M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. L’article 31 concerne l’application à l’Alsace-Moselle des dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Je tiens tout d’abord à vous remercier sincèrement, monsieur le ministre, d’avoir accepté de faire inscrire « en dur » – si je puis dire – les mesures concernées dans le code civil local et le code pénal local, et de ne pas vous être contenté d’une simple référence à la loi de 1905 dans les codes concernés.
Ce faisant, monsieur le ministre, vous avez évité tout risque de confusion pour l’avenir entre les textes relevant du droit général et ceux relevant du droit local. J’y vois une grande marque de respect de votre part à l’égard de notre droit local. Soyez-en remercié !
Pour autant, si l’on peut être favorable à l’application aux trois départements de l’Est de dispositions nationales visant à lutter contre le séparatisme, certaines modifications sont souhaitables, afin de tenir encore mieux compte de la spécificité du droit local alsacien-mosellan. Ces demandes de changement ont donné lieu au dépôt de plusieurs amendements dont vous noterez qu’ils ont été signés par des sénateurs alsaciens et mosellans siégeant sur la quasi-totalité des travées de notre assemblée. Je vous invite donc, mes chers collègues, à les voter.
Enfin, puisque certains s’interrogent sur l’opportunité de conserver le particularisme alsacien-mosellan, qu’il me soit permis d’utiliser cette tribune pour dire que, si la ville de Strasbourg a pu décider le versement d’une subvention à l’association Millî Görüs pour la construction de la plus grande mosquée d’Europe, cela n’est en rien lié au régime concordataire d’Alsace-Moselle. Si une telle décision a pu être prise, c’est parce que la loi de 1905 ne s’applique pas chez nous, notamment son article 2 qui prévoit que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
Cela étant, la ville ne pouvait pas s’exonérer d’une étude précise et spécifique sur l’opportunité d’une telle subvention au regard de l’intérêt général et de la protection de l’ordre public. Cette étude n’ayant pas été réalisée, je me félicite que l’État ait déféré cette décision devant le tribunal administratif.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de ma collègue Patricia Schillinger qui est convalescente.
En tant que parlementaire alsacienne, celle-ci avait à cœur de réitérer son attachement au droit local et à la pratique concordataire qui, comme vous l’aurez remarqué, transcende largement les habituels clivages politiques qui s’expriment dans notre assemblée.
La pratique concordataire a permis à l’Alsace-Moselle d’atteindre un équilibre entre liberté religieuse, laïcité et, plus largement, valeurs de la République.
Alors que ce texte prévoit de renforcer les obligations pesant sur les associations cultuelles sur tout le territoire, il eût été imprudent, voire dangereux, de ne pas accroître celles qui incombent aux associations cultuelles de droit local. Nous aurions pris le risque de voir certains territoires régis par le droit local se muer en refuges d’une forme de séparatisme religieux, attiré par un cadre juridique devenu permissif en comparaison de celui qui s’imposerait au reste de la France.
C’est pourquoi nous saluons l’approche apaisée et compréhensive adoptée par le Gouvernement, qui n’a pas souhaité renvoyer les associations relevant du droit local à l’application pure et simple de la loi de 1905, et qui a réalisé une transposition de certaines dispositions de la loi de 1905 dans le droit local. Il s’agit d’une réponse aux attentes fortes des territoires concernés, qui vise la préservation de leurs spécificités.
Si les élus alsaciens et mosellans se réjouissent des garanties obtenues jusqu’à présent, ils considèrent néanmoins qu’il était possible d’introduire d’autres mesures de précaution permettant de s’assurer que le texte ne pourrait ni aboutir à une modification du régime spécial des cultes ni entraver de manière exagérée le fonctionnement des établissements publics de ces cultes, qui sont déjà soumis à des contraintes spécifiques.
