M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 81 est présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 30.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet article a été ajouté par le Gouvernement par lettre rectificative du 12 mai 2021 et prévoit la mise en œuvre de la solution suggérée par le Conseil d’État dans sa décision French Data Network du 21 avril 2021. Nous considérons sa rédaction largement en deçà du cadre fixé par le Conseil d’État.
En effet, cet article ne modifie qu’à la marge le système existant, qui oblige les opérateurs à conserver pendant un an l’ensemble des données de connexion des populations, alors que ce système a été jugé en grande partie inconventionnel par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa décision La Quadrature du Net du 6 octobre 2020.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 81.
Mme Esther Benbassa. Cet article instaure une surveillance de masse, a priori autorisée à titre exceptionnel, mais qui sera systématisée en pratique. Ainsi, sur injonction du Premier ministre, l’ensemble des opérateurs internet et de téléphonie auront l’obligation de conserver pendant un an les données de connexion généralisées et indifférenciées d’une partie de la population.
Ces mesures de surveillance sont disproportionnées, car elles autorisent le placement sous surveillance de vastes franges de la population française, pour des motifs très larges et imprécis, et ce sans aucun contrôle judiciaire.
La conservation généralisée et indifférenciée de certaines données de trafic et de localisation peut être imposée sur injonction du Premier ministre, pour une durée maximale d’un an, renouvelable à l’issue d’un réexamen de l’état des menaces pesant sur la sécurité nationale. Seul est prévu un recours devant le Conseil d’État, après l’injonction.
En tout état de cause, cette mesure fait l’objet d’un contrôle insuffisant et viole les obligations fixées par la Cour de justice de l’Union européenne, qui exige, dans son arrêt du 21 décembre 2016, le contrôle du juge en amont ou d’une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir contraignant.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande par conséquent la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’article 15 porte sur la conservation des données de connexion. Certes, il emprunte le chemin de crête tracé par le Conseil d’État, en application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Le président de la CJUE a déclaré que la décision du Conseil d’État était conforme à celui de la Cour de justice.
Le dispositif n’est pas parfait, mais il sauvegarde l’essentiel, en particulier pour les services de renseignement.
Nous sommes donc défavorables à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 81.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 93 rectifié est présenté par MM. Leconte et Vaugrenard, Mme S. Robert, M. Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Todeschini, Roger et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie et Sueur, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 105 est présenté par Mme Canayer et M. Daubresse, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7
Après le mot :
criminalité
insérer les mots :
et la délinquance
II. – Alinéa 12
Après le mot :
criminalité
insérer les mots :
et de la délinquance
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.
M. Jean-Yves Leconte. Cet article est très important, car il tire les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui interdit de continuer à demander aux opérateurs de téléphonie de conserver les données de connexion.
Les enquêtes judiciaires donnent lieu tous les ans à deux millions de réquisitions portant sur des données de connexion. Quatre enquêtes judiciaires sur cinq sont concernées par cette procédure, qui est remise en cause par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Préoccupés par le manque d’outils permettant de poursuivre les enquêtes et par la faible robustesse des dispositions du Gouvernement, nous essayons, à travers cet amendement, d’améliorer quelque peu le dispositif. Nous proposons ainsi d’étendre ces dispositions, réservées aux besoins de la lutte contre la criminalité grave, à la délinquance grave.
Permettez-moi de vous faire part de deux réflexions sur l’article 15.
L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne concerne non pas uniquement la France, mais bien tous les pays européens. Or on nous demande de tirer les conséquences de cet arrêt sans avoir effectué d’étude sérieuse sur la manière dont sont conduites les enquêtes judiciaires dans l’ensemble des pays européens, qui sont soumis à la même contrainte. Comment peut-on tirer les conséquences de cet arrêt sans aucune étude d’impact sérieuse sur ce sujet ? La Conférence nationale des procureurs de la République a marqué son inquiétude réelle sur ce point.
Nous essayons, dans la mesure du possible, d’améliorer le texte, mais ce ne sera probablement pas suffisant. Il est possible qu’un certain nombre d’enquêtes soient fragilisées par le manque de robustesse des dispositions telles qu’elles sont proposées par le Gouvernement.
