M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, comme vous, je suis très attentive aux conclusions de l’avocat général, et je vais aller droit au but : j’y suis farouchement opposée.
M. Jérôme Bascher. Nous aussi !
Mme Florence Parly, ministre. Si ces conclusions ne lient pas la Cour, nous devons néanmoins y prêter attention.
La position du Gouvernement a toujours été constante dans ce domaine, et je vais la rappeler devant vous.
La France, désormais seul pays de l’Union membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, exerce, comme vous l’avez rappelé, des responsabilités éminentes en matière de défense. Elles lui permettent d’assurer constamment la sécurité des Français et des Européens et impliquent un principe de disponibilité en tout temps et en tous lieux de nos militaires. Ce principe, je le défendrai, car c’est un enjeu essentiel de notre défense nationale comme de la sécurité européenne. Imaginerait-on que l’ultima ratio de la Nation ne puisse agir pour des raisons liées au temps de travail ?
Être militaire, en effet, ce n’est pas un métier comme les autres, c’est une vocation au service de la Nation. L’indépendance de la Nation, la capacité d’action de nos armées, l’efficacité de la protection des Français sont autant de sujets souverains auxquels je veillerai.
Ce qui est en jeu, aussi, c’est la sécurité de nos militaires. Quand ils se forment ou s’entraînent, ils se préparent à assumer un engagement dont les contraintes et les risques ne sont pas pris en compte par le droit commun.
Je crois que nous aspirons tous à une Europe forte et efficace, et nous faisons pleinement confiance à la sagesse de la Cour de justice de l’Union européenne pour réaffirmer l’importance de la compétence des États membres en matière de sécurité nationale. Celle-ci est d’ailleurs prévue par les traités, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. David Assouline et Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Sans jeu de mots, cette directive ferait l’effet d’une bombe si elle était appliquée.
Elle emporterait des conséquences irréversibles pour la singularité militaire, la capacité de la France à honorer ses engagements internationaux et la sécurité des Français.
Elle impliquerait aussi la fin de notre modèle d’armée, une augmentation considérable des effectifs de 20 000 à 30 000 personnes et une hausse très importante du budget de la défense, de près de 1,5 milliard d’euros, dont je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler, madame la ministre, qu’il est équivalent à l’augmentation de votre budget depuis 2018 avec le vote de la LPM. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)
modalités pour le retour des trains de nuit
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adresse à Jean-Baptiste Djebbari, ministre chargé des transports.
Monsieur le ministre, dans la continuité des annonces du plan de relance, vous avez récemment annoncé vouloir relancer les trains de nuit, avec l’objectif de voir une dizaine de nouvelles lignes sillonner la France d’ici à 2030, autour de quatre grands corridors. Je salue bien sûr cette ambition et la partage, même s’il faut bien constater qu’elle consiste surtout à revenir sur des décisions malheureuses prises ces dernières années. Pour rappel, nous comptions encore huit trains de nuit en 2015, mais ce chiffre s’est effondré, et seules deux lignes circulent encore à ce jour, conséquence assumée des conclusions du rapport Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, qui préconisait alors la disparition quasi totale des trains de nuit dans notre pays.
Je suis personnellement persuadé que les trains de nuit sont une chance pour l’égalité d’accès aux mobilités et pour l’aménagement de notre territoire, mais aussi, et surtout, pour la décarbonation de nos transports, premier secteur émetteur de CO2 en France.
Néanmoins, et alors que nous appelons également de nos vœux le retour en grâce du fret ferroviaire, pour lequel une stratégie nationale se fait toujours attendre, comment anticipez-vous la cohabitation, voire la concurrence dans le montage des plans de transport entre les trains de nuit, qui ont vocation à se développer, le fret, qui circule essentiellement la nuit, et les travaux indispensables à la régénération d’un réseau globalement dans un très mauvais état ? Sur ce dernier point d’ailleurs, pouvez-vous nous préciser quels sont les investissements nécessaires pour concrétiser cette ambition de développement des trains de nuit ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Longeot, je vous remercie pour cette question, qui porte sur une des ambitions fortes du Gouvernement et du Premier ministre pour la desserte de nos territoires : la réouverture des lignes de trains de nuit.
Trois axes de travail sont portés par le ministre chargé des transports.
Le premier réside bien sûr dans la pérennité des deux lignes encore ouvertes, Paris-Briançon et Paris-Rodez. À cet effet, nous investissons 44 millions d’euros pour rénover les 71 voitures de ces deux lignes.
