M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les entreprises françaises, nous le savons tous, sont très durement touchées par la crise économique consécutive à l’épidémie de la covid-19. Nombre d’entre elles ont été confrontées à une absence de couverture de leurs pertes d’exploitation par leurs assurances, qui couvrent très rarement les pandémies.
Dans ce contexte, il semblerait que, en raison des fermetures administratives dues aux confinements successifs, qui ont entraîné une baisse des incidents habituellement couverts par les assurances, on constate une hausse des résultats d’exploitation des compagnies d’assurance.
Je comprends donc tout à fait l’intention louable des auteurs de cette proposition de loi. Je suis bien conscient qu’ils souhaitent seulement venir en aide à l’économie et opérer une redistribution de cette hausse des résultats d’exploitation vers les acteurs économiques les plus touchés par les terribles conséquences de la pandémie.
Toutefois, pour plusieurs raisons que je vais développer, je suis opposé à la méthode qu’ils proposent pour établir une contribution des assurances à l’effort de crise.
D’abord, ils suggèrent que les assurances soient assujetties à une contribution exceptionnelle chaque fois qu’un état d’urgence sanitaire sera déclaré sur tout ou partie du territoire, dès lors que leurs résultats d’exploitation augmentent. Lier tout état d’urgence sanitaire à une hausse des résultats des compagnies d’assurances est un raccourci ; la réalité est loin d’être aussi simple.
En effet, une corrélation entre ces deux phénomènes ne peut être formellement établie. L’état d’urgence sanitaire n’est pas statique : il peut s’accompagner de nombreuses mesures, susceptibles de changer au cours d’une même période d’urgence ou entre deux états d’urgence successifs, en fonction de la nature et de l’étendue de la menace sanitaire pesant sur le pays. Ainsi, le second confinement a été différent du premier, et des mesures intermédiaires ont été mises en place entre les deux.
Selon la nature des mesures prises, il n’est donc absolument pas certain qu’une hausse des résultats d’exploitation soit constatée lors de chaque état d’urgence sanitaire. En créant une disposition fiscale pérenne établissant un lien automatique entre état d’urgence sanitaire et hausse des résultats d’exploitation des compagnies, nous ouvririons la porte à des réclamations systématiques lorsque des bénéfices sont produits durant des périodes où l’économie est mise à mal. Nous risquerions également de mettre en place un système trop rigide, qui ne permettrait pas de s’adapter à la réalité de la situation, les manifestations d’une crise pouvant être extrêmement diverses.
Il me paraît bien plus opportun de prendre des mesures temporaires, applicables sur une courte période – généralement, un an –, et d’en reprendre de nouvelles en cas de nécessité. Dans cette perspective, le dispositif proposé par notre collègue Jean-François Husson lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 me semble bien plus adapté à la situation que cette proposition de loi.
En outre, la proposition de loi adoptée cet été par notre assemblée sur l’initiative du même Jean-François Husson vise, en substance, le même objectif que le texte soumis à notre examen cet après-midi – soutenir les entreprises françaises en difficulté en raison de la crise sanitaire par le biais des assurances –, mais serait bien plus efficace et moins pesante pour les compagnies d’assurance, qui seraient en partie soutenues par un fonds de l’État.
Par ailleurs, un accord a été trouvé entre le ministère de l’économie et les compagnies d’assurance. Comme le ministre Bruno Le Maire l’a récemment annoncé, les cotisations pour 2021 des contrats multirisques professionnels des entreprises de moins de 250 salariés du secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration, mais aussi de l’événementiel, du tourisme, du sport et la culture, seront gelées.
M. Olivier Jacquin. Cela n’a rien à voir !
M. Cyril Pellevat. J’espère toutefois que le ministre reviendra sur sa déclaration s’opposant à l’instauration d’une assurance pandémie obligatoire, à laquelle il préfère la mise en place d’une faculté pour les entreprises de constituer des provisions à des conditions fiscales avantageuses. En effet, il me semble quelque peu naïf de penser que les petites entreprises seront en mesure de mettre volontairement de l’argent de côté à l’issue de la crise actuelle.