Il me semble que le droit européen, lorsqu’il pose problème à de nombreux États européens, doit être changé. La sécurité nationale ne relève pas des compétences de l’Union européenne, aussi la Cour de justice juge-t-elle en se fondant sur ce dont elle dispose, à savoir le droit européen, lequel est d’abord constitué de régulations économiques et du règlement général sur la protection des données (RGPD). Il est assez normal qu’on en arrive là, car elle ne prend pas en compte la sécurité nationale.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Il nous faut donc réfléchir à la manière de faire évoluer le droit européen sur ce sujet. Aujourd’hui, il est insuffisant. Cet amendement vise à améliorer la situation.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 105 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 93 rectifié.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’article 15 sur la conservation des données de connexion emprunte une voie faible et bien bornée par l’arrêt de la CJUE et par la décision du Conseil d’État.
Néanmoins, lors des auditions, une difficulté réelle est apparue pour les enquêtes de police judiciaire diligentées par les procureurs de la République. Ces derniers ne pourront plus recourir à des réquisitions de données de connexion dans le cadre d’enquêtes liées à la criminalité ordinaire. En effet, le dispositif mis en place par l’article 15 se limite à la criminalité grave.
C’est la raison pour laquelle il nous a paru important de mieux définir la notion de criminalité grave et d’étendre les dispositions de cet article à la délinquance grave. Tel est le sens de l’amendement que je vous propose. Je remercie d’ailleurs M. Leconte d’avoir rendu son amendement identique au mien. Cette extension constituera un moindre mal pour les enquêtes judiciaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 rectifié et 105.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 15 est réellement très important. Je ne pense pas que nous ayons épuisé le sujet, malgré nos efforts pour tenter de tenir compte de l’arrêt de la CJUE, compte tenu du droit européen tel qu’il est aujourd’hui.
Ce dispositif n’est pas très robuste : il prévoit une intervention du Premier ministre auprès du pouvoir judiciaire, ce qui pose un problème de séparation des pouvoirs !
Finalement, tout le monde tente de faire au mieux, mais le résultat n’est pas génial. Pour parvenir à améliorer le dispositif, il nous faut regarder ce que font nos partenaires européens, soumis aux mêmes contraintes, et probablement nous interroger sur une extension des compétences européennes à la sécurité nationale.
On touche, en effet, au paradoxe suivant : parce que nous avons voulu priver l’Union européenne de toute compétence en matière de sécurité nationale, l’Union européenne nous pose problème in fine. Il faudrait donc donner des compétences dans ce domaine à l’Union européenne afin de renforcer notre souveraineté. Comme sur de nombreux sujets de la construction européenne, il faut accepter d’aller plus loin ensemble.
Je ne pense pas que l’article 15 soit réellement la panacée, mais c’est ce qu’on peut faire de mieux en l’état actuel du droit européen. Ce dernier n’est pas un droit divin ; on peut le modifier si on le souhaite. Nombreux sont nos partenaires européens qui font face à la même difficulté que nous, tous veulent lutter contre la criminalité organisée. Il est donc indispensable d’adopter des dispositions pour permettre les enquêtes.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. La Belgique a purement et simplement annulé les dispositions de sa loi du 29 mai 2016. De son côté, le Royaume-Uni, bien qu’il soit tenu par cette décision, n’a pas l’intention de l’appliquer. Enfin, l’Allemagne a actuellement une affaire pendante.
Je tenais à soulever ces questions de souveraineté et de droit européen auprès de Mme la ministre, telles qu’elles ont été débattues, le 10 juin dernier, lors d’une table ronde organisée par la commission des affaires européennes et la commission des lois du Sénat.