Le deuxième axe vise à rouvrir vite deux nouvelles lignes : 100 millions d’euros du plan de relance y sont dédiés. Il s’agit des lignes Paris-Nice dès le printemps 2021 et Paris-Tarbes en 2022, avec un prolongement vers Lourdes, Dax et Hendaye en haute saison. Les modalités de reprise sont en train d’être affinées par la SNCF, et nous connaissons les attentes des élus et des voyageurs en la matière.
Le troisième axe consiste à réfléchir au développement du maillage de demain. Jean-Baptiste Djebbari a indiqué que près de dix lignes de trains de nuit pourront voir le jour d’ici à 2030. Un rapport sera prochainement remis au Parlement : les principaux corridors pertinents et le modèle économique nécessaire y seront développés.
Pour répondre à vos interrogations, je voudrais vous confirmer qu’il n’y a pas de concurrence entre les trains de nuit et la relance du fret, mais, au contraire, une grande complémentarité. Les travaux sur les voies serviront aux deux. La relance est donc engagée aujourd’hui, et ce depuis 2015, grâce à un regain d’intérêt des usagers et à une réflexion sur un modèle économique plus pérenne.
Je confirme aussi que les trains de nuit, au-delà du service qu’ils rendent aux voyageurs, sont l’une des manières de répondre très concrètement à la question de la décarbonation de notre industrie des transports et d’atteindre nos objectifs climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. Je vous remercie, madame la ministre, mais vous aurez bien compris que ma crainte porte sur les modalités de la relance des trains de nuit : quels investissements ? Sur quel réseau ? Avec quels tracés précis ? Surtout, il ne faut pas oublier nos trains d’équilibre du territoire ; ils sont tellement importants pour la desserte de nos territoires, notamment les plus éloignés et les plus ruraux. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
ouvertures et fermetures de classes (ii)
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la secrétaire d’État, répétition est source de pédagogie !
Chaque année ordinaire revient l’annonce des moyens en postes dont disposera chaque académie pour l’enseignement primaire et secondaire, à l’appréciation des inspecteurs d’académie, qui proposent, avant même la réunion des instances départementales, projets d’ouvertures et de fermetures qui alors mobilisent parents et élus mis devant le fait accompli. Mais la rentrée que nous venons de vivre et celle que nous allons connaître ne sont pas ordinaires, avec la crise pandémique qui se prolonge.
Pensez-vous qu’il soit opportun, dans cette période où élus et personnels de l’éducation mettent en place des protocoles sanitaires exigeants en termes d’organisation et de soutien, de fermer des classes à disposition des élèves, tant dans le primaire que dans le secondaire ?
Comment interpréter l’absence de concertation entre l’éducation nationale et les élus locaux, pourtant organisée dans certains cas dans des conventions de ruralité qui ne remplissent aucune de leurs clauses ? Dans la Somme, les instances prévues par cette convention ne se sont jamais réunies depuis la signature de celle-ci en novembre 2018.
Le 27 mars 2020, le ministre annonçait au journal télévisé de 13 heures : « On ne fera pas une seule fermeture de classe en zone rurale sans l’accord du maire. » Les manifestations des élus locaux dans la Somme, comme dans le Puy-de-Dôme aujourd’hui, confirment la déception des élus quant à la considération réelle qui leur est accordée, réduite à la responsabilité de l’organisation matérielle, en oubliant projets de territoire et éducatifs.
En novembre 2018, j’ai proposé au Président de la République venu à Amiens, sa ville, dans le département de la Somme, qui enregistre un taux d’illettrisme de 11 %, soit 4 points au-dessus de la moyenne nationale, d’étendre à l’ensemble des classes du primaire un dédoublement à titre expérimental – cette proposition n’a reçu aucune réponse. La réponse que vous apportez aujourd’hui ne marque pas la volonté d’écouter les élus ou d’apporter les moyens aux territoires les plus en difficulté ; elle risque même de creuser davantage les écarts. Allez-vous écouter la voix des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Laurent Somon, les choix qui ont été faits depuis le début du quinquennat sont clairs : nous menons une action résolue pour la réussite de l’ensemble de nos élèves. La priorité a été accordée à l’école primaire, en particulier à l’école élémentaire, pour assurer à tous les enfants de France les savoirs fondamentaux que sont lire, écrire, compter et respecter autrui.
Vous m’interpellez sur notre relation avec les élus, notamment en ce qui concerne la fermeture de classes. Je voudrais vous dire que le ministère de l’éducation nationale travaille intensément avec l’ensemble des élus sur tous les territoires. Pour cela, nous avons développé une boucle d’information, et nous organisons régulièrement des visioconférences avec les présidents des différentes associations d’élus – elles sont justement destinées à les tenir informés en amont de ce que nous envisageons et à prendre les décisions ensemble.
