M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 66, modifié.
(L’article 66 est adopté.)
Article 67 (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de l’impact de la création des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur en matière de gestion des effectifs et des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale. – (Adopté.)
compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Mme le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 611 437 170 |
1 611 437 170 |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
335 398 208 |
335 398 208 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
26 200 000 |
26 200 000 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
643 314 650 |
643 314 650 |
Désendettement de l’État |
606 524 312 |
606 524 312 |
Mme le président. L’amendement n° II-510 rectifié quater, présenté par MM. Mizzon, Bonnecarrère, Canevet, Henno, Louault et Détraigne, Mmes Gatel et Sollogoub, M. Kern, Mmes de La Provôté et C. Fournier, MM. Moga, Todeschini et Masson, Mmes Herzog, Bonfanti-Dossat et Thomas et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
||||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
Désendettement de l’État |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
TOTAL |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement vise à rétablir une certaine équité en matière de compensations financières accordées aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a institué des avances remboursables en faveur des AOM. Le dispositif prévu intègre le versement mobilité dans le panier des recettes fiscales prises en compte pour le calcul de la compensation financière.
Toutefois, pour certains acteurs du transport public, la globalisation des recettes fiscales du budget général et des budgets annexes a pour effet de diluer le problème spécifique aux transports. Elle pénalise notamment les AOM organisées en EPCI à fiscalité propre, alors que les syndicats mixtes de transport, par exemple, verront leurs pertes de recettes fiscales compensées – et tant mieux pour eux.
Cet amendement vise donc à mettre fin à une forme d’inégalité de traitement en prévoyant un abondement de 500 millions d’euros.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je comprends la problématique soulevée par M. Mizzon, mais le programme 754 n’a pas pour objectif de mettre en place un dispositif d’avances remboursables ou de compensation pour les AOM.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° II-510 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Mizzon. Oui, madame la présidente.
Je regrette que, pour une simple question de forme ou d’affectation budgétaire, on s’asseye sur une réalité.
Aujourd’hui, les AOM organisées en EPCI ne sont pas compensées de la même manière que celles constituées en syndicats mixtes. Ces deux structures offrent pourtant les mêmes prestations à leurs usagers.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-510 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° II-794 rectifié quinquies, présenté par Mme V. Boyer, MM. Courtial et Bonneau, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Houpert et Chatillon, Mme Puissat, MM. Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy, Somon, Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Charon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
57 550 000 |
57 550 000 |
||
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
||||
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
57 550 000 |
57 550 000 |
||
Désendettement de l’État |
||||
TOTAL |
57 550 000 |
57 550 000 |
57 550 000 |
57 550 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. La stratégie du « tout radar » de ce projet de loi de finances a pour objectif « d’augmenter le nombre de zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars “leurres”, mais également en augmentant le nombre de radars autonomes déplaçables et en augmentant l’utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés en confiant leur conduite à des prestataires ».
La France dispose d’un réseau routier étendu, longtemps considéré comme exceptionnel, et qui continue de se développer. Ce réseau est un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition d’être bien entretenu. C’est là que les difficultés apparaissent.
En 2011, comme le rappelle l’étude Dégradation des routes en France : il est urgent d’agir que vient de publier la Ligue de défense des conducteurs, la qualité des routes françaises figurait en pole position – sur 140 pays – du classement mondial. Elle occupait la septième place en 2015, tombait à la douzième en 2017 et dégringolait à la dix-huitième en 2019.
Dans la situation de crise sanitaire et de crise économique que nous connaissons, la relance passe par la capacité des conducteurs à circuler sur des routes en bon état. Il s’agit de créer un contexte qui favorise les déplacements, notamment professionnels, en réduisant le risque d’accident dû à l’infrastructure. Il importe donc d’affecter une part suffisante des investissements pour 2021 à cette priorité.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à réduire les crédits affectés à la modernisation et au développement de nouveaux radars de 57,55 millions d’euros et à les réaffecter à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, afin de permettre aux collectivités de financer l’aménagement des zones accidentogènes et de mieux entretenir le réseau routier secondaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je partage votre souci d’améliorer l’entretien des routes.