Il faut que le politique reprenne la main sur les dispositions relatives au terrorisme, car il nous faut être sur la même ligne que nos voisins européens. On ne peut pas avancer en ordre dispersé sur ces questions très importantes.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 821-1 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’autorisation est délivrée après un avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Conseil d’État est immédiatement saisi par le président de la commission ou, à défaut, par l’un des membres de la commission parmi ceux mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1 du présent code. La formation spécialisée mentionnée à l’article L. 773-2 du code de justice administrative, le président de la formation restreinte mentionnée au même article L. 773-2 ou le membre qu’il délègue statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de cette saisine. La décision d’autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d’État ait statué, sauf en cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate. » ;
b) Au début du second alinéa, les mots : « Ces techniques » sont remplacés par les mots : « Les techniques de recueil de renseignement » ;
2° L’article L. 821-5 est abrogé ;
3° L’article L. 821-7 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère d’urgence mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 821-1 ne peut être invoqué pour les autorisations concernant l’une des personnes mentionnées au premier alinéa du présent article ou ses véhicules, ses bureaux ou ses domiciles. » ;
4° L’article L. 833-9 est ainsi modifié :
a) Le 5° est abrogé ;
b) Le 6° devient le 5° ;
5° Le II de l’article L. 851-2 est abrogé ;
6° Le V de l’article L. 851-3 est ainsi rédigé :
« V. – Le caractère d’urgence mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 821-1 ne peut être invoqué pour les autorisations délivrées sur le fondement des I et II du présent article. » ;
7° Après le IV de l’article L. 853-1, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – Le caractère d’urgence mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 821-1 ne peut être invoqué que si l’autorisation prévue au présent article a été délivrée au titre du 1°, du 4° ou du a du 5° de l’article L. 811-3. » ;
8° Après le IV de l’article L. 853-2, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – Le caractère d’urgence mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 821-1 ne peut être invoqué que si l’autorisation prévue au présent article a été délivrée au titre du 1°, du 4° ou du a du 5° de l’article L. 811-3. » ;
9° Le second alinéa du III de l’article L. 853-3 est ainsi rédigé :
« Le caractère d’urgence mentionné à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 821-1 ne peut être invoqué que si l’autorisation prévue au présent article a été délivrée au titre du 1°, du 4° ou du a du 5° de l’article L. 811-3. Lorsque l’introduction mentionnée au I du présent article porte sur un lieu privé à usage d’habitation, le caractère d’urgence ne peut être invoqué que si l’autorisation a été délivrée au titre du 4° de l’article L. 811-3. »
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au premier alinéa, après le mot : « avis » , il est inséré le mot : « conforme » ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à prévoir que l’avis du Premier ministre doit être conforme à celui qui est rendu par la CNCTR.
Selon la CNIL, l’article 16, tel qu’il est rédigé, permet formellement au Premier ministre d’autoriser la mise en œuvre immédiate d’une technique de renseignement, même après un avis défavorable de la CNCTR.
Nous recommandons donc qu’il soit interdit au Premier ministre, sauf dans certains cas d’urgence absolue, d’autoriser la mise en œuvre d’une telle technique après un avis défavorable de la CNCTR.
Le Conseil d’État avait par ailleurs exigé, dans son arrêt du 21 avril 2021, un contrôle préalable par une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir d’avis conforme ou par une juridiction.
En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu, le 25 mai, un arrêt Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, dans lequel elle exige que les activités d’interception en masse soient soumises à l’autorisation d’une autorité indépendante dès le départ, dès la définition de l’objet et de l’étendue de l’opération.
Sur le fondement de ces recommandations, nous proposons que le projet de loi prévoie un avis conforme de la CNCTR, lequel avis deviendrait ainsi contraignant pour la mise en œuvre, sur le territoire national, d’une technique de renseignement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait en pratique.
En effet, l’article 16 prévoit un recours systématique devant le Conseil d’État en cas de refus du Premier ministre de suivre l’avis de la CNCTR.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Supprimer les mots :
, sauf en cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Alors que l’arrêt du 6 octobre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne et celui du Conseil d’État du 21 avril 2021 allaient tous deux dans le sens d’un contrôle préalable par une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir d’avis conforme ou une juridiction en matière de surveillance et de renseignement, le présent article, encore une fois, ne confère pas d’avis contraignant à l’avis du CNCTR.
