE approuvait cette fusion, ainsi que l’élargissement des missions et des pouvoirs d’enquête de l’Arcom.

La nouvelle autorité de régulation doit gagner en efficacité pour la protection de la création culturelle et des droits qui en découlent.

À l’issue des travaux du Sénat, nous avions également approuvé plusieurs articles additionnels étoffant le texte. Malheureusement, certains d’entre eux ont fait les frais de la navette ; ce fut le cas des dispositifs visant à un meilleur accès du public aux événements sportifs télévisés. Nous le regrettons.

En revanche, l’accord trouvé sur le seuil de concentration des réseaux de chaînes locales et la rédaction renforçant les modalités du must carry nous satisfont.

Mes chers collègues, il était urgent d’adapter la grande loi du 30 septembre 1986 aux nouveaux enjeux de régulation d’un paysage audiovisuel renouvelé et fortement traversé par le numérique.

Aussi, nous voterons en faveur des textes élaborés par la commission mixte paritaire, lesquels nous semblent être de nature à remplir un objectif fondamental : consolider la création française, gage de notre souveraineté culturelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme du débat sur ce texte. D’une grande réforme de l’audiovisuel public, nous sommes passés à la protection et à l’accès aux œuvres à l’heure du numérique, avec comme point central la création de l’Arcom.

La télévision traditionnelle voit chaque jour de nouveaux concurrents débarquer pour capter l’attention et les revenus publicitaires qui l’accompagnent. Il est donc nécessaire d’agir, et ce texte porte des avancées, comme toutes les mesures assurant l’effectivité des droits d’auteur et des droits voisins.

Nous avons ainsi à l’esprit l’obligation, faite aux fournisseurs d’accès, de prévoir la diffusion des antennes locales sur des numéros de chaînes que je qualifierais de « logiques ». Il n’est pas anecdotique, nous semble-t-il, de donner de la visibilité à nos territoires.

Nous nous félicitons également de l’intégration dans les conventions de diffusion de la diversité des pratiques sportives.

Nous sommes satisfaits que la CMP ait retoqué l’amende forfaitaire pénale pour piratage, qui risquait, en définitive, de créer un droit au piratage totalement inefficace. Il en va de même de la prolongation des droits de diffusion pour les chaînes historiques.

Nous soulignons, enfin, l’intérêt porté par la commission mixte paritaire à notre amendement visant à rendre obligatoire l’inscription au générique de tous les participants à une œuvre.

Nous sommes plus mesurés sur la protection des productions. La France ne disposait d’aucun outil de protection des productions françaises, mais la mesure proposée, conçue sous le seul prisme du piratage et omettant le droit des créateurs, répondra-t-elle aux enjeux ? Cela ne nous semble pas devoir être le cas.

Nous regrettons que le Conseil d’État ne permette pas d’aller plus loin, en empêchant le blocage d’une vente par un mécanisme d’autorisation préalable, et nous déplorons que l’affaiblissement des structures de conservation, comme l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, éloigne la possibilité de préemption des contenus en vente par les pouvoirs publics.

S’agissant du piratage, notre groupe rejoint partiellement l’analyse du rapporteur : on doit bien distinguer les piratages individuels des processus industrialisés.

L’exemple des diffusions sportives est emblématique. En l’espace d’une quinzaine d’années, la très grande majorité des contenus sportifs, auparavant diffusés en clair, est devenue payante. Cela a conduit non seulement au développement du piratage, mais aussi à un rabougrissement des disciplines retransmises. Or le texte renforce la lutte contre le piratage, sans poser la question de l’accès aux contenus.

Enfin, en ce qui concerne la concentration des médias, les choses avancent, mais pas toujours dans le bon sens, hélas.

Concentrer toutes les chaînes dans quelques entités ne favorise pas du tout la diversité et le pluralisme des idées. La création d’empires unis par une seule ligne éditoriale dans l’audiovisuel, comme, du reste, dans la presse, va à contre-courant de ce que recherchent aujourd’hui en majorité nos concitoyens et les professionnels, qui l’ont largement fait savoir ces derniers temps.

Face aux géants du numérique, dans un combat qui ressemble un peu à celui du pot de terre contre le pot de fer, il y a de nombreux leviers à activer, et l’exception culturelle française, qui demeure enviée à travers le monde, n’en est pas le moindre à nos yeux.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’issue du parcours législatif du présent texte, je ne m’étendrai pas sur la déception qu’a représentée son recentrage post-covid.

Chacun l’a souligné, nous attendions une grande loi audiovisuelle, qui avait été annoncée et dont le secteur a aujourd’hui tant besoin, face à un monde qui a changé et qui continue de changer vite, très vite, tout comme le paysage audiovisuel qui se recompose – le rapporteur en a fait état.

Le texte qui nous a été finalement soumis n’a pas cette ambition, mais cette version restreinte reste utile, afin de réformer la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles.

