M. Michel Savin. À ce jour, les piscines et les espaces artificiels de baignade publique ne sont pas soumis au respect strict des principes de neutralité des services publics et de la laïcité. Ainsi, rien n’interdit le port de signes religieux. Je tiens à souligner que je parle ici de tout signe religieux !
Aux termes de cet amendement, les règlements de ces établissements devront garantir le respect de ces principes de neutralité et de laïcité.
Actuellement, les règlements intérieurs encadrent seulement les vêtements autorisés du point de vue de l’hygiène et à la sécurité.
En outre, ces règlements sont laissés à l’appréciation des maires. Or nous pouvons constater que certains d’entre eux sont soumis à de fortes pressions communautaires et que d’autres peuvent céder à des tentations clientélistes, voire promouvoir une vision de la société contraire à nos principes républicains.
Je veux en prendre un exemple. Ces dernières années, dans mon département, la ville de Grenoble, comme d’autres villes ailleurs en France, a été le théâtre d’actes de désobéissance civile de la part de militantes en burkini qui ont enfreint les règlements intérieurs des piscines au nom de la liberté des femmes à vivre leur foi comme elles l’entendaient.
Ces actes de provocation médiatisés ont créé une vive polémique nationale. Le maire écologiste de Grenoble n’est jamais sorti de son ambiguïté et il en a appelé à la responsabilité de l’État, déclarant : « Si c’est une question de laïcité, le Gouvernement doit prendre position. »
Avec ce projet de loi, nous voici à ce moment de responsabilité !
Marlène Schiappa l’a dit vendredi dernier : « Il y a un combat culturel à mener. Nous faisons face à une petite minorité qui promeut un islam radical et rétrograde, notamment pour les femmes. »
Par ailleurs, monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré que, sous couvert de combattre l’islamophobie, certaines associations font pression sur les pouvoirs publics pour promouvoir des règles compatibles avec la charia.
Nous le savons tous, cette pression est de plus en plus forte en France ; il est de la responsabilité de l’État de ne pas laisser les maires seuls en première ligne.
De petites compromissions en grands renoncements, le risque est de voir les digues progressivement céder au gré des spécificités sociologiques et politiques des territoires.
Or c’est bien l’ambition de ce projet de loi que de préserver l’unité du pays, qui se fissure peu à peu, autour de nos principes républicains.
La liberté de culte est un bien précieux dans notre pays ; elle ne doit pas être une porte ouverte à des organisations communautaristes qui veulent faire prospérer un projet politico-religieux à l’opposé de nos valeurs.
Mme la présidente. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Savin. C’est dans cet esprit que je vous propose cet amendement.
Mme la présidente. Madame Boyer, le sous-amendement que vous aviez déposé sur cet amendement a dû être retiré, car M. Savin avait rectifié le dispositif de son amendement, rendant votre sous-amendement sans objet.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 236 rectifié quater ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission a examiné ce matin cet amendement de M. Savin dans sa rédaction initiale, sur laquelle nous avons émis un avis défavorable. Ce soir, nous avons pu le réexaminer dans une version rectifiée que voici : « Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité. » La commission a émis un avis favorable sur cet amendement rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Savin, c’est une question très importante que vous posez, mais le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et ce pour trois raisons.
Premièrement, la loi permet aujourd’hui aux collectivités territoriales d’interdire des vêtements dits « religieux » pour deux motifs : non pas pour des motifs religieux, ce qui serait contraire à la Constitution et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais pour un motif d’ordre public ou un motif d’hygiène.
Ainsi, chacun aura pu constater que j’ai pris la défense de Mme la présidente de la région d’Île-de-France quand la Défenseure des droits a affirmé que le règlement intérieur prévu pour les bases de loisir de cette région était discriminatoire. Ce n’est évidemment pas la lecture que je fais de la loi de la République, bien au contraire : il est bien fondé que les élus de la République puissent interdire dans les règlements intérieurs des établissements publics ou gérés par délégation de service public, pour des motifs d’ordre public ou d’hygiène, des vêtements qui ne seraient pas conformes aux vêtements traditionnellement portés dans ces lieux ; je pense notamment au burkini, mais il ne s’agit pas que de lui.
