M. Victorin Lurel. J’ai déjà évoqué, il y a quelques instants, le régime de l’exit tax. Cet amendement vise à rétablir le système d’imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France.
Ce régime a été réformé, et on a supprimé le dispositif anti-abus en réduisant le délai de détention des plus-values de quinze à deux ans.
Je résumerai l’affaire en disant qu’au-delà de tous les arguments économiques qu’il est possible d’échanger sur ce sujet, l’argument principal est moral et éthique ; si l’on veut du patriotisme fiscal, il faut rétablir ce régime tel qu’il existait avant 2019.
Mme le président. L’amendement n° I-1067 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2 du VII de l’article 167 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « huit » ;
2° À la seconde phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « quinze » et le montant : « 2,57 millions » est remplacé par le montant : « 1,3 million ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements tendent à revenir sur la position qui est celle de notre assemblée depuis deux ans concernant l’évolution de l’exit tax.
Je rappelle simplement que l’exit tax, tel qu’elle existe actuellement, permet de limiter l’évasion fiscale de façon plus pragmatique qu’avant.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. C’est peut-être une cause perdue, mais pour le moment !
Lorsqu’on tente de comprendre les motivations profondes, un argument majeur revient assez souvent, même s’il s’agit parfois d’un non-dit, à savoir la concurrence fiscale. L’Allemagne, par exemple, a un dispositif anti-abus pour dix ans. Hier, Claude Raynal a demandé : où s’arrêtera-t-on, quel est le point d’équilibre ? Tant qu’il n’y aura pas en Europe une harmonisation fiscale, on va continuer à courir après les autres, qu’il s’agisse de l’Irlande, de l’Estonie ou de la Lettonie, qui ont des taxes uniques ou forfaitaires, des flat tax. Ce sera sans fin, au détriment des recettes de l’État et des services publics !
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1067 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-889 rectifié ter, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« – 6 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés, divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune ; »
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« – 8 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés, divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune. »
II. – Le I du présent article s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2021.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous sommes un peu obsédés, comme de nombreux Français, par la question de la justice fiscale, aussi y revenons-nous sans cesse. Nous essayons d’utiliser tous les leviers et de vous proposer tous les outils : sait-on jamais, nous allons peut-être finir par vous convaincre ?
Cet amendement vise à améliorer la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, la CEHR, mise en place durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agissait de faire contribuer les plus fortunés au règlement de la dette accumulée lors de la crise de 2008. Certes, l’effort qui leur était demandé était maigre, mais au moins devaient-ils en faire un. Dans le contexte actuel, la solidarité nationale doit être un effort réellement partagé.
Pour ce faire, il est proposé, tout d’abord, de mettre fin au système de doublement des seuils d’entrée pour les couples, comme c’est le cas actuellement, ce qui écarte de nombreux foyers fiscaux. Ce système n’est pas cohérent, car quand on est en couple, on a moins de frais. Il est ensuite proposé d’augmenter les taux de cette contribution.
Une telle amélioration de la CEHR permettrait de renforcer le pacte républicain. Je ne me fais guère d’illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, mais nous persévérerons dans notre démarche.
Mme le président. L’amendement n° I-195 rectifié bis, présenté par MM. Temal, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Montaugé, Mme Préville, MM. Mérillou et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 3 % » est remplacé par le taux « 3,3 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 4 % » est remplacé par le taux « 4,5 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune ».
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Dans un même souci de meilleure redistribution et d’équité fiscale, cet amendement vise à renforcer la contribution des ménages les plus aisés à la solidarité nationale en rehaussant le taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. À la différence de l’amendement précédent, les deux taux considérés passeraient de 3 % à 3,3 % et de 4 % à 4,5 %.
Mme le président. L’amendement n° I-1013 rectifié ter, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 6 % » ;
2° Au début du troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 8 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous vous proposons d’augmenter un prélèvement en vigueur depuis 2012, créé pour mettre à contribution les plus fortunés. Il nous semble que l’urgence du moment nous invite à exploiter réellement cet outil. Comme vous le constatez, notre état d’esprit est constructif.
Le rehaussement que nous proposons permettrait d’accroître la contribution des 0,1 % les plus riches : seuls 40 168 foyers sont concernés. Le produit de ce surcroît pourrait atteindre 2 milliards d’euros, qui seraient les bienvenus en cette période d’écroulement des recettes de l’État.
