Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. J’ai le souvenir que, lors de l’examen du projet de loi de finances de l’année dernière, nous avions eu une discussion à la suite de la tempête qui avait ravagé Saint-Martin.
À l’époque, le Gouvernement avait ajouté 45 millions d’euros aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », afin de venir en aide à cette île, de façon tout à fait légitime. Nous avions alors demandé que ce soit l’État, et non les collectivités, qui supportent la charge de cette aide, mais nous n’avions pas obtenu gain de cause.
Aujourd’hui, notre collègue Bazin demande que, pour faire face aux conséquences de la tempête qui a ravagé les Alpes-Maritimes, on fasse jouer la solidarité nationale. Son amendement va dans le bon sens. Nous devrions le voter.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
Article 22 bis (nouveau)
Le V de l’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :
1° Au A, le mot : « précédente » est supprimé ;
2° Le 1 du B est ainsi modifié :
a) Le 2° est ainsi modifié :
– à la fin, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour l’exercice 2021, ce montant correspond aux recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée au titre de 2021 évaluées dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2021. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « calculé à partir de » sont remplacés par les mots : « appliqué à », le mot : « révisée » est remplacé par le mot : « proposée » et le mot : « précédente » est supprimé ;
– à la seconde phrase, le mot : « encaissé » est remplacé par les mots : « au titre de », le mot : « précédente » est supprimé et, à la fin, le mot : « connu » est remplacé par le mot : « révisé » ;
c) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Au titre de l’exercice 2021, une régularisation est effectuée dès que le produit net de la valeur ajoutée encaissé au cours de cette même année est connu afin que le montant de taxe effectivement perçu par chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et par la métropole de Lyon soit égal à la somme :
« – de la taxe d’habitation sur les locaux meublés affectés à l’habitation principale résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ;
« – de la moyenne annuelle du produit des rôles supplémentaires de taxe d’habitation sur les locaux meublés affectés à l’habitation principale émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de la métropole de Lyon ;
« – des compensations d’exonérations de taxe d’habitation versées à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à la métropole de Lyon en 2020.
« La somme revenant à chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et à la métropole de Lyon fait l’objet d’une notification par arrêté préfectoral. » ;
3° Le 1 du C est ainsi modifié :
a) Le 2° est ainsi modifié :
– à la fin, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour l’exercice 2021, ce montant correspond aux recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée au titre de 2021 évaluées dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2021. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « calculé à partir de » sont remplacés par les mots : « appliqué à », le mot : « révisée » est remplacé par le mot : « proposée » et le mot : « précédente » est supprimé ;
– à la seconde phrase, le mot : « encaissé » est remplacé par les mots : « au titre de », le mot : « précédente » est supprimé et, à la fin, le mot : « connu » est remplacé par le mot : « révisé » ;
c) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Au titre de l’exercice 2021, une régularisation est effectuée dès que le produit net de la valeur ajoutée encaissé au cours de cette même année est connu afin que le montant de taxe effectivement perçu par chaque département, par la métropole de Lyon, par la collectivité de Corse, par le Département de Mayotte, par la collectivité territoriale de Guyane et par la collectivité territoriale de Martinique soit égal à la somme :
« – de la taxe foncière sur les propriétés bâties résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux départemental appliqué sur le territoire départemental en 2019. Les impositions émises au profit de la métropole de Lyon sont calculées en fonction des bases nettes de 2020 de taxe foncière sur les propriétés bâties de la métropole de Lyon, multipliées par le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties adopté en 2014 par le département du Rhône ;
« – de la moyenne annuelle du produit des rôles supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2018, 2019 et 2020 au profit du département ou de la collectivité territoriale à statut particulier. Les impositions supplémentaires émises au profit de la métropole de Lyon sont calculées en fonction des bases nettes de 2020 de taxe foncière sur les propriétés bâties de la métropole de Lyon, multipliées par le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties adopté en 2014 par le département du Rhône ;
« – des compensations d’exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties versées au département ou à la collectivité territoriale à statut particulier en 2020. Pour la métropole de Lyon, les compensations d’exonérations sont diminuées de celles qui lui auraient été versées au titre de l’année 2020 si les dispositions du VI du présent article avaient été retenues pour calculer leur montant.