En ce qui concerne la ruralité et les moyens que nous lui avons dédiés, je l’ai dit, face à la baisse démographique importante – 65 000 élèves en moins –, 2 600 emplois ont été créés pour un coût de 32,6 millions d’euros. Nous poursuivons nos efforts en termes de dédoublement et de limitation à vingt-quatre élèves par classe, en particulier en grande section.
Des efforts sans précédent nous permettent d’améliorer pour la quatrième année consécutive les taux d’encadrement dans tous les départements et de les renforcer encore plus dans les territoires ruraux. Ces taux sont inédits : il s’agit de déployer d’importants efforts pour une école rurale de qualité.
Rappelons aussi que, dans le cadre du plan de relance, 4 milliards d’euros sont destinés à la rénovation thermique des bâtiments publics. Je pourrais également citer nos efforts pour les internats d’excellence, les cordées de la réussite, le numérique ou encore les territoires numériques éducatifs.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Enfin, Jean-Michel Blanquer et moi-même portons le projet des territoires éducatifs ruraux pour créer sur l’ensemble de nos territoires des alliances éducatives.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. La formation de base reste l’élément fondamental d’un plan de relance et d’avenir. Sur les 2 500 postes annoncés, 2 300 sont ciblés sur le dédoublement des classes de grande section en zone REP+, oubliant les zones rurales, qui concentrent 70 % des difficultés.
M. Jérôme Bascher. Exactement !
M. Laurent Somon. Comme pour nos entreprises qui sont soutenues à coup de PGE,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Somon. … donnez aux écoles de nos territoires une égalité de chance et suffisamment de PGE, des professeurs garants d’une éducation soutenue, quoiqu’il en coûte, sans réduire les moyens du secondaire au profit du primaire et en tenant compte des circonstances sanitaires et des résultats obtenus. Comme le disait Alain, « c’est presque tout que de savoir lire » ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
conditions de détention provisoire
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.
Le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel décidait que le Gouvernement devait faire adopter, avant le 1er mars prochain, une disposition législative permettant à toute personne qui considérerait qu’elle est détenue dans des conditions indignes de saisir la juridiction judiciaire. Nous sommes le 3 février. Ma question est donc simple, monsieur le garde des sceaux : à quelle date allez-vous proposer cette disposition législative ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, il y a deux jours, j’étais à la centrale de Saint-Maur. Comme vous, je suis particulièrement préoccupé par la condition carcérale.
Il n’est pas indécent de rappeler ici, devant la Haute Assemblée, que la France est le pays des droits de l’homme. Pourtant, nous sommes régulièrement condamnés, et on peut trouver, dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, les mots « inhumain » ou encore « dégradant ».
Je suis de ceux qui pensent que l’État de droit se mesure aussi à l’état de nos prisons, mais, disons-le très clairement, voilà des décennies que sur ce sujet nous ne sommes pas au rendez-vous de nos obligations, en particulier de nos obligations internationales.
Je suis fier de vous dire que je mène un plan de construction de prisons. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Pour le prochain quinquennat ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sachez que 7 000 places sont en cours de livraison et que je viens de signer un certain nombre d’engagements. J’aurai l’honneur bien sûr de vous en parler davantage à un autre moment. Il ne s’agit pas forcément d’incarcérer plus, mais d’incarcérer dignement, et je présenterai un certain nombre de mesures sur la condition pénitentiaire.
La prison est évidemment utile pour punir et pour mettre notre société à l’abri d’individus dangereux, mais elle est aussi indispensable – c’est le troisième aspect – pour réinsérer. Or, pour réinsérer, il vaut mieux que la détention soit digne ; c’est d’ailleurs ce que disent les agents pénitentiaires, auxquels je veux rendre à cet instant un hommage appuyé.
Vous me posez la question de la date. Sachez que, dès la décision du Conseil constitutionnel rendue, j’ai mobilisé mes services. Nous avons élaboré une proposition que nous avons communiquée au Conseil d’État pour avis dès le 1er décembre. La commission des lois du Sénat a également eu connaissance de ce travail. Il s’agit d’une proposition ambitieuse qui n’a pas pu être déposée sous forme d’amendement dans le cadre de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif au parquet européen pour des raisons procédurales – j’évoque bien sûr l’article 45 de la Constitution.
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, et nous cherchons un véhicule législatif et une date pour respecter la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Robert Badinter disait que la condition pénitentiaire est la première raison de la récidive. Il est vrai que, tous gouvernements confondus, nous n’avons pas fait assez sur ce sujet.
