M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Jérémy Bacchi. Nous vivons un moment où la santé psychique des Françaises et des Français est de plus en plus gravement menacée. À cet égard, le sport est un outil essentiel, un sas de décompression indispensable.
L’instauration d’un couvre-feu à dix-huit heures, à bien des égards, est encore plus dure à vivre pour nos concitoyennes et nos concitoyens que le confinement du printemps dernier. Elle empêche toute pratique encadrée, mais aussi libre du sport : aucune possibilité d’entraînement en club, en salle ou tout simplement en plein air pour les millions de sportifs amateurs en France !
Les clubs sportifs, quant à eux, sont à bout de souffle et se meurent à petit feu. Plus de produits de la taxe Buffet en lien avec la défaillance de Mediapro – je n’y reviendrai pas –, plus de recettes de billetterie, moins de licences : c’est tout le modèle économique de ces structures essentielles à la pratique sportive qui se meurt dans notre pays.
Le football amateur vit ainsi une double peine. Quand le football professionnel n’a connu aucune interruption, aucune modification des protocoles d’entraînements, l’interdiction de la compétition pour le football amateur, notamment en nationale 2, est incompréhensible. D’ailleurs, on ne compte plus le nombre de clubs amateurs qui déclarent forfait pour la Coupe de France, pour les raisons que je viens d’évoquer. C’est intolérable ! Je tiens ici à leur témoigner toute ma solidarité.
À plus long terme, c’est tout le secteur sportif amateur qui doit être consolidé et renforcé. À ce titre, les dix propositions issues du Grenelle de l’éducation et de l’inclusion par le sport, lancées par 80 élus locaux et nationaux, doivent être mises en œuvre rapidement : réinvestissement dans des équipements insuffisants et souvent vétustes, mise en place d’un fonds d’urgence, formations et recrutements d’encadrants sportifs et d’insertion.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour soutenir comme il se doit le sport amateur dans son ensemble ? Quelles mesures particulières allez-vous prendre concernant le football amateur ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Monsieur le sénateur Bacchi, je suis heureuse que vous me posiez cette question. Elle me permet de réaffirmer le caractère essentiel du sport, dont la pratique est actuellement contrainte, à l’heure où les enjeux de cohésion sociale, d’émancipation et de santé publique ressortent plus que jamais. Avec Jean-Michel Blanquer, Olivier Véran et l’ensemble du Gouvernement, je me bats et je mets un point d’honneur à ce que le sport reste présent dans nos vies.
Vous avez soulevé la question du football et des compétitions telles qu’on les connaît classiquement. Les fédérations et les ligues professionnelles se remettent en question et assument le caractère inhabituel de cette année, qui, en effet, ne sera pas comme les autres.
Les objectifs de santé publique et de cohésion sociale restent néanmoins prégnants. On assiste aujourd’hui à un mouvement de solidarité, les disciplines qui peuvent se pratiquer à l’extérieur ouvrant leurs portes aux associations qui malheureusement ne peuvent proposer à leurs adhérents que des activités dans des lieux couverts.
Vous avez soulevé également des problèmes financiers. L’État vient en soutien du monde associatif et fédéral. Nous allons débloquer 10 millions d’euros pour aider les fédérations qui perdent des licenciés. Les associations sportives bénéficient du fonds de solidarité et de toutes les mesures générales d’aide prévues par le Gouvernement, ainsi que d’un fonds spécifique de 15 millions d’euros pour celles qui n’ont pas d’employés, mais seulement des bénévoles.
L’aide de l’État est donc massive, et nous préservons la pratique sportive au maximum, autant qu’il est possible de le faire.
Nous avons aussi l’espoir que le masque sportif, sur lequel nous avons travaillé avec l’Afnor, et qui est en cours de validation par les instances sanitaires, permette à partir du mois de mars la reprise d’une activité sportive en intérieur et l’organisation, notamment, des championnats organisés par les fédérations en fin de saison.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Car, vous avez raison, monsieur le sénateur, la compétition fait partie intégrante de la pratique sportive. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.
M. Jérémy Bacchi. Malheureusement, nous n’avons pas des mois devant nous ! Si les réponses arrivent dans un ou deux mois, il sera trop tard pour bon nombre de salles, de clubs de danse, de clubs de football et de clubs amateurs. Ce serait fort regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
action européenne de sauvegarde des droits humains dans le monde
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Sale temps, très sale temps même pour la démocratie, l’État de droit et les droits humains à l’échelle internationale depuis le début de la semaine…
Lundi : coup d’État militaire en Birmanie et coup d’arrêt définitif porté au processus de transition démocratique ouvert il y a dix ans dans le pays.