Enfin, dans un souci d’égalité, nous proposons que la faculté d’acquérir des immeubles à titre gratuit, qui est déjà offerte aux associations cultuelles, soit étendue à ces établissements publics du culte.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement et de six sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 689, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article 79-IV du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, il est inséré un 3 ainsi rédigé :
« 3. – Dispositions particulières propres aux associations inscrites à objet cultuel
« Art. 79-V. – Sans préjudice des articles du présent titre applicables aux associations inscrites, les associations inscrites à objet cultuel sont soumises aux dispositions des articles suivants, sauf lorsque leurs activités liées à l’exercice public du culte revêtent un caractère strictement accessoire.
« Art. 79-VI. – Les associations inscrites à objet cultuel ne doivent, ni par leur objet statutaire, ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l’ordre public.
« Art. 79-VII. – Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs sont, chaque année au moins, présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
« Art. 79-VIII. – I. – Toute association inscrite à objet cultuel bénéficiant directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France est tenue d’en faire la déclaration à l’autorité administrative.
« Cette obligation s’applique aux avantages et ressources dont le montant ou la valorisation dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État, qui ne peut être inférieur à 10 000 €, ou dont le montant ou la valorisation du total des avantages et ressources dépasse ce même seuil sur un exercice comptable. Elle ne s’applique pas aux avantages et ressources qui font l’objet d’une libéralité.
« Les avantages et ressources soumis à déclaration sont notamment les apports en fonds propres, les prêts, les subventions, les dons manuels les mécénats de compétences, les prêts de main-d’œuvre, les dépôts, les parts des sociétés civiles immobilières et les contributions volontaires, qu’ils soient réalisés par ou sans l’intermédiaire d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique, d’un établissement de paiement ou d’un organisme ou service mentionné à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier.
« II. – Les avantages et ressources soumis à l’obligation de déclaration mentionnée au I du présent article sont les suivants :
« 1° Les avantages et ressources apportés directement à l’association bénéficiaire ;
« 2° Les avantages et ressources apportés à toute association ou à toute société sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable de l’association bénéficiaire, au sens des II et III de l’article L. 233-16 et de l’article L. 233-17-2 du code de commerce ;
« 3° Les avantages et ressources apportés à toute entité structurée ou organisée de manière telle que son activité est en fait exercée pour le compte de l’association bénéficiaire ou de toute association ou société mentionnée au 2° du présent II ;
« 4° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux 1° , 2° et 3° du présent II par l’intermédiaire d’une personne morale ou d’une fiducie sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable d’un État étranger ou d’une personne morale étrangère ou de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ;
« 5° Les avantages et ressources apportés aux associations, sociétés ou entités mentionnées aux mêmes 1° , 2° et 3° par l’intermédiaire d’une personne morale, d’une fiducie ou d’une personne physique de telle manière qu’ils le sont en fait pour le compte d’un État étranger, d’une personne morale étrangère, de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d’une personne physique non résidente en France.
« Les fiducies et personnes morales de droit français mentionnées aux 2° à 5° du présent II assurent la certification de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« III. – Lorsque les agissements de l’association bénéficiaire ou de l’un de ses dirigeants ou administrateurs établissent l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, l’autorité administrative peut s’opposer, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, au bénéfice des avantages et ressources mentionnés au I du présent article.
« L’opposition peut être exercée dans les mêmes conditions lorsque constituent une menace de même nature les agissements de tout État étranger, organisme, entité, personne ou dispositif mentionné au II, ou de l’un de ses dirigeants, administrateurs, constituants, fiduciaires ou bénéficiaires.
« IV. – Le non-respect de l’obligation de déclaration prévue au présent article est puni d’une amende de 3 750 €, dont le montant peut être porté au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction. Les personnes physiques ou morales coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues à l’article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation de la valeur des avantages et ressources concernés.
« En cas d’opposition formée par l’autorité administrative conformément au III du présent article, l’association bénéficiaire est tenue de restituer les avantages et ressources versés ou consentis. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ainsi que d’une peine complémentaire de confiscation des avantages et ressources concernés.
