PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de l’article 14.
L’amendement n° 55 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et Segouin, Mme Thomas, MM. Mandelli, de Nicolaÿ, Gremillet, Paccaud et Pointereau, Mme Pluchet, M. Babary, Mme Lassarade, MM. Meurant et Rapin, Mme Joseph, MM. Laménie et Charon, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, E. Blanc, Saury et Cardoux, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
s’inscrit
insérer le mot :
exclusivement
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à réagir à certains propos caricaturaux que j’ai entendus avant la suspension de séance. Nous ne sommes pas opposés à la science, et encore moins aux chercheurs : au contraire, nous les soutenons et nous ne proposons en aucun cas de figer les règles. En revanche, nous sommes on ne peut plus vigilants sur ces questions de bioéthique : souffrez que, dans de tels débats, des positions différentes s’expriment ! Elles sont tout à fait légitimes.
Cet amendement a pour objet d’établir que la recherche sur l’embryon est possible exclusivement dans une perspective médicale.
La manipulation de l’embryon est un sujet fondamental : quand il s’agit du vivant, il faut éviter tout projet aventureux.
Je l’ai déjà indiqué : à chaque nouvelle législation, on nous invite à assouplir les normes en vigueur pour libérer la recherche. Mais, aujourd’hui, le monde scientifique lui-même reconnaît que les travaux consacrés à l’embryon n’ont pas franchi le stade de la recherche clinique. Après vingt ans d’études menées à travers le monde, aucun traitement issu de la cellule souche embryonnaire humaine n’a vu le jour.
On n’a cessé de vider de ses exigences le régime applicable à la recherche sur l’embryon et il n’y a plus aucune nécessité d’en abaisser une fois de plus le niveau.
J’ajoute que la connaissance du développement de l’embryon s’est faite à partir de l’observation d’embryons animaux. Ainsi, en 2012, le prix Nobel a été décerné à John Gurdon pour son travail consacré aux amphibiens.
Enfin, les chercheurs se placent eux-mêmes en insécurité juridique s’ils contreviennent aux termes de la loi. Je le répète, je fais confiance à leur discernement éthique. Mais je considère que le rôle du Parlement est de contrôler et d’encadrer, la confiance n’excluant pas le contrôle.
Pour toutes ces raisons, la recherche sur l’embryon doit être limitée à une perspective médicale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à préciser qu’une recherche sur l’embryon doit être menée exclusivement à des fins médicales.
L’article 14 énumère l’ensemble des prérequis applicables à ces recherches : le premier a trait à leur finalité. Ces recherches doivent ainsi avoir un but médical ou viser à améliorer la connaissance de la biologie humaine. Cette dernière précision a été ajoutée par le Sénat en première lecture afin de tenir compte du fait qu’en recherche fondamentale il n’est pas toujours aisé de déterminer à l’avance les bénéfices thérapeutiques susceptibles d’être tirés des travaux engagés.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, la formulation actuelle permet déjà d’interdire toute recherche qui n’a pas de finalité médicale. De surcroît, elle n’exclut pas selon nous la possibilité de mener des recherches fondamentales visant notamment une meilleure compréhension du développement embryonnaire précoce, qui, sans avoir nécessairement une application thérapeutique immédiate, n’en sont pas moins à finalité médicale de manière implicite.
La précision que vous proposez serait donc, soit superfétatoire, soit dangereuse, si elle devait être interprétée comme excluant le type de recherches que je viens de mentionner. J’émets en conséquence un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. M. Chevrollier affirme que, depuis deux décennies, on n’a pas découvert la moindre application thérapeutique des cellules souches embryonnaires. Ce n’est pas si sûr : il me semble ainsi que, pour la rétinite pigmentaire, ces cellules font l’objet d’une application thérapeutique et que les recherches ont pris bien moins de vingt ans.
