compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 21 janvier 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’un ancien sénateur
Mme le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Dumont, qui fut sénateur des Deux-Sèvres de 1986 à 1995.
3
Hommage à Jean-Pierre Michel, ancien sénateur
Mme le président. Nous avons appris avec tristesse ce week-end le décès de notre ancien collègue Jean-Pierre Michel, qui fut sénateur de la Haute-Saône de 2004 à 2014.
Magistrat de profession, Jean-Pierre Michel a été secrétaire général du Syndicat de la magistrature de 1972 à 1974.
Il est élu député de la Haute-Saône en 1981 et le restera sans discontinuer jusqu’en 2002. En 2004, il est élu sénateur de son département et siégera au sein de notre hémicycle pendant dix ans.
Ses mandats parlementaires furent notamment marqués par son rôle majeur en tant qu’auteur de la proposition de loi ayant abouti à la création du pacte civil de solidarité (PACS) et par son travail en tant que rapporteur du Sénat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre compassion à sa famille, à ses proches, ainsi qu’au président et aux membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dont il fut membre.
4
Renouvellement des conseils départementaux et régionaux
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (projet n° 254, texte de la commission n° 288, rapport n° 287).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les élections locales sont une composante essentielle de la démocratie. Elles sont l’occasion d’un moment démocratique important pour les Françaises et les Français : ils y élisent des élus de proximité, qu’ils ont souvent eu l’occasion de connaître et de rencontrer.
Les Français choisissent aussi à cette occasion les élus qui exerceront des compétences touchant à leur vie du quotidien, que ce soit la solidarité pour les départements, ou l’emploi et le développement économique pour les régions.
Je sais l’attention que porte le Sénat aux scrutins désignant les élus locaux, lui qui a la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, en vertu de l’article 24 de notre Constitution.
C’est pourquoi le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prend une dimension particulière au Sénat. Par ce texte, le Gouvernement soumet au Parlement la proposition de reporter de mars à juin 2021 le renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique prévu cette année.
Pourquoi reporter le double scrutin prévu en mars prochain et allonger le mandat des conseillers départementaux et régionaux ?
Proposer un tel report des échéances électorales n’est jamais une décision facile. Ce report est directement lié au contexte épidémique que nous connaissons.
Avant de prendre cette décision, le Gouvernement a souhaité bénéficier de tout l’éclairage nécessaire. C’est pourquoi le Premier ministre a confié le 23 octobre dernier à M. Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, une mission visant à étudier si les élections départementales et les élections régionales, que le législateur avait fixées en même temps en mars 2021, pourraient se tenir, et dans quelles conditions.
Je tiens, au nom du Gouvernement, à saluer le travail réalisé par M. Debré, qui a nourri le rapport remis au Premier ministre le 13 novembre dernier. Dans un temps court, M. Debré a réalisé des consultations larges, de toutes les forces politiques comme des associations d’élus locaux. Son analyse est ainsi exempte de tout esprit partisan.
Ce rapport intègre aussi les recommandations du Conseil scientifique sur la pandémie de covid-19. Il a permis d’aboutir à un diagnostic partagé sur le sujet essentiel qu’est le scrutin dans une démocratie. Après avoir étudié plusieurs scénarios de report, M. Debré a estimé « raisonnable » – je cite le terme employé dans son rapport – que ce double scrutin se tienne au mois de juin 2021.
Les recommandations du rapport sont claires et pragmatiques. Le Gouvernement les a suivies en présentant ce projet de loi qui reporte les élections départementales et régionales à juin prochain.
Il faut donner de la lisibilité aux électeurs, aux candidats et aussi aux élus locaux sortants concernés par cette échéance : le Gouvernement entend donc que ces élections se tiennent en juin prochain et fera tout pour qu’il en soit ainsi.
M. Bruno Sido. Fort bien !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le choix précis des dates relève – vous le savez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs – du pouvoir réglementaire. Il sera fait au plus vite, dès que le pouvoir législatif aura donné sa position sur le report de mars à juin prochain, objet de notre discussion de ce jour.
En revanche, seule la loi pourrait décider d’un éventuel nouveau report pour une autre période que juin prochain, ce que le Gouvernement ne souhaite pas. Cela supposerait que les conditions sanitaires ne se soient pas améliorées d’ici là. En tout état de cause, le Parlement sera parfaitement informé de la situation sanitaire par le biais du rapport qui lui sera remis au plus tard le 1er avril 2021. J’ai bien relevé les informations complémentaires que la commission des lois a souhaité obtenir dans le cadre de ce rapport : le Gouvernement y répondra.