Toutefois, le produit des amendes devrait permettre de reverser 640 millions d’euros au programme 754 pour les collectivités territoriales et 278 millions à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Si votre amendement était adopté, il n’y aurait plus aucun investissement dans les nouveaux radars appelés à remplacer les anciens et donc aucun investissement pour l’avenir.
Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Madame Boyer, l’amendement n° II-794 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° II-794 rectifié quinquies est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Immigration, asile et intégration
Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article 54 quaterdecies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Richelieu disait que « la politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Sur ces questions d’immigration, d’asile, d’intégration qui remettent en cause notre modèle de citoyenneté à la française, pourrions-nous débattre sérieusement en nous fondant sur les faits, sans dogmatisme ni sentimentalisme ?
Mes chers collègues, nous pouvons avoir des désaccords, mais comment ne pas être choqué à la fois par cette misère, par ces évacuations qui se répètent sans cesse, et par l’agitation politique organisée par des associations qui participent à la chaîne de l’exploitation de cette tragédie humaine ?
Ce malaise sur la question migratoire et le reste, l’asile et l’intégration, prend racine dans l’impuissance de l’État à prendre à bras-le-corps « sans tabou ni angle mort » ces sujets qui relèvent au premier chef de la souveraineté nationale. N’est-il pas urgent, au titre de sa mission de contrôle, que le Parlement s’empare de ces sujets ?
Les crédits de la mission s’élèvent à 1,76 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,85 milliard d’euros en crédits de paiement. Mais, en réalité, nous ne savons pas combien coûte l’immigration en France. Nous ne le savons pas, car l’État lui-même ignore combien d’étrangers en situation irrégulière se trouvent sur le territoire national.
Le rapport d’information déposé en 2018 par nos collègues députés Kokouendo et Cornut-Gentille fait état de 150 000 à 200 000 clandestins, voire peut-être 400 000 personnes dans le seul département de Seine-Saint-Denis. Patrick Stefanini, dans Immigration : ces réalités qu’on nous cache, estime, quant à lui, à plus de 900 000 le nombre de clandestins sur le sol français.
Comment faire des budgets crédibles et ensuite loger, soigner, éduquer et intégrer ? Pourquoi s’étonner, après, que le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis plongent littéralement dans la pauvreté et la délinquance ?
Mme Éliane Assassi. Évitons de tomber dans la caricature !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Selon les dernières études de la direction générale des finances publiques (DGFiP), l’indice de revenu fiscal moyen par habitant entre 1984 et 2018 a baissé de 30 % en Seine-Saint-Denis et de 21 % dans le Val-d’Oise.
Les notions d’immigration, d’asile et d’intégration obligent à se poser les questions essentielles de la souveraineté, de l’intérêt national et de la cohésion de la société.
Contrôlons-nous mieux nos frontières ? Nos procédures d’asile fonctionnent-elles correctement ? Nos systèmes d’intégration permettent-ils d’acquérir un bagage minimum pour connaître et partager nos valeurs et nos mœurs ?
Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), homme d’expérience, ancien préfet de Seine-Saint-Denis, insiste sur la nécessité de changer notre modèle pour le bien commun de tous. Dans son opuscule intitulé Ce grand dérangement. L’immigration en face, il déclare avec bon sens qu’« une hospitalité nationale pour tous est une hospitalité pour personne ». Il décrit des règles juridiques nettement moins strictes et un système d’accueil plus généreux que ceux de la plupart des autres pays de l’Union européenne. Au regard de l’état du monde et des différences de niveau de vie, la France offre une qualité de vie rare – santé gratuite, éducation, logement. Il constate que la France n’aboutit pas à des résultats satisfaisants en matière d’intégration. Nous devons penser une politique globale et une stratégie qui ne soit pas l’apanage d’un seul ministère et recentrer le droit d’asile sur un petit nombre de véritables réfugiés, faute de quoi il mourra.
En matière de regroupement familial, nous sommes loin des critères allemands, hollandais ou autres.
En matière de soins, nous sommes le seul pays, avec la Belgique, à délivrer un titre de séjour pour soins à celui qui arrive jusqu’à nous dès lors que la prise en charge, dans son pays d’origine, n’est pas effectivement accessible. En cette période de covid, les Français doivent savoir que nous prenons en charge la santé des sans-papiers, des clandestins, au-delà de l’urgence. La norme en Europe est de limiter la prise en charge aux soins d’urgence, dès lors que le pronostic vital est engagé.