Un tel dispositif réintroduirait de la justice fiscale et sociale. Selon un rapport de France Stratégie – à force de les citer, je ne sais pas s’ils vont faire long feu ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) –, entre l’élection d’Emmanuel Macron et l’année suivante, le revenu moyen des 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches a augmenté de 27,5 %. C’est tout de même un beau bilan ! Il n’y a pas un salarié, pas un retraité dans ce pays, qui ait vu son pouvoir d’achat augmenter de 27,5 % !
Les conséquences de la suppression de l’ISF, de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique et de la flat tax sont très simples : les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 62 % en un an, pour atteindre 23,2 milliards d’euros. Cette même année, les 0,1 % les plus riches ont capté les deux tiers de ces 23,2 milliards. En un an, les plus riches ont gagné, grâce au Président de la République nouvellement élu, 15 milliards d’euros, répartis entre 38 000 foyers, avec une imposition désormais dérisoire !
Certes, c’est un débat de justice fiscale, mais à force d’avoir à sa tête des présidents de la République considérés comme des « présidents des riches », notre pays risque de voir s’installer une situation des plus insécuritaires. Je pourrais m’en féliciter, mais ce n’est pas le cas. Il y va de l’image de nos responsables et de la République.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sans surprise, ces trois amendements ont recueilli un avis défavorable de la commission, car ils visent à alourdir la fiscalité de manière générale. Je dirais même que M. Savoldelli n’y va pas de main morte puisqu’il propose carrément de doubler la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Une telle mesure ne me semble pas très raisonnable.
Quant aux amendements nos I-889 rectifié ter et I-195 rectifié bis, qui visent eux aussi à alourdir la fiscalité sur les revenus, ils sont excessifs pour ceux des contribuables qui font une déclaration commune d’impôt sur le revenu, leur seuil d’assujettissement à cette contribution étant abaissé à 250 000 euros.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne sais pas ce qui est excessif dans ce pays !
UBS est une banque suisse : elle s’intéresse beaucoup aux hauts patrimoines et les suit de très près. Elle ne cherche pas à cacher des informations ou à diffuser des fake news pour effrayer le peuple, elle fait simplement part de ses observations. Dans une étude de juillet dernier, elle constate que la fortune des milliardaires français a été multipliée par cinq en dix ans, soit une hausse de 439 % !
La France est classée au deuxième rang mondial pour l’augmentation du patrimoine des plus riches cette année. Qu’est-ce qui est excessif, je vous le demande ? Est-ce cette proposition d’augmentation de la fiscalité pour les 0,1 % les plus riches ou est-ce la situation actuelle ?
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur général, permettez-moi d’évoquer un exemple pour illustrer le caractère raisonnable de mon amendement.
Après impôts, il reste à un couple, que je considère riche – n’hésitez pas à me contredire si je me trompe –, avec deux enfants et 46 690 euros de revenus mensuels – personne ici n’a de tels revenus je crois –, 30 534 euros pour vivre, soit deux années de SMIC. Qu’est-ce qui est raisonnable ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-889 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-195 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1013 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° I-193 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Montaugé, Mme Préville, MM. Mérillou et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué pour l’exercice 2021, une contribution unique de solidarité sur les encours constitués par les personnes physiques au titre d’un contrat d’assurance sur la vie conclu auprès d’organismes relevant du code des assurances ou du code de la mutualité, d’établissements de crédit, de la Banque de France, d’un comptable public compétent ou de sociétés de gestion de portefeuille et ce quelle que soit la nature du support de compte.
Le montant du prélèvement est fixé à 0,5 % de la valeur des encours constatée au 1er novembre 2020.
Le prélèvement n’est applicable qu’aux encours supérieurs à 150 000 euros à la date précitée.
Lorsqu’une même personne physique est titulaire de plusieurs contrats et pour l’application du troisième alinéa, il est tenu compte de la somme des encours de ces contrats.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Alors que l’encours des produits d’assurance vie représentait plus de 1 800 milliards d’euros début 2020, une faible mobilisation de ces réserves permettrait de cofinancer les mesures de soutien à destination des entreprises, dont nous avons beaucoup parlé, et surtout des ménages en difficulté.
Le présent amendement vise à mettre en place un prélèvement exceptionnel et unique de 0,5 % sur ces encours au titre de la solidarité nationale.
