M. le président. L’amendement n° 130, présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Antiste, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qui en informe le référent déontologue
2° Deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et le référent déontologue
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet article entend traduire dans la loi l’une des recommandations du Ségur de la santé visant à lutter contre l’intérim médical. Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, il apporte des précisions budgétaires sur deux points.
D’abord, le montant journalier des dépenses susceptibles d’être engagées au titre du travail temporaire devra obligatoirement figurer à l’EPRD.
Ensuite, le directeur général de l’ARS, s’il constate que ce montant dépasse le plafond défini par décret, renverra l’EPRD au directeur d’établissement et réservera son approbation jusqu’à ce que ce montant soit inférieur au plafond.
À l’issue de l’exécution du budget de l’établissement, si le compte financier fait apparaître un dépassement du plafond, le directeur général de l’ARS devra déférer au tribunal administratif tous les actes par lesquels l’établissement a eu recours au travail temporaire et qui lui seront communiqués à sa demande par le comptable public de l’établissement. Il en avisera sans délai le conseil de surveillance de l’établissement.
Ces deux dysfonctionnements relevant de ses compétences, nous demandons simplement que le déontologue de l’hôpital soit également informé, au même titre que le directeur d’établissement et le conseil de surveillance. Cet ajout ne modifie en rien le process établi par le rapporteur, dont nous venons de discuter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais d’abord dire à M. le ministre que nous avons évidemment pris connaissance de son rapport de 2012, qui n’était pas rédigé au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Je note aussi, pour détendre l’atmosphère, tout l’intérêt de son titre Hôpital cherche médecins, coûte que coûte ; il n’était pas écrit « quoi qu’il en coûte »… (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour revenir à cet article, notre désaccord repose évidemment non pas sur la finalité, mais sur la méthode. Le contrôle comptable et le contrôle budgétaire présentent la distinction notable d’intervenir à des stades différents de l’engagement de la dépense. Le premier permet de liquider la dette de l’ordonnateur vis-à-vis d’un prestataire ayant déjà fourni un service, tandis que le second s’exerce en amont de l’engagement afin d’en vérifier la régularité.
Le dispositif initial de l’article 10 consiste à attribuer au comptable public, dont je rappelle qu’il est un agent du ministère de l’économie et des finances, une mission qui relève normalement du contrôle a priori du directeur général de l’ARS, lié au rôle que tout représentant de l’État dans un territoire doit exercer au regard de l’application de la loi. Cette déresponsabilisation n’a pas paru souhaitable à la commission des affaires sociales.
Nous avons donc émis un avis défavorable sur l’amendement de rétablissement du Gouvernement, en souhaitant évidemment que nous puissions tous ensemble en rediscuter dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 130.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 130 ?
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, une fois n’est pas coutume, je partage votre constat sur l’intérim médical. Les personnels hospitaliers de mon département, le Pas-de-Calais, que je rencontre me parlent évidemment de ces « boîtes » d’intérim qui pratiquent des tarifs absolument exorbitants. On ne peut plus continuer de la sorte !
Toutefois, lorsqu’un directeur est confronté à une difficulté, il est bien obligé de la régler, en recourant à l’intérim. Doit-on dès lors sanctionner les directeurs d’hôpitaux ou les agences d’intérim ?
Nous devrions aussi réfléchir à une disposition législative qui interdirait ce genre de pratiques. Ces agences ne devraient pas pouvoir faire ce qu’elles veulent !
J’entends vos arguments, monsieur le ministre : si aucun directeur n’accepte, ces dérives n’auront plus lieu. Mais ce n’est pas aussi simple que cela, selon moi, et il faut davantage encadrer les agences d’intérim.
Il me semble enfin que l’on oublie un élément de réflexion : le manque de personnel dans les hôpitaux publics. S’il en était autrement, les directeurs auraient moins recours à l’intérim et les salaires seraient encadrés.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’abonde dans le sens de ma collègue Cathy Apourceau-Poly.
Monsieur le ministre, vous n’étiez pas présent, lorsque nous avons débattu il y a quelques minutes de l’amendement n° 138, et je dois vous dire que j’ai vraiment apprécié votre intervention, car vous avez bien rappelé la réalité des hôpitaux et les difficultés auxquelles sont confrontés leurs directeurs. Je me rappelle du témoignage de certains d’entre eux qui, confrontés à cette inflation des exigences salariales, passaient des jours entiers à essayer de régler le problème.
Si je partage le constat, je redis aussi notre inquiétude face à l’évolution de la démographie médicale et au manque de praticiens. C’est pourquoi je ne suis pas absolument convaincue que les mesures que vous proposez parviennent à tarir l’intérim à la source.