Nos centres d’accueil sont beaucoup moins sommaires que ceux de la plupart des pays d’Europe. Il est certain que ceux qui sont déboutés de l’asile bénéficient ici de plus de prise en charge que dans la plupart des pays européens. C’est pour cela, du reste, que ceux qui sont déboutés du droit d’asile, les « dublinés », traversent les Alpes, les Pyrénées ou le Rhin.
M. François Bonhomme. Ils choisissent la France !
M. Jérôme Bascher. Eh oui !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Depuis 1980, une trentaine de réformes de la législation relative aux étrangers a rendu d’une complexité extrême un droit qui n’a pas été conçu globalement, mais par sédimentation. Le résultat est un carcan juridique, juridictionnel, conventionnel et constitutionnel. Le pouvoir démocratique a été complètement dépossédé de sa capacité de décision.
Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) souligne que le droit de l’immigration souffre d’une illisibilité de la politique d’accueil et de séjour des étrangers. Les magistrats s’interrogent sur le sens de leur travail, dès lors que 90 % des OQTF – obligations de quitter le territoire français – ne sont pas exécutées… Le président du tribunal administratif de Poitiers évoque un sentiment d’inutilité : 40 % du contentieux administratif en première instance et 51 % en appel relèvent du seul droit des étrangers. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER, où l’on fait remarquer que le temps de parole dévolu au rapporteur spécial est dépassé.)
Des noyades en Méditerranée aux évacuations des camps d’infortune, en passant par l’exploitation des migrants et l’assassinat de Samuel Paty ou des malheureux chrétiens de Nice, il est vraiment temps que cela change. Madame la ministre, le voulez-vous vraiment ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas digne d’un rapporteur spécial !
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Sébastien Meurant vous a exposé quel était le montant du budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Non ! sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Jean-Pierre Sueur. M. Meurant a fait de la propagande !
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Je dois à la vérité de dire que ce budget a été régulièrement abondé, depuis plusieurs années, par le Gouvernement : pour ce qui concerne l’immigration régulière, c’est l’intégration qui a été favorisée ; pour ce qui est du droit d’asile, dont notre collègue Philippe Bonnecarrère parlera sans doute plus avant, ce sont les hébergements qui ont été favorisés cette année ; et pour ce qui regarde l’immigration irrégulière, ce sont les centres de rétention administrative.
Pour autant, cet abondement donne-t-il des résultats positifs ? Je crois que non. En 2019, dernière année de référence, encore 25 % de ceux qui sont arrivés en France et qui bénéficiaient, dans le cadre d’une immigration régulière, d’une formation linguistique, ne sont pas parvenus à atteindre le niveau de langue minimal requis pour s’intégrer dans un pays.
En ce qui concerne le droit d’asile, seuls 38 % des demandeurs obtiennent la protection, après recours, ce qui montre un dévoiement important du droit d’asile.
Enfin, pour ce qui est de l’immigration irrégulière, de nombreuses décisions d’éloignement sont prononcées, mais seulement 12,2 % de ces décisions – score historiquement bas – sont exécutées.
Ce budget est un tonneau des Danaïdes que l’on remplit toujours, mais qui n’est jamais plein, parce que l’immigration irrégulière est en hausse de plus de 6 %, parce que les demandes de droit d’asile, dont on a compris qu’elles sont dévoyées à plus de 60 %, sont en hausse de 7,5 %, parce que l’aide médicale de l’État, seule façon de mesurer l’immigration irrégulière, est en augmentation de plus de 5 %.
M. François Bonhomme. C’est terrible !
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. La réalité est que nous subirons toujours cette pression migratoire, si nous n’essayons pas de la contrôler. Or nous n’essayons pas véritablement. J’en donnerai deux exemples : en 2018, le regroupement familial a été favorisé et, la semaine dernière encore, la possibilité de contrôler l’aide médicale de l’État en fixant un panier de soins a été refusée – et ce n’est pas la première fois – par le Gouvernement, alors que nous l’avons votée.