Le report de l’élection des conseillers régionaux et départementaux a un impact sur la fin de leur mandat. Les conseillers régionaux élus en juin prochain devraient voir leur mandat s’achever en juin 2027, période à laquelle se dérouleront des élections législatives. C’est pourquoi le Gouvernement avait proposé de reporter cette fin de mandat à décembre 2027, à une date qui respectait le plus possible la durée habituelle du mandat.
Tout est donc mis en œuvre pour que ce double scrutin puisse se tenir dans les meilleures conditions possible, en juin prochain.
Je partage les préoccupations de la commission des lois et des sénateurs, exprimées dans les amendements qui ont été adoptés par la commission ou déposés sur son texte : permettre au plus grand nombre d’électeurs de prendre part au double scrutin de juin prochain et de choisir librement leurs représentants au sein de ces collectivités territoriales.
Le Gouvernement entend mettre en œuvre les mesures nécessaires pour leur permettre d’exercer ce droit et ce devoir de citoyen. Il s’agit ainsi de concilier la sécurité sanitaire et la tenue d’un scrutin dans les conditions les plus parfaites d’équité, de liberté et de sincérité, sans prendre un risque inconsidéré de fraude électorale.
Ainsi, même si le Gouvernement a bien relevé les évolutions adoptées en commission des lois, je souhaite dès à présent souligner que certaines posent de vraies difficultés pratiques. C’est le cas, par exemple, de l’anticipation de la déterritorialisation des procurations. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements.
En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage votre souci de permettre à chaque citoyen de prendre part à ce scrutin. Plusieurs mesures s’inscrivant dans cette perspective sont d’ailleurs en cours de préparation.
Pour sécuriser la tenue des bureaux de vote, des dispositions seront prises afin de limiter le risque sanitaire. J’en rappellerai brièvement les grandes lignes, qui tirent les conséquences de l’expérience de la mise en œuvre de plusieurs protocoles sanitaires.
Le port du masque sera évidemment obligatoire, sauf le temps de contrôler, le cas échéant, l’identité du votant, et du gel hydroalcoolique sera mis à disposition.
Le matériel nécessaire – masques, gel, visières – sera fourni par l’État ou remboursé, par exemple pour des parois en plexiglas visant à séparer les membres du bureau de vote et l’électeur.
Le maintien d’une distance minimale entre les électeurs sera organisé de différentes manières : marquage au sol, parcours fléché, limitation du nombre d’électeurs présents simultanément et gestion des files d’attente.
Le nombre d’électeurs présents simultanément dans le bureau de vote sera limité à trois, et les personnes vulnérables auront un accès prioritaire.
Les bureaux de vote seront aérés en continu et désinfectés régulièrement.
Pour la tenue des rôles dans le bureau de vote, là aussi, la prise en compte de la situation sanitaire a amené à des aménagements des règles habituellement établies. Par exemple, la carte d’électeur ne sera pas estampillée pour éviter les contacts entre les personnes.
En résumé, l’objectif global est d’aménager les lieux de manière à limiter les situations dites de « promiscuité prolongée » et les contacts.
Au-delà de ces aménagements purement sanitaires, le Gouvernement prépare déjà des mesures réglementaires pour faciliter l’exercice du droit de vote.
Tout d’abord, une téléprocédure sera ouverte pour faire une demande de procuration. Elle sera complémentaire de la procédure papier. Même s’il reste nécessaire de se déplacer au commissariat ou à la brigade de gendarmerie, la démarche sera simplifiée, et le citoyen sera informé que la commune a bien pu prendre en compte sa demande.
Ensuite, un projet de décret est en cours d’examen par le Conseil d’État pour faciliter l’organisation du double scrutin par les communes, et donc dans l’intérêt des électeurs. Vous le savez, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la question du double scrutin est très stricte. Il faut dédoubler les bureaux de vote afin de ne pas créer de confusion dans l’esprit de l’électeur.
Tout en respectant ce principe, le Gouvernement envisage les aménagements suivants pour juin prochain.
Les fonctions de président et de secrétaire du bureau de vote pourraient être mutualisées, tout en conservant un niveau suffisant de surveillance des opérations électorales.
Dans les cas où les deux bureaux pour les deux scrutins sont ouverts dans la même salle, les isoloirs seraient mutualisés.
Dans les bureaux dotés de machines à voter, les deux scrutins pourraient être organisés sur la même machine et tous les membres du bureau de vote seraient mutualisés.