Si je comprends la volonté du ministre de ne pas imposer de nouvelles charges aux entreprises, déjà fortement mises à mal, je ne pense pas, à titre personnel, que la solution soit uniquement de leur donner la possibilité d’épargner. Si les entreprises venaient à ne pas recourir à cette faculté, l’État serait de nouveau forcé, en cas de nouvelle crise sanitaire, d’intervenir massivement pour les soutenir, à l’instar de ce qui a été fait durant l’actuelle pandémie. Cela induirait de nouveau une dette colossale pour la France, difficilement supportable compte tenu de celle que nous avons contractée ces derniers mois.
Nous devons soutenir les entreprises, mais cela ne devrait pas être du simple ressort de l’État : les assurances peuvent et doivent les aider par solidarité. Seulement, pour qu’une telle contribution ne soit pas contre-productive, sa mise en œuvre doit être réfléchie et mesurée. Malheureusement, je ne trouve pas que cela soit le cas avec cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire a frappé notre économie de plein fouet. Malgré les mesures de soutien massives de l’État, nombre de nos concitoyens sont aujourd’hui en réelle difficulté et nombre d’entreprises jouent, ou joueront dans les mois à venir, leur survie.
Dès le début de la crise, la question de la participation des assureurs au soutien de l’économie s’est posée dans le débat public. Ce débat est légitime. De fait, il est normal qu’on attende de ce secteur qu’il prenne sa part de l’effort national et se mobilise en cas de survenance d’une telle crise sanitaire.
Tel est l’objectif affiché par les auteurs de cette proposition de loi, qui vise à créer une contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des entreprises d’assurance non-vie, dès lors que l’état d’urgence sanitaire a été appliqué au cours d’un exercice comptable. Concrètement, il s’agit de cibler les sur-bénéfices engrangés par les compagnies d’assurances du fait de la crise sanitaire, qui a entraîné une baisse significative de l’accidentologie et de la sinistralité.
Si cet objectif est louable, la réponse proposée par nos collègues risque de se heurter à de nombreux écueils.
D’abord, en visant une disposition fiscale liée à l’état d’urgence sanitaire, les auteurs de la proposition de loi supposent que ce régime entraîne automatiquement une hausse du résultat d’exploitation, ce qui est loin d’être évident pour le secteur des assurances non-vie. Cela constitue aussi une immixtion excessive dans la gestion de l’entreprise.
Ensuite, la proposition de loi crée une disposition fiscale pérenne, risquant ainsi de faire naître des réclamations sectorielles chaque fois qu’un secteur produira des bénéfices lors d’une période économique dégradée.
Plutôt qu’un système de taxation pérenne, il conviendrait d’envisager un dispositif fiscal ponctuel, à l’image de ceux adoptés par notre assemblée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2021. Ces dispositifs fiscaux exceptionnels n’ont vocation à s’appliquer qu’au cours d’un ou de deux exercices budgétaires.
En outre, toute initiative doit tenir compte des perspectives mitigées de rentabilité du secteur à moyen et long termes.
Le secteur assurantiel français compte plusieurs leaders mondiaux et fait face aujourd’hui à une concurrence européenne et mondiale. Il ne faudrait pas que des décisions trop brutales fragilisent nos compagnies à moyen terme. Or le dispositif de la proposition de loi est trop large et le taux de contribution proposé, prohibitif – 80 %.
Il faut ajouter que les acteurs de l’assurance n’ont pas tous été touchés de la même manière par la crise : en fonction du domaine d’activité, celle-ci a eu des conséquences plus ou moins graves.
N’oublions pas non plus que, à la suite des demandes répétées du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, le secteur assurantiel a déjà contribué au soutien du tissu économique en réponse à la crise sanitaire. Pour les seuls adhérents à la Fédération française de l’assurance, les gestes commerciaux consentis se seraient élevés à 2,6 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter un abondement du Fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d’euros.
Si la mobilisation des assureurs en réponse à une crise sanitaire est tout à fait justifiée, elle doit reposer sur le cœur de métiers des assureurs : l’indemnisation d’un risque prévu contractuellement, via l’instauration d’une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire pour les entreprises.
Telle est l’orientation pragmatique choisie par le Sénat à travers plusieurs initiatives récentes, dont celle de notre collègue Jean-François Husson. Sa proposition de loi, adoptée en juin dernier par le Sénat, constitue une première réponse adéquate, en prévoyant l’instauration d’une garantie obligatoire pour indemniser les entreprises en cas de crise sanitaire.
Lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, le Sénat avait également adopté deux dispositifs fiscaux motivés par le souci d’instaurer une contribution exceptionnelle du secteur assurantiel en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Ils n’ont toutefois pas été retenus lors de la commission mixte paritaire.