« La somme revenant à chaque département et à chaque collectivité territoriale fait l’objet d’une notification par arrêté préfectoral. » ;
4° Le 1 du D est ainsi modifié :
a) Le 2° est ainsi modifié :
– à la fin, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour l’exercice 2021, ce montant correspond aux recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée au titre de 2021 évaluées dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2021. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « calculé à partir de » sont remplacés par les mots : « appliqué à », le mot : « révisée » est remplacé par le mot : « proposée » et le mot : « précédente » est supprimé ;
– à la seconde phrase, le mot : « encaissé » est remplacé par les mots : « au titre de », le mot : « précédente » est supprimé et, à la fin, le mot : « connu » est remplacé par le mot : « révisé » ;
c) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Au titre de l’exercice 2021, une régularisation est effectuée dès que le produit net de la valeur ajoutée encaissé au cours de cette même année est connu afin que le montant de taxe effectivement perçu par la Ville de Paris soit égal à la somme :
« – de la taxe d’habitation sur les locaux meublés affectés à l’habitation principale résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux appliqué sur le territoire de la Ville de Paris en 2017 ;
« – de la moyenne annuelle du produit des rôles supplémentaires de taxe d’habitation sur les locaux meublés affectés à l’habitation principale émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de la Ville de Paris ;
« – des compensations d’exonérations de taxe d’habitation versées à la Ville de Paris en 2020.
« La somme revenant à la Ville de Paris fait l’objet d’une notification par arrêté préfectoral. » ;
5° Au 1 du E, le mot : « précédente » est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le prolongement de l’échange que nous venons d’avoir, et afin que chacun prenne la mesure des enjeux financiers, j’indique que, dans la Nièvre, les DMTO représentent, hors péréquation, un montant de 15 millions d’euros pour 200 000 habitants, à comparer aux 65 millions ou 100 millions d’euros, pour un million d’habitants, que les Alpes-Maritimes versent au Fonds national de péréquation des DMTO.
Cela ne m’a pas empêché de voter, par solidarité, l’amendement qui nous a été proposé, mais la question de la péréquation est un véritable sujet, qui reste devant nous.
J’en viens à l’article 22 bis, qui, si j’ai bien compris, est appelé à être supprimé. Cet article prévoit une réforme des modalités de calcul des fractions de TVA revenant aux collectivités locales, en compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales.
Cet article, qui a été introduit par le Gouvernement par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, un peu en catimini, et qui pourrait entraîner des pertes de recettes à hauteur d’un milliard d’euros pour les collectivités, aurait mérité un temps d’échange sérieux et une concertation avec l’ensemble des associations d’élus locaux concernés.
Aujourd’hui, malgré l’adoption de l’amendement n° I-70 rectifié de M. le rapporteur général et d’un certain nombre d’autres amendements visant à garantir des compensations – je pense en particulier à l’amendement ayant pour objet les produits forestiers –, le compte n’y est toujours pas.
Ainsi, se pose toujours le problème de la compensation des pertes de recettes d’exploitation de certaines collectivités, en particulier des communes de 5 000 habitants qui sont des pôles de centralité dans des territoires ruraux. Ces collectivités disposent d’équipements culturels et sportifs, comme des piscines, dont elles vont devoir assumer les charges, tout en étant amputées d’un certain nombre de recettes.
Je tenais à m’élever contre cet article et à dire que nous souhaitions sa suppression, même si la question ne se pose vraisemblablement plus.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, sur l’article.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions déposé un amendement visant à mettre en place un mécanisme de garantie du produit de la TVA au bénéfice des départements. Peut-être n’étions-nous pas les seuls ?
Ce mécanisme se serait déclenché dès lors que le montant de la TVA affecté en année n aurait été inférieur à celui qui a été versé l’année précédente.
Ce dispositif, qui n’aurait pas modifié les recettes de l’État avant 2022, a été jugé irrecevable, ce que je comprends tout à fait. Sa portée pratique aurait en outre été limitée en cas de suppression de l’article 22 bis. Cela étant, je souhaite en dire un mot et solliciter le Gouvernement sur un point.
En dépit des mises en garde réitérées des départements sur l’hypothèse de la survenance d’une crise au moins comparable à celle de 2008 ou de l’ampleur de celle que nous vivons actuellement, le Gouvernement n’a pas souhaité, dans le cadre de la compensation attribuée aux départements pour la perte de leur foncier bâti prévue en loi de finances pour 2020, garantir l’affectation d’un produit de TVA au moins équivalent à celui qui avait été perçu l’année précédente.
Il a en revanche fait adopter discrètement un amendement à l’Assemblée nationale pour éviter ce qui a été appelé, maladroitement je pense, un « effet d’aubaine » pour les départements. Alors que ces derniers sont très lourdement mis à contribution dans cette crise, qui est aussi sociale, peut-on parler d’effet d’aubaine ?
Nous devons être vigilants pour l’avenir, au cas où une nouvelle crise surviendrait. Nous souhaiterions savoir comment le Gouvernement entend anticiper une éventuelle perte de recettes pour les départements.