Enfin, dans le contexte de l’épidémie de covid-19, qui rend plus vulnérables les personnes âgées, il sera proposé que, en l’absence d’assesseur, l’électeur le plus jeune soit désigné par défaut puis, s’il manque encore un assesseur, l’électeur le plus âgé.
En plus de ces aménagements qui doivent aider les communes comme les électeurs, le ministère de l’intérieur hébergera sur son site les professions de foi des candidats qui le souhaiteraient. Il n’y aura bien sûr pas de suppression du support papier pour les candidats qui désirent le conserver. S’agissant de la campagne électorale, ce support électronique permettra un accès sûr à l’information d’un point de vue sanitaire.
En outre, toujours pour rendre possible une campagne électorale dynamique malgré l’épidémie, mais aussi pour tenir compte de l’allongement de la période de campagne, le Gouvernement propose dans ce projet de loi une augmentation des dépenses électorales – les plafonds de dépenses autorisées étant majorés de 20 %.
Notre objectif commun est bien que les citoyens participent le plus massivement possible au scrutin de juin prochain, sans risque pour leur santé ou pour la maîtrise de l’épidémie si celle-ci est encore active au printemps prochain.
À cet égard, le Gouvernement prévoit des aménagements qui nous permettront d’organiser le double scrutin en juin prochain sans risque de fraude ou de déficit de confiance quant aux résultats des élections.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les élections sont le fondement même du fonctionnement de notre démocratie, au niveau tant national que local. Nous vivons actuellement une situation inédite avec la pandémie de covid-19 : un report de quelques mois, mais de quelques mois seulement, nous semblait être une nécessité.
Avec le concours des préfets et des maires, qui organisent concrètement chaque élection, nous donnerons aux Français la possibilité de choisir leurs élus départementaux et leurs élus régionaux en juin prochain, en toute sécurité et – je l’espère – en toute sérénité. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je dois vous dire avec sincérité et honnêteté que j’aurais préféré que les élections départementales et régionales ne soient pas déplacées.
M. Bruno Sido. Moi aussi !
M. Philippe Bas, rapporteur. Au moment où le rapport Debré a été remis, rien ne laissait prévoir l’impossibilité d’organiser des élections départementales et régionales en mars prochain. Je comprends cependant bien que, dans le contexte de très grande anxiété justifiée par la gravité de l’épidémie, les forces politiques se soient entendues pour admettre un report de ces scrutins.
Néanmoins, il me semble que la solution consistant à faire face à l’épidémie en jouant sur le calendrier électoral n’est pas la bonne. Cela étant dit, je vous proposerai d’adopter ce texte. Pourquoi ? Parce qu’il est trop tard pour ne pas le faire ! C’est toute l’habileté du processus engagé en désignant, au mois d’octobre dernier, l’ancien président du Conseil constitutionnel pour faire un rapport qu’il a remis le 13 novembre suivant, que d’avoir rendu pratiquement impossible l’organisation, dans de bonnes conditions, des élections départementales et régionales en mars prochain.
Je vous le dis, madame la ministre : « Jusqu’ici, mais pas plus loin ! » En effet, ce serait une mauvaise habitude à prendre que de reporter des élections, alors même que nous n’en savons collectivement pas plus long sur ce que sera le contexte épidémique en juin prochain que sur ce qu’il sera en mars prochain, même si nous constatons, hélas ! que l’épidémie est en train de s’aggraver.
Dans l’optique des futures échéances électorales – puisque le Président de la République a annoncé son souhait qu’un référendum soit organisé cette année et que se tiendront de toute façon une élection présidentielle et des élections législatives l’an prochain –, il faut, me semble-t-il, apprendre à vivre, comme l’a dit le Président de la République, avec le virus, y compris pour ce qui concerne le fonctionnement de notre démocratie.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Philippe Bas, rapporteur. Nos enfants vont à l’école, les professeurs sont à leur poste, les ouvriers travaillent dans les usines, les transports en commun fonctionnent, nous faisons nos courses dans les hypermarchés, et il serait impossible d’organiser dans le même contexte des élections si importantes pour l’avenir du pays que les élections régionales et départementales ? Franchement, je n’en crois rien !
L’effort que nous, démocrates de tous bords, avons à faire, c’est précisément de permettre que le suffrage universel puisse en toutes circonstances s’exprimer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois a fait un certain nombre de propositions afin d’apporter des garanties de sécurité supplémentaires à nos concitoyens lors du déroulement du scrutin et de faire en sorte que la campagne électorale, notamment régionale, puisse se dérouler avec des instruments nouveaux. J’espère que ces dispositions seront adoptées par notre assemblée.