Je me souviens de la loi pénitentiaire que nous avons votée ici même, dont Jean-René Lecerf était le rapporteur et qui comportait un volet relatif aux alternatives à la détention. Ces alternatives à la détention sont très importantes. Vous savez que le nombre de détenus a beaucoup chuté avec le covid, mais il a augmenté de 4 000 dans les six derniers mois. Aujourd’hui, plusieurs centaines de détenus, parfois en détention provisoire, dorment dans nos prisons sur des matelas !
Monsieur le garde des sceaux, je sais que vous êtes attentif à cette question, et je vous appelle, ainsi que le Premier ministre et le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, ici présents, à agir. La Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel ont parlé, et nous nous devons de bousculer nos agendas pour qu’un texte – un article suffit – soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat d’ici au 1er mars. Si nous le faisons, nous aurons fait un pas vers une détention plus humaine. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
aides aux entreprises du tourisme
M. le président. La parole est à M. Michel Bonnus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Bonnus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Le tourisme et les filières qui en dépendent font partie des secteurs les plus durement touchés par la crise. Dans mon département, le Var, premier département touristique de France, on mesure tous les jours le désarroi des professionnels. Certes, tous saluent les aides mises en place par le Gouvernement pour éviter les dépôts de bilan et les licenciements, mais dans quelles conditions vont-ils reprendre, demain, leurs activités ? Quelle entreprise, quel commerce peut se permettre de fermer pendant dix mois et espérer retrouver le lendemain une activité normale dans un environnement dévasté par la crise et où tout aura été déprogrammé : les congrès, les salons, les croisières, les loisirs, les événements et tout ce qui génère une dynamique touristique ?
Le verdict des experts-comptables est clair : on ne peut plus faire supporter à nos entreprises touristiques, très affaiblies, des charges patronales et fiscales parmi les plus lourdes d’Europe.
Le PGE aboutira finalement, s’il n’est pas transformé en obligation, à financer de la dette par de la dette. Quel entrepreneur pouvait imaginer, en le contractant il y a dix mois, la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui ? Le remboursement de ces échéances, ajouté à la difficile relance de l’activité, peut nous conduire à un vaste naufrage.
Seules des mesures de soutien générant de la trésorerie, comme une baisse de la TVA, seront susceptibles de redonner confiance à l’ensemble des professionnels, en leur permettant de pérenniser leur activité, tout en respectant leurs engagements. Plus que jamais, c’est de flexibilité et d’adaptabilité dont nos entreprises ont besoin. Repensons l’environnement fiscal, social et juridique du tourisme de l’après-covid !
Monsieur le ministre, pouvez-vous redonner de l’espoir aux professionnels du tourisme et de l’événementiel ? Tous aujourd’hui sont suspendus à vos décisions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Bonnus, je vous remercie pour cette question qui me permet de préciser que la stratégie du Gouvernement pour soutenir les activités du tourisme est claire : d’abord, réparer ; ensuite, préparer la reprise et le rebond.
Tout d’abord, il s’agit de réparer. Nous avons été au rendez-vous ; le chef de l’État et le Premier ministre ont attribué à cette question le rang de priorité nationale. À ce jour, 13 milliards d’euros ont été effectivement engagés pour soutenir le secteur, auxquels il faut ajouter 3 milliards d’euros au titre de l’activité partielle. Naturellement, le compteur va continuer à tourner, puisque les dispositifs en place seront prolongés tant que l’activité sera entravée. Ce secteur est l’un de ceux qui ont payé le tribut le plus lourd à cette pandémie, puisque la mobilité est quasiment à l’arrêt dans de nombreux endroits.
Ensuite, il s’agit de préparer la reprise. J’ai engagé des discussions à ce sujet avec l’UMIH et le GNI, qui représentent le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Nous discutons notamment de la question de la formation, car nous devons faire en sorte que les personnes qui n’ont pas travaillé pendant des semaines ou des mois puissent reprendre leurs fonctions dans les meilleures conditions.
Par ailleurs, au moment de la reprise, dans quelques mois, nous devrons faire face à une concurrence féroce entre les destinations. Pour être au rendez-vous de cette reprise, nous devrons investir, notamment en matière d’offre. Je prends un exemple très concret : il y a quelques jours, le Premier ministre a réuni les acteurs de la montagne et leur a annoncé, au-delà des mesures d’urgence déjà actées qui représentent 4 milliards d’euros, un plan d’investissement qui viendra compléter le programme dédié à la montagne mis en place par Jacqueline Gourault. Nous pourrons ainsi préparer l’avenir.
Nous allons aussi poursuivre nos efforts en matière, par exemple, de tourisme durable – un fonds doté de 50 millions d’euros a été prévu dans le plan de relance –, de digital, de formation, etc.