De plus, dans un domaine qui n’est pas génétique stricto sensu, pensons à la technologie de l’ARN messager pour les vaccins. C’est l’actualité ! Tout récemment, deux vaccins fondés sur cette technique ont été proposés. Il a fallu vingt années de recherches pour voir aboutir de tels produits et, face au covid, ce sont les meilleurs vaccins actuellement disponibles sur le marché. Leur taux d’efficacité est bien supérieur aux vaccins reposant sur les autres techniques.
Ce délai peut être long, mais il est habituel dans le domaine de la recherche. C’est précisément pourquoi, au début de tels travaux, la finalité médicale n’est pas évidente.
Dans ces domaines, le travail d’un chercheur, c’est d’améliorer les conditions de vie de l’espèce humaine en contribuant à mettre au point des diagnostics, des traitements et des interventions à visée thérapeutique. Mais on ne peut pas lier de but en blanc l’autorisation de recherche à un tel objet : le champ défini doit être beaucoup plus large et la formulation retenue par Mme la rapporteure me semble plus adaptée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par M. Chevrollier, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer les mots :
ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Je ne conteste pas que la recherche s’inscrit dans le temps long !
Cela étant, tel qu’il est rédigé, cet article autorise la recherche sur l’embryon pour la pure connaissance. Il le prive donc de la protection légitime garantie par la convention d’Oviedo.
La condition imposée à l’heure actuelle, à savoir la finalité médicale de la recherche sur l’embryon, oblige les chercheurs et l’Agence de la biomédecine à motiver les autorisations de recherche en affichant l’objectif, plus ou moins lointain, de trouver un remède ou une technique pour soigner telle ou telle pathologie ou situation médicale non maîtrisée. Il s’agit, par exemple, de soigner les maladies du foie en créant des cellules de foie dérivées de cellules souches embryonnaires humaines.
Cet article dispose que la recherche sur l’embryon peut être menée pour la seule connaissance de l’embryon humain et de ses cellules souches, sans qu’il y ait nécessairement un objectif médical, même lointain. On appelle cela l’embryologie.
Il s’agit d’aller toujours plus loin dans la chosification de l’embryon humain, pour le considérer comme un matériau de laboratoire et traiter ces cellules comme d’autres cellules servant de matériau biologique. À mon sens, en procédant ainsi, on abandonne le minimum d’éthique. Or il faut respecter la singularité de l’embryon humain.
J’ajoute que l’embryologie se passe de l’embryon humain depuis plusieurs années : notre connaissance du développement embryonnaire a été acquise grâce à la recherche dédiée à l’embryon animal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à revenir sur l’élargissement à la recherche fondamentale en biologie humaine du prérequis de finalité médicale applicable aux recherches sur l’embryon, que le Sénat a pourtant validé en première lecture.
Toute recherche sur l’embryon participe potentiellement de l’ambition de réaliser des progrès médicaux, sans que l’on puisse démontrer avec précision et ab initio l’intérêt thérapeutique d’une recherche fondamentale.
La précision que le Sénat a apportée en première lecture et que la commission spéciale a souhaité rétablir en deuxième lecture vise à sécuriser juridiquement les décisions d’autorisation des protocoles de recherche sur l’embryon, en ajoutant au prérequis de la finalité médicale l’objectif d’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, qui nous paraît plus pertinent en matière de recherche fondamentale.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En réalité, la condition ajoutée par la commission spéciale du Sénat – il s’agit d’autoriser un protocole de recherche au motif que le projet permet d’améliorer la connaissance de la biologie humaine – ne me semble pas nécessaire.
Je l’ai déjà indiqué : la condition de finalité médicale inclut déjà la possibilité d’une recherche fondamentale ayant pour objet l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine.
Le même amendement a été défendu à l’Assemblée nationale : il a reçu un avis favorable, et j’émets le même avis aujourd’hui.
Mme la présidente. L’amendement n° 175, présenté par M. Chevrollier, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
, avec une pertinence scientifique comparable,
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Avec la mention d’une « pertinence scientifique comparable », l’objectif de ce projet de loi est affiché : placer les recherches sur l’embryon à l’abri d’éventuels recours juridiques.
