M. Pierre Ouzoulias. Eh oui !
Mme Céline Brulin. Pourtant, dans ce contexte peu réjouissant, la crise semble avoir accéléré l’engagement des jeunes, avec un fort besoin de se sentir utile et, quelque part, de trouver sa place dans la société. Maintenant, il faut transformer l’essai.
La crise sanitaire a aussi accentué la crise des associations : alors que, depuis vingt ans, 70 000 associations étaient créées en moyenne chaque année, on annonce une baisse de 40 % en 2020. Les adhésions sont également en nette diminution selon les secteurs, avec toutes les conséquences que cela implique, y compris financières, pour les associations.
Dans ces circonstances, les apports de ce texte sont à saluer. Nous voterons cette proposition de loi, tout en continuant à travailler, avec tous ceux qui le souhaitent – je sais qu’ils sont nombreux ici –, sur le statut de bénévole, qui doit être mieux reconnu et valorisé, pas seulement dans les discours, mais aussi dans les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en saluant cette proposition de loi et son auteur, Sylvain Waserman, présent en tribune. Ce texte permet de poser et d’examiner des mesures concrètes au bénéfice du monde associatif, largement malmené, qui connaît aujourd’hui une réelle carence d’engagement. Je remercie également notre rapporteur, Pierre-Antoine Levi, de son excellent travail.
Pour la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée, en 2014, d’étudier les difficultés du monde associatif, le renouvellement des dirigeants bénévoles est la première difficulté recensée par les associations : 53 % d’entre elles indiquent avoir du mal à renouveler leurs instances dirigeantes. Rappelons que les ressorts principaux de l’engagement sont avant tout la volonté d’être utile à autrui et à la société, de lutter contre les injustices. Les valeurs essentielles en sont la fraternité et la solidarité. Mais les bénévoles d’aujourd’hui, sur qui repose largement le fonctionnement des associations, souhaitent aussi que leur engagement leur apporte un épanouissement personnel et qu’il donne un sens à leur vie.
Pour ces raisons, le mode de fonctionnement des associations et l’appétence à s’engager se devaient d’être interrogés.
En ce qu’elles jouent un large rôle de vecteurs de lien social, synonymes de cohésion territoriale et sociétale, il était important que les associations, qui pallient aussi parfois les manquements de l’État en jouant un rôle de service public, et le monde associatif en général soient l’objet du texte qui nous préoccupe aujourd’hui afin de corriger ce biais carentiel d’engagement.
Nous le savons, le fonctionnement des associations repose largement sur le bénévolat, qui en est la véritable « matière première », gage de leur pérennisation. L’un des maillons essentiels en est d’ailleurs le dirigeant bénévole, qui, outre un engagement sans faille en termes de disponibilité, doit notamment disposer de compétences solides en matière fiscale et juridique, eu égard aux responsabilités dont il est débiteur. Il était donc primordial de lutter contre une insécurité juridique délétère et de lui offrir un cadre stable en atténuant sa responsabilité financière en cas de faute de gestion due à de simples négligences.
Je salue l’abondement du FDVA, qui va dans le bon sens. Je rappelle que le Haut Conseil à la vie associative estime à 100 millions d’euros les sommes qui pourraient ainsi être mobilisées.
Par ailleurs, et de manière plus large, cette proposition de loi vise à favoriser l’engagement associatif auprès des plus jeunes en permettant la mise en place d’un module théorique et d’un support méthodologique pour aider les enseignants dans la présentation de la vie associative et aider ainsi les élèves de collège et de lycée à s’engager et à développer une fibre d’engagement citoyen. En effet, c’est bien d’éveil dont il est question : il faut que nos jeunes aient une réelle connaissance et soient largement sensibilisés à ce type d’organisation, en leur permettant de s’engager pour une cause et de faire vivre une passion.
Malgré les engagements positifs de cette proposition de loi, la fatalité de l’existant est réelle et de nombreux points restent en suspens et doivent nous interroger en termes de viabilité, d’efficacité et de pérennisation de la vie associative.