Deuxièmement, je me permettrai de vous rappeler avec un peu de facétie, monsieur le sénateur, que le principe de libre administration des collectivités locales ne me permet pas d’interdire, de fait, des dispositions qui relèvent stricto sensu de la compétence des élus locaux, dans le cadre de la loi. Vous avez certes bien raison de souligner le communautarisme, le clientélisme, ou la naïveté – peut-être cette troisième hypothèse n’est-elle plus tout à fait à l’ordre du jour – de certaines collectivités locales et, notamment, de la ville de Grenoble, qui a sciemment organisé certaines manifestations, d’ailleurs souvent avec des associations subventionnées…
Un sénateur du groupe Les Républicains. – L’UNEF !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous aurez d’ailleurs constaté que, depuis notre arrivée au Gouvernement, soit nous procédons à la dissolution en Conseil des ministres des associations évoquées, soit nous proposons à la Commission européenne de mettre fin à leur subventionnement ; c’est le cas de l’association grenobloise Alliance citoyenne.
Pour autant, monsieur le sénateur, je me vois mal imposer aux collectivités locales, par la voie législative, des mesures qui relèvent de leur responsabilité. La libre administration des collectivités locales, c’est aussi la liberté d’assumer ses propres décisions politiques vis-à-vis de ses concitoyens, lorsqu’elles ne sont pas profondément contraires à l’ordre public et aux principes de la salubrité.
Troisièmement, je veux ici redire – nous avons déjà eu ce débat – que l’expression religieuse des usagers du service public est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par la Constitution et par notre État de droit. Nous ne pouvons pas priver ces usagers par principe, comme vous le proposez dans cet amendement, de l’expression d’une opinion religieuse.
La neutralité ne s’impose pas aux usagers du service public ! Je peux tout à fait comprendre votre réaction à cette provocation autour du burkini, mais allons-nous demain interdire le port d’un signe religieux dans un autobus, qui est un espace de service public délégué par les collectivités locales ? Allons-nous le faire sous un abribus ? J’ai même entendu des députés proposer de légiférer sur les abords immédiats des lieux de service public, comme le parvis d’une mairie !
Ce n’est pas de bonne facture que de faire la loi de cette façon, me semble-t-il. Quel message enverrait la censure de ces dispositions ! Cela serait source d’une nouvelle insécurité pour les maires. Au contraire, nous voulons encourager les élus de la République à prendre des dispositions qui sont déjà prévues par la loi, mais qui demandent un peu de courage politique.
Je voudrais rappeler, monsieur le sénateur, qu’on n’est jamais obligé de céder au communautarisme et au clientélisme religieux. Vous savez que j’ai consulté M. le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au sujet, notamment, d’une disposition qui me paraissait encore plus intrusive, peut-être, que celle que vous proposez, disposition relative aux permis de construire délivrés pour les lieux cultuels.
J’avais pu constater que, dans certains endroits de la République, quand la population d’une certaine religion est trop nombreuse, il est difficile pour l’élu de refuser de délivrer un permis de construire à une association cultuelle pour un lieu de culte. J’avais donc proposé que l’on transfère la délivrance de ces permis de construire au préfet, qui n’est présent que deux ou trois ans dans un territoire donné et peut endosser la responsabilité de décisions plus difficiles vis-à-vis des citoyens de telle ou telle commune.
François Baroin a tout à fait compris l’objet de cette disposition – je veux à ce propos saluer l’esprit avec lequel nous avons travaillé sur ce texte avec l’AMF et son président –, mais il m’en a découragé, en m’expliquant que, à son avis, la libre administration des collectivités locales et la responsabilité politique ne devaient pas être niées en la matière ; l’article 72 de la Constitution peut être envisagé des deux côtés.