Il faudrait parallèlement rendre de nouveau l’hôpital attractif, en revalorisant les salaires et les carrières et en améliorant les conditions de travail. Sinon, ça ne marchera pas.
Enfin, si j’ai bien compris, monsieur le ministre, votre amendement aboutirait in fine à sanctionner les directeurs, ce qui me semble un peu radical.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Ce problème est important, et le constat partagé sur toutes les travées. Dans l’hôpital où je travaillais, le service de maternité ne fonctionnait qu’avec du personnel intérimaire qui s’était en fait organisé en équipes pérennes. Il y avait donc une certaine stabilité, mais avec des salaires hors normes.
Le plafonnement prévu par le décret de 2017 m’avait laissé un peu d’espoir. Mme Buzyn a eu le courage de s’attaquer au problème, et on se souvient des réactions violentes que la mesure avait suscitées. Il fallait toutefois que toutes les ARS jouent le jeu pour éviter les concurrences entre régions. Force est de constater que cela n’a pas abouti.
Je voterai donc l’amendement du Gouvernement, car nous ne pouvons pas rester dans cette situation. Tentons cette solution, et évaluons régulièrement ses effets.
Si le blocage s’applique à tout le territoire français, ce sera plus difficile d’échapper au dispositif. Les professionnels partiront peut-être au Luxembourg, mais, en tant que frontalière, je peux vous dire que les médecins et les infirmières vont déjà chercher un meilleur salaire ailleurs !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Une fois n’est pas coutume, je ne suivrai pas le rapporteur et je voterai l’amendement du Gouvernement. Je suis hypocondriaque et j’ai deux frères médecins, ce qui n’est pas toujours de nature à me rassurer… Ajoutez à cela que je ne suis toujours pas vacciné, je vous laisse imaginer mon état ! (Sourires.) Toujours est-il que mes frères attirent régulièrement mon attention sur le problème dont nous débattons à l’instant.
Renforcer le contrôle des agences d’intérim, comme le propose Mme Apourceau-Poly, je n’y crois pas. Je mise plutôt sur les directeurs d’hôpitaux, à condition toutefois qu’ils soient protégés, avec ceinture et bretelles, pour ne pas être soumis à la concurrence et à la surenchère.
Le meilleur moyen est de faire en sorte qu’ils ne puissent pas verser plus d’une certaine somme. Alors, les intérimaires potentiels ne chercheront plus à négocier. (M. le ministre approuve.)
L’amendement du Gouvernement encadre peut-être un peu trop les choses, mais au moins peut-on espérer un résultat efficace et concret. Monsieur le ministre, j’étais prêt à suivre le rapporteur ; mon changement d’opinion montre toute l’utilité du débat parlementaire…
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. En 2017, après mon arrivée au Sénat à la faveur de la loi interdisant le cumul des mandats, j’ai divisé par deux mes astreintes à la maternité de l’hôpital où je travaillais.
Les intérimaires qui m’ont remplacé ont fortement pénalisé le budget de l’hôpital et je me suis dit que, depuis trente ans, j’avais permis à l’établissement de réaliser des économies considérables au regard des fortunes que l’on offre aujourd’hui aux intérimaires.
Pour une fois, je suis donc d’accord avec Olivier Véran.
Mais le vrai problème, finalement, n’est-il pas en amont ? Ne faudrait-il pas favoriser la bientraitance des professionnels, de l’étudiant en première année jusqu’au praticien hospitalier, et alléger les lourdeurs administratives ? Dans les maternités, les conditions de travail des obstétriciens et des anesthésistes sont vraiment très difficiles.
La collègue qui travaillait avec moi à l’hôpital a renoncé à ses astreintes, écœurée par ce qu’on donnait aux intérimaires. Si nous continuons comme cela, les vocations vont se tarir et nous serons condamnés à faire travailler des mercenaires venant d’Europe et d’ailleurs, ce qui contribuera à amoindrir la qualité du travail hospitalier.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je remercie le ministre d’avoir partagé ses réflexions.
Dans la discussion générale, j’avais déjà dit que les mesures proposées par la commission des affaires sociales étaient en retrait par rapport aux attentes du groupe Union Centriste. Après avoir entendu le ministre – je partage le diagnostic qu’il a dressé –, nous avons décidé de voter l’amendement du Gouvernement.
Comme le disait Roger Karoutchi, il faut protéger les directeurs d’hôpitaux, mais il faut aussi protéger les présidents des conseils de surveillance. Même si les uns et les autres trouvent inconvenant de payer des médecins au-delà de tout réalisme budgétaire, ils sont obligés de le faire pour éviter la fermeture d’un service, voire de l’établissement. Ils jouent la montre, mais à quel prix !