Le secteur associatif a été rudement éprouvé par les mesures prises depuis le début du quinquennat avec le retrait des contrats aidés, la diminution des moyens publics, l’impact sur la générosité de la suppression de l’ISF et les conséquences de la crise sanitaire. À cela s’ajoutent, de façon plus structurelle, des complexités et tracasseries administratives associées à une valorisation timorée de l’engagement associatif.
Tous ces aspects continueront de peser négativement sur l’engagement associatif et de grever les actions mêmes des associations. Or il faut justement répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : celles qui emploient plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de salariés, mais aussi les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale au niveau local. Lors de l’examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de budget pour 2021, j’ai largement pointé le manque, à la fois, de signal positif et d’une ligne politique claire de la part du Gouvernement en direction du milieu associatif.
Il est d’une impérieuse nécessité de développer une reconnaissance de l’engagement associatif au-delà de ce qu’il est aujourd’hui possible de faire et qui, je le précise, est très largement méconnu. À ce titre, je regrette la suppression, en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, de deux ajouts du Sénat, à savoir l’allégement des contraintes des associations quant au nombre de stagiaires qu’elles peuvent accueillir et la reconnaissance du caractère d’intérêt général des associations par le préfet.
Malgré cela, et dans un souci de pérenniser rapidement les avancées qu’offre cette proposition de loi, le groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens aujourd’hui, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux un bref instant.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix-neuf, est reprise à douze heures vingt et une.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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œuvres culturelles à l’ère numérique
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié et d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (projet n° 523, texte de la commission n° 558 rectifié, rapport n° 557) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 522, texte de la commission n° 559, rapport n° 557).
La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, soumis à votre examen aujourd’hui, poursuit trois objectifs clairs : la protection des œuvres et des retransmissions sportives, à travers le renforcement de la lutte contre le piratage ; la modernisation de la régulation des contenus ; la préservation de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises. Il s’inscrit dans une démarche globale de réforme du secteur audiovisuel, lancée par le Président de la République depuis 2017.
Vous le savez, cette réforme devait initialement prendre forme à travers le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, porté par mon prédécesseur Franck Riester et présenté en conseil des ministres en décembre 2019. La crise sanitaire et le bouleversement du calendrier parlementaire n’ont pas permis de poursuivre le processus législatif de ce texte. Je sais qu’il est très attendu par le Sénat, qui compte beaucoup d’experts des enjeux audiovisuels.
Malgré la suspension de l’examen de ce texte, l’ambition du Gouvernement est restée intacte.
Tout d’abord, grâce à la promulgation de la loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne, dite « Ddadue », le Gouvernement est habilité à transposer plusieurs directives européennes importantes par voie d’ordonnances. Très attendues par les professionnels, les ordonnances permettent d’accélérer leur mise en œuvre.
L’ordonnance relative aux services de médias audiovisuels a été promulguée le 21 décembre dernier. Son décret d’application, dit « décret SMAD », sera publié très prochainement. Conformément à l’engagement du Président de la République, les plateformes étrangères qui ciblent notre territoire contribueront au financement de la création cinématographique et audiovisuelle française dès 2021.
Les ordonnances permettant de transposer la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique et la directive dite « Câble et satellite » sont en cours. J’ai ainsi présenté en conseil des ministres, la semaine dernière, une première ordonnance permettant de transposer les articles 17 à 23 de la directive Droit d’auteur. Deux autres suivront très prochainement.
Ensuite, la transformation de l’audiovisuel public, si elle ne se fait plus par voie législative, se poursuit : les objectifs de renforcement des coopérations entre les différentes entreprises ont été confirmés dans les contrats d’objectifs et de moyens de ces sociétés, que j’ai signés voilà quelques semaines.