Hier, à Moscou : condamnation d’Alexeï Navalny à près de trois ans de prison ferme dans un procès ubuesque et joué d’avance. Comme le disait il y a peu son bras droit, Leonid Volkov, « son seul crime, c’est de ne pas être mort » après l’empoisonnement dont il a été la victime en août dernier.
Hier soir, la BBC diffusait un documentaire édifiant sur les exactions conduites contre les Ouïghours dans les camps d’enfermement du Xinjiang en Chine : usage systématique du viol collectif à l’encontre des femmes, pratique de la torture, de traitements inhumains et dégradants… Insupportable !
Alors, que faire, monsieur le ministre ? Que faire au-delà des protestations officielles, certes bienvenues, mais généralement sans véritables effets ?
La France et l’Union européenne ne peuvent aujourd’hui sombrer dans la pusillanimité sur des sujets aussi graves. Des instruments existent !
En décembre dernier, l’Union européenne a adopté un régime mondial de sanctions ciblées contre les auteurs de graves violations des droits de l’homme. N’est-il pas temps d’ouvrir cette procédure à l’encontre des responsables de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny ?
Concernant la Birmanie, je rappelle que ce pays bénéficie d’un système préférentiel de l’Union européenne, intitulé « Tout sauf les armes », dont les avantages sont conditionnés au respect de quinze conventions internationales, que ce pays bafoue aujourd’hui ouvertement. N’est-il pas temps d’enjoindre à la Commission européenne de rouvrir ce dossier et d’imposer les sanctions envisagées il y a deux ans, qui avaient été suspendues pour ne pas fragiliser à l’époque le gouvernement civil de Mme Aung San Suu Kyi ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Gattolin, votre constat est exact, c’est aussi celui que nous dressons : les droits de l’homme sont de plus en plus menacés dans le monde, tout comme la démocratie et l’État de droit.
Les pays autoritaires minent le système multilatéral de protection de ces droits. In fine, nous assistons aujourd’hui à une véritable bataille de modèles et, plus largement, à une remise en cause du principe fondamental d’universalisme des droits de l’homme, une exigence que la France porte dans toutes les enceintes multilatérales où elle siège : au Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’est réuni sur la question de la Birmanie, ou encore au Conseil des droits de l’homme, dont elle est redevenue membre complet et où elle va faire entendre sa voix et sa vision du monde. Nous sommes également très mobilisés au niveau européen sur la mise en œuvre du régime de sanctions transversales que vous avez évoqué, à l’élaboration duquel nous avons largement participé.
Je ne reviendrai pas sur la situation de M. Navalny, le Premier ministre s’étant exprimé précédemment au nom du Gouvernement. À la suite de la visite exigeante du Haut Représentant de l’Union européenne, M. Borrell, nous serons amenés à prendre des décisions en fonction de ce que nous diront les autorités russes.
Concernant la Birmanie, le coup d’État militaire, l’arrestation de Mme Aung San Suu Kyi et l’emprisonnement du Président de la République minent la transition démocratique engagée depuis plusieurs années dans ce pays, qui avait permis d’engager les réformes qui auraient permis à terme de régler la question de la minorité ethnique des Rohingyas. Nous sommes aujourd’hui en discussion avec nos partenaires européens pour mettre en œuvre les sanctions indispensables.
La logique est la même pour la situation au Xinjiang. Nous avons proposé à de nombreuses reprises au président Xi – le Président de la République lui-même l’a dit – que Mme Bachelet, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, fasse une visite officielle.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il paraît qu’il ne se passe rien de grave au Xinjiang. Constatons-le donc au niveau international !
Voilà, monsieur le sénateur, quelques exemples d’actions que nous voulons mettre en œuvre pour le respect des droits de l’homme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
ouvertures et fermetures de classes (i)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, il y a presque un an, le 27 mars 2020, vous annonciez un moratoire sur les fermetures de classe en milieu rural pour la rentrée suivante. Ce sont les « circonstances exceptionnelles » qui vous avaient conduit à décider qu’il n’y aurait « aucune fermeture de classe en milieu rural à l’école primaire sans l’accord du maire ».