J’entends bien que nous puissions être, en quelque sorte, « traumatisés » par les conditions dans lesquelles s’est déroulé le premier tour du scrutin des élections municipales le 15 mars dernier. En effet, le 14 mars, ce fut un coup de tonnerre dans tous les foyers français lorsque l’on a appris, de la bouche du Premier ministre, que des restrictions majeures allaient être apportées aux libertés tant le virus était dangereux et tant il se répandait rapidement. Chaque Français s’est bien sûr interrogé sur le risque qu’il prenait s’il allait voter le lendemain, ce qui s’est traduit par un taux d’abstention très élevé.
Sommes-nous dans la situation d’être surpris par l’urgence alors que nous avons maintenant l’expérience d’un an de gestion de crise sanitaire et de l’adoption de quatre textes législatifs pour réguler l’action des pouvoirs publics pendant cette période ? La réponse est évidemment : non !
Nous avons, à rebours de l’expérience du 15 mars dernier, celle du second tour des élections municipales, qui a été organisé – je crois pouvoir le dire – dans de bonnes conditions, à un moment où l’épidémie marquait d’ailleurs heureusement le pas. Ne nous laissons pas « imprégner » dans nos réactions par la mauvaise image laissée par les circonstances tout à fait extraordinaires dans lesquelles le premier tour de scrutin des élections municipales s’est déroulé en mars dernier !
Je ne voudrais pas que, comme certains en ont prêté l’intention au Président de la République et au Gouvernement, derrière l’utilisation de la crise sanitaire se cache en réalité le souhait d’un report des élections départementales et régionales à une date plus lointaine que le mois de juin prochain, pour des motifs de convenance personnelle.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Philippe Bas, rapporteur. La presse s’est fait l’écho, en juin dernier, d’un déjeuner du Président de la République avec le président et le vice-président de l’association Régions de France au cours duquel il aurait demandé à ses interlocuteurs de bien vouloir accepter, en contrepartie des moyens donnés par l’État aux régions dans le cadre du plan de relance pour qu’elles agissent aux côtés des entreprises, le report des élections régionales à l’automne de 2022 – je dis bien 2022 !
M. Loïc Hervé. Pourquoi pas 2023 ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Le Président de la République semble avoir renoncé à cette hypothèse de travail, mais elle était bien sur la table si l’on en croit la presse. Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, ne nous a-t-il pas dit, au cours de son audition par la commission des lois, qu’on attendait de son rapport qu’il envisage cette hypothèse comme la plus favorable ?
Ici, au Sénat, nous ne pouvons que dire non ! Nous ne pouvons que nous opposer à la manipulation du calendrier électoral pour convenance personnelle. Il ne s’agit pas simplement de dégager la voie pour qu’elle soit libre jusqu’à l’élection présidentielle : ce n’est pas notre conception de la démocratie !
J’ai bien entendu, madame la ministre, que vous avez cherché à nous rassurer, et je suis heureux des propos que vous avez tenus à l’instant à cette tribune. Vous pourrez, je le crois, les traduire concrètement en approuvant les dispositions adoptées par la commission des lois du Sénat qui vont être débattues tout à l’heure.
Celles-ci consistent précisément, d’une part, à faire une campagne pour les élections régionales sur les médias audiovisuels du service public – vous aviez déposé un amendement, j’apprends que vous l’avez retiré : je vous en remercie, c’est un geste dans notre direction –, et, d’autre part, à faire en sorte que les opérations de vote se déroulent dans des conditions qui assurent leur sécurité – là aussi, vous avez repris un certain nombre de dispositions.
En revanche, je suis très étonné d’entendre que le Gouvernement n’est plus favorable, pour ces scrutins, à la possibilité d’une double procuration pour favoriser la participation d’un plus grand nombre d’électeurs.
M. Loïc Hervé. Dommage !
M. Philippe Bas, rapporteur. Pourquoi suis-je si surpris ?
D’abord, parce que c’est une bonne mesure.
Ensuite, parce qu’elle a été appliquée au second tour des élections municipales avec l’accord du Gouvernement.
Enfin, parce que le Gouvernement, il y a finalement très peu de temps – c’était au mois d’octobre –, a lui-même présenté un amendement visant à permettre la double procuration.
Et voilà que le Gouvernement change d’avis ! Il va falloir nous expliquer pourquoi. Car, en réalité, ou bien l’on est pour la lutte contre l’abstention des personnes vulnérables, qui n’osent pas se déplacer, ou bien l’on est contre.