Enfin, il restait un certain nombre de dispositions urgentes et consensuelles qui nécessitaient un véhicule législatif. Or, vous le savez, ce n’était pas gagné d’avance : dans un calendrier parlementaire particulièrement encombré, j’ai réussi à obtenir le temps nécessaire pour présenter ce projet de loi devant le Parlement – nous y sommes ! Il s’agit donc du projet de loi, resserré et recentré, relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Trois enjeux forts structurent ce texte.
Le premier est le renforcement de la lutte contre le piratage. Ces dispositions trouvent une acuité renforcée en raison des pratiques culturelles actuelles, mais aussi dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. L’offre numérique culturelle a été fortement sollicitée pendant cette période, confirmant la tendance qui se dégage depuis une dizaine d’années. Mais cette forte augmentation de la consommation de biens culturels dématérialisés s’est accompagnée d’une hausse des pratiques illicites, ce qui justifie d’autant plus les dispositions prévues par ce projet de loi.
La lutte contre le piratage se voit renforcée par plusieurs dispositions qui ciblent, non pas les internautes, mais les sites internet qui tirent un profit commercial de la mise en ligne d’œuvres, en violation des droits des créateurs. Le projet de loi prévoit ainsi que soit dressée une « liste noire » des sites internet dont le modèle économique repose sur l’exploitation massive de la contrefaçon. Il permet également de lutter plus efficacement contre les « sites miroirs », c’est-à-dire ceux qui reprennent en totalité ou de manière substantielle les contenus d’un site jugé illicite. C’est la philosophie de ce texte.
Parallèlement, le Gouvernement et les ayants droit s’attachent à tirer le meilleur parti des outils juridiques existants, notamment de « l’action en cessation », qui permet de faire bloquer ou déréférencer, par les fournisseurs d’accès ou les moteurs de recherche, les sites pirates. Cette collaboration est particulièrement fluide avec les moteurs de recherche. Elle l’est moins avec les fournisseurs d’accès, ce qui est à la fois regrettable et paradoxal de la part d’opérateurs nationaux, mais j’ai bon espoir qu’elle progresse rapidement.
Vous comprendrez donc l’opposition du Gouvernement à l’introduction d’un dispositif de transaction pénale. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre longuement, mais je veux appeler à la prudence sur ce sujet. Outre le fait que le succès de cette transaction n’est pas garanti, le niveau de sensibilité du grand public sur la question de la répression des pratiques des internautes reste élevé, et ce dispositif toucherait surtout notre jeunesse, qui connaît déjà de grandes difficultés en raison de la crise sanitaire.
Le projet de loi prévoit également un dispositif spécifique de référé pour lutter contre le piratage sportif : il exige la mise en place de mesures adaptées, qui tiennent particulièrement compte de l’urgence inhérente aux retransmissions audiovisuelles en direct de manifestations sportives. C’est pourquoi le projet de loi instaure un mécanisme ad hoc de référé, susceptible de produire des effets dans la durée.
Le deuxième enjeu est de moderniser la régulation des contenus audiovisuels et numériques. Pour mener à bien ces nouvelles missions en matière de lutte contre le piratage, mais aussi pour mieux accommoder la convergence progressive de l’audiovisuel et du numérique, le texte fusionne la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et le Conseil supérieur de l’audiovisuel en une nouvelle autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom.
Ce nouveau régulateur sera compétent sur l’ensemble du champ de la régulation des contenus audiovisuels et numériques, qu’il s’agisse de lutter contre le piratage, de protéger les mineurs ou de défendre les publics contre la désinformation et la haine en ligne. Il sera aussi mieux armé et plus efficace avec des missions élargies et des pouvoirs de contrôle et d’enquête étendus.
La composition de son collège doit également être adaptée. Vous le savez, le Gouvernement est très attaché à la présence de deux magistrats, non pas par idéologie, mais parce qu’elle est indispensable au bon fonctionnement de la future autorité. Ces magistrats seront notamment chargés de mettre en œuvre la réponse graduée, qui est une procédure prépénale, aujourd’hui confiée, d’ailleurs, à des magistrats.