Tout le monde a bien pris conscience de l’importance du secteur du tourisme, et nous allons continuer d’être au rendez-vous pour le soutenir afin que la France reste le numéro un mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bonnus, pour la réplique.
M. Michel Bonnus. Si vous pensez effectivement à l’avenir, cela nous rassure. Nous sommes aujourd’hui en grande difficulté, au fond du gouffre même. Nous demandons simplement à pouvoir travailler et reprendre une activité normale. C’est notre objectif ! Je le redis, notre secteur s’est complètement effondré. Alors, préparons l’avenir et facilitons la reprise ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
élevage de viande bovine
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Qui a dit : « Nous garantirons des prix justes pour que les agriculteurs puissent vivre de leur travail, nous nous battrons pour une Europe qui protège, nous donnerons les moyens de faire face aux situations d’urgence » ? Le candidat Macron en 2017.
Pour les prix justes, c’est raté ! L’espoir né de la loi Égalim a laissé place à la désillusion ; la grande distribution et certains industriels sortent une nouvelle fois gagnants de la bataille.
Pour une Europe qui protège, on verra plus tard… L’inscription de l’accord avec le Canada, le CETA, à l’ordre du jour du Sénat ne cesse d’être reportée, et les aides de la PAC serviront surtout à financer l’application de nouvelles règles environnementales. Les accords se suivent et s’appliquent, en tenant prudemment à distance le Parlement.
Un sujet vous donne aujourd’hui la possibilité de tenir la troisième promesse du candidat Macron : « des moyens de faire face aux situations d’urgence ».
L’urgence est du côté de la filière bovine et de ses 2 000 éleveurs qui disparaissent chaque année. Les prix des broutards et des jeunes bovins sont au plus bas. La filière est en crise. Les éleveurs souffrent. Pourtant, le Gouvernement est absent : absent quand il s’agit de sanctionner les acteurs qui contournent le plan de filière, absent quand il faut réprimer la non-conformité aux règles européennes de produits importés. Il est également très discret dans les négociations sur le Mercosur quand il est nécessaire de défendre nos éleveurs, mais très présent pour aggraver les contraintes qui pèsent sur eux avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Monsieur le ministre, vous êtes aujourd’hui face à une situation d’urgence ; le candidat avait promis, dans cette hypothèse, de donner des moyens. Quels sont-ils ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je ne vais pas revenir sur la question de la filière bovine. Vous savez que je connais bien le sujet : je partage votre constat, et je suis très mobilisé sur ce dossier.
Je ne peux pas vous laisser dire que nous sommes absents sur la question des prix : la loi Égalim a changé l’état d’esprit, elle a créé une confiance, mais il est vrai que certains acteurs ne la respectent pas. (Eh oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.) La confiance n’exclut pas le contrôle, et plus la confiance est altérée, plus les contrôles doivent être renforcés.
C’est pour cette raison que j’ai réuni de nouveau, il y a quelques jours, tous les acteurs concernés pour leur annoncer que nous démultiplierions les contrôles de la DGCCRF – certains ne comprennent que cela ! Je le redis, nous multiplions les contrôles partout sur le territoire. Nous avons même créé une adresse de messagerie, signalement@agriculture.gouv.fr, pour permettre à toute personne, sur le terrain, de nous dire là où les prix ou l’étiquetage sont anormaux. Chaque signalement fait l’objet d’une enquête de la DGCCRF, car rien ne doit être laissé de côté.
Vous avez aussi évoqué le sujet du broutard, mais vous connaissez le sujet comme moi, et il n’a rien à voir avec Égalim. Les broutards et les jeunes bovins sont vendus en Italie de manière quasiment exclusive ; c’est donc un sujet pour la filière. J’en réunis très régulièrement les représentants – vous le savez très bien – et je leur ai proposé un deal, en mettant sur la table, dans le cadre du plan de relance, 80 millions d’euros pour les filières, 100 millions d’euros sur l’élevage et plus de 200 millions d’euros sur les équipements pour améliorer la compétitivité. Mais c’est uniquement par la filière qu’on peut créer de la valeur ! Il faut que la filière se saisisse du problème et des financements mis en place.
Le gros problème des broutards et des jeunes bovins aujourd’hui, c’est l’absence de diversification des débouchés – je le dis devant vous qui êtes les représentants des collectivités locales. Nous ne devons pas avoir un seul marché, en l’occurrence l’Italie ; je le redis, nous devons diversifier les débouchés, par exemple en donnant à manger du jeune bovin dans nos cantines à nos enfants. C’est ainsi que nous donnerons du souffle à la filière.