Alors qu’aujourd’hui se dessinent les premiers contours de la carte scolaire, je veux appeler votre attention sur les circonstances pas moins exceptionnelles qui entourent la préparation de la future rentrée. Certes, les écoles ne sont pas fermées à l’heure où nous parlons. Pour autant, les incertitudes ne sont pas moindres : les protocoles sanitaires sont renforcés semaine après semaine, le sport scolaire ne peut plus se faire en intérieur, l’organisation de la cantine est toujours plus compliquée… Elles sont même accrues par les variants anglais et sud-africain, qui apparaissent bien plus contagieux, non seulement dans la population globale, mais aussi chez les enfants.
Le retard pris dans la campagne de vaccination ne nous garantit aucunement qu’à la rentrée prochaine l’ensemble des enseignants et des parents d’élèves qui le souhaitent auront pu être vaccinés.
Les acteurs éducatifs doivent s’adapter en permanence à ces nouvelles contraintes. Je rencontre chaque semaine des maires qui me parlent de leur budget impacté par les contraintes sanitaires, des solutions qu’ils doivent inventer pour accueillir « quoi qu’il en coûte » les élèves à la cantine… Dans les petites communes, ce sont parfois les élus qui remplacent les personnels de cantine ou du périscolaire affectés par la covid !
Dans un tel contexte, l’annonce de la fermeture d’une classe est un vrai coup de massue. Comment adapter les locaux, éviter les concentrations d’élèves en classe et à la cantine avec une classe en moins ? Comment comprendre que, dans plusieurs départements comme l’Ardèche, la Drôme et la Savoie, vous prévoyez la création de zéro poste ?
Le Gouvernement ferait preuve d’un vrai « volontarisme » en décrétant un moratoire sur tout retrait de la présence publique dans nos bourgs et nos quartiers, sur toute fermeture d’hôpital, de trésorerie, de tribunal, de gendarmerie ou de bureau de poste jusqu’à « l’après-covid ». Toutefois, aujourd’hui, monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous nous contenterons de vous demander de renoncer à toute fermeture de classe sans l’accord du maire pour la rentrée prochaine.
Ce moratoire doit être accompagné de moyens supplémentaires pour préserver le dédoublement des classes en REP, les décharges de direction, la réduction des effectifs dans les classes surchargées et un second degré déjà bien malmené.
Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je vous demande de reconduire pour un an le moratoire pour « circonstances exceptionnelles » sur les fermetures de classes en primaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Tissot, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, retenu cet après-midi. (Murmures sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il y a beaucoup de questions dans votre question : vous m’interrogez sur la fermeture des classes en milieu rural, mais aussi sur le protocole sanitaire dans les écoles ou les cantines.
M. Jean-Claude Tissot. Non, je vous pose une seule question !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Le protocole sanitaire dans les écoles est parfaitement clair :…
M. Jean-Claude Tissot. Ce n’est pas ma question !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. … il est constamment adapté et renforcé. Il en est de même dans l’ensemble de nos cantines scolaires, et ce depuis le 25 janvier dernier.
M. Franck Montaugé. Répondez à la question !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Revenons peut-être à la question de l’école en zone rurale, à laquelle nous avons toujours porté une attention particulière. C’est d’ailleurs en ce sens que j’ai annoncé, voilà une quinzaine de jours, avec le ministre Jean-Michel Blanquer, des territoires éducatifs ruraux visant à renforcer les alliances éducatives.
Depuis 2019, aucune école ne ferme sans l’accord du maire.
M. Jean-Claude Tissot. Je vous parle des classes !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Soyez patient, je vous réponds…
Depuis la rentrée de 2020, aucune fermeture de classe ne s’est faite dans les communes de moins de 5 000 habitants sans l’accord du maire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. C’est faux !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Il n’y a pas de raison que cela change : un travail fin est en cours avec tous les élus.
Malgré une diminution démographique constante et importante de 65 000 élèves, nous continuons à renforcer les moyens dans l’ensemble de nos établissements,…
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas vrai !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. … avec la création de 2 616 emplois. Nous poursuivons les dédoublements de classe en CP et en CE1 et l’initierons pour les classes de grande section en éducation prioritaire. Pour accompagner cette ambition forte, malgré une baisse de 195 000 élèves depuis 2017, plus de 7 500 emplois ont été créés.
Ces éléments devraient vous rassurer, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. - Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il n’est pas là !
M. Jean-Raymond Hugonet. Elle concerne la politique industrielle de la France, plus spécifiquement deux exemples dans le domaine pharmaceutique, dont les médias se sont fait l’écho et qui doivent nous encourager à agir pour tenter de combler notre retard.