Pour résumer, monsieur Savin, les élus peuvent prendre des dispositions soutenues par l’État et conformes au droit dans le règlement intérieur de ces établissements. Cela va avec la liberté et la responsabilité de chacun. Ces élus me trouveront en tout cas toujours à leurs côtés pour les soutenir face au clientélisme.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je suis quelque peu étonné par cet amendement. Je tiens tout de même à rappeler que les élections municipales sont passées, car je sens qu’il y a comme un petit relent derrière tout cela… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
J’en reviens à l’amendement. À part à faire le buzz, à quoi sert-il ? Il faut que l’on m’explique, une fois pour toutes, s’il peut s’appliquer !
M. le ministre a eu raison de rappeler que les principes de neutralité s’appliquaient aux agents, mais pas aux usagers. Pourquoi reviendrait-on sur ce principe s’agissant des piscines, et pas pour d’autres lieux ? Cet amendement ne tient absolument pas la route !
Les usagers du service public ont donc le droit d’exprimer leurs convictions, religieuses ou autres, dans les limites du respect du bon fonctionnement du service et des impératifs de sécurité, de santé et d’hygiène ; cela me paraît assez clair.
Par ailleurs, des règlements sont mis en place dans les piscines et il existe, en effet, une responsabilité des maires à cet égard. Vous avez parlé de Grenoble, mon cher collègue : la piscine que vous évoquez est dotée d’un règlement, en vertu duquel, me semble-t-il, les personnes ayant mené l’action que vous dénoncez n’ont pas pu entrer dans ledit établissement. La réponse donnée a donc été très claire et très simple.
J’irai plus loin : comment cet amendement peut-il s’appliquer ? Je voudrais bien que l’on m’explique ce qu’il y a de religieux dans un maillot de bain couvrant ! (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Qu’est-ce que vous êtes naïf !
M. Guillaume Gontard. Dans une piscine, on se couvre d’ores et déjà la tête. Par conséquent, comment allez-vous, juridiquement, expliquer que cet accoutrement, le maillot de bain couvrant, a une connotation religieuse ? C’est clairement impossible !
Par ailleurs, s’il existe, bien sûr, des associations qui demandent pour des raisons religieuses que cette tenue soit autorisée, il y en a d’autres – j’en ai rencontré beaucoup –, notamment des associations de personnes handicapées et de personnes âgées, qui souhaitent aussi qu’elle soit permise. Et il y a aussi, tout simplement, des femmes et des hommes qui veulent aller à la piscine, mais qui n’ont pas envie de montrer leur corps, parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Grosperrin. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, vous le savez bien !
M. Guillaume Gontard. Oui, cela existe ; cela s’appelle l’inclusion, et nous devons y réfléchir !
La responsabilité des maires existe, et j’en prendrai un exemple.
Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé !
M. Guillaume Gontard. La mairie de Rennes a autorisé le port du maillot de bain couvrant dans les piscines municipales, et l’a inscrit dans leur règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je commencerai par un point de méthode. Cela a été rappelé par Mme la rapporteure, cet amendement, qui avait été repoussé par la commission, a été subitement rétabli par celle-ci dans des conditions pouvant susciter un certain questionnement.
Sur le fond, cet amendement pose de nouveau la question de ce qu’est un signe religieux. Comment définir un burkini ? Doit-on le définir exclusivement selon la personne qui le porte ? Et sous-entend-on que cette personne, dès lors qu’elle le porte, a nécessairement et obligatoirement des arrière-pensées ?
Il est donc véritablement problématique de définir la manifestation ostensible de convictions religieuses au travers d’un vêtement.
Par ailleurs, que ferez-vous lorsqu’une personne exhibera un tatouage – je caricature à peine ! – manifestant ses convictions religieuses ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Vous êtes dans le déni !
M. Didier Marie. Allez-vous le lui enlever ? (Sourires sur les travées du groupe SER.) Soyons un peu sérieux ! Ce n’est pas la manifestation de convictions au travers d’un vêtement ou de tout autre signe qui permet de définir la radicalité.