Compte tenu de la sensibilité des atteintes à la vie privée et à la liberté de communication que peut impliquer la réponse graduée, cette présence paraît indispensable. Plus largement, le renforcement des missions du régulateur en matière de régulation des contenus en ligne, que ce soit en matière de fausses informations ou de contenus haineux, engagé par plusieurs textes nationaux et européens, justifie pleinement que le collège de l’Arcom puisse bénéficier de l’expertise de deux membres magistrats.
Les préoccupations que vous avez exprimées en commission sur le nombre de désignations par le Parlement sont également légitimes. En tant qu’ancienne parlementaire, je ne peux qu’y être sensible. Nous aurons un débat sur cette composition, mais je crois vraiment que nous pouvons converger sur cette question, et des amendements ont été déposés en ce sens par certains d’entre vous.
Enfin, le troisième enjeu auquel répond ce texte est la protection de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.
Les catalogues de nos œuvres cinématographiques et audiovisuelles constituent notre patrimoine. Le public a aujourd’hui la garantie d’avoir accès aux œuvres françaises, car les producteurs, établis en France, qui les possèdent sont tenus à une obligation de « recherche d’exploitation suivie » : elle leur impose de conserver les supports des œuvres en bon état et de fournir leurs meilleurs efforts pour que l’œuvre puisse être exploitée et, donc, vue par le public, en France et à l’étranger.
Or il existe aujourd’hui le risque que de grandes sociétés de production ou simplement leurs catalogues soient rachetés par des entreprises éloignées de tout objectif culturel et non soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie, comme des fonds d’investissement, notamment étrangers. Ces acheteurs pourraient décider de retirer temporairement du marché certaines œuvres, pour en faire monter les prix, ou décider d’exploiter seulement les films les plus rentables d’un catalogue et laisser les autres en déshérence.
L’article 17 du projet de loi étend donc à toutes les personnes qui rachètent une ou plusieurs œuvres françaises l’obligation de recherche d’exploitation suivie, qui existe aujourd’hui uniquement pour les producteurs établis en France. Il prévoit également que tout projet de cession d’œuvre doit faire l’objet d’une notification préalable auprès des services du ministère de la culture, au moins six mois avant la date de l’opération envisagée. Ces six mois permettront de vérifier que l’acheteur présente bien toutes les garanties pour assurer la recherche d’exploitation suivie. Si ce n’est pas le cas, certaines obligations garantissant l’exploitation suivie des œuvres françaises de ces catalogues peuvent lui être imposées.
Cet article est vraiment important pour préserver notre souveraineté culturelle. Reste que j’ai entendu les craintes exprimées par certains producteurs. Le Gouvernement proposera donc d’apporter quelques précisions par voie d’amendement afin d’y répondre.
Ces trois chapitres sont donc étroitement liés entre eux. La lutte contre le piratage et la protection des catalogues participent d’un même objectif de défense de notre création culturelle. Elles visent à permettre au public d’accéder aux œuvres dans des conditions respectueuses des droits des créateurs. Or il faut un régulateur solide et puissant pour mettre en œuvre les nouveaux outils innovants et ambitieux de lutte contre le piratage. La création de l’Arcom marque la volonté, à la fois, de passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre les sites pirates et d’inscrire cette action dans une politique plus large de régulation des contenus en ligne.
Vous avez souhaité en commission élargir le périmètre du projet de loi à différents enjeux, comme la distribution des chaînes, les procédures d’autorisations d’émettre ou les seuils anti-concentration. Vous soulevez des questions légitimes, et je suis tout à fait prête à en débattre avec chacune et chacun d’entre vous durant les prochaines heures.
En revanche, et je vous l’ai indiqué très clairement lors de mon audition le 13 avril dernier, il est indispensable de rester sur un projet de loi cohérent et resserré. Cohérent autour des trois objectifs énumérés : la lutte contre le piratage, la modernisation de la régulation et la protection des œuvres culturelles. Resserré, avec un nombre d’articles limité pour permettre la poursuite du processus législatif et l’adoption définitive du projet de loi dans le temps parlementaire imparti. J’aurai donc systématiquement, au cours de nos débats, une attention particulière au respect du périmètre initial du texte.
