M. Fabien Gay. Malheureusement !
Mme Cécile Cukierman. On a cassé la SNCF !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je dis bien « au sens juridique du terme », et je le dis d’autant plus tranquillement que je n’ai de ma vie d’élu jamais délégué un service public, ce qu’avaient beaucoup fait mes prédécesseurs d’une certaine couleur politique. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Vous avez participé au Gouvernement qui a fait le nouveau pacte ferroviaire !
M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas très sérieux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas ici pour refaire le débat sur la SNCF. Simplement, je veux rappeler que le TGV n’est pas un service public.
Il est vrai que les dispositions que le Gouvernement a voulu introduire à l’Assemblée nationale prévoyaient explicitement, à ma demande, que les agents des services de logement HLM, qui concourent évidemment au service public, pour plein de raisons qui tendent à une manifestation de la puissance publique dans leur travail, soient soumis à ce devoir de neutralité ; je m’en étais expliqué avec Mme Lienemann, dont je sais qu’elle suit particulièrement ce dossier. Toutefois, tous les offices HLM ne constituent pas des services publics stricto sensu du fait de leur statut juridique, notamment quand ils relèvent de sociétés d’économie mixte.
Cet amendement vise donc à élargir le champ du service public. Vous n’ignorez pas que ce champ est souvent déterminé par des critères fixés par le juge administratif : le fait que la majorité du capital soit publique, que les décisions en conseil d’administration soient prises par une autorité publique, ou encore qu’ils exercent des prérogatives de puissance publique. Cependant, la loi peut également définir ce qu’est le service public : cela plaira sans doute à certains d’entre vous !
Nous avons donc voulu faire entrer les TGV dans le champ du service public. À défaut, les obligations prévues à cet article s’appliqueraient dans les TER et les trains Intercités, mais non dans les TGV. Avouez que ce sujet pourrait être complexe pour le personnel de la SNCF, qui ne serait soumis à la neutralité que dans certaines catégories de trains ! De même, nous avons voulu préciser que tous les offices HLM, quelle que soit leur structure juridique, relèvent du service public.
Ainsi, l’article 1er s’imposera à ces dizaines de milliers de salariés. Je voudrais à ce propos réitérer ici, avec beaucoup d’honnêteté et de force, que les agents de la SNCF, quel que soit leur contrat, mais aussi ceux des offices HLM, de manière générale et pour la quasi-totalité d’entre eux, respectent la neutralité comme s’ils étaient agents du service public. Néanmoins, un certain nombre de garde-fous peuvent être requis ici ou là. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, à la fois important et original dans sa construction du service public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis favorable à cet amendement, mais je voudrais souligner, monsieur le ministre, que les organismes HLM relèvent tous du service public, qu’il s’agisse d’offices, d’entreprises sociales pour l’habitat (ESH), ou de coopératives. L’Union sociale pour l’habitat édite d’ailleurs, depuis quelques années, un guide très précis sur les obligations de neutralité et de laïcité au sein de ces organismes, qu’il s’agisse de leurs salariés ou des contrats qu’ils concluent.
En revanche, monsieur le ministre, vous avez raison : les sociétés d’économie mixte qui gèrent des logements sociaux ne sont pas aujourd’hui soumises à la même contrainte. En cela, votre amendement tend à apporter de la cohérence et du sérieux à la disposition proposée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 633.
M. Gérald Darmanin, ministre. Qui est pour la nationalisation de la SNCF ? (Sourires.)
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les organismes de droit public ou de droit privé soumis aux obligations prévues au premier alinéa à la date de publication de la présente loi restent soumis à ces mêmes obligations indépendamment de l’évolution de leur régime juridique, sauf disposition contraire.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Par cet amendement, dans la logique de celui que vous venez de nous présenter, monsieur le ministre, nous proposons d’aller un petit peu plus loin et d’inscrire dans la loi qu’un organisme qui entre aujourd’hui dans le périmètre de l’article 1er resterait soumis au respect des principes de laïcité et de neutralité quand bien même il n’y entrerait éventuellement plus, parce que son régime juridique aurait évolué.
Pour le dire autrement, il s’agit de poser le principe selon lequel le passage d’un organisme du service public vers le domaine concurrentiel est sans conséquence sur l’application du principe de laïcité à cet organisme. Il s’agit en quelque sorte d’un mécanisme de cliquet, qui vise à garantir que le passage du service public au champ concurrentiel ne sera pas l’occasion d’une baisse d’ambition en matière de respect du principe de laïcité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement tend à garantir que les organismes qui exécutent un service public en application d’une loi ou d’un règlement continuent d’être soumis aux principes de neutralité, de laïcité et d’égal accès au service public même si leur régime juridique est amené à évoluer dans le futur.
