Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’encadrement qui était prévu dans le projet de loi voté à l’Assemblée nationale s’agissant de la possibilité de mener des recherches nécessitant l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal.
En supprimant, à l’article 17, la possibilité d’effectuer ces recherches, la commission spéciale a, logiquement, supprimé la possibilité de les déclarer à l’Agence de la biomédecine. En cohérence avec l’amendement gouvernemental que je présenterai à l’article 17 et qui vise à rétablir cette possibilité, ce présent amendement tend à rétablir l’encadrement qui avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale.
Renoncer à des études qui nécessitent l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal, alors que celles-ci ouvrent des voies très prometteuses,…
M. André Reichardt. Incroyable !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … reviendrait à interdire à nos chercheurs toute possibilité d’avancer dans ce domaine.
L’insertion de ces cellules souches embryonnaires dans un embryon animal pose, il est vrai, des questions éthiques. C’est la raison pour laquelle nous avions prévu que ces travaux fassent l’objet d’une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine.
Je rappelle que dans la précédente loi de bioéthique, rien n’interdisait cela ; imposer une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine et le recueil de son avis constitue donc une avancée, sans qu’il faille interdire des recherches qui ont d’ores et déjà démarré dans notre pays, dans la mesure où rien ne l’interdisait à ce jour, comme le rappelle l’avis du Conseil d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 172.
M. Bernard Jomier. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces deux amendements identiques prévoient le rétablissement de la possibilité de conduire des recherches ayant pour objet la création d’embryons chimériques par insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal.
Le Sénat et sa commission spéciale sont opposés à de telles recherches, qui franchissent la ligne rouge de la barrière des espèces.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce n’était pas pour autant autorisé, nous en avions discuté en première lecture et nous n’avions pas la même interprétation du code en vigueur.
J’ai soulevé cette contradiction en introduction à la discussion de cet article : vous êtes défavorable à la culture des embryons en vue de recherche jusqu’à vingt et un jours, ce qui permettrait des avancées scientifiques, mais vous cautionnez la création d’embryons chimériques.
Contrairement à ce que vous affirmez, avec tout le respect que j’ai pour vous en tant que ministre, le Comité consultatif national d’éthique n’a pas préconisé la solution que vous proposez, à savoir un simple régime de déclaration pour ces recherches assorti d’un pouvoir d’opposition accordé à l’Agence de la biomédecine.
Le CCNE a, en réalité, recommandé d’encadrer ce type de recherches sensibles, sans pour autant se prononcer sur le contenu de cet encadrement, je vous l’accorde. Il a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de prévoir des garde-fous pour prévenir tout risque d’humanisation partielle des embryons chimériques, c’est-à-dire d’apparition de caractéristiques humaines sur le plan morphologique ou neurologique.
Or l’amendement du Gouvernement ne prévoit strictement aucun garde-fou de cette nature ; c’est la raison pour laquelle la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis tout à fait d’accord avec Mme le rapporteur : le Sénat a toujours été défavorable aux embryons chimériques. Je ne voterai donc pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. S’agissant des principes que Corinne Imbert rappelle, le franchissement de la barrière des espèces, qu’évoquait notre collègue Pierre Ouzoulias, recouvre le fait que des pathologies passent d’une espèce à une autre. Malheureusement, c’est vieux comme le monde.
Ce processus est actuellement aggravé par des phénomènes écologiques liés à la perturbation des milieux naturels. C’est ce qui se passe en ce moment avec le coronavirus.
M. André Reichardt. On ne le sait pas !
M. Bernard Jomier. Si, on le sait ! Les chercheurs le décrivent très bien. Cela explique l’émergence du concept de One Health, maintenant porté officiellement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et qui théorise le fait que la santé animale, la santé de l’environnement et la santé humaine sont liées et se regroupent et que la perturbation croissante des milieux naturels, avec une proximité de plus en plus forte d’espèces sauvages et de l’espèce humaine sur certains territoires, emporte des conséquences néfastes.