Je déplore les lenteurs du Gouvernement pour trancher la question de la participation des assurances à l’effort national : il ne s’est pas saisi de la proposition de loi Husson, a mis en place un groupe de travail dont le devenir des propositions est inconnu et n’a pas repris non plus les propositions de nouveau mécanisme avancées par la Fédération française de l’assurance.
Mes chers collègues, la covid-19 nous a fait prendre conscience qu’il n’était plus possible de s’exonérer du risque sanitaire. Mais parce que cette proposition de loi ne prévoit pas le dispositif le plus adapté pour anticiper ce nouveau risque, ni même pour faire participer les assurances à la solidarité nationale, nous ne pouvons pas la voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont.
Mme Françoise Dumont. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi instaure une contribution exceptionnelle pour les entreprises d’assurances – hors assurance vie – due au titre de tout exercice au cours duquel un état d’urgence sanitaire a été déclaré en France et si le résultat d’exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois précédents exercices. Le taux de cette contribution serait de 80 % du montant de cette augmentation.
Si tous les secteurs doivent être mis à contribution, il ne faudrait pas tomber dans l’excès envers un secteur en particulier, avec un taux de contribution tout à fait prohibitif, comme celui proposé par nos collègues.
D’autant que le Sénat, comme il a été rappelé, a déjà adopté plusieurs dispositifs tout à fait adaptés, en particulier la proposition de loi de Jean-François Husson en juin dernier, et, cet automne, l’amendement à la première partie du projet de loi de finances pour 2021 que notre collègue a présenté en sa qualité de rapporteur général, visant à instaurer une contribution exceptionnelle pour la seule année 2020, assise sur les primes versées au titre des contrats d’assurance dommages, avec un taux de 2 %.
« La crise sanitaire n’a pas de coupable, mais l’assurance fait un bon bouc émissaire », titrait dans sa chronique la journaliste en charge de l’actualité des entreprises, Bertille Bayart, dans Le Figaro du 1er décembre dernier. En effet, dans chaque crise que nous traversons, personnelle ou collective, il nous faut un coupable que nous pouvons blâmer de tous les maux : l’assurance jouera donc ce rôle cette fois, comme d’autres institutions précédemment, dans d’autres crises…
Pourtant, il nous faut analyser la situation non pas dans la précipitation, à chaud de l’événement encore en cours, mais avec pragmatisme et justesse.
Ainsi, comme l’expliquait le 28 mai dernier Bernard Delas, vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, « des améliorations en assurance automobile et une dégradation plus ou moins forte en prévoyance, assurance annulation d’événements, chômage, assurance crédit, pertes d’exploitation ou responsabilité civile sont prévisibles ». Et de conclure : « Au total, les résultats du secteur de l’assurance seront cette année fortement affectés, mais il est difficile d’apprécier aujourd’hui dans quelles proportions, sachant que tous les effets de cette crise sur la sinistralité comme sur l’activité n’apparaîtront que progressivement au cours des prochains mois. »
Dans ce contexte, mes chers collègues, il serait précipité d’adopter ce type de mesures avant même de connaître les effets réels et chiffrés de la crise sur ce secteur en particulier.
Au reste, ce secteur est le seul à avoir contribué au Fonds de solidarité, à hauteur de 400 millions d’euros, au côté de l’État et à s’être engagé à investir 1,5 milliard d’euros dans les fonds propres des entreprises – sans même parler du 1,6 milliard d’euros de mesures individuelles prévues par les assureurs en faveur des entreprises, des particuliers et d’initiatives citoyennes.
De plus, lundi dernier, les assureurs ont pris, sous la pression de Bercy, l’engagement de geler en 2021 les cotisations d’assurance multirisque professionnelle pour toutes les TPE et PME employant jusqu’à 250 salariés dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration, de l’événementiel, du tourisme, du sport et de la culture.
Il faut prendre en compte dans notre raisonnement ces différentes démarches, alors qu’aucun autre secteur n’a envisagé de faire de même.