Si l’on est contre, il faut le dire, et alors on ne fait qu’une seule procuration. Si l’on est pour, on est d’accord – comme vous l’avez été, puisque vous l’aviez vous-même proposé – pour faire une double procuration, comme nous le prévoyons.
Nous proposons aussi qu’il soit possible de donner procuration à l’un des membres de son cercle familial restreint – les ascendants directs, les frères et sœurs, les descendants directs – en qui l’on a confiance, même s’il n’est pas électeur de la commune. En quoi cela pourrait-il favoriser une fraude, alors que les conditions sont extrêmement précises et restrictives ?
Si le Gouvernement met de la bonne volonté pour assurer la qualité et la sécurité du scrutin, alors nous penserons, sur l’ensemble de ces travées, qu’il veut vraiment que la date du mois de juin prochain soit respectée.
Si, en revanche, toutes les précautions ne sont pas prises, tant pour la campagne que pour le déroulement du scrutin, nous continuerons, madame la ministre, à nous interroger sur votre intention, avec une forme d’anxiété.
Car tout report après le mois de juin se heurterait non seulement à des difficultés politiques – si l’élection devait se tenir à l’automne prochain, la campagne serait difficile à organiser au mois d’août –, mais aussi constitutionnelles – si l’on reportait ces élections à une date postérieure à l’élection présidentielle. Le Conseil constitutionnel devrait d’ailleurs, de mon point de vue, s’y opposer.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire pour introduire le débat. Nous entrerons davantage dans le détail des mesures au cours de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Demande de renvoi à la commission
Mme le président. Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 49.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° 288, 2020-2021).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord évoquer l’organisation de nos débats, notamment l’application des articles 41 et 45 de la Constitution. Vous le savez tous, il existe des garde-fous pour encadrer les cavaliers législatifs, mais il faudrait plutôt, me semble-t-il, encadrer ces garde-fous !
Le périmètre du projet de loi a été défini, et les amendements qui n’entrent pas dans ce périmètre sont jugés irrecevables. Ce périmètre – ce n’est pas moi qui l’ai fixé, un document nous a été adressé – comprend, premièrement, l’organisation des élections régionales et départementales et de la campagne afférente et, deuxièmement, les conséquences qui en résultent pour le fonctionnement des collectivités territoriales.
Je suis tout de même quelque peu surpris qu’une série de mes amendements aient été repoussés, même si j’avais pris des précautions : pour éviter le rejet, j’ai déposé chaque amendement en double, avec une version cantonnée aux élections régionales.
Un de mes amendements prévoyait de limiter le nombre d’électeurs inscrits par bureau de vote : actuellement, il n’y a aucune limitation de cet effectif, ce qui entraîne parfois des files d’attente, dangereuses en période de contamination. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution. Je le regrette, car il avait vraiment un rapport avec le sujet dont nous discutons.
Par ailleurs, compte tenu de l’épidémie, il va être très difficile de faire des campagnes électorales. J’avais proposé que les professions de foi puissent être publiées non pas en format A4, mais en format double A4 – le candidat payant la dépense supplémentaire. Celui qui ne veut rien payer aurait un format A4 et celui qui accepte de payer aurait un double A4. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela permettrait, dans une période où l’on ne peut avoir de propagande, d’assurer une meilleure information des électeurs. Là encore, mes amendements n’ont pas été retenus.
Dernier point, j’avais proposé que, durant la période de propagation du virus, les commissions permanentes des conseillers régionaux et des conseillers départementaux puissent institutionnellement se dérouler en téléconférence. J’estime que cette mesure entre tout autant dans le champ du fonctionnement des collectivités territoriales en période d’épidémie que les articles 7, 8 et 9 du projet de loi sur le report des échéances des votes budgétaires.
Je suis un peu surpris,…
M. Bruno Sido. Pas vraiment !
M. Jean Louis Masson. … mais, les choses étant ce qu’elles sont, je m’incline devant le sort qui a été fait à mes amendements. Comme j’avais pris des précautions, certains d’entre eux seront tout de même discutés.
Je voudrais profiter de cette motion de renvoi en commission pour vous dire, madame la ministre, qu’il aurait été judicieux de profiter d’un texte à connotation électorale pour élargir le débat. Vous le savez, je ne figure pas parmi les soutiens du Gouvernement, mais j’ai pour habitude dans cette enceinte de voter pour un texte quand je considère qu’il est bon et de voter contre quand il est mauvais.