Ce budget n’aura de sens que si nous nous efforçons de contrôler l’immigration en amont plutôt que de la subir comme nous le faisons aujourd’hui. Il s’agit bien sûr de prendre en compte les personnes que nous accueillons et à l’égard desquelles nous devons montrer de la solidarité, notamment dans le cadre du droit d’asile, mais il s’agit aussi de prendre en compte le peuple qui accueille, c’est-à-dire les Français, qui ont un mot à dire sur cette immigration.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de demandeurs d’asile est en hausse constante depuis dix ans, pour atteindre le nombre record d’un peu plus de 132 000 demandes enregistrées en 2019.
Les effets de la pandémie – limitation des transports et problèmes sanitaires – ont indiscutablement entraîné une diminution en 2020. Cependant, dès après le premier confinement, nous avons assisté à une remontée rapide du nombre des demandes d’asile. On peut donc s’attendre à une demande toujours soutenue en 2021.
Le budget de l’asile s’organise autour de deux sujets : la réduction des délais de traitement et les conditions matérielles d’accueil des demandeurs. Notre pays fait preuve de bonne volonté budgétaire depuis plusieurs années, mais les résultats sont inexistants.
En ce qui concerne la gestion des demandes d’asile, les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont été considérablement augmentés l’année dernière, avec 200 postes supplémentaires. Mais le confinement a empêché les demandeurs de se déplacer et interdit toute possibilité d’accueil au siège de l’Office. L’objectif de réduction des délais n’a donc pas pu être atteint. Au contraire, ils repartent très largement à la hausse. Il ne faut pas imaginer que l’objectif de 60 jours de traitement des demandes soit atteint avant 2023.
Les moyens de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont également fortement augmenté, mais les délais se sont également allongés à la suite de la grève des avocats, de problèmes techniques et du confinement…
En ce qui concerne les conditions matérielles d’accueil, nous sommes pratiquement dans la même situation : un effort budgétaire a été consenti pour le financement de l’allocation pour les demandeurs d’asile – les sommes sont assez proches des réalités – et pour la création de 6 000 places d’hébergement. Mais ce dernier effort, même s’il est important, représente assez peu par rapport à l’ampleur de la demande, puisqu’un demandeur seulement sur deux pourra être hébergé.
La situation sur ce sujet relève assez peu du volet budgétaire. La commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission, mais le prochain enjeu, pour nous, est le débat sur la politique migratoire de la France et de l’Europe organisé au Sénat le 17 décembre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’année qui se termine fut pleine de bouleversements.
La pandémie a perturbé le fonctionnement de très nombreux pays, dont la France. La lutte contre le virus a rendu crucial le contrôle des flux transitant entre les pays, mais également en leur sein même. Cette diminution de la circulation des personnes a évidemment eu de grandes conséquences sur la mission « Immigration, asile et intégration » que nous examinons aujourd’hui.
L’immigration reste un sujet sensible pour bon nombre de nos concitoyens. D’après un sondage IFOP de janvier dernier, près de 80 % d’entre eux considèrent qu’il faut passer d’une immigration subie à une immigration choisie. L’immigration est une chance, à condition que la France conserve la maîtrise des flux.
La lutte contre l’immigration irrégulière doit être une priorité, madame la ministre, car elle mine notre politique migratoire.
Comme bien d’autres de nos collègues, les membres du groupe Les Indépendants sont particulièrement préoccupés de voir que les obligations de quitter le territoire ne sont que trop faiblement exécutées. Voilà plus de dix ans que leur taux d’exécution n’a jamais dépassé les 25 %. Comment accepter que la grande majorité des décisions judiciaires en la matière restent dénuées d’effet ? Quel message est ainsi envoyé aux réseaux ?
Il faut absolument remédier à cette situation qui nuit à tous : à l’autorité de l’État, à la force de la loi et à l’intégration des immigrés en situation régulière. In fine, c’est l’ensemble de notre société qui en pâtit. Nous savons que vous y travaillez, madame la ministre. Nous avons suivi avec attention vos démarches pour obtenir de meilleurs résultats sur la délivrance de laissez-passer consulaires, notamment au Maghreb. Il faut poursuivre ces efforts pour parvenir à exécuter les obligations de quitter le territoire et, dans le même temps, concentrer nos efforts au profit de ceux que nous accueillons.