Nous estimons que la mise en place d’une garantie pour préserver les finances des départements est nécessaire, comme le demande l’Assemblée des départements de France. Il serait intéressant d’entendre le Gouvernement sur ce point.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques.
L’amendement n° I-71 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° I-268 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Montaugé, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-303 rectifié est présenté par Mmes Morin-Desailly et Canayer, MM. P. Martin, Chauvet, Louault, Mizzon, Bacci et Cazabonne, Mme Joseph, MM. J.M. Arnaud, Cigolotti, Bonneau, Grosperrin, Daubresse, Kern, Courtial, Sautarel, Vogel et Anglars, Mmes Perrot, Doineau, Dumont, Richer, Billon, Garriaud-Maylam et L. Darcos, MM. Saury, Henno, Le Nay, Laugier et Brisson, Mmes Guidez et F. Gerbaud, MM. Longeot et Chatillon, Mme Raimond-Pavero, M. Houpert, Mme Bonfanti-Dossat, M. Pellevat, Mme Berthet, MM. S. Demilly et Meurant, Mmes Saint-Pé et Dindar, M. Rapin, Mmes Létard et Drexler, M. Savin, Mmes de La Provôté et C. Fournier, M. L. Hervé et Mme de Cidrac.
L’amendement n° I-502 rectifié bis est présenté par MM. Bouloux et Hugonet, Mme Deroche, MM. Mouiller, Babary, J.-M. Boyer et Courtial, Mme Imbert, MM. Klinger et de Legge, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Rojouan, Mme Gruny, MM. Paccaud, Chatillon et Reichardt, Mmes Puissat et Dumas, MM. B. Fournier, Bouchet, Bonne, Gremillet, Longuet, Bonhomme et Calvet et Mme Deromedi.
L’amendement n° I-642 rectifié ter est présenté par MM. Bazin et Savary, Mmes Eustache-Brinio et Chauvin, MM. Milon et D. Laurent, Mme V. Boyer, MM. Sido, Somon et Genet, Mme Noël, M. Laménie, Mme Micouleau et MM. Bascher, Darnaud, Burgoa, Piednoir, Charon, Mandelli et Cuypers.
L’amendement n° I-664 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° I-966 rectifié est présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier et Fialaire, Mme Pantel et M. Roux.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-71.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’article 22 bis a été introduit à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, sans aucune concertation préalable. Il prévoit de modifier les règles de calcul et d’évolution des fractions de TVA attribuées aux collectivités locales, en compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales.
Les départements sont aujourd’hui confrontés à une hausse importante de leurs dépenses sociales au titre du revenu de solidarité active, le RSA, alors que leurs recettes continueront de se réduire en 2021.
C’est donc un nouvel effet de ciseaux qui les frappe, tout comme les établissements publics de coopération intercommunale et les communes, auxquels, d’ailleurs, on demande de participer à la relance par la commande publique, au moment même où leurs recettes – je pense à la CVAE, mais on pourrait aussi parler du versement mobilité – se dégradent ou sont incomplètement compensées.
Lorsque le débat sur la réforme de la taxe d’habitation sur les résidences principales a eu lieu ici, au Sénat, nous avons alerté le Gouvernement sur la nécessité de tenir compte du caractère cyclique des recettes de TVA.
Personne n’est devin, monsieur le ministre, mais je me souviens tout de même que, à plusieurs reprises, Albéric de Montgolfier avait attiré l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il n’y avait jamais de certitudes en la matière.
Cet article, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, conduirait donc à réduire les recettes des collectivités locales, de 1,3 milliard d’euros en 2022, ce qui, dans le contexte difficile que nous connaissons, vous en conviendrez, paraît difficile à admettre, voire inacceptable, les collectivités continuant de respecter des trajectoires de dépenses raisonnables, sans accroître leur déficit.
Enfin, l’adoption de cet article impliquerait finalement de contemporanéiser les versements de TVA aux collectivités locales, ce qui pourrait constituer un facteur important de fragilité, alors même que les garanties prévues sont particulièrement faibles.
En conséquence, nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° I-268.
M. Rémi Féraud. Cet amendement de suppression de l’article vient d’être très bien défendu par M. le rapporteur général.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l’amendement n° I-303 rectifié.
Mme Catherine Morin-Desailly. Comme l’a excellemment expliqué notre rapporteur général, l’article du Gouvernement découle des compensations de la suppression de la taxe d’habitation.