Cet ajout vise, plus précisément, à annuler l’effet de la jurisprudence administrative, qui a renforcé la démonstration de l’absence d’alternative d’efficacité comparable incombant à l’Agence de la biomédecine, aux chercheurs et au juge administratif lui-même.
Cet amendement vise donc à renverser la charge de la preuve. Dans la rédaction actuelle, c’est à ceux qui présentent une autre solution d’efficacité comparable de démontrer sa pertinence scientifique, et non à ceux qui demandent une recherche sur l’embryon de démontrer qu’ils ne peuvent procéder autrement. Les chercheurs et l’Agence de la biomédecine pourraient donc être exonérés de démontrer une absence d’alternative, ce qui revient à renverser les principes éthiques les plus fondamentaux.
Enfin, l’argument consistant à mettre les recherches à l’abri de toute action juridique ne tient pas. Les recherches sur l’embryon sont rendues publiques. Elles doivent respecter les conditions légales. Ce ne sont pas d’éventuels recours contre ces actes administratifs qui font subir une insécurité juridique aux chercheurs : ces derniers se placent eux-mêmes dans une telle situation s’ils ne respectent pas les conditions légales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Dans le même esprit, la commission spéciale a rétabli en deuxième lecture une précision apportée par le Sénat en première lecture, afin de sécuriser sur le plan juridique les recherches dédiées à l’embryon. Il s’agit de tenir compte du fait que la démonstration de l’absence de méthodologie alternative au recours aux embryons humains reste un exercice difficile pour les équipes de recherche.
Pour cette raison, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble effectivement que cette précision n’a rien d’indispensable ; mais, une fois de plus, la conclusion à laquelle aboutit le Gouvernement résulte d’une interprétation tout à fait différente de la vôtre.
La notion de pertinence scientifique est implicitement incluse dans la formulation actuelle et elle est d’ores et déjà évaluée par l’Agence de la biomédecine lors de l’instruction des demandes d’autorisation.
Le but visé est donc atteint par la rédaction actuelle et je suis favorable à votre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 173, présenté par MM. Cozic et Jomier, Mmes Jasmin, Rossignol, Meunier et de La Gontrie, MM. Leconte, Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, à titre dérogatoire, le développement in vitro d’embryons peut être poursuivi jusqu’au vingt et unième jour qui suit leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l’étude des mécanismes de développement embryonnaire aux stades de la segmentation, de la prégastrulation, de la gastrulation, ou de la neurulation.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cet amendement vise à repousser l’échéance maximale à laquelle il est mis fin au développement in vitro des embryons sur lesquels une recherche a été conduite du quatorzième au vingt et unième jour qui suit leur constitution. En d’autres termes, il serait possible de conduire des recherches sur les embryons pendant vingt et un jours au lieu de quatorze.
Le choix du quatorzième jour en lieu et place du vingt et unième est le fruit d’une incompréhension. Le quatorzième jour de développement est celui vers lequel commencent à apparaître, au sein de l’embryon, les trois tissus qui donneront les composants du corps humain : l’endoderme, qui se développera ensuite pour donner les organes internes que sont les intestins, le foie et les poumons ; le mésoderme, qui donnera les organes génitaux, une partie des os, les muscles et les vaisseaux ; et l’ectoderme, qui donnera le système nerveux.
C’est notamment au motif de l’apparition de l’ectoderme, faussement compris comme le système nerveux, qu’est choisie la date du quatorzième jour comme limite au développement de l’embryon. Or il faut noter qu’à ce stade ces trois tissus ne sont pas encore les éléments qu’ils deviendront ensuite. Surtout – je le répète –, l’ectoderme n’est pas le système nerveux. Ce dernier ne commence à se former qu’à partir du vingt et unième jour de développement.
En outre, il convient de rappeler que la conscience, quelle qu’en soit la définition retenue, est encore loin d’être apparue à ce stade du développement de l’embryon.
Pour cette raison, il ne paraît pas nécessaire de limiter la recherche sur l’embryon à quatorze jours. Elle peut, sans risque éthique, être étendue à vingt et un jours.