Cet amendement est contraire aux principes que nous souhaitons défendre. On ne saurait prévoir, en vertu du principe de laïcité, une interdiction générale et absolue du port de tels signes dans l’espace public sans remettre en cause les libertés fondamentales que sont la liberté d’expression et la liberté de religion.
Dès lors, le port du burkini par des femmes fréquentant un espace public tel qu’une piscine municipale, s’il constitue effectivement une manifestation religieuse, ne peut faire l’objet d’une interdiction générale et absolue. Je crois que c’est important de s’y tenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr, nous allons soutenir l’amendement de Michel Savin, qui a reçu un avis favorable de notre commission.
Tout d’abord, on le sait bien – vous avez rappelé à cet égard, monsieur le ministre, un cas récent en Île-de-France –, l’Observatoire de la laïcité avait indiqué qu’il était possible d’interdire le burkini dans les piscines publiques, en l’inscrivant dans leur règlement intérieur, pour des raisons sanitaires, d’hygiène et de sécurité. J’estime, pour ma part, qu’il s’agit d’une ruse, d’une habileté, d’une hypocrisie !
Nous sommes là pour réaffirmer le respect des principes de la République, dans un contexte difficile – on en a déjà parlé.
Ensuite, vous nous dites, monsieur le ministre, que les usagers du service public ne sont pas soumis à une obligation de neutralité. Or la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, prévoit qu’une telle obligation doit s’appliquer à un enfant mineur ou à un élève majeur. Nous sommes bien d’accord sur ce point !
J’y insiste, l’assertion selon laquelle l’obligation de neutralité ne peut pas s’appliquer aux usagers de services publics entre en contradiction avec cette loi de 2004 !
Vous avez dit, ensuite, que le burkini était un signe religieux. Or nombre de nos compatriotes musulmans nous indiquent que ces accoutrements sont tout sauf des signes religieux et qu’ils ne correspondent à aucune prescription religieuse. (Il faudrait savoir ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
Récemment a eu lieu le procès intenté par le président de la FCPE contre Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l’éducation nationale, procès gagné par M. Obin. Je voudrais citer le témoignage, entendu à cette occasion, de Mohamed Sifaoui, qui est en France l’un des bons spécialistes des mouvements salafistes, notamment. Il déclarait que le voile et les autres vêtements de ce type étaient non pas des symboles religieux, mais des accoutrements pensés par les islamistes.
On voit donc bien qu’il y a derrière ces accoutrements non pas tellement un signal religieux, mais le signe d’une contre-société sexiste, qui dit aux femmes qu’elles sont inférieures aux hommes et qu’elles doivent se soumettre, et qui veut séparer une communauté des croyants de la communauté des citoyens, de la communauté nationale.
Il s’agit non pas, comme je l’ai entendu dire, d’interdire le burkini dans l’espace public, mais simplement de l’interdire dans les lieux particuliers et fermés…
Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Bruno Retailleau. … que sont les piscines et les lieux de baignade artificielle, comme l’a jugé le Conseil d’État.
Soutenons l’amendement de Michel Savin, mes chers collègues ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Ce matin, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement visant à interdire le burkini, lequel a été légèrement modifié, puis présenté de nouveau ce soir, à l’ouverture de la réunion de la commission.
Je ne suis pas certain que nos collègues qui étaient présents ce matin en commission, et qui étaient majoritaires, apprécient beaucoup la manœuvre…
C’est la seconde fois que, sur ce texte, une telle manœuvre a lieu en commission. De mon point de vue, celle-ci aurait dû dire ce soir, dans son avis, que cet amendement modifié était contraire à l’avis qu’elle avait émis ce matin.
Passons sur la forme de l’amendement, laquelle est très discutable.
Sur le fond, je serai très bref. La liberté d’expression et la liberté religieuse ne souffrent aucune exception, sauf le trouble à l’ordre public.