Vous savez que nous sommes nombreux, sur ces travées, à avoir été hostiles à la suppression de cette taxe en décembre 2019, donc à être particulièrement vigilants sur les compensations promises par le Gouvernement. Je rappelle que l’État et les départements de France avaient signé un contrat sur ce sujet.
Tout à coup, le Gouvernement, devant la dynamique de la partie compensatoire, n’est plus d’accord ! Pour nombre d’entre nous, qui défendons l’autonomie financière et fiscale des collectivités, nous comprenons que le Gouvernement n’est plus favorable aux règles destinées à calculer une fiscalité lorsqu’elles tournent à l’avantage des collectivités territoriales…
Pour moi, cela pose une question de fond. De fait, c’est une vision de l’autonomie financière pour le moins surprenante, surtout quand on connaît l’évolution des dépenses, notamment du RSA, compte tenu de la crise sans précédent que nous traversons.
Je veux rappeler que le rapport de la Cour des comptes sur la situation financière des collectivités territoriales a établi la fragilité des départements exposés à un retournement de conjoncture économique.
Enfin, je ne vois pas l’urgence de cette mesure, considérant que le dispositif porte sur l’année 2022, non sur l’année 2021.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, pour présenter l’amendement n° I-502 rectifié bis.
M. Yves Bouloux. Le Gouvernement profite de la baisse de la TVA au titre de 2020, en raison de la crise sanitaire, pour caler le mécanisme d’évolution de la compensation sur la TVA au titre de 2021, aux dépens des collectivités.
En outre, l’article propose une « contemporanéisation » de la compensation, avec l’application au ratio d’évolution de celle-ci à la TVA de l’année n, et non de l’année n-1, comme il était initialement prévu.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 22.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° I-642 rectifié ter.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le ministre, si l’on considère les choses très factuellement, en faisant complètement abstraction de la situation des départements, il y a bien un effet d’aubaine, la TVA de 2020 étant contractée. Il est tout à fait exact que, pour assurer la compensation au montant prévu, il faut envisager un pourcentage plus important qu’en année ordinaire, ce qui apporterait des recettes récurrentes aux départements.
Toutefois, comment peut-on parler d’effet d’aubaine quand, dans le même temps, 4,6 milliards d’euros de reste à charge ne sont pas compensés aux départements au titre du RSA, quand la dépense des départements pour cette allocation augmentera de 1 milliard d’euros l’année prochaine, quand les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, sont très incertains et connaîtront un recul, dès cette année – de 10 % –, mais aussi probablement l’année prochaine ?
La litanie des difficultés réelles des départements pourrait continuer longtemps, et il faut bien dire qu’aucun gouvernement n’a remédié à cette situation au cours des dix dernières années.
Les négociations de l’Assemblée des départements de France avec deux gouvernements successifs n’ont débouché sur aucune amélioration de la situation des départements. Aux préoccupations liées à la situation du RSA, à l’augmentation de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, que tout le monde connaît, il faut ajouter les dépenses suscitées par l’accompagnement des mineurs non accompagnés, qui ont été multipliées par dix entre 2011 et aujourd’hui.
Il est donc vrai qu’il y a, factuellement, un effet d’aubaine, mais la compensation n’est que partielle, compte tenu de la situation des départements.
D’ailleurs, si vous aviez négocié une telle compensation avec les départements pour solde de tout compte pour les restes à charge des allocations individuelles de solidarité, les AIS, vous y auriez encore largement gagné, monsieur le ministre.
M. François Bonhomme. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-664.
M. Pascal Savoldelli. C’est simple : en gros, la hausse de TVA pour 2021 devrait être de 10 %. Si l’on applique le mécanisme existant, Bercy devrait décaisser, en 2022, 1,5 milliard d’euros pour les départements et les EPCI.
Nous attendons des réponses concrètes, monsieur le ministre, puisque cet effet de bord positif pour les départements pourrait leur apporter 1 milliard d’euros, soit à peu près l’augmentation du RSA due à la crise… Vous voyez que c’est simple !
S’il le faut, nous retirerons notre amendement au profit de l’amendement n° I-71 de la commission, car il faut être constructif dans le débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° I-966 rectifié.
M. Bernard Fialaire. Nous demandons nous aussi la suppression de l’article. En effet, la modification du mécanisme de calcul entraîne une réduction annuelle de la dynamique de compensation de l’État, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, dont 500 millions d’euros pour les EPCI à fiscalité propre.
En outre, cette mesure pose des difficultés de prévisibilité budgétaire pour les collectivités concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je sens que je vais connaître un succès assez relatif vu le nombre de signataires de ces amendements de suppression… (Sourires.) Ils seront très certainement adoptés, mais je souhaite auparavant rappeler la position du Gouvernement.