Or ces organismes sont justement soumis à de telles obligations parce qu’ils exercent des activités liées à l’intérêt général. Dans l’hypothèse où leur régime juridique évoluerait sans remettre en cause l’exercice d’un service public, ils continueraient à être soumis aux mêmes obligations, en application du présent article. Dans l’autre hypothèse, s’ils ne devaient plus être chargés de l’exécution d’un service public, il ne serait pas normal de les traiter différemment des autres entreprises.
Dès lors, au vu de ces deux hypothèses, la disposition proposée ne me semble pas justifiée : elle est soit inutile, soit contraire au principe d’égalité devant la loi. La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 57 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 378 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Burgoa et Chasseing, Mme Deseyne, MM. Levi et Grand, Mmes Belrhiti et Lassarade, M. Houpert, Mme de Cidrac et MM. B. Fournier, Segouin et Maurey, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La section 4 du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2213-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-…. – Lorsqu’un procès-verbal a été dressé constatant une pratique constitutive d’un refus discriminatoire à l’accès d’un établissement public accueillant du public, y compris en subordonnant cet accès à des horaires particuliers, le maire en avise le responsable des sanctions qu’il encourt et peut, sans préjudice des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale et après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, écrites ou orales, le mettre en demeure d’y mettre fin sans délai.
« Si l’intéressé n’obtempère pas à cette injonction, le maire peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, ordonner :
« 1° La fermeture de l’établissement au public pour une durée n’excédant pas trois mois ;
« 2° Le versement d’une astreinte journalière au plus égale à 1 000 euros courant à compter d’une date fixée par la décision jusqu’à ce qu’il ait été mis fin à la pratique discriminatoire. Le montant maximal de l’astreinte mise en recouvrement ne peut être supérieur au montant maximal de l’amende prévue au dernier alinéa de l’article 225-2 du code pénal.
« Le fait, pour le responsable de l’établissement public, de ne pas respecter une décision de fermeture prise en application du 1° du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. L’égalité entre les hommes et les femmes est trop souvent bafouée.
Cet amendement vise donc à interdire les horaires d’accès à un établissement ouvert au public séparés pour les hommes et les femmes.
Il s’agit en particulier de créer une police spéciale du maire pour la répression des discriminations à l’accès des établissements publics accueillant du public.
En vertu de cette police spéciale, le maire serait d’abord tenu d’informer le contrevenant des sanctions encourues. Cette obligation, inspirée de ce qui existe en cas de constat d’infraction en matière de déchets, donnerait en outre un argument aux maires sollicités par des associations qui réclament, sans aucune justification réelle, la mise à disposition de piscines publiques dans une intention discriminatoire.
Le maire pourrait aussi, dans le respect des droits de la défense, prononcer des sanctions administratives, bien entendu sans préjudice de ce que pourrait décider la justice, saisie parallèlement : fermeture de l’établissement public ou astreinte journalière.
Au passage, il est précisé dans cet amendement qu’il y a discrimination en cas d’accès autorisé selon des horaires particuliers. Serait ainsi levée toute ambiguïté éventuelle sur le fait qu’il s’agit là d’une discrimination. Ce dispositif vise tous les établissements publics ouverts au public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, nous avons eu de nombreux échanges sur ce sujet. Je peux partager votre sentiment quant à la nécessité d’agir pour lutter contre ces formes de communautarisme.
En revanche, nous nous posons sincèrement des questions sur les éventuelles sanctions pénales auxquelles s’exposeraient les maires ou les responsables de ces atteintes à la laïcité : ces sanctions interviendraient dans un champ beaucoup trop long pour constituer une réponse effective. L’application de ces mesures serait compliquée.
Par ailleurs, vous faites référence à l’article 225-2 du code pénal, mais cette assise juridique ne semble pas tout à fait certaine.
Surtout, j’estime que des solutions efficaces peuvent être apportées par le présent projet de loi, qui a des forces et des faiblesses. Je pense en particulier, à la suite de réflexions que nous avons eues au sujet de votre amendement, à l’article 2, qui élargit les pouvoirs du préfet en matière de déféré accéléré lorsque le principe de laïcité est mis à mal, mais également à l’article 4, qui apporte des garanties contre les pressions communautaristes exercées sur les élus ou les personnes en charge d’un service public.
Votre amendement peut être considéré comme satisfait par ces deux articles. C’est à ce titre que je vous propose de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage évidemment la préoccupation de M. Leroy, mais je veux lui dire combien j’estime que son amendement est superfétatoire, voire dangereux pour le but que chacun d’entre nous souhaite atteindre.
Si cet amendement vise à empêcher les élus de pratiquer, par naïveté sinon par concussion ou communautarisme, des réservations différenciées par sexe pour des motifs religieux, il me faut vous répondre que cela est déjà contraire aux lois de la République, monsieur le sénateur.