Dans mon département de l’Essonne, à Évry-Courcouronnes, dont le maire, Stéphane Beaudet, est également président de Genopole, l’AFM-Téléthon a créé depuis 2016, avec le concours de l’argent public de Bpifrance, la société Yposkesi. Il s’agit du premier industriel pharmaceutique français dédié à la production de médicaments de thérapies génique et cellulaire pour les maladies rares.
Yposkesi serait aujourd’hui en difficulté financière, et le groupe sud-coréen SK Holdings serait entré en négociations exclusives pour prendre le contrôle de 70 % de son capital.
Parallèlement, le laboratoire nantais Valneva devrait commercialiser à l’automne son propre vaccin contre le coronavirus, mais ces doses tricolores traverseront directement la Manche, Brexit ou pas, pour rallier le Royaume-Uni, car ce sont bel et bien les Britanniques qui ont entièrement financé les essais cliniques de l’entreprise.
À l’heure où, je l’espère, nous avons enfin compris que l’industrie est un élément majeur de notre équilibre économique dans une âpre compétition mondiale, à l’heure où la confusion est totale sur la politique à mener concernant les investissements étrangers vis-à-vis des actifs stratégiques de notre pays, à l’heure où le Président de la République lui-même plaide volontiers pour la reconstruction de la souveraineté sanitaire de la France et de son industrie pharmaceutique, pouvons-nous encore laisser filer une pépite comme Yposkesi – avec laquelle je ne doute pas que vous avez des « discussions nourries » – ou ignorer des acteurs comme Valneva, au moment précis où nous en avons le plus besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Hugonet, vous avez raison de souligner la situation de l’industrie pharmaceutique en France. Quelle est-elle ?
Entre 2005 et 2015, la part de la fabrication de médicaments en France a été divisée par deux. Depuis trois ans et demi, ce gouvernement a refait de la politique industrielle en matière de santé une priorité, en créant un comité stratégique des industries de santé, en élaborant un plan d’action de soixante mesures, déjà réalisé à 80 % l’année dernière, en redonnant la possibilité d’investir dans les médicaments innovants, ce qui n’était pas arrivé depuis vingt ou trente ans. Entre 2003 et 2006, j’étais notamment chargée des conséquences de la tarification à l’activité à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, et nous nous battions déjà pour pouvoir administrer à l’hôpital des médicaments innovants !
Nous avons encore beaucoup à faire. Mais, d’ores et déjà, nous accompagnons l’investissement de 600 millions d’euros réalisé par Sanofi dans un site de recherche et de production de vaccins à Marcy-l’Étoile, plutôt qu’à Singapour.
L’appel à projets qu’Olivier Véran et moi-même avons lancé en juin dernier rend également possible aujourd’hui la fabrication en France de trois des quatre vaccins réservés par l’Union européenne à ce stade, grâce au soutien de l’État.
Nous avons désormais tous pris en compte le caractère stratégique de l’industrie pharmaceutique. Nous examinerons le dossier Yposkesi sous l’angle des investissements étrangers en France. Nous avons le droit de bloquer cette acquisition, et je peux vous assurer de l’engagement total du Gouvernement pour reconstituer une recherche et développement et des sites industriels en France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Bernard Fialaire applaudit également.)
crise sanitaire (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Jean-Jacques Michau. Vendredi dernier, au terme d’une semaine où toutes les rumeurs ont couru, il a été décidé, à la surprise générale, que la situation sanitaire dans notre pays n’imposait pas de confinement. Cette annonce a surpris, tant les demandes exprimées par les élus qui réclamaient des mesures plus restrictives étaient nombreuses.
Lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, nous avons été nombreux au Sénat à défendre l’idée que ces mesures devaient pouvoir se prendre à l’échelle territoriale. En effet, face à une épidémie qui circule de manière différenciée sur le territoire, il semble opportun de favoriser une approche basée sur la différenciation.
Un confinement national reste une décision très délicate à prendre et ne fait pas nécessairement sens. D’autres solutions existent et doivent être examinées attentivement.
Pourquoi ne pas agir en concertation à l’échelle de la région, de certains départements ou de certaines métropoles sur l’opportunité de mesures territorialisées ? Pourquoi ne pas laisser aux préfets, en concertation avec les élus, la possibilité de décider, en fonction de la densité de population ou du taux d’incidence du virus, des assouplissements ou au contraire des mesures plus restrictives à prendre ?