Ce phénomène de concurrence entre établissements qui s’est installé dans notre pays est vraiment délétère.
Aujourd’hui plus encore qu’hier, la santé est l’un des éléments fondateurs de notre pacte national. Nous voulons le meilleur pour nos concitoyens, mais c’est un vrai crève-cœur de devoir dépenser autant d’argent pour maintenir des services auxquels nous sommes attachés.
Si l’on arrête les primes, on arrêtera aussi les chasseurs de primes. La proposition du Gouvernement me semble aller dans ce sens, et nous pourrons en évaluer les effets dans quelques mois ou années. Nous devons casser cette espèce de concurrence déloyale qui s’est installée entre médecins, comme le disait Florence Lassarade.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Élisabeth Doineau. Mais une concurrence déloyale s’est aussi installée entre établissements, qu’ils soient publics ou privés, et nous devons également être vigilants sur ce point, si nous voulons continuer à avoir une médecine de qualité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je remercie le ministre pour ses explications. Nous avons échappé à une clôture prématurée de la discussion par un rapide avis défavorable. Cela montre tout l’intérêt du débat – il aurait d’ailleurs été opportun d’avoir de tels échanges sur d’autres sujets.
J’entends les arguments du ministre sur le contrôle a priori. Mais le vrai pari, c’est l’idée que les personnes concernées basculeront sur un autre temps médical. En l’occurrence, je ne suis pas du tout convaincu – nous verrons bien !
Nous sommes tous d’accord pour lutter contre la surrémunération, mais il faudra bien compenser le temps médical supplémentaire engendré aujourd’hui par ce phénomène.
La question contingente des docteurs juniors, que l’on n’arrive pas à traiter au niveau législatif pour des raisons budgétaires, devra aussi être réglée.
Toutefois, nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement et je vous invite à faire de même, mes chers collègues. En effet, si nous le votons, l’article 10 sera conforme et la discussion sera close. Or, comme le rapporteur, je souhaite poursuivre le débat en commission mixte paritaire.
Nous serions prêts à suivre le Gouvernement, mais la sanction financière des directeurs d’hôpitaux ne nous paraît pas indispensable. Elle pourrait même avoir un effet paralysant.
M. René-Paul Savary. Je partage les propos de Bernard Jomier. Cette discussion complexe appelle à beaucoup d’humilité. Or vous avez beaucoup de certitudes, monsieur le ministre. Nous y sommes habitués…
M. René-Paul Savary. Certes, il en faut.
Mme Buzyn en avait aussi beaucoup, quand elle nous a présenté un dispositif qui devait régler le problème : dix-huit mois plus tard, chacun peut faire le constat que ce n’est pas le cas.
Mon approche est un peu différente : s’il règle peut-être le problème des hôpitaux, le texte du Gouvernement ne règle ni celui des établissements de santé privés d’intérêt collectif, les Espic, ni celui des structures privées. En conséquence, ces mercenaires, qui ne pourront plus travailler à l’hôpital, iront vers les cliniques privées, alors qu’elles connaissent aussi des difficultés. Soyons-y très attentifs.
Cette situation mérite une discussion approfondie. En réécrivant le texte, la commission remet sur la table un certain nombre de dispositions, ce qui permettra de trouver une solution qui conviendra à tout le monde.
C’est la raison pour laquelle, dans ce contexte particulier, j’aurais tendance à proposer à mes collègues de suivre la commission pour que ce débat gagne en clarté.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il faut rappeler la responsabilité politique des différents gouvernements dans la situation actuelle : 10 % de postes vacants chez les infirmiers, les praticiens hospitaliers, etc. Ce n’est pas le seul fait de ce gouvernement.
Aujourd’hui, les conséquences tout à fait contre-productives des différentes décisions nous reviennent comme un boomerang, ce qui explique que nous examinions maintenant cet article.
Pour ma part, je serais tentée de vous alerter en amont sur le fait que vous êtes en train de produire la même situation dans le monde médico-social. Vous avez exclu du Ségur de la santé le monde médico-social, les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), ainsi que la branche sociale de l’aide à domicile, et vous bloquez aujourd’hui tous les agréments salariaux, ce qui fait que les aides-soignants sont désormais payés au SMIC, alors qu’ils étaient 20 % au-dessus voilà quelques années. Moralité : l’intérim croît de façon brutale dans les services de soins infirmiers et plus personne n’entre dans ces structures.
Dans quelques années, vous reviendrez devant nous, en nous disant : il n’est pas normal que l’intérim supplémentaire, lequel est passé de zéro dans certains services à 10 %, 20 %, voire 30 %, augmente de cette manière le déficit des Ssiad.