Afin de ne pas pénaliser les ménages de la classe moyenne, le prélèvement est limité aux personnes physiques ayant des encours d’assurance vie supérieurs ou égaux à 150 000 euros, par référence aux dispositions déjà existantes en matière d’assurance vie.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis défavorable à cet amendement, que je juge confiscatoire.
J’ai déjà expliqué lors de l’examen du dernier PLFR ce que je pensais de l’assurance vie. J’en ai reparlé tout à l’heure. Il convient de se montrer prudent, car nous observons depuis le printemps un mouvement assez fort de décollecte de l’assurance vie.
S’il s’agit du placement préféré des Français, c’est qu’il leur paraît sécuritaire, ce qui est vrai, et qu’il présente un rendement et des caractéristiques satisfaisantes. Faisons attention à ne pas donner le sentiment que l’on veut s’acharner sur lui !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je ferai entendre un autre argument, car je ne partage pas ce qui a été dit. Au moins, les amendements visant à rétablir l’ISF obéissaient à une logique, car ils tendaient à apprécier globalement le patrimoine, les revenus, avant de taxer.
Là, vous visez un produit, l’assurance vie, et vous proposez de taxer les contrats d’au moins 150 000 euros. Vous proposez donc de taxer de la même manière un couple avec deux enfants, qui aurait ces seules économies et des revenus très moyens, et une personne détentrice d’un contrat d’assurance vie de 150 000 euros et de 3 millions d’euros en bitcoins, pour reprendre l’exemple d’Albéric de Montgolfier. Où est la justice ? Pourquoi taxer le stock sans tenir compte globalement de la situation des contribuables ?
Une telle mesure me semble profondément injuste, madame Taillé-Polian, car vous proposez de taxer de la même manière des situations absolument incomparables !
M. Albéric de Montgolfier. C’est très clair !
Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. J’irai dans le même sens que Philippe Dallier. Je ne sais pas si vous mesurez la portée de cet amendement : en fixant un seuil de 150 000 euros, vous touchez à l’épargne de foyers modestes. Ce montant est vite atteint ! (Mme Sophie Taillé-Polian s’esclaffe.)
Je connais relativement bien ce sujet. Si aujourd’hui l’on prête à la France et si notre pays emprunte assez facilement pour financer sa dette, c’est simplement grâce à la réserve constituée par l’épargne d’assurance vie. Franchement, il faudrait revoir votre copie, qui risque de décevoir les ménages !
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Monsieur Segouin, vous me cueillez à froid ! J’allais justement dire que notre amendement…
M. Philippe Dallier. … qui est particulièrement injuste !
M. Rémi Féraud. … ne visait « que » les encours de plus de 150 000 euros, mais s’il vise les Français modestes, je n’ai plus qu’à me taire !
Soyons sérieux, tout cela n’est pas très réaliste. Ne voyez pas dans mon propos un jugement de valeur, je me fonde sur les statistiques sur les revenus et le patrimoine dans notre pays !
Je comprends tout à fait que vous puissiez être opposé à ce prélèvement exceptionnel sur des encours d’assurance vie, que nous considérons comme relativement élevés, pour financer la crise. Il est vrai que beaucoup de Français ont souscrit une assurance vie, car il s’agit d’un produit d’épargne très largement utilisé.
En revanche, je ne comprends pas que, lors de l’examen du PLFR 4, on ait renvoyé tous nos amendements au PLF pour 2021, tout cela pour qu’ils soient tous rejetés aujourd’hui, qu’ils visent à prévoir des contributions des grandes entreprises ou des plus gros patrimoines. C’est là un fait politiquement notable !
Nous ne vous demandons pas de retenir tous les amendements que nous proposons visant à équilibrer le budget et à accroître la participation des Français qui le peuvent à l’effort exceptionnel que requiert la crise, mais de là à ce que tous soient rejetés…
Mme le président. L’amendement n° I-408 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Bouad, Mmes Préville et Conway-Mouret et MM. Cozic et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 221-1 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter du 1er janvier 2021 et par dérogation au premier alinéa, seuls la Caisse nationale d’épargne, caisses d’épargne et de prévoyance et l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 518-25-1 sont habilités à proposer les livrets correspondants à l’appellation livret A.
« Les autres établissements bancaires distribuent sous leur propre marque un produit d’épargne défiscalisé dont les caractéristiques sont identiques à celles du livret A défini à la présente section. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Avec cet amendement d’appel, on s’attaque à un monument, l’épargne populaire.