Une grande difficulté se pose aux préfets qui, au nom de l’État, contrôlent la légalité des actes, notamment du règlement intérieur d’un établissement fonctionnant en délégation de service public, tel que les piscines, ou encore un arrêté ou une instruction directe du maire visant à permettre l’accès de tel stade municipal ou de telle médiathèque de manière différenciée selon le sexe.
Si ces décisions sont prises pour des motifs religieux ou communautaires, il s’agit déjà d’actes contraires aux lois de la République. La difficulté est que le préfet ne peut pas, jusqu’à présent, saisir en urgence le maire pour le rappeler à ses devoirs, comme il peut le faire en matière de logement social : la méthode à adopter pour faire face à cette sorte de carence républicaine pourrait être calquée sur celle qui s’exerce face aux carences que nous connaissons face aux obligations posées par la loi SRU.
Une seconde difficulté porte sur l’urgence avec laquelle le tribunal administratif examine les requêtes en la matière. Vous comme moi sommes à coup sûr très attachés aux libertés locales et respectueux des collectivités locales qui doivent prendre des décisions. Il revient bien au juge administratif de décider si le préfet commet un excès de pouvoir ou non, auquel cas, sous quarante-huit heures, on doit être en mesure d’interrompre l’acte communautariste, qu’il s’agisse d’une délibération du conseil municipal ou d’un arrêté pris par un maire ou par le président d’une collectivité locale.
Tel est bien l’objet de l’article 2, que Mme la rapporteure a évoqué à juste titre : permettre ce nouveau « référé laïcité ». Désormais, en quarante-huit heures, les détenteurs de l’autorité de l’État dans les territoires pourront saisir le juge administratif pour demander à réformer la décision du maire, ou à se substituer à lui s’il devait persister dans sa politique communautariste et, si j’ose dire, antilaïque.
Pour pousser un petit plus loin la réflexion, je ne suis pas certain qu’il convienne d’instaurer un délit pénal en la matière. En revanche, il est tout à fait possible de proposer la suspension du maire, voire la fin de son mandat, comme le ministère de l’intérieur et celui des collectivités territoriales peuvent le faire en cas de menaces réitérées et de manquements divers à ses devoirs. Vous savez qu’une telle possibilité existe, même si elle n’a été utilisée que rarement. Évidemment, l’article relatif au « référé laïcité » prévoit qu’en cas de faits graves contraires aux valeurs de la République le Gouvernement pourra proposer en Conseil des ministres la révocation d’un élu particulièrement communautariste.
J’estime donc, monsieur le sénateur, que les attendus que vous évoquez sont parfaitement compris par ce projet de loi. J’espère que, sous le bénéfice de mes explications, vous voudrez bien retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Leroy, l’amendement n° 378 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Henri Leroy. J’entends bien ces arguments et je les comprends. Il n’en reste pas moins que, sur le terrain, de nombreux maires sont confrontés à ce type de problèmes. Souvent, par crainte, peut-être par négligence, ou pour tout autre motif, ils se retrouvent dans une situation difficile et inextricable et finissent par attendre du législateur une solution plus claire que ce qui a été expliqué tant par Mme la rapporteure que par M. le ministre, que je comprends parfaitement. Je suis bien au courant du fait que ce dispositif pourrait s’appliquer aux maires.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 378 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard, Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après les mots :
code de la commande publique,
insérer les mots :
y compris une délégation de service public mentionnée à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales,
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il s’agit d’un amendement quelque peu technique et je sais d’avance que la commission va me demander de le retirer, comme satisfait. Je voudrais donc simplement expliquer pourquoi j’ai souhaité le présenter.
L’objet de l’article 1er de ce texte est bien entendu de garantir la neutralité des services publics, quel qu’en soit le mode de gestion. Cet article n’est pas tombé de nulle part : il consacre la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, exprimée dans son arrêt du 19 mars 2013. Je veux citer cette jurisprudence très large : « Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. »
Or je redoutais, monsieur le ministre, que votre rédaction soit beaucoup plus fermée. Le premier alinéa de cet article commence ainsi : « Lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public… ». Si je comprends bien, il faut que la loi ou le règlement confie un service public à un organisme public ou privé pour que la neutralité s’y applique. Or vous savez bien qu’il existe des services publics qui sont confiés par contrat, ou encore d’autres qui acquièrent cette nature par le fait que leur activité est d’intérêt général. Ajoutons-y enfin les délégations de service public confiées à des organismes privés par des collectivités territoriales.