Or c’est déjà ce qui se passe dans les Ehpad : dans certains établissements de Lyon, l’intérim atteint 50 % en raison des conditions de travail et des rémunérations. Or vous bloquez les revalorisations, favorisant de ce fait l’intérim, et vous vous plaignez dans le même temps des déficits, des mercenaires, etc.
Il n’existe pas d’encadrement réglementaire sur ce sujet pour les Ssiad et, même quand les règles habituelles relatives à la rémunération dans l’intérim sont respectées, c’est la culbute ! Les intérimaires perçoivent deux fois plus que les soignants, qui sont au SMIC et qui partent des établissements, parce qu’ils ne supportent plus du tout cette situation.
Alors, résolvez aujourd’hui le problème que des gouvernements entiers ont créé hier et ne créez pas, dans le secteur médico-social et les services de soins infirmiers à domicile, ce que vous essaierez de régler demain !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous avons là un beau et grand débat parlementaire.
Il y a en effet urgence à régler le problème de l’intérim, qui est autant une question économique qu’une question de santé. Certaines règles fondamentales s’imposent : quand l’inflation est galopante, il n’existe pas d’autre solution que le contrôle des prix, au moins dans un premier temps. C’est ensuite que nous – le Gouvernement, les territoires et le pays tout entier – pourrons régler la question de la pénurie de médecins.
Nous savons tous que cette pénurie résulte du numerus clausus. On constate une volonté politique de résoudre ce problème, ce qui demande du temps. Certes, ce n’est pas le débat d’aujourd’hui et nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je note des résistances, y compris dans les facultés, à former davantage de médecins. J’ai du mal à comprendre pourquoi notre pays est soumis à de telles rigidités sur cette question.
Bien sûr, tout ne se réglera pas du jour au lendemain, mais il me semble que nous ne sommes pas en mesure, même sur les moyen et long termes, de remédier suffisamment à ce problème. Cette question, au-delà des hôpitaux et des déserts médicaux, devient tout à fait insupportable pour nos concitoyens et devrait malheureusement avoir des conséquences assez graves en termes d’aménagement du territoire et de santé.
En tout cas, en ce qui concerne le contrôle des prix, c’est une évidence !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Je vous remercie de ce débat de fond.
Monsieur Jomier, il n’y a aucune sanction financière sur les directeurs d’établissement. Vous pouvez donc voter l’amendement du Gouvernement sans crainte : la saisine du tribunal administratif est sans conséquence pour eux. Ils sont au contraire protégés comme jamais, puisqu’ils peuvent indiquer que cela ne relève pas de leur responsabilité et qu’ils ne peuvent pas payer la rémunération demandée.
Mesdames les sénatrices du groupe CRCE, vous avez parfaitement raison : les mesures d’attractivité sont un corollaire et il faut rendre attractifs les métiers à l’hôpital. Le Ségur de la santé a prévu l’augmentation de l’indemnité de service public exclusif pour tous les médecins qui ne font que du public à l’hôpital public. Je suis sûr que vous y êtes sensibles. Ainsi, un jeune médecin qui arrive à l’hôpital gagne au minimum 4 200 euros nets par mois, ce qui n’est pas mal en début de carrière, et au-dessus de 6 000 euros nets lorsqu’il a avancé – il faut ajouter la rémunération des gardes et des astreintes. Vous le voyez, nous avons travaillé sur l’attractivité de façon substantielle.
Il faut agir sur les agences d’intérim, dites-vous. Vous avez parfaitement raison et je réponds par anticipation à l’amendement portant article additionnel que nous examinerons ensuite : le droit est très clair et les agences d’intérim sont censées suivre le code du travail… Une majoration de 10 % est possible en cas de travail temporaire – mon rapport date de 2012, mais je crois me souvenir de ce chiffre –, elle n’est certainement pas de 300 % !
Par ailleurs, la grosse majorité des contrats se fait de gré à gré, sans l’entremise d’agences : c’est le médecin qui frappe à la porte du directeur et lui propose ses services contre une certaine rémunération. Agir sur les agences d’intérim n’aura donc aucune portée.
Enfin, je voudrais dire que, dans mon rapport, je dénonçais une agence luxembourgeoise en particulier. Je me suis rendu sur place avec une équipe de télévision et j’ai découvert qu’il s’agissait en fait d’une simple boîte postale, alors que c’était l’un des grands recruteurs de médecins étrangers en France. J’ai été menacé d’un procès en diffamation par cette entreprise. Je profite de mon intervention pour indiquer que je n’ai toujours pas reçu cette plainte. Il faut croire que mes critiques étaient fondées…
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 130 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’article.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6146-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de méconnaître, pour les entreprises de travail temporaire, le plafond défini au deuxième alinéa du présent article est puni d’une amende de 15 000 euros. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre : oui, certains médecins ou professionnels de santé négocient directement avec le directeur de l’hôpital. Reste qu’en matière de recrutement du personnel médical les agences d’intérim exagèrent.