Si nous adoptions cet amendement, nous créerions un précédent. Il n’y en a aucun autre ! Même l’interdiction de la burqa dans l’espace public repose sur un autre fondement, l’exigence minimale de la vie en société, laquelle implique que l’on puisse voir les visages.
Ce précédent serait le suivant : pour un motif peut-être louable et compréhensible à titre individuel, nous interdirions de manière très arbitraire, en tant que législateurs, la liberté d’expression et la liberté religieuse.
Il se peut que l’exercice de ces libertés ne nous plaise pas. Néanmoins, la liberté de religion et la liberté d’expression, notamment religieuse, ne peuvent souffrir aucune autre modération que celle qui est liée au trouble à l’ordre public et à l’atteinte aux droits d’autrui.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je vais évidemment soutenir l’amendement de Michel Savin.
Je commencerai par dire à notre collègue que, avant d’adresser des remarques à la commission en lui reprochant une procédure qui est tout à fait légale, il faudrait que lui-même soit certain de siéger au bon endroit ! (Marques de perplexité sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Je comprends parfaitement que M. Gontard défende son coreligionnaire de Grenoble. C’est normal, c’est de la politique ! Je ne suis pas d’accord, en revanche, lorsqu’il s’agit de faire l’autruche.
Car c’est faire l’autruche que de dire qu’il n’y a aucun rapport entre le burkini et l’islamisme. Décidément, on se tromperait complètement ! Il serait plutôt question ici d’un accoutrement folklorique faisant office de déguisement pour le carnaval ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur Gontard, en voulant défendre toutes les minorités, y compris celles qui sont indéfendables, vous en arrivez à prendre de telles positions !
Nous l’avons dit dans nos propos liminaires, nous sommes tous attachés à la République.
J’ai ainsi parfaitement en tête l’excellent discours du président Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. C’est bien ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Nous sommes tous pour une République unie, mais nous savons tous que des coups de canif – je cite ses mots – ont été portés à la République. Ce que vous faites, quant à vous, c’est donner des coups de machette dans le drapeau de la République française ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Ce qui est scandaleux, c’est de continuer à faire l’autruche et de laisser les choses s’aggraver. Pour ma part, je veux que la République française demeure telle qu’elle est définie dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Ce matin en commission – je me permets de le rappeler –, nous avions dit que la rédaction de cet amendement serait modifiée. Il est donc normal qu’il ait été présenté sous cette forme.
M. Guillaume Gontard. Cela ne marche pas comme ça !
Mme Valérie Boyer. Je souhaite revenir sur la signification de cet amendement.
Bien évidemment, le burkini n’est pas une tenue de baignade manifestant une opinion religieuse qui s’ancrerait dans une légitimité ancienne. Ce vêtement est en effet né en Australie dans les années 2000.
Néanmoins, on sait de quoi le burkini est le nom : c’est un interdit de fraternité, un interdit d’égalité, un interdit de liberté. Il est là pour séparer les hommes des femmes,…
Mme Éliane Assassi. Non !
Mme Valérie Boyer. … pour signifier qu’une femme doit porter une tenue pudique tandis que les autres femmes, elles, seraient impudiques.
Je le dis au nom du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, comment peut-on soutenir dans notre pays l’existence de telles tenues, qui sont contraires à nos principes constitutionnels ?
Je pense que cette tenue a bel et bien une portée politique, qui renvoie – je le disais précédemment – à la notion d’impudeur, laquelle serait propre au corps féminin. À ce titre, le burkini est contraire au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, et à nos premiers principes constitutionnels. Cet amendement a donc toute sa place dans le texte relatif aux principes de la République que nous examinons aujourd’hui.
Mes chers collègues, on ne peut pas défendre sans arrêt les qualités des hommes et des femmes, ce qui est normal – c’est notre devoir à tous, j’allais dire notre ADN, quelle que soit la travée sur laquelle nous siégeons –, et supporter que l’on divise le monde entre les pudiques et les impudiques. Ce n’est pas possible ! La pression qui est exercée sur les femmes est insupportable, et c’est à nous de les défendre.