Je souhaite également évoquer France 4 et la décision prise par le Président de la République de son maintien.
Je veux saluer l’engagement de l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, à ce sujet. Vous avez été nombreux à exprimer vos inquiétudes et votre soutien au maintien d’une chaîne jeunesse, qui a su se réinventer et faire la preuve de son utilité.
Ce maintien est avant tout une excellente nouvelle pour les plus jeunes téléspectateurs et leurs parents, puisqu’ils pourront continuer à regarder une chaîne de service public proposant des programmes dédiés aux enfants, sans publicité. C’est aussi une excellente nouvelle pour l’animation et la création françaises, qui continueront ainsi d’être exposées quotidiennement sur France 4.
En outre, la nouvelle offre de France 4, depuis le 3 mai dernier, combine une programmation jeunesse et éducative en journée et une programmation culturelle en soirée. Cette nouvelle offre en soirée permet de capitaliser sur le succès de la chaîne éphémère Culturebox, qui a su toucher son public en donnant à la scène française une exposition inédite. Cela permettra de continuer à exposer le spectacle vivant sous toutes ses formes le soir, pour donner envie au public d’aller à la rencontre de nos artistes et de toutes nos esthétiques sur scène.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le travail mené avec M. le rapporteur au cours des dernières semaines. Ce n’est pas une surprise, nous avons et nous aurons encore, probablement, à l’issue de ces débats, des désaccords. Malgré ces divergences, je crois pouvoir dire que nous avons eu un dialogue de qualité, avec nos équipes respectives, permettant des échanges réguliers, nourris et francs. Je ne peux que m’en réjouir.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte est très important. Il apporte des réponses concrètes à trois enjeux majeurs dans le domaine de la communication audiovisuelle : la protection des droits des auteurs, des artistes, des producteurs, des diffuseurs ou des fédérations sportives ; l’organisation de notre régulation, qui doit être rationalisée et modernisée ; enfin, la défense de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises, dans un contexte où la demande d’œuvres n’a jamais été aussi forte. Il rassemble des dispositions consensuelles et attendues par les professionnels. J’espère donc qu’il recevra un large soutien dans cet hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’oserai dire que nous revenons de loin. Il y a une semaine, notre commission examinait un projet de loi au contenu, certes, utile, mais très modeste compte tenu des enjeux auxquels est confronté le secteur des médias. La semaine écoulée a vu le groupe TF1 annoncer sa fusion avec le groupe M6, le géant Amazon rendre public le rachat du studio MGM et Warner se rapprocher de Discovery.
Ces grandes manœuvres confirment l’accélération des changements dans un secteur où les Américains sont en train de préempter l’offre de plateformes, tandis que les Européens peinent à s’organiser, empêtrés qu’ils sont dans des réglementations hors d’âge. Si le millésime 1986 est probablement très appréciable pour certains breuvages élevés en fûts de chêne, il en est très différemment en matière d’audiovisuel. En effet, il est des lois très opportunes lors de leur adoption, mais qui vieillissent mal.
Madame la ministre, le projet de loi déposé au Sénat était, à l’évidence, en retard de plusieurs guerres. Il comprenait, certes, des mesures utiles sur la régulation et la lutte contre le piratage, mais rien sur la gouvernance de l’audiovisuel public, malgré l’excellent travail de Franck Riester, votre prédécesseur, qui s’inspirait de nos propositions de 2015, rien sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, rien sur la réglementation de la production. Vous pouvez certes évoquer la directive SMA, qui prévoit de mettre à contribution les plateformes pour les obliger à investir dans la production française, mais, si cette avancée devrait profiter aux producteurs, elle ne s’accompagne d’aucune modernisation réelle du cadre réglementaire qui s’impose aux chaînes de télévision, sauf à se satisfaire des ajustements modestes prévus par le décret TNT en cours de négociation.