« Le fait pour un dirigeant, un administrateur ou un fiduciaire de ne pas respecter l’obligation prévue au dernier alinéa du II est puni de 9 000 € d’amende.
« V. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, en particulier les conditions dans lesquelles les fiducies et les personnes morales de droit français mentionnées au dernier alinéa du II doivent assurer la certification de leurs comptes, notamment le montant des avantages et ressources à compter duquel s’applique l’obligation de certification.
« Art. 79-IX. – Sans préjudice de l’article 910 du code civil, l’aliénation d’un local servant habituellement à l’exercice public d’un culte consentie directement ou indirectement à un État étranger, à une personne morale étrangère ou à une personne physique non résidente en France est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable à l’autorité administrative.
« L’autorité administrative peut s’opposer à l’aliénation, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, pour le motif mentionné au III de l’article 79-VIII du présent code. L’opposition à l’aliénation, formée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prive celle-ci d’effet.
« Art. 79-X. – Les associations inscrites à objet cultuel établissent des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Ces comptes sont établis conformément à un règlement de l’Autorité des normes comptables, qui prévoit notamment la tenue d’un état séparé des ressources provenant d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non résidente en France. Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l’article L. 521-1 du code monétaire et financier à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à leur activité d’exercice public du culte.
« Elles dressent également une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice public du culte.
« Elles sont tenues de présenter les documents mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article ainsi que le budget prévisionnel de l’exercice en cours sur demande du représentant de l’État dans le département.
« Lorsqu’elles ont bénéficié, au cours de l’exercice comptable considéré, d’avantages ou de ressources mentionnés au I de l’article 79-VIII du présent code, elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
« Elles assurent également la certification de leurs comptes :
« 1° Lorsqu’elles délivrent des documents tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d’obtenir une réduction d’impôt en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ;
« 2° Lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État ;
« 3° Lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État.
« Elles établissent un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport en nature en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété. Ce traité, qui est annexé aux comptes de l’exercice en cours, comporte une description précise de l’apport, sa valeur estimée et ses conditions d’affectation. Le cas échéant, il précise également la contrepartie pour l’apporteur et les conditions de reprise du bien.
« Tout projet de construction, par ces associations, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. Le plan de financement est transmis au représentant de l’État dans le département au plus tard lors du dépôt de la demande de permis de construire ou d’aménager. Il est rendu public selon des modalités fixées par le décret mentionné à la première phrase. À l’issue de la réalisation du projet, un bilan financier est présenté dans les mêmes conditions.
« Lorsque les associations collectent des dons par l’intermédiaire des opérations de paiement prévues au 2° du I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, elles sont tenues d’en faire la déclaration préalable au représentant de l’État dans le département ou dans la collectivité dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.
« Le contrôle financier est exercé sur les associations par le ministre des finances et par l’inspection générale des finances.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du quatrième alinéa du présent article, notamment :
« 1° Le montant des avantages et ressources en dessous duquel l’obligation de certification ne s’applique pas ;
« 2° Le montant des avantages et ressources en dessous duquel l’obligation de certification est remplie par la désignation d’un commissaire aux comptes nommé pour un mandat de trois exercices et dispensé de certaines diligences définies par décret en Conseil d’État. Une norme d’exercice professionnel homologuée par arrêté du ministre de la justice précise les modalités d’exécution des diligences à accomplir par le commissaire aux comptes et le formalisme qui s’attache à la réalisation de sa mission dans ce cadre ;
« 3° Le montant des avantages et ressources au-dessus duquel l’obligation de certification est remplie par la désignation d’un commissaire aux comptes dans les conditions prévues à l’article L. 612-4 du code de commerce.
« Art. 79-XI. – Est puni de 9 000 € d’amende le fait, pour le dirigeant ou l’administrateur d’une association, de ne pas respecter les obligations prévues aux dix premiers alinéas de l’article 79-X.
« À la demande de toute personne intéressée, du ministère public ou du représentant de l’État dans le département dans lequel est situé le siège social de l’association ou le projet de construction de l’édifice répondant à des besoins collectifs de caractère religieux, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association de produire les comptes annuels et les autres documents mentionnés à l’article 79-X. Le président du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités.