Puisque nous parlons du principe d’égalité, je citerai l’un de nos collègues qui nous a précédés sur les bancs du Parlement, Henri-Dominique Lacordaire : il disait qu’entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime – c’est le cas aujourd’hui – et la loi qui protège.
Pour protéger l’égalité entre les hommes et les femmes, il faut voter l’amendement de Michel Savin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je crois, madame Boyer, que, pour protéger ou faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes, il y a beaucoup de choses extrêmement urgentes à faire. La mesure proposée ne me semble pas en faire partie.
Pourquoi ? Parce que le sexisme consiste, aussi, à dire aux femmes ce qu’elles doivent porter ou non. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Vous n’y croyez pas !
Mme Sophie Taillé-Polian. Si, madame, je le crois !
Ce débat a trait, quelque peu, à la police du vêtement. À un moment donné, on va dire aux gens de ne pas porter ceci ou cela… Que l’on soit fan ou pas de cette tenue, et quelles que soient nos convictions personnelles, il ne faut pas entrer dans cette discussion.
Par ailleurs, si ce type de tenue pose – à l’instar d’autres vêtements – un problème d’hygiène dans les piscines, il faut le dire très précisément, mais ne pas se cacher hypocritement derrière cet argument. À défaut, on donne le sentiment de vouloir discriminer une population spécifique, ce qui a pour conséquence de pousser un certain nombre de personnes dans les bras des radicaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est mon point de vue et vous pourriez le respecter ! Cela produit donc l’effet inverse de ce qui est recherché.
Enfin, et cela a été très bien dit par d’autres, le respect des principes de la République signifie que l’on peut porter ce que l’on veut dans l’espace public, y compris dans des espaces fermés accueillant des services publics, sauf en cas d’atteinte à l’ordre public. Ce n’est objectivement pas le cas en l’espèce.
Pour toutes ces raisons, le groupe GEST ne peut pas voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je sens que mes collègues sont assez tendus sur les sujets liés à l’habillement et au voile… Je le regrette, car ce débat, vu de l’extérieur, pourrait paraître quelque peu surréaliste.
Personne ici ne défend le burkini en tant que tel. La question ne s’est même pas posée pour nous ! Nous disons simplement deux choses.
Premièrement, cet amendement est inapplicable. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Permettez-moi de citer un exemple personnel ; je le fais souvent, pardonnez-moi : n’ayant pas votre ancienneté au Sénat, mes chers collègues, je me réfère aux territoires que je connais et à ma famille.
Tout comme ma mère et mes tantes, il se trouve que ma grand-mère (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) – même si cela vous fait rire, cet exemple vaut bien des arguments que j’ai entendus ! –, qui était née en 1892 à Mascara, en Algérie, se baignait toujours, car elle adorait les baignades, avec des vêtements et des maillots de bain longs. Si on avait interdit aux femmes de ma famille de porter cette tenue à la piscine, en France, elles en auraient été désolées, mais elles n’en auraient pas changé pour autant. Quelle loi leur auriez-vous appliquée ?
Combattre l’usage du burkini comme vous le faites, mes chers amis, revient à larguer une bombe atomique pour éteindre un incendie ou pour abattre un djihadiste en Arabie Saoudite ! Il y a une disproportion énorme entre ce que vous proposez et la réalité de l’objectif que vous voulez atteindre.
Deuxièmement, il n’y a pas d’hypocrisie de notre part lorsque nous disons que cet amendement est inapplicable. Celle-ci existe, en revanche, lorsque vous attaquez un certain nombre d’acquis de la laïcité en cherchant uniquement à combattre – et cela, je peux le comprendre – un certain nombre de mouvements qui mettent effectivement en péril notre démocratie et notre République.
Admettez qu’une telle règle est inapplicable en l’état, car personne ne pourra la définir ! Les seuls motifs qui permettraient d’interdire ce type de vêtement sont liés à l’hygiène ou aux troubles à l’ordre public. Or ces motifs sont d’ores et déjà inscrits dans nos lois et nos règlements.