Comme cela a été dit précédemment, en cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné la mise en œuvre immédiate de la technique autorisée, il est possible de passer outre le caractère suspensif de la saisine du Conseil d’État.
Afin de renfoncer le contrôle préalable, le présent amendement tend à mettre fin à la mise en œuvre de la technique de renseignement tant que le Conseil d’État n’a pas statué sur sa légalité. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de passer outre cette garantie procédurale essentielle.
Il s’agit ici de mettre notre droit interne en conformité avec l’arrêt de la CJUE précité, qui permet la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion autres que les adresses IP « aux seules fins de sauvegarde de la sécurité nationale lorsqu’un État est confronté à une menace grave pour la sécurité nationale qui s’avère réelle et actuelle ou prévisible, sur injonction d’une autorité publique, soumise à un contrôle effectif d’une juridiction ou d’une autorité administrative indépendante ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Même avis : défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 86, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes concernées par les mesures prévues au présent article sont informées de leur fin une fois les mesures levées. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement tend à mettre en place un droit d’information des personnes concernées par les mesures prévues à l’article 16. En effet, quand une personne fait l’objet de mesures de surveillance, elle n’est pas avertie lorsqu’il y est mis fin.
L’objectif du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est donc de renforcer le droit d’information en matière de surveillance, car nous estimons qu’il est tout à fait normal que l’intéressé soit au fait de la situation dans laquelle il se trouve à l’égard du renseignement.
Le présent amendement vise donc à faire en sorte que les personnes concernées soient informées le moment venu de la levée des mesures dont elles font l’objet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qu’elle juge potentiellement dangereux.
En effet, une personne peut faire l’objet d’autres techniques de renseignement à l’issue de la levée d’une première mesure de surveillance. Dans ce cas, il est inutile de l’en informer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Leconte et Vaugrenard, Mme S. Robert, M. Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Todeschini, Roger et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie et Sueur, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le précédent alinéa s’applique sans préjudice des dispositions de l’article L. 773-7 du code de la justice administrative. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Nous sommes favorables au principe de l’article 16, qui vient renforcer le contrôle préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur le territoire national, en conférant un caractère contraignant à ses avis, tout en ménageant une exception en cas d’urgence.
Toutefois, il nous paraît nécessaire d’articuler strictement les prérogatives constitutionnelles de l’exécutif et les pouvoirs de contrôle dont est dotée la CNCTR – autorité administrative indépendante –, combinés avec le recours éventuel au Conseil d’État en cas de désaccord avec le Premier ministre.
Le recours à la procédure d’urgence soulève des interrogations légitimes, en particulier au regard de l’existence d’un réel contrôle a posteriori.
Nous avons bien conscience qu’il n’est pas possible de limiter les conditions dans lesquelles l’urgence pourrait être invoquée par le Premier ministre ou de lui imposer un avis conforme en vertu des articles 20 et 21 de la Constitution, s’agissant en outre d’une matière relevant de la police administrative. Il importe néanmoins de rappeler que, en tout état de cause, dans l’hypothèse où le Conseil d’État, saisi par la CNCTR, jugerait que la technique de renseignement a été mise en œuvre sans urgence suffisamment caractérisée, il pourra, en application de l’article L. 773-7 du code de justice administrative, annuler l’autorisation délivrée par le Premier ministre et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
Nous proposons donc, par cet amendement, de rappeler que la procédure prévue à l’article 16 s’appliquera sans préjudice des dispositions de l’article L. 773-7 du code de justice administrative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement paraît satisfait et la précision superfétatoire. Je demande donc son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, ministre. Pour ma part, je comprends les motivations des auteurs de l’amendement. Celui-ci pourrait, me semble-t-il, être adopté sous réserve d’une précision complémentaire.
Ainsi, monsieur le sénateur Leconte, vous proposez de faire référence à l’article L. 773-7 du code de justice administrative. Cette mention paraît insuffisante ; il conviendrait plutôt de renvoyer aux conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du même code.
Votre amendement pourrait être complété en ce sens.