Avec votre accord, madame la présidente, je présenterai également l’amendement n° I-406 rectifié bis, qui est un amendement de repli.
Mme le président. L’amendement n° I-406 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, M. Antiste, Mme G. Jourda, MM. P. Joly et Bouad, Mmes Préville et Conway-Mouret et MM. Cozic et Temal, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 9° bis de l’article 157 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2021, pour les plans d’épargne-logement, cette exonération est limitée à la fraction des intérêts et à la prime d’épargne acquises au cours des quatre premières années du plan. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, cher collègue.
M. Victorin Lurel. Ces amendements visent à revenir sur la réforme introduite par la loi de modernisation de l’économie de 2008, qui a autorisé tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et engagé à cet effet par convention avec l’État à proposer le livret A.
Au-delà de l’argument communautaire, selon lequel une libéralisation du marché de la distribution du livret A, jusque-là détenu par les caisses d’épargne et La Poste, aurait été imposée à la France, la banalisation de la distribution de ce produit d’épargne s’est révélée n’être qu’une quasi-privatisation de l’épargne populaire.
Douze ans après la mise en œuvre de cette réforme, il apparaît que la fin du monopole de distribution du livret A par les caisses d’épargne et La Poste s’est en réalité muée en privatisation de l’épargne populaire ayant corrélativement entraîné une baisse progressive des fonds apportés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour financer le logement social.
Récemment, le gouverneur de la Banque de France a remis un rapport dans lequel il propose de déréguler davantage. Je rappelle que, dans l’ancien système, l’ouverture d’un plan d’épargne logement (PEL) ou d’un compte épargne logement (CEL) ouvrait droit à une exonération sur les intérêts pendant douze ans.
M. Albéric de Montgolfier. Les taux d’intérêt de l’époque étaient différents !
M. Victorin Lurel. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Avec ces amendements, nous souhaitons vous mettre en garde, monsieur le ministre : n’allons pas plus loin, à un moment où nos concitoyens boudent l’épargne populaire. Certes, le taux de rémunération du livret A n’est que de 0,75 %, mais c’est déjà ça, compte tenu de l’inflation. Aujourd’hui, près de 40 % de la collecte est réalisée par les établissements bancaires, qui font tout pour vendre d’autres types de placements plus rémunérateurs que le livret A.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’avoue ne pas comprendre, monsieur le sénateur Lurel, ce qui motive votre choix de ne réserver les livrets A qu’aux seules caisses d’épargne et à la Banque postale. En général, on essaie de faire jouer la concurrence pour tous les segments de clientèle, qu’il s’agisse des produits d’épargne dits « populaires » ou d’autres.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements, car en autorisant les autres banques à distribuer leur propre livret A, on a contribué à la multiplication des supports d’épargne.
Enfin, ce dispositif n’envoie pas un bon signal : plutôt que d’encourager les Français à épargner de façon excessive, mieux vaut les inciter à consommer et à investir.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Ces amendements sont contraires au droit communautaire, à l’inverse de ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs.
Par ailleurs, je n’ai pas compris le lien établi entre la réforme de 2008 et la levée des fonds pour le logement social : le livret A concourt à la levée de fonds, quel que soit l’établissement qui le distribue. J’avoue que je suis quelque peu dubitatif, pour tout dire. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Comme je l’ai souligné, il s’agit d’amendements d’appel. Personnellement, je n’aimerais pas voir se poursuivre cette politique de dérégulation et de déréglementation, à laquelle poussent certains lobbies bancaires, soutenus par le gouverneur de la Banque de France.
Cela étant, je retire ces deux amendements.
Mme le président. Les amendements nos I-408 rectifié bis et I-406 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° I-212 rectifié, présenté par MM. J. Bigot, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mmes Artigalas, Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Montaugé, Mme Préville, M. Mérillou, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 221-27 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La première phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « soit, sous forme de don ou de prêt, à des personnes physiques ou morales contribuant à l’accès des jeunes agriculteurs au foncier agricole, à la transition agro-écologique et au déploiement d’une politique préventive de santé publique centrée sur l’alimentation » ;
2° Après le même quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond du livret ne peut être inférieur à celui du Livret A. » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « climatique », sont insérés les mots : « , à l’accès des jeunes agriculteurs au foncier agricole, à la transition agro-écologique et au déploiement d’une politique préventive de santé publique centrée sur l’alimentation ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Jacquin.