Comme parlementaires, nous nous devons de prendre de la hauteur et ne pas céder aux pressions médiatiques et populistes, dont cette proposition de loi est clairement l’émanation. Comme le dit un proverbe chinois, « élever la voix ne donne pas raison »…
Souvenons-nous, mes chers collègues, qu’il y aura un jour d’après : il ne faudrait pas que, par nos actes d’aujourd’hui, nous mettions en péril notre modèle de société, auquel l’assurance concourt quotidiennement.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d’une crise sanitaire majeure
Article unique
Après la section 0I du chapitre III du titre Ier de la première partie du code général des impôts, est insérée une section 0I bis ainsi rédigée :
« Section 0I bis
« Contribution exceptionnelle du secteur des assurances en cas d’état d’urgence sanitaire
« Art. 224. – I. – Les entreprises d’assurance non-vie opérant en France sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre de tout exercice au cours duquel un état d’urgence sanitaire a reçu application sur tout ou partie du territoire de la République lorsque, sur cet exercice, leur résultat d’exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois derniers exercices clos. Le taux de cette contribution est fixé à 80 % du montant de cette augmentation.
« II. – La contribution est recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« L’entreprise adresse à l’administration fiscale une déclaration, accompagnée des pièces justificatives, sur le calcul du montant de la contribution dont elle est redevable. Cette contribution est payée spontanément au comptable public compétent.
« III. – Le cas échéant, l’entreprise d’assurance qui ne procède pas au paiement de la contribution dans le délai prévu au II du présent article encourt la suspension pour une durée d’un an au plus de l’agrément administratif prévu aux articles L. 321-1 ou L. 321-7 du code des assurances. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. La présente proposition de loi vise à instituer une juste contribution exceptionnelle sur les assurances, afin qu’elles concourent à la solidarité nationale dans la réponse globale à la pandémie.
La diminution importante des accidents et des sinistres justifie de demander un effort important aux assureurs. Comme l’ont souligné mes collègues, les compagnies d’assurances avaient déjà économisé 1,5 milliard d’euros sur la seule assurance automobile à la fin du mois d’avril…
Naturellement, il est essentiel qu’une telle contribution soit adoptée à périmètre constant des recettes des assurances, afin d’éviter que celles-ci ne la répercutent sur l’ensemble de leurs assurés par une augmentation des tarifs et des primes.
Le conseil municipal de Saint-Étienne, à l’unanimité, a demandé au Gouvernement de reprendre à son compte cette proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances. Proposé par le groupe municipal de gauche « Saint-Étienne demain », ce vœu a obtenu le soutien de la majorité de droite ; il a été voté, en particulier, par le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, vice-président des Républicains.
Vous voyez, chers collègues centristes, des Républicains, madame la secrétaire d’État, que certaines propositions peuvent faire l’unanimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Ne vous inquiétez pas, j’en ai juste pour deux minutes trente – je n’irai pas jusqu’au couvre-feu… (Sourires.)
Je ne répondrai pas à ceux de nos collègues qui, visiblement, n’ont même pas lu la proposition de loi, tant leur propos est resté général.
Plusieurs ont soutenu que ce texte interviendrait trop tard – cet argument est avancé aussi par Mme la secrétaire d’État. Pas du tout ! L’idée a été proposée dès le mois d’avril, sous la forme d’un amendement qu’on m’a invité à retravailler. Dans un projet de loi de finances rectificative suivant, on m’a dit : il faut un rapport de l’État… Je vous épargne toutes les étapes.
Au demeurant, le dispositif est prévu pour être récurrent. Comme l’a souligné ma collègue Sophie Taillé-Polian, au milieu de la réaction brouillonne de cette année, on mettrait dans la boîte à outils associée à l’état d’urgence sanitaire un instrument de plus pour anticiper.
Certes, madame la secrétaire d’État, le rendement de cette contribution serait faible, mais l’objectif n’est pas de s’acharner pour chercher de l’argent : il est de prélever un sur-profit – une notion qui se définit économiquement d’une manière très simple. Si vous voulez des idées de taxe à rendement fort, venez lors de l’examen de la partie recettes des PLF ; nous en défendons régulièrement un certain nombre…
Faible, le rendement le serait d’autant plus que certains assureurs ont fait des « gestes », comme ils disent, notamment de nombreuses mutuelles. Mais, comme l’a souligné l’UFC-Que Choisir, parmi les douze majors du secteur de l’assurance automobile, sept n’ont fait aucun geste commercial : ces entreprises seraient prélevées beaucoup plus que les autres.