« Art. 79-XII. – Lorsqu’il constate qu’une association inscrite de droit local accomplit des actes en relation avec l’exercice public d’un culte, tels que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte, sans que son objet le prévoie, et sauf dans le cas où ces activités revêtent un caractère strictement accessoire, le représentant de l’État dans le département met en demeure l’association, dans un délai qu’il fixe et ne pouvant être inférieur à un mois, de mettre en conformité son objet avec ses activités.
« À l’expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l’État dans le département peut, si l’association n’a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d’un montant maximal de 100 € par jour de retard.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
II. – Après l’article 167 du code pénal local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sont insérés des articles 167-1 à 167-6 ainsi rédigés :
« Art. 167-1. – Les réunions pour la célébration d’un culte dans les locaux appartenant à un établissement public du culte ou à une association à objet cultuel ou mis à leur disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités prévues à l’article 8 de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public.
« L’infraction au premier alinéa du présent article est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Sont passibles de cette peine ceux qui ont organisé la réunion, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et ceux qui ont fourni le local.
« Art. 167-2. – Il est interdit de tenir des réunions politiques dans un local servant habituellement à l’exercice du culte ou dans leurs dépendances qui en constituent un accessoire indissociable. Il est également interdit d’y afficher, d’y distribuer ou d’y diffuser de la propagande électorale, qu’elle soit celle d’un candidat ou d’un élu.
« Il est également interdit d’organiser des opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères dans un local servant habituellement à l’exercice du culte ou utilisé par un établissement public du culte ou utilisé par une association à objet cultuel.
« Les délits prévus au présent article sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Les personnes coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, une peine complémentaire d’inéligibilité.
« Art. 167-3. – Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.
« Art. 167-4. – En cas de condamnation en application des articles 167-1 à 167-3, l’établissement public du culte ou l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise est civilement responsable, sauf si l’infraction a été commise par une personne non membre de l’établissement public du culte ou de l’association ou n’agissant pas à l’invitation de ces derniers et dans des conditions dont ils ne pouvaient avoir connaissance.
« Art. 167-5. – La peine prévue au 12° de l’article 131-6 du code pénal est prononcée à la place de ou en même temps que la peine d’amende ou la peine d’emprisonnement prévue pour les délits définis aux articles 167 et suivants du présent code. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
« Art. 167-6. – L’interdiction de diriger ou d’administrer un établissement public du culte ou une association à objet cultuel est prononcée par la juridiction de jugement à l’encontre des personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues au titre II du livre IV du code pénal pour une durée au moins égale au quantum de peine de la condamnation aux infractions mentionnées et d’un minimum de dix ans. Pour les infractions mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, cette durée est réduite à cinq ans.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. L’amendement du Gouvernement vise à réécrire l’article 31. S’il est adopté – ce que nous souhaitons évidemment –, il devrait nous dispenser d’examiner un certain nombre d’autres amendements puisque, comme l’ont très bien dit les différents intervenants, nous avons voulu, non pas faire référence à la loi de 1905 ou à celle de 1901, mais transposer dans le droit local les dispositions de la loi de la République votée par ses représentants qui s’imposent.
Il convient de distinguer le Concordat du droit local, ce dernier étant composé à la fois de l’équivalent des dispositions relatives aux cultes – qu’il s’agisse de cultes reconnus ou non reconnus – qui figurent dans la loi de 1905 et du droit des associations. Ce n’est pas faire injure à l’Alsace et à la Moselle en effet que de rappeler que, en 1901, lorsque le législateur a voté cette grande loi relative au contrat d’association, ces territoires ne faisaient pas partie de la République française.
Il existe donc un droit local associatif, qui correspond grosso modo aux dispositions de la loi de 1901, à quelques exceptions près comme le fait, par exemple, que c’est auprès du tribunal judiciaire qu’il faut effectuer ses démarches pour créer une association.