Enfin, il ne faut pas limiter la recherche sur les embryons fécondés in vitro à l’étude des mécanismes de développement embryonnaire au seul stade de la gastrulation. Cet amendement vise à l’ouvrir aux autres stades préalables ou concomitants. En effet, l’étude des mécanismes de développement à ces stades peut être intéressante pour la recherche scientifique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir une possibilité introduite par le Sénat en première lecture, que l’Assemblée nationale n’a pas retenue en deuxième lecture : l’extension à vingt et un jours, à titre dérogatoire, de la durée limite de développement in vitro d’embryons dans le cadre de protocoles de recherche dédiés à l’étude des mécanismes du développement embryonnaire précoce – vous l’avez très bien expliqué, mon cher collègue.
Je comprends bien le but des auteurs de cet amendement : permettre une meilleure compréhension des mécanismes de différenciation des cellules au stade de l’apparition des feuillets primitifs à l’origine des composants du corps humain.
Le droit en vigueur ne fixe pas, à ce jour, de durée maximale pour de telles recherches ; c’est le consensus scientifique qui a établi la limite de quatorze jours, que le présent texte reprend.
À titre personnel, j’estime que l’extension à vingt et un jours présente un intérêt scientifique. Mais il semble plus raisonnable d’attendre l’émergence d’un consensus scientifique international sur ce sujet. Aussi, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme l’a relevé le Conseil d’État, il était devenu indispensable de fixer une limite. Auparavant, on ne pouvait pas, en pratique, observer un embryon au-delà de quelques jours. C’est désormais possible : il faut donc encadrer de telles recherches en fixant dans la loi une limite quant au développement d’embryons in vitro, dans le cadre d’un protocole de recherche.
J’ai proposé de fixer cette durée maximale à quatorze jours sans dérogation possible. En effet, cette limite fait l’objet d’un consensus international scientifique et a d’ores et déjà été retenue par de nombreux autres États.
Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé : il s’agit du stade où apparaissent les premières ébauches du système nerveux central. C’est aussi le moment où l’embryon s’individualise : passé quatorze jours, il ne peut plus se scinder pour former des jumeaux.
Cette limite est suffisante pour approfondir les connaissances dans le domaine de l’embryologie, qu’il s’agisse de mieux comprendre le développement des embryons ou d’améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation. De plus, elle s’inscrit dans le cadre d’une réflexion éthique à la fois ancienne et consensuelle. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Comme l’a rappelé Mme la ministre, la plupart des pays avaient fixé cette limite de quatorze jours de manière à limiter la capacité à cultiver, si l’on peut dire, un embryon. Nous ne l’avions pas fait.
Les connaissances acquises ces dernières années permettent d’aller plus loin. Cela pose-t-il une question éthique fondamentale ? Le respect qui est dû à l’embryon lui est dû à quatorze comme à vingt et un ou à sept jours, à tous les stades de son développement.
L’ébauche d’un système nerveux primitif ne peut pas valoir obstacle éthique : le système nerveux ne caractérise pas l’humanité ou l’être humain, au contraire de la conscience.
Il me semble donc qu’il n’y a pas d’argument ontologique opposable à une extension. Je comprends bien que l’on cherche à intégrer un consensus international, mais celui-ci va évoluer : certains des pays qui ont fixé une limite à quatorze jours réfléchissent à autoriser la poursuite des recherches au-delà.
Une question en particulier se pose : une grossesse sur cinq s’arrête spontanément dans les premières semaines. C’est énorme. Beaucoup de fausses couches passent inaperçues, parce que, quand elles surviennent autour du quatorzième jour, elles peuvent être confondues avec les règles.
Ce qui se passe à ce stade du développement, dans les premières semaines, est une voie de recherche essentielle pour trouver des solutions à ce problème.
On peut aussi se dire que l’on ne cherche pas plus loin et que l’on en reste là. Je ne me satisferais pourtant pas que nous nous privions de poursuivre les recherches sur cette question. Ce n’est qu’un exemple, il en existe d’autres.