Bref, je veux m’assurer que la rédaction choisie par le Gouvernement pour cet article vise bien tout le champ de la jurisprudence de la Cour de cassation. Si tel n’était pas le cas, s’il subsistait des trous dans la raquette, ce serait grave ! J’attends sur ce point tant la réponse de Mme la rapporteure que celle de M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. C’est au ministre de vous rassurer, monsieur Retailleau, plus qu’à moi. Nous avons examiné avec attention cet amendement, auquel vous tenez, et je peux vous assurer que toutes les concessions entrent bien dans le champ de l’article 1er. Vous avez eu raison de nous interroger pour en avoir la certitude. Cet amendement est donc satisfait, au vu de notre analyse, mais je laisse M. le ministre vous apporter plus de précisions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Retailleau, je voudrais dire ici à quel point je crois que votre amendement est satisfait, voire bien plus encore, par les dispositions de cet article et les amendements déjà adoptés, comme l’amendement n° 633 du Gouvernement sur les TGV et les offices HLM qui ne constituaient pas, en tant que tels, des structures de service public.
Dans la première partie de l’article 1er, on trouve ce qui relève de la loi et du règlement ; dans la seconde, on traite de la commande publique, ce qui englobe tout ce qui concourt aux contrats, qu’il s’agisse de délégations de service public, de concessions de service public, de contrats relevant du droit des marchés publics, ou encore d’accords de gré à gré avec des associations, sujet sur lequel nous reviendrons, parce qu’il pose parfois des questions, lors de l’examen des dispositions relatives au contrat d’engagement républicain.
Je veux cependant être tout à fait honnête avec vous : cet article prévoit deux exceptions, que nous assumons pleinement.
La première vise les établissements éducatifs sous contrat d’association. Certes, ils concourent au service public, mais il serait quelque peu absurde de les soumettre aux principes de neutralité et de laïcité alors qu’il s’agit, par exemple, d’écoles catholiques. Nous les avons donc sortis du champ de cet article.
La seconde porte sur les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), à savoir des hôpitaux et des Ehpad qui sont souvent gérés selon des principes religieux et où interviennent d’ailleurs encore des religieuses ; cela s’explique par une tradition longue et complexe en la matière dans notre pays, qui comprend notamment une culture chrétienne.
Voilà les deux exceptions que nous avons prévues : ces établissements concourent manifestement au service public, mais nous avons rédigé cet article de manière qu’ils ne soient pas embêtés, si j’ose dire, par ces dispositions.
Je veux par ailleurs préciser qu’il y a des marchés publics conclus par les collectivités qui n’ont rien à voir avec le service rendu au public. Cet article ne prévoit pas – ce serait sans doute contraire à la Constitution – d’imposer ces principes à une entreprise ou à une association d’insertion qui travaillerait pour le compte d’une collectivité pour, par exemple, nettoyer la mairie quand celle-ci est fermée : nous ne pouvons pas obliger les dames qui viennent nettoyer les marches de la mairie en dehors des horaires d’ouverture à retirer leur foulard si elles en portent un. Ce n’est pas ce que dit le texte !
En revanche, si un maire délègue à une entreprise ou à une association, par un marché public ou même par un contrat d’insertion conclu de gré à gré sans recours aux mécanismes de la commande publique, l’accueil du public à la mairie, ou encore le répondeur d’appel pour les problèmes de voirie ou toute autre difficulté que rencontre le public, alors la neutralité s’imposera.
Notre approche va donc bien au-delà de la jurisprudence de la Cour de cassation, monsieur Retailleau, puisque nous étendons très largement le champ du service public ; il n’y a pas de doute sur ce point.
Il convient même sans doute de travailler – je veux le dire à ceux qui nous écoutent dans les entreprises de transport ou les sociétés qui exploitent, par exemple, des piscines publiques – sur l’application de ces dispositions aux sous-traitants. Ainsi, une société de transport agissant en vertu d’une délégation de service public qui aurait recours en sous-traitance à une société de médiation pour répondre à un appel d’offres serait soumise au principe de neutralité : sur ce point, nous allons beaucoup plus loin que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Il me semble donc que votre amendement est pleinement satisfait, nonobstant les deux exceptions citées : j’imagine que vous pourrez convenir qu’elles sont bienvenues.
Mme la présidente. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 284 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Les deux exceptions, portant sur les établissements d’enseignement privés sous contrat et sur les Espic, ne m’avaient pas échappé. Je voulais m’assurer que toutes les formes contractuelles de la commande publique étaient bien couvertes, comme elles l’étaient dans la jurisprudence initiale de la Cour de cassation, qui était assez large. Dans un premier temps, j’avais craint que la rédaction de cet article ne referme quelque peu ce champ. Ce qu’a dit M. le ministre est intéressant ; ce sera bien entendu noté au compte rendu, auquel un certain nombre d’entreprises et d’autres acteurs pourront se référer.
Sous le bénéfice de ces explications, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 284 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 236 rectifié quater, présenté par MM. Savin, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent et Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul et Pemezec, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, MM. Daubresse et Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité.
La parole est à M. Michel Savin.