Le droit d’asile est l’une des traductions de l’engagement de la France en faveur de la liberté. Réduire fortement le délai de traitement des demandes est à ce titre un objectif capital. Et nous avons tous à y gagner. Il faudra cependant se donner les moyens de l’atteindre. Les effectifs de l’Ofpra ne stagnent pas, mais se réduisent légèrement. Dans ces conditions, comment réussir à passer d’un délai d’examen de 112 jours, prévu pour 2021, à un délai de 60 jours en 2023 ?
À cet égard, l’augmentation des crédits risque de ne pas être suffisante cette année. Nous notons que le plan de relance prévoit des investissements pour améliorer l’hébergement des demandeurs d’asile, mais le recours au plan n’est pas une solution soutenable. Nous devrons investir davantage dans la politique de l’immigration et de l’intégration si nous voulons parvenir à maîtriser pleinement la situation.
Je veux rappeler aussi que la prise en charge des mineurs isolés coûte environ 2 milliards d’euros aux départements chaque année. Dans la mesure où seul l’État dispose du contrôle des frontières de notre pays, il nous semble que les dépenses engagées par les départements pour cette prise en charge devraient au minimum être compensées par l’État. Rien ne justifie que les départements en supportent le coût.
Pour réussir le défi de l’intégration, notre pays doit assumer pleinement d’exercer un contrôle strict sur sa politique migratoire et se donner les moyens d’y parvenir.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la covid-19 a engendré de graves dysfonctionnements au sein de l’administration française, démontrant au passage la défaillance criante des pouvoirs publics à l’égard des personnes migrantes, notamment dans les centres de rétention administrative (CRA), devenus de véritables clusters. Dans celui de Plaisir, dans les Yvelines, que j’ai visité lundi dernier, ne se trouvent rassemblées que des personnes malades : on surnomme d’ailleurs ce centre le « CRA-covid », ce qui interpelle tout de même !
Face à ce constat, le ministre de l’intérieur propose une hausse de 2 % des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ce budget n’évite pas certains écueils des années précédentes. Il en est notamment ainsi du traitement de la lutte contre l’immigration irrégulière, dont le budget augmente de 16 % en crédits de paiement, soit une hausse de 68,1 % depuis 2017.
Il est grand temps qu’un virage humaniste soit de mise sur cette thématique. En ce sens, nous approuvons la création de 6 000 places cette année dans les centres d’hébergement d’urgence pour migrants, ainsi que la légère hausse du budget pour les dispositifs d’intégration et d’accueil sur le sol français. Ces signes sont encourageants, quoique timorés. Heureusement que les associations sont là pour nourrir les migrants qui dorment encore dans la rue.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’appréhender la question de l’immigration et de l’accueil sous le seul prisme de la comptabilité budgétaire. Ce qui manque au Gouvernement, c’est une vision globale et surtout de long terme.
Globale, tout d’abord, car cela fait des années que nous sommes incapables de réformer, avec les autres pays européens, le règlement de Dublin qui met les personnes migrantes dans des situations de précarité et de détresse indignes des valeurs défendues par l’Union européenne.
Sur le long terme, ensuite, parce que les moyens accordés à l’Ofpra ne sont pas suffisamment ambitieux pour affronter les flux migratoires qu’engendreront les dérèglements climatiques des décennies à venir. Selon certains experts, d’ici à 2050, près de 1,5 milliard de réfugiés environnementaux pourraient tenter de rejoindre l’Europe.
Madame la ministre, nous saluons les timides efforts que comprend ce PLF pour 2021, notamment en matière d’accès au droit d’asile et à l’intégration, mais aussi en termes de création de places d’hébergement pour les exilés. Cependant, une fois encore, le budget de cette mission fait la part belle à la lutte contre l’immigration irrégulière.
Par ailleurs, les faits de violences policières sur des migrants, perpétrés le 23 novembre dernier, démontrent que l’approche gouvernementale en matière d’immigration reste répressive.
Ainsi, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront contre le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)