Si un obstacle ontologique définitif s’imposait, il n’y aurait pas de problème à définir le nombre de jours durant lesquels on pourrait poursuivre la recherche ; à défaut, quatorze ou vingt et un jours, cela fait une différence en matière de recherche en médecine reproductive.
Mme la présidente. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Retailleau, Frassa et Houpert, Mme Pluchet, M. Mizzon, Mmes Drexler et Muller-Bronn, MM. Chatillon, Cuypers, Meurant et Laménie, Mme Joseph et MM. Chevrollier et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
déclaration auprès de
par les mots :
autorisation par
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Durant ma prise de parole sur l’article 14, j’avais annoncé cet amendement, lequel tend à maintenir un régime commun reposant sur une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, actuellement applicable à deux types de recherches : sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires permet d’acter la différence de nature entre ces dernières et l’embryon.
Une fois dérivées, les lignées de cellules souches embryonnaires ne sont pas capables de constituer spontanément un embryon. Les recherches portant sur ces cellules ne soulèvent donc pas les mêmes enjeux éthiques que les interventions sur l’embryon.
Le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon se justifie en grande partie par le fait que celles-ci impliquent sa destruction. D’ailleurs, toute dérivation d’une lignée de cellules souches embryonnaires, qui implique donc une destruction de l’embryon, reste soumise à un régime d’autorisation, puisqu’il s’agit bien d’une opération conduite sur un embryon.
La commission spéciale étant favorable à ce régime de déclaration préalable de recherche sur les cellules souches embryonnaires, elle est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mme Thomas, MM. Mandelli, Gremillet et Paccaud, Mmes Pluchet et Lassarade, MM. Meurant et Segouin, Mme Lopez, MM. de Nicolaÿ, Pointereau et Laménie, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, E. Blanc, Saury et Cardoux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les gamètes obtenus à partir de cellules souches embryonnaires ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don, pour concevoir un embryon.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. La création de gamètes artificiels n’a jamais été autorisée en France ; ses conséquences seraient en effet vertigineuses, d’autant qu’elle entraînerait, notamment, la création d’embryons pour la recherche. Or cela est interdit par l’article 18 de la convention d’Oviedo, interdiction transcrite dans le code de la santé publique.
Si la France autorisait la création de gamètes artificiels, il faudrait s’inquiéter que ce principe d’interdiction de création d’embryons pour la recherche soit bafoué.
Autoriser la création de gamètes revient à contourner cet interdit fondateur. Il convient donc d’interdire la création de ces modèles embryonnaire dès lors qu’une manipulation aboutit indirectement à violer l’interdit de création d’embryons pour la recherche.
Dans le secret des laboratoires, il ne sera pas possible de contrôler les recherches afin de s’assurer que ceux qui créent des gamètes ne créent pas des embryons à partir de cellules artificielles. Au-delà de la recherche, la création de gamètes artificiels servirait également à l’industrie de la procréation.
Il est donc essentiel de préciser que, en aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent être fécondés pour concevoir un embryon. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait, dans la mesure où l’article 17 de ce projet de loi rappelle déjà que la création d’embryons par fusion de gamètes à des fins de recherche est interdite. Cela inclut tous les gamètes, y compris ceux qui sont obtenus par différenciation de cellules souches embryonnaires.
Toutefois, le rappel de cette interdiction à l’article 14 peut permettre d’insister sur l’interdiction absolue de constitution des embryons à des fins de recherche.
La commission spéciale a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement est satisfait, puisque l’interdiction de la conception in vitro d’embryons à des fins de recherche est inscrite dans la loi depuis 2004.
Cela concerne évidemment la conception d’embryons, quelle que soit l’origine des gamètes, excluant donc des gamètes qui auraient pu être obtenus par différenciation à partir de quelque type cellulaire que ce soit.
Je vous demande donc de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Chevrollier, l’amendement n° 56 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Guillaume Chevrollier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 32 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 172 est présenté par M. Jomier, Mmes Jasmin, Rossignol, Meunier et de La Gontrie, MM. Leconte, Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 28
Remplacer les mots :
ou l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires
par les mots :
, l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 32.