La question du franchissement de la barrière des espèces ne doit pas être comprise comme la création d’un être qui mêlerait deux espèces. C’est cela que l’on semble entendre, mais il n’en est pas question. Cultiver un embryon, c’est très compliqué, il ne suffit pas de le mettre dans un verre d’eau sucrée !
Pour répondre à l’argumentation de Corinne Imbert, la loi interdit strictement d’implanter un embryon qui a fait l’objet d’une recherche. Ce n’est pas un sujet. Jamais ne naîtra un être chimérique formé de cellules humaines et de cellules animales : notre loi l’interdit et c’est heureux. C’est très clair.
Si vous souhaitez présenter un amendement pour le répéter, je le voterai, mais il n’est pas question de cela ici.
L’adjonction de cellules humaines dans un modèle animal, je suis désolé de vous l’annoncer brutalement, c’est vieux comme la recherche et cela ne pose aucune difficulté à personne. Les interdits que vous invoquez et que je partage ne sont en rien violés par la disposition qui nous est proposée en matière de recherche.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je me permets d’insister sur l’importance de ces deux amendements. Il s’agit effectivement, ici – les mots ont un sens ! – de franchissement de la barrière des espèces. On peut dire que cela se pratique déjà et que cela n’est pas grave, mais je demande simplement que l’on fasse très attention au vote de ce soir sur ces deux amendements qui me paraissent essentiels en matière de recherche.
Chacun se prononcera, certaines opinions semblent d’ores et déjà arrêtées, je les respecte totalement. Mon objectif est juste d’attirer l’attention sur l’importance de ce vote.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 172.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 74 :
Nombre de votants | 291 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 90 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
I. – (Non modifié)
II. – L’article L. 2151-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-7. – I. – On entend par cellules souches pluripotentes induites humaines des cellules qui ne proviennent pas d’un embryon et qui sont capables de se multiplier indéfiniment ainsi que de se différencier en tous les types de cellules qui composent l’organisme.
« II. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-3 et, le cas échéant, de l’article L. 1121-1, les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites humaines ayant pour objet la différentiation de ces cellules en gamètes ou l’agrégation de cellules souches pluripotentes induites humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sont soumis à déclaration à l’Agence de la biomédecine préalablement à leur mise en œuvre.
« III. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’oppose, dans un délai fixé par voie réglementaire, à la réalisation d’un protocole de recherche ainsi déclaré si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code. Cette décision est prise après avis public du conseil d’orientation de l’agence.
« À défaut d’opposition du directeur général de l’Agence de la biomédecine, la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent III.
« IV. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire, après avis public du conseil d’orientation de l’agence, les recherches mentionnées au II qui ne répondent plus aux exigences mentionnées au III. »
III. – (Non modifié) Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites humaines » ;
2° L’article L. 2163-6 est ainsi modifié :
a) Les trois derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« “II. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires :
« “1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-6 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« “III. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches pluripotentes induites humaines :
« “1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-7 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-7 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires.” »
IV. – (Non modifié) L’article 511-19 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 0000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires :
« 1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-6 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. » ;
2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches pluripotentes induites humaines :
« 1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-7 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-7 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. »
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article 15 fait partie du chapitre Ier du titre IV du projet de loi, chapitre dont l’objectif est d’encadrer les recherches avec toute la vigilance qui s’impose. Cet article porte sur le régime des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites.
Dans sa rédaction issue de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, il aligne la recherche sur les cellules souches adultes reprogrammées sur le régime relatif à la recherche sur les cellules embryonnaires humaines, qui est soumise à une simple déclaration.
Deux points, notamment, méritent d’être soulevés dans le cas présent.
Tout d’abord, les sanctions pénales prévues en cas de non-respect des formalités de déclaration sont amoindries par rapport à celles que le Sénat avait adoptées en première lecture.
Ensuite, est désormais autorisée l’insertion des cellules souches pluripotentes induites (iPS) humaines dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.
Ces sujets sont compliqués, beaucoup de collègues sont intervenus et je tiens à souligner le travail des membres de la commission spéciale et notamment les interventions des différents rapporteurs. J’ai, moi aussi, cosigné un certain nombre d’amendements sur cet article avec, notamment, Henri Leroy et Guillaume Chevrollier.