Je le dis, car, si cette proposition n’est peut-être pas totalement aboutie, l’intention est tout à fait louable.
Sous réserve d’une telle rectification, l’avis est favorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Monsieur le président, je demande une suspension de quelques minutes pour examiner cette proposition.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous propose de réserver le vote de l’amendement n° 62 rectifié et de l’article 16, dans l’attente que soit effectuée la rectification suggérée par le Gouvernement.
Article 16 bis
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1°(nouveau) À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 832-3, après la référence : « L. 821-2 », sont insérés les mots : « et sur les avis rendus dans le cadre de la dernière phrase du premier alinéa du I de l’article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure » ;
2° Le premier alinéa du I de l’article L. 853-3 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, les mots : « l’autorisation ne peut être donnée » sont remplacés par les mots : « la mise en place et l’utilisation de ces dispositifs ne peuvent être autorisées » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La maintenance et le retrait de ces mêmes dispositifs peuvent être autorisés après avis exprès rendu dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 832-3. » – (Adopté.)
Article 17
La section 8 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-105-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-105-1. – I. – Par dérogation à l’article 11, le procureur de la République de Paris peut, pour les procédures d’enquête ou d’instruction entrant dans le champ d’application de l’article 706-72-1, communiquer aux services de l’État mentionnés au second alinéa de l’article L. 2321-2 du code de la défense, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice de leur mission en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information. Si la procédure fait l’objet d’une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d’instruction.
« Le juge d’instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités que celles mentionnées au premier alinéa du présent I, pour les procédures d’information dont il est saisi, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République de Paris.
« II. – Par dérogation à l’article 11, le procureur de la République de Paris peut, pour les procédures d’enquête ou d’instruction relevant de la compétence des juridictions mentionnées au dernier alinéa de l’article 706-75 et portant sur les infractions mentionnées aux 3°, 5°, 12° et 13° de l’article 706-73 ainsi que sur le blanchiment de ces infractions, communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure ainsi qu’aux services mentionnés à l’article L. 811-4 du même code désignés, au regard de leurs missions, par décret en Conseil d’État, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice des missions de ces services au titre de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées. Si la procédure fait l’objet d’une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d’instruction.
« Le juge d’instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités que celles mentionnées au premier alinéa du présent II, pour les procédures d’information dont il est saisi, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République de Paris.
« III. – Les informations communiquées en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services de renseignement étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement, toute personne qui en est destinataire est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 17 bis
L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après le mot : « renseignement », la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « , évalue la politique publique en ce domaine et assure un suivi des enjeux d’actualité et des défis futurs qui s’y rapportent. » ;
b) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Sur une base semestrielle, la liste des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence, produits au cours du semestre précédent. » ;
c) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La délégation peut, dans la limite de son besoin d’en connaître, solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports mentionnés au 7° du présent I ainsi que de tout autre document, information et élément d’appréciation nécessaire à l’accomplissement de sa mission. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
« III. – La délégation peut entendre :
« 1° Le Premier ministre ;
« 2° Les membres du Gouvernement et leur directeur de cabinet ;
« 3° Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;
« 4° Le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme ;
« 5° Le directeur de l’Académie du renseignement ;
« 6° Les directeurs en fonction des services mentionnés au I, accompagnés des collaborateurs de leur choix en fonction de l’ordre du jour de la délégation, ainsi que toute personne placée auprès de ces directeurs et occupant un emploi pourvu en conseil des ministres ;
« 7° Toute personne exerçant des fonctions de direction au sein des services mentionnés au même I ou du service du Premier ministre mentionné à l’article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure, en présence de sa hiérarchie, sauf si celle-ci y renonce ;
« 8° Les directeurs des autres administrations centrales ayant à connaître des activités des services de renseignement. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au début du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La délégation » ;
d) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice du dernier alinéa du I du présent article, la délégation peut inviter le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme à lui présenter chaque année le plan national d’orientation du renseignement. » ;
3° (nouveau) À la seconde phrase du second alinéa du VI, le mot : « transmet » est remplacé par le mot : « présente ».