A contrario, l’établissement du Grand Est d’une grande mutuelle d’origine agricole, dont j’ai appelé l’administrateur départemental, un établissement qui réalise en moyenne 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, a consenti 18 millions d’euros de « gestes », preuves en main, ce qui correspond à son résultat d’exploitation moyen. Si vous lui appliquez la taxe aveugle de 2 % du chiffre d’affaires, tant vantée par nos collègues, il sera perdant par rapport au dispositif que nous proposons !
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Cette proposition de loi vise à instaurer un prélèvement exceptionnel sur les assurances qui ont réalisé des sur-profits, pour qu’elles contribuent à la hauteur exigée par la situation. Je m’étonne que certains orateurs hostiles à ce texte aient opposé l’idée de générosité, de participation – pourquoi pas de don ? Dans quel pays, dans quelle philosophie politique négocie-t-on son imposition, sa contribution, surtout lorsque la situation est aussi grave qu’aujourd’hui et que les besoins de solidarité et de financements publics sont aussi importants ?
En démocratie, en république, les contributions sont fixées par la loi, suivant des critères assurant une juste participation, tenant compte des capacités contributives de chacun. Tel est l’esprit de cette proposition de loi de notre excellent collègue Olivier Jacquin, que je voterai résolument ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Michel Canevet a excellemment présenté la position du groupe Union Centriste sur cette proposition de loi. Si l’idée est louable, force est de constater que sa mise en pratique ne serait assurément pas efficace.
En tout état de cause, ce dispositif ne correspond pas à un certain nombre de réalités, à commencer par celles du marché. Qu’on le veuille ou non, le système assurantiel dans notre pays est aujourd’hui ouvert à la concurrence, avec des sociétés de structures différentes – compagnies privées et mutuelles. Dans ce cadre, en cas de sur-profits, comme disent nos collègues, ou de profits exceptionnels, l’assureur pourra toujours in fine ajuster, en fonction de ses résultats et par rapport aux risques encourus, le niveau des cotisations demandées aux assurés, lesquels ont la liberté de changer d’assureur, dans des conditions facilitées par plusieurs dispositions législatives votées ces dernières années.
La surtaxation proposée condamnerait à certains égards les sociétés d’assurances françaises dans un marché ouvert à l’échelle européenne et mondiale, avec un certain nombre de conséquences macroéconomiques difficilement supportables pour ce secteur.
Dès lors, même si nous comprenons l’intention qui sous-tend la proposition de loi, nous ne pensons pas que la mesure proposée répondrait efficacement à l’objectif fixé. Je confirme donc que le groupe Union Centriste votera contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Nougein, rapporteur. Je ferai trois observations.
La première est qu’un consensus s’est formé au Sénat pour taxer les compagnies d’assurances et les encourager à participer à la solidarité nationale. La taxe votée par le Sénat ne leur tord certes pas les bras comme celle qui est proposée dans ce texte, mais elle existe. Il n’y a donc pas de débat à ce sujet.
Ma deuxième observation est que cette proposition de loi a un gros défaut : il s’agit du déclenchement du dispositif. Je doute que les compagnies d’assurances réalisent des sur-profits en 2020 et 2021. En effet, comme le rappelait Mme la secrétaire d’État, elles devront constituer des provisions – les commissaires aux comptes s’en assureront – pour traduire dans leur bilan les dépréciations très importantes et bien réelles qui affectent leurs actifs.
Ces dépréciations concernent notamment l’immobilier commercial – les compagnies d’assurances sont propriétaires de nombreux centres commerciaux qui connaissent une baisse de valeur –, ou des actifs tels que les obligations d’État, dont la baisse des taux de rendement entraînera la dépréciation. Je doute donc que ces compagnies dégagent des sur-profits dans les deux ou trois années à venir.
Enfin, ma troisième observation a trait au caractère pérenne du dispositif proposé. Imaginons que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré localement du fait de la pollution causée par un accident survenu dans une usine. Une telle crise sanitaire, même locale et de courte durée, déclencherait l’application des mesures prévues dans la présente proposition de loi, alors même que les éventuels sur-profits enregistrés par les compagnies d’assurances ne seraient pas liés à cette crise. C’est un autre gros défaut de ce texte.
En conclusion, je rappellerai ce que l’on sait depuis la nuit des temps, à savoir qu’un bon impôt a une assiette large et un taux réduit ; à l’évidence, c’est tout le contraire qui nous est proposé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 106 |
Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.