Nous préconisons de rétablir les sanctions inscrites dans le code de la sécurité sociale et dans le code pénal par le Sénat en première lecture, de rétablir la frontière homme-animal en interdisant la création de chimères par insertion de cellules pluripotentes induites dans un embryon animal et d’interdire la fécondation des gamètes artificiels.
Mme la présidente. L’amendement n° 145, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le présent amendement vise à supprimer l’article 15, lequel ouvre la voie à la création de gamètes artificiels, c’est-à-dire à la création de spermatozoïdes et d’ovules à partir de cellules humaines.
Grâce à leurs propriétés d’autorenouvellement, les cellules souches pluripotentes induites constituent une source alternative pratique de cellules humaines pour la recherche biomédicale.
La création de gamètes artificiels offre des perspectives intéressantes pour la recherche, mais la rédaction actuelle de cet article permet le franchissement d’une ligne rouge éthique. Ces cellules sont obtenues principalement à partir d’embryons issus de fécondation in vitro et écartés du programme de procréation après un diagnostic préimplantatoire (DPI).
Ces nouvelles possibilités de créer des gamètes artificiels pourraient notamment entraîner une dérive en faisant de certaines personnes des parents « sans le savoir » et en instituant des manipulations entremêlées d’embryon à gamètes et de gamètes à nouvel embryon.
La filiation doit conserver sa matrice naturelle biologique sexuée ; plus on s’en éloigne, plus on crée de complications juridiques et anthropologiques.
Les perspectives de la recherche peuvent être excitantes et résoudre de nombreux problèmes, mais on ne peut pas manipuler indéfiniment et n’importe comment l’humain et le vivant sans briser l’éthique, qui est notre garde-fou.
Pour ne pas faire sombrer notre science dans cette démesure, je vous invite, mes chers collègues, à interdire la création de gamètes artificiels et à voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement conduit à supprimer toutes les dispositions destinées à encadrer les recherches menées sur les cellules souches pluripotentes induites humaines. Cela reviendrait à ouvrir la voie à des recherches présentant des risques éthiques sérieux, puisque les cellules iPS humaines ne font aujourd’hui l’objet d’aucun cadre juridique.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne partage évidemment pas tout ce qui vient d’être dit sur l’inconséquence des chercheurs, mais, actuellement, aucun encadrement n’est prévu s’agissant des iPS. Or il nous semble important que cette loi de bioéthique prenne en compte l’existence de ces nouvelles cellules et leur utilisation et qu’elle en définisse un cadre juridique.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 171, présenté par M. Jomier, Mmes de La Gontrie et Jasmin, M. Leconte, Mmes Rossignol et Meunier, MM. Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-3 et, le cas échéant, de l’article L. 1121-1, sont soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine, préalablement à leur mise en œuvre, les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites humaines ayant pour objet :
« 1° La différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en gamètes ;
« 2° L’agrégation de cellules souches pluripotentes induites humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ;
« 3° L’insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Nous poursuivons le même débat. Cet amendement, qui fait référence à des éléments dont nous débattrons à l’article 17, vise à encadrer l’insertion de cellules pluripotentes induites dans un modèle animal.
Sans reprendre le débat sur le franchissement de la barrière des espèces, je rappelle que le CCNE n’a pas interdit cette voie de recherche ; il l’a même autorisée en imposant certains garde-fous, inscrits dans le texte qui nous est soumis.
En particulier, ces recherches ne peuvent pas mener à la création d’un être composé de ces cellules et du modèle animal. Cet interdit reste entier.
Il s’agit donc d’une voie de recherche tout à fait prometteuse pour certaines thérapeutiques, dont nous ne devons pas nous priver.
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
ou
par le signe :
,
2° Après le mot :
extra-embryonnaires
insérer les mots :
ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise en effet à réintroduire dans le texte des garanties en vue d’un rétablissement de l’article 17.