On notera par ailleurs qu’il a été substantiellement enrichi sous l’impulsion du Sénat. J’en profite pour féliciter une fois encore notre rapporteur, Jean-Raymond Hugonet. À l’issue de la commission mixte paritaire, nous nous réjouissons de constater que nombre des apports sénatoriaux ont été conservés, ou qu’ont été adoptés des compromis qui en conservent l’esprit.

Parmi ces avancées, on retiendra les dispositions améliorant la lutte contre le piratage, ainsi que le compromis relatif à la composition de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom, compromis qui ne dessaisit pas le Parlement de son pouvoir de nomination.

De même, la détermination d’un compromis concernant le seuil de concentration des réseaux de chaînes locales va dans le bon sens.

Je me réjouis par ailleurs du maintien du principe de modernisation de la TNT, la télévision numérique terrestre, qui va permettre, au bénéfice de nos concitoyens, de lancer des services en ultra haute définition et d’instaurer de nouvelles obligations en matière de compatibilité des récepteurs de télévision mis en vente sur le marché.

Certains des articles insérés dans le texte par notre assemblée n’ont pas été conservés, mais ont pourtant déjà atteint leur objectif.

Tel est le cas de l’article 2 A, qui prévoyait la création d’un régime de gestion collective pour l’exploitation des droits des auteurs d’œuvres graphiques, plastiques et photographiques. Son insertion en première lecture a accéléré la signature d’un accord entre les artistes graphiques et Google. C’est bien sûr une bonne chose. Je regrette malgré tout la suppression de l’article, car si les contrats ou les accords valent ce qu’ils valent, rien ne vaut la loi gravée dans le marbre.

Idem pour l’article 17 bis, qui prévoyait le maintien de France 4. Après plusieurs années de mobilisation des parlementaires, notamment ici au Sénat, nous avons été entendus !

Enfin, la possibilité pour l’Arcom de tenir compte des investissements des chaînes lors du renouvellement des autorisations d’émettre entre dans cette catégorie, puisque tel était en substance le sens de l’article 10 ter, qui a été finalement supprimé.

Ces avancées sont notables, mais elles n’interdisent pas d’exprimer des insatisfactions. Ainsi en est-il de la disparition de la référence à la norme Hbb TV, et je veux insister sur ce point. S’il est bon de prévoir dans le texte d’expérimenter l’ultra haute définition, sans la Hbb TV la mesure reste bancale.

Notre groupe, le rapporteur le sait bien, avait contribué à faire adopter l’Hybrid broadcast broadband TV, ou Hbb TV, un standard d’interactivité et de diffusion de contenu à la demande, grâce auquel les éditeurs nationaux pourront proposer simplement et directement à leurs téléspectateurs leurs services interactifs.

Cette avancée était censée rééquilibrer le rapport de force qui se joue sur la télévision connectée entre les chaînes de télévision et les plateformes vidéo, telles que Netflix, Disney+ et Amazon Prime, dans la mesure où ces dernières disposent des ressources leur permettant de nouer des accords avec les opérateurs et les constructeurs de télévision, pour intégrer leurs applications sur les écrans d’accueil et les télécommandes.

Sur ce point important, je déplore que les députés aient décidé de faire marche arrière, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, car cette situation constitue une pratique anticoncurrentielle et nuit à la souveraineté culturelle hexagonale, objectif pourtant affiché du texte.

Cette norme est largement répandue dans l’Union européenne. Elle ne pose donc pas de problème au regard du droit européen, comme on veut nous le faire croire. La pression vient des opérateurs, car ils souhaitent continuer à vendre des box. Le coût de cette mise aux normes pourrait être mis à la charge des fabricants de téléviseurs.

Contrairement aux arguments que l’on nous a fait valoir, la création à l’article 10 bis A d’un label dédié à la TNT de nouvelle génération n’est pas une obligation, de sorte que son poids reste relatif.

Récemment, le CSA a autorisé, avec succès, Arte à utiliser cette norme. Nous risquons donc d’être en porte-à-faux avec cette initiative et de mettre la chaîne en difficulté. C’est pour nous une inquiétude majeure.

Globalement, le texte, malgré les améliorations dont il a fait l’objet, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il reste en effet de nombreux chantiers à mener, que nous connaissons tous, qu’il s’agisse de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui n’a toujours pas été enclenchée – espérons que la prochaine loi de finances sera l’occasion de le faire ! –, ou bien de celle de la chronologie des médias, toujours inachevée.

Alors que des candidats à la présidence de la République parlent de supprimer l’audiovisuel public, il aurait été très important, comme je l’ai déjà dit en première lecture, d’en redéfinir et d’en stabiliser le modèle économique, après un débat national réaffirmant ses missions spécifiques, telles que la période du confinement a pu les mettre en évidence.

Le texte qui nous a finalement été soumis – c’est très regrettable, et le rapporteur l’a bien pointé – ne tient pas l’ambition promise par Franck Riester d’une réforme systémique, qui aurait été tellement nécessaire pour affronter le monde actuel.

Cependant, parce qu’il contient des avancées ponctuelles, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)