Notre commission de la culture a fait de nombreuses propositions depuis une dizaine d’années pour permettre de moderniser le cadre juridique défini en 1986, quand il n’y avait que six chaînes, une myriade de producteurs fragiles, pas d’internet et encore moins de Netflix. Le cadre adopté à l’époque réservait les droits des programmes aux producteurs et les fréquences aux chaînes. Ce « Yalta » ne correspond évidemment plus du tout à la situation actuelle, dans laquelle les diffuseurs, pour survivre, doivent pouvoir transformer leurs investissements en patrimoine et maîtriser leurs catalogues pour les mettre en valeur sur tous les supports et à l’international.
Compte tenu des échéances électorales à venir en 2022, il ne sera pas possible de discuter d’une nouvelle loi audiovisuelle avant 2023, voire 2024. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue donc la dernière opportunité pour permettre de redonner un peu d’air aux entreprises françaises de l’audiovisuel. Que contient ce projet de loi ?
La principale disposition du texte concerne le rapprochement entre le CSA et la Hadopi, pour créer l’Arcom, le grand régulateur des médias et du numérique. II s’agit d’une avancée, même si la composition du collège prévue par le texte ne peut nous satisfaire puisqu’elle minore le rôle du Parlement. Nous discuterons d’un amendement de compromis qui devrait permettre de résoudre ce problème.
Le deuxième apport de ce projet de loi concerne la lutte contre les différentes pratiques de piratage, qu’il s’agisse des contenus culturels ou sportifs. C’est sans doute là l’aspect le plus intéressant de ce texte et celui qui recueille notre assentiment le plus large, d’autant que notre commission a été pionnière pour accompagner la prise de conscience d’une nécessaire action législative en la matière.
Le troisième apport important du projet de loi aurait dû être constitué par l’article 17 relatif au contrôle de la cession des catalogues. La disposition envisagée dans l’avant-projet de loi laissait penser qu’un dispositif protecteur pour notre exception culturelle allait pouvoir être adopté. Malheureusement, l’examen par le Conseil d’État de cette disposition semble avoir eu raison de cette ambition, laquelle, il faut bien le reconnaître, mettait à mal les droits de propriété.
Au-delà de ces trois dispositions, que devons-nous faire de ce projet de loi ?
Vous souhaitiez, madame la ministre, que nous ne touchions pas au périmètre de ce projet de loi, qui, je le rappelle, a trait à la fois à la régulation du secteur de l’audiovisuel et à l’accès aux œuvres culturelles. Nous avons décidé de traiter ce périmètre, rien que ce périmètre, mais tout ce périmètre.
La régulation de l’audiovisuel ne se cantonne pas à définir les contours de l’Arcom. La régulation, c’est-à-dire l’organisation et le fonctionnement du secteur, renvoie aussi aux règles de concentration, à la réglementation de la production et aux normes techniques de diffusion.
L’accès aux œuvres culturelles ne peut, de la même manière, se limiter à une disposition sur les catalogues de programmes, surtout lorsqu’elle a été largement vidée de son contenu. Cet accès aux œuvres doit aussi concerner l’offre du service public, notamment en programmes de qualité à destination de la jeunesse, ainsi que la capacité des chaînes à maîtriser la diffusion des programmes qu’elles financent.
En somme, le projet de loi devait avoir pour ambition d’aider les acteurs français à répondre au défi que leur lancent les plateformes américaines.
La quinzaine d’articles additionnels adoptés par la commission donne du muscle à ce texte, qui en était fort dépourvu.
Pourrons-nous trouver un accord avec vous, madame la ministre, et avec nos collègues de l’Assemblée nationale ? Permettez-moi de donner mon avis personnel et de répondre par l’affirmative, puisque même le Président de la République semble maintenant être attentif à nos travaux, comme l’illustre son annonce de lundi dernier concernant le maintien de France 4, qui constituait une des mesures emblématiques du texte adopté en commission la semaine dernière.