Le franchissement de la barrière des espèces, tel que vous le présentez, relève de l’imaginaire. Dans la terminologie scientifique, que Jean Leonetti avait utilisée en 2011 lors de la révision de la loi de bioéthique, une chimère est un organisme constitué de deux ou, plus rarement, plusieurs variétés de cellules d’origines génétiques différentes, sans mélange de matériel génétique. C’est cela la définition scientifique d’une chimère.
Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, la problématique concerne les chimères constituées par l’adjonction de cellules humaines à un embryon animal. C’est la raison pour laquelle vous considérez qu’il est question de barrière des espèces. Pourtant, chaque fois que l’on greffe un individu, on crée une chimère.
Nous serions incapables, aujourd’hui, de tester les vaccins contre la covid-19 en phase préclinique si nous ne disposions pas des souris dans lesquels on reproduit le système immunitaire humain par adjonction de cellules immunitaires humaines, afin d’observer la réponse immunitaire induite par le vaccin.
C’est de cela que l’on parle dans le monde de la science ; en aucun cas de créer je ne sais quelle chimère au sens littéraire du terme. Je tenais à apporter ces précisions à ce moment de nos débats.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces deux amendements sont quasiment identiques et visent à rétablir la possibilité de conduire des recherches ayant pour objet la création d’embryons chimériques par insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal.
Le Sénat a exprimé en première lecture son opposition à de telles recherches, lesquelles présentent un risque de franchissement de la barrière des espèces. Nous pouvons poursuivre le débat sur ce point.
Par ailleurs, ces amendements ne prévoient aucun garde-fou de nature à prévenir les risques soulevés par le Comité consultatif national d’éthique, notamment l’apparition de caractéristiques humaines sur le plan morphologique ou neurologique.
Nous pourrions en discuter longuement, mais l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 171 ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 171.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 75 :
Nombre de votants | 293 |
Nombre de suffrages exprimés | 276 |
Pour l’adoption | 90 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié quater est présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mme Thomas, MM. Mandelli, Gremillet et Paccaud, Mmes Pluchet et Lassarade, MM. Meurant et Segouin, Mme Lopez, MM. Pointereau et de Nicolaÿ, Mmes Berthet et de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, Saury, Cardoux et E. Blanc.
L’amendement n° 68 rectifié bis est présenté par MM. H. Leroy, Cuypers et Cadec, Mmes Noël et Belrhiti, M. Laménie, Mmes Joseph et Deromedi et M. Frassa.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
1° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
2° Remplacer le montant :
30 000 euros
par le montant :
60 000 euros
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié quater.
M. Guillaume Chevrollier. Mon argumentation vaudra également défense des amendements nos 58 rectifié et 59, qui seront appelés en discussion dans quelques instants. Je rappelle que trois amendements similaires à ceux-ci ont été adoptés par le Sénat en première lecture, sur avis favorable de la commission spéciale.
Il convient d’aggraver les peines encourues en cas de non-respect des formalités de déclaration pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites. Les peines actuellement prévues ne me paraissent pas suffisamment dissuasives. Certes, elles n’ont jamais été appliquées, mais des peines alourdies renforceraient la portée de la loi de bioéthique.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié bis.
M. Pierre Cuypers. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements identiques visent à rétablir le doublement du quantum des sanctions prévues en cas de non-respect des formalités de déclaration pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines.
L’Assemblée nationale a estimé les sanctions en vigueur déjà dissuasives, et l’Agence de la biomédecine a confirmé que, jusqu’ici, aucune infraction n’a été sanctionnée, les chercheurs étant très conscients de la gravité d’une infraction et de la sanction encourue.
Pour autant, si les auteurs des amendements entendent adresser un avertissement à tous ceux qui souhaiteraient s’aventurer dans des recherches illégales, le doublement des sanctions irait en ce sens.
La commission spéciale a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. En effet, l’aggravation proposée serait contraire à l’échelle des peines délictuelles prévue par l’article 131-4 du code pénal, le droit pénal ne connaissant pas de peine de quatre ans d’emprisonnement. Les peines en vigueur doivent être extrêmement dissuasives, puisque, comme l’auteur du premier amendement l’a lui-même signalé, elles n’ont jamais été appliquées.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié quater et 68 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)