Certes, vous nous dites qu’il n’y a pas d’incidences financières pour les directeurs d’hôpitaux, mais ils sont convoqués devant le tribunal administratif et il est bien malheureux que ce soient eux qui payent la note, alors que ce sont les agences d’intérim qui exagèrent. Qui plus est, comme je l’ai souligné, si les hôpitaux avaient suffisamment de personnel, nous n’en serions pas là.
Par cet amendement, nous proposons une amende de 15 000 euros en cas de pratique abusive de la part des agences d’intérim.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
En plus de méconnaître le principe de proportionnalité de la pénalité financière, la disposition prévue semble faire peser l’intégralité de la responsabilité de l’intérim irrégulier sur l’entreprise, alors que le directeur d’établissement, signataire du contrat d’embauche, en endosse également une part.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Au Sénat, nous vivons des montagnes russes (Sourires.) : l’amendement du Gouvernement a été adopté, mais l’article, lui, est rejeté ! J’entends bien le message, mesdames, messieurs les sénateurs : vous souhaitez que cette question fasse partie des discussions qui auront lieu dans le cadre de la commission mixte paritaire. Finalement, je m’en réjouis, car, fort du travail que vous avez réalisé et que les députés ont accompli avant vous et de celui qui se fera en commission mixte paritaire, cette dernière a peut-être des chances d’être conclusive.
Faisons en sorte que les conditions d’examen de ce texte nous permettent d’avancer rapidement, car le monde de l’hôpital en attend beaucoup.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 167, présenté par MM. Théophile, Iacovelli, Lévrier, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 6143-2 est ainsi modifié :
a) À la fin de la troisième phrase, les mots : « et un projet social » sont remplacés par les mots : « , un projet social et un projet de gouvernance et de management » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Le projet d’établissement comprend un volet éco-responsable qui définit des objectifs et une trajectoire afin de réduire le bilan carbone de l’établissement. Il comporte également un volet numérique visant à assurer l’interopérabilité des outils numériques utilisés et leur déploiement au sein de l’établissement. » ;
2° Après l’article L. 6143-2-2, il est inséré un article L. 6143-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6143-2-…. – Le projet de gouvernance et de management participatif de l’établissement définit les orientations stratégiques en matière de gestion de l’encadrement et des équipes médicales, paramédicales, administratives, techniques et logistiques, à des fins de pilotage, d’animation et de motivation à atteindre collectivement les objectifs du projet d’établissement. Il prévoit les modalités de désignation des responsables hospitaliers. Il tient compte, en cohérence avec le projet social mentionné à l’article L. 6143-2-1, des besoins et des attentes individuels et collectifs des personnels dans leur environnement professionnel, notamment pour ceux en situation de handicap. Il comporte un volet spécifique dédié à l’accompagnement et au suivi des étudiants en santé. Il porte également sur les programmes de formation managériale dispensés obligatoirement aux personnels médicaux et non médicaux nommés à des postes à responsabilités. Il comprend enfin des actions de sensibilisation aux enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que des actions de prévention des risques psychosociaux auxquels peuvent être exposés de manière spécifique les personnels soignants, médicaux et paramédicaux. »
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à rétablir l’article 11, en ajoutant un volet numérique dans le projet d’établissement afin de répondre aux besoins d’interopérabilité.
Tout d’abord, le projet de gouvernance et de management semble un outil pertinent qui était recommandé par le rapport Claris. En effet, ce document permettra de définir les orientations stratégiques, notamment en matière de gestion des équipes médicales, paramédicales et administratives. Il assurera également la prise en compte des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que l’accompagnement des étudiants en santé. Ce projet sera notamment complémentaire du projet social et médical.
Cet amendement tend aussi à ajouter un volet numérique dans le projet d’établissement : il portera sur l’interopérabilité des outils numériques et leur déploiement efficient au sein de l’établissement. Afin de permettre que l’investissement dans le numérique puisse être utile au plus grand nombre et dans un objectif de simplification du système de santé, prendre en compte le numérique est central.
En prévoyant de rétablir le projet de gouvernance et de management, ainsi qu’en ajoutant un volet numérique, nous souhaitons répondre aux besoins d’amélioration, puisque tel est l’objet de ce texte.