Certes, nous comprenons qu’il soit plus simple et plus lisible d’appliquer des mesures uniformes pour l’ensemble des Français. Toutefois, alors que nous entrons de nouveau dans une période où de nombreuses inquiétudes minent le moral de nos compatriotes, cette règle paraît disproportionnée dans les territoires les moins touchés par l’épidémie…
M. Jean-Jacques Michau. … ou lorsque leurs spécificités rendent l’application de certaines mesures inappropriée.
Monsieur le ministre, allez-vous examiner la possibilité de recourir, dans la mesure du possible, à une gestion territorialisée de la crise sanitaire en associant les élus locaux à la prise de décision ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michau, la territorialisation est généralement la règle dans la gestion de la crise sanitaire depuis un an. Ainsi, le 2 janvier, quinze départements ont été placés sous couvre-feu à dix-huit heures, puis une vingtaine d’autres le 11 janvier, parce que la situation le nécessitait. L’évolution de l’épidémie a ensuite justifié que nous appliquions ce couvre-feu à l’ensemble du pays.
Sur le fond, vous avez raison : territorialiser, considérer différemment les régions, ne pas appliquer une règle uniforme avec des contraintes trop lourdes par endroits, c’est évidemment du bon sens. Mais la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît. Ainsi, la Dordogne – loin de moi l’idée de pointer du doigt ce magnifique département, encore moins d’inquiéter ses habitants – connaît cette semaine une hausse de 53 % des cas, alors qu’il s’agit plutôt d’un territoire semi-rural. Je pourrais prendre aussi l’exemple du Tarn-et-Garonne ou de la Corse, deux territoires où le virus est en train de progresser.
De même, lorsque je me suis entretenu le 24 décembre dernier avec les présidents des conseils départementaux et régionaux, les responsables d’ARS et les préfets des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté, tous constataient que les contaminations touchaient avant tout des personnes âgées dans les parties les plus rurales de ces régions.
S’il existait une règle simple permettant d’identifier par avance les endroits où le virus va principalement circuler, croyez bien que nous l’appliquerions, afin d’éviter des contraintes à l’ensemble des Français.
Par ailleurs, la concertation est la règle. J’étais présent lorsque le Premier ministre a reçu l’ensemble des présidents de groupes parlementaires et d’associations d’élus la semaine dernière. Nous essayons toujours de tracer nos mesures au cordeau.
Lorsqu’il a fallu confiner, les taux d’incidence étaient supérieurs aux seuils d’alerte sur tout le territoire national et la dynamique épidémique partout présente. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, raison pour laquelle le Président de la République nous a invités à nous mobiliser encore plus ensemble pour nous donner une chance d’éviter une situation épidémique qui nécessiterait l’application de mesures nationales que ni vous ni nous ne souhaitons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
temps d’activité et de repos des militaires
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des armées.
La semaine dernière, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne a plaidé pour qu’une directive relative au temps de travail s’applique aux forces armées. Ses conclusions nous préoccupent vivement du fait de leur immixtion dans le fonctionnement des armées, c’est-à-dire une institution régalienne d’une importance vitale. Au cœur de notre politique de défense, nos forces garantissent l’exercice de notre souveraineté et de nos engagements internationaux.
La continuité, la permanence et l’efficacité dans l’action de nos militaires imposent un mode d’organisation incompatible avec le système prévu par cette directive, tout comme avec la nuance proposée par l’avocat général, qui suggère une distinction entre le « service courant » et les « activités principales » de nos militaires. Cette distinction serait inapplicable et inopérante pour l’armée française, une armée entièrement professionnalisée et dont l’engagement est bien plus élevé que celui de n’importe quelle autre armée européenne. Surtout, c’est l’État qui assure lui-même la sécurité de nos militaires et protège leur santé.
Ces raisons, madame la ministre, vous les connaissez. C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui de nous rassurer.
Votre ministre déléguée a indiqué hier aux députés faire « confiance à la sagesse de la Cour de justice de l’Union européenne », mais ce n’est pas suffisant. La confiance n’exclut pas le contrôle !
Que la Cour de justice suive ou non les conclusions de l’avocat général, les armées attendent la garantie que le Président de la République et le Gouvernement ne transposeront pas cette directive et feront usage de l’article 4.2 du traité sur l’Union européenne, qui prévoit que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. (M. André Gattolin applaudit.) Madame la ministre, pouvez-vous nous le garantir ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)