L’année dernière, nous avons proposé, en guise de compensation de la suppression de la taxe d’habitation, que la TFPB des départements soit reversée aux communes, que les départements soient compensés par une fraction de TVA égale au montant de TFPB perçu en 2020, c’est-à-dire 15 milliards d’euros, et que les intercommunalités soient compensées par une fraction de TVA égale à la taxe d’habitation totale perçue en 2020.
Ainsi, on peut voir, dans la loi de finances pour 2021, une compensation de 15 milliards d’euros pour les départements. Ce montant ne correspond pas à un pourcentage de TVA : il est retranché de la recette totale de TVA. Il représenterait 50 % de la recette totale de TVA si celle-ci s’élevait à 30 milliards d’euros, mais seulement 5 % si elle s’établissait à 300 milliards d’euros.
Nous avons proposé, l’année dernière, que 250 millions d’euros soient ajoutés à ces 15 milliards d’euros, afin de garantir une dynamique à la compensation entre 2020 et 2021, sachant que, chaque année, le Parlement vote, en PLFR, un fonds de stabilisation, doté de 115 millions d’euros. Cette semaine, lors de l’examen du PLFR, nous avons exceptionnellement porté ce fonds à 200 millions d’euros, du fait de la crise.
Autrement dit, en vertu du présent projet de loi de finances, les départements percevront 15,25 milliards d’euros en 2021, en lieu et place des 15 milliards d’euros de TFPB qu’ils auront perçus en 2020. En 2022, d’après la loi de finances pour 2020, les départements devraient toucher 15,25 milliards d’euros, actualisés à hauteur de l’évolution de la TVA entre 2020 et 2021.
Il est vrai que nous n’avions pas prévu la crise ni la baisse de 10 % ou 12 % de la TVA en 2020. Mais il s’ensuivra un rebond de croissance mécanique, qui entraînera une augmentation de la TVA, entre 2020 et 2021, autour de 12 % à 13 %.
Quand nous parlons d’effet d’aubaine, nous ne voulons pas dire que les départements auraient profité de la situation. Je veux expliquer pourquoi nous utilisons cette expression.
L’actualisation normale de la fraction de TVA versée aux départements se fondait sur l’hypothèse de long terme – sur quinze ans – d’une dynamique de TVA égale à 2,80 %, c’est-à-dire supérieure à la dynamique moyenne de TFPB, à savoir 2,5 %. Tout le monde conviendra que, entre 2,80 % et 12 %, pour prendre la fourchette basse de l’augmentation attendue de la TVA, il y a un sacré ressaut, qui s’explique mécaniquement !
J’entends que les départements considèrent que ces 900 millions d’euros de ressaut sont bienvenus. Je puis le comprendre, eu égard notamment à la problématique du RSA. Le traitement que nous devons faire du RSA est différent, et vous avez tous eu l’honnêteté intellectuelle de rappeler, en toute transparence, que le problème de la compensation du RSA n’était pas lié à ce gouvernement et qu’il était bien plus ancien.
Si nous laissons les choses se dérouler comme prévu, la fraction de TVA passera de 15,25 à 15,5 milliards d’euros, actualisés de 12 %, en 2022, et à environ 16,5 ou 16,6 milliards d’euros, actualisés de l’évolution de la TVA, en 2023. Et cette évolution serait d’une certaine manière intégrée dans la base ad vitam aeternam.
J’entends que chacun est attaché aux recettes des collectivités locales, mais mon rôle de ministre des comptes publics est aussi d’être attaché aux finances de l’État. C’est la différence entre le taux d’évolution moyen de la TVA, à 2,80 % – supérieur, donc, à celui de la TFPB – et la dynamique de 12 % qui nous a amenés à parler d’effet d’aubaine. Ce n’est pas un jugement de valeur porté sur les départements. C’est, comme M. Bazin l’a dit, une constatation factuelle.
Cela n’évacue pas la question du RSA, comme j’ai eu l’occasion de le répéter depuis le début de nos débats. Cette procédure de contemporanéisation de la TVA garantira aux départements, en 2022, quelque 15,25 milliards d’euros, actualisés de l’évolution de la TVA entre 2021 et 2022. La dynamique de celle-ci devrait être assez importante, car nous serons alors dans un contexte de reprise – du moins l’espérons-nous tous.
Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur général, d’une diminution des recettes : il s’agit d’une moindre augmentation, ce qui est quelque peu différent.
Je répète que j’ai bien conscience, vu le nombre de signataires de ces amendements de suppression, que j’ai assez peu de chances de convaincre le Sénat, mais je tenais à rappeler la position du Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.