Sinon, il s’agit bien de lois « miroir » – on peut les qualifier ainsi – avec des dispositions qui s’appliquent néanmoins de manière différente dans un droit qui est lui-même différent, même si le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont reconnu, à plusieurs reprises, que celui-ci ne faisait obstacle ni à l’unité de la République ni au fait que la laïcité, telle que les lois de 1905 et de 1901 l’ont instituée, s’appliquait à la République.
Par ailleurs, je le répète, le principe de non-reconnaissance des cultes, également applicable à l’Alsace-Moselle – où il n’y a par définition pas qu’un seul culte, puisque pas moins de quatre cultes y sont reconnus –, est un principe constitutionnel. Je veux également redire au Sénat que le principe de non-subventionnement des cultes n’en est en revanche pas un : il relève de la loi de la République et n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, si le Conseil constitutionnel souhaite élargir sa jurisprudence, quelle que soit l’opinion que l’on pourrait porter sur celle-ci, il pourrait très bien envisager d’introduire ce principe de non-subventionnement dans son bloc de constitutionnalité, ce qui aurait beaucoup de conséquences sur les baux emphytéotiques ou les reçus fiscaux, par exemple, bref sur un certain nombre de subventionnements, qui sont certes indirects, mais qui dépendent tout de même assez largement de l’argent public – nous avons déjà eu cette discussion lors du débat sur les garanties d’emprunt la semaine dernière.
J’en profite pour répondre aux sénateurs communistes : il existe bien sûr des différences de traitement entre les associations, mais elles résultent aussi de ce que l’on a le droit de subventionner les cultes en Alsace-Moselle. Le reçu fiscal, qui est une sorte de compensation au non-subventionnement, n’est dès lors pas au rendez-vous. Ces différences existent bel et bien, mais elles sont consubstantielles aux différences entre les deux législations elles-mêmes.
Notre amendement vise à appliquer les lois de la République en Alsace-Moselle, tout en respectant le droit local, ce qui me pousse à dire que ce droit local n’est pas mort. C’est un droit vivant qui, à ce titre, est susceptible de connaître des modifications, de voir certaines de ces dispositions supprimées ou complétées. C’est ce sur quoi nous travaillons aujourd’hui.
On peut avoir des divergences sur le fond, mais pas sur la forme : il est bien question ici d’un droit local – dont le garde des sceaux vient d’ailleurs de réactiver la commission –, qui ne fait pas obstacle à ce que les décisions des représentants du peuple et du Gouvernement s’imposent en Alsace-Moselle.
C’est d’ailleurs quasiment le cas dans chaque projet de loi : nous prévoyons très souvent des dispositions spécifiques pour les territoires ultramarins ou pour la Corse. Cela ne signifie évidemment pas que ces territoires ne sont pas dans la République. De telles mesures sont en général élaborées pour adapter le droit à un contexte particulier.
Notre amendement, dans la mesure où il tend à transposer l’ensemble des dispositions du projet de loi concernées dans le droit local alsacien-mosellan, respecte l’histoire et, finalement, la parole du gouvernement de la République qui, voyant revenir les élus d’Alsace-Moselle, ce territoire tant pleuré, a conclu que l’on ne devait évidemment pas toucher aux avantages ou, en tout cas, au bénéfice de dizaines d’années de législation spécifique qui, encore une fois, n’ont rien à voir avec le Concordat négocié par le Premier consul.
Nous serons défavorables aux différents sous-amendements qui seront présentés, notamment celui de M. Reichardt, non pas parce que nous serions en désaccord sur le fond, mais parce que nous ne souhaitons pas étendre des dispositions qui ne seraient pas appliquées ailleurs sur le territoire national – encore qu’il s’agisse là d’une véritable différence de fond, notamment pour les EPCI –, à l’exception de l’amendement de Mme Vérien, auquel nous sommes favorables, même s’il nous semble satisfait par notre amendement, tel qu’il est rédigé.