M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne constitue un exercice parlementaire que nous n’apprécions guère : trop de sujets essentiels sont réunis dans un même texte, alors qu’ils mériteraient un examen approfondi.
Le projet dont nous débattons pour la seconde fois aujourd’hui n’échappe malheureusement pas à la règle.
Il touche à de nombreux domaines : droit de la consommation, réglementation financière et douanière, santé animale, transparence dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, droit de la concurrence, lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, etc.
Sur le fond, certaines de ses dispositions vont dans le bon sens. Les mesures en faveur de la protection des droits des consommateurs, ainsi que les mesures de lutte contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire sont les bienvenues. Celles qui sont destinées à lutter contre les fausses déclarations d’origine douanière des marchandises ou à mieux contrôler les flux d’argent liquide ne peuvent que recueillir notre assentiment.
S’agissant du droit de la consommation, la nouvelle donne européenne se veut une avancée concrète dans la protection des consommateurs, avec une meilleure prise en compte de leurs droits, notamment dans le cyberespace. J’indique, à cet égard, que le Sénat a récemment débattu et adopté une proposition de loi sur le sujet.
Vu les délais de transposition – les États membres ont, je le rappelle, jusqu’au 1er juillet 2021 pour transposer ces directives, qui seront applicables à compter du 1er janvier 2022 –, il eût été pour nous opportun de soumettre un projet de loi dédié de transposition sur le sujet, d’autant que cette nouvelle donne européenne est composée d’un volet traitant des recours collectifs, volet en voie de finalisation.
Sur les aspects financiers du projet de loi, les dispositions permettant de sécuriser l’espace européen en matière de fraudes à la douane, de non-respect des lois anti-dumping et de contrôle des flux d’argent, par le renforcement des obligations et sanctions, semblent positives.
Pour autant, nous ne cautionnons pas que l’on développe, en parallèle, une Union européenne des capitaux. Il n’est pas acceptable de participer à la construction d’une forteresse européenne solidifiée autour des intérêts des marchés financiers et de la spéculation par la libre circulation interne des capitaux.
Alors que l’on donne un pouvoir croissant aux acteurs financiers, on a le sentiment d’une « invisibilisation » des États membres dans une union qu’ils subissent trop souvent. Les États doivent pouvoir agir et ne pas avoir les mains liées au nom de principes tels que la concurrence ou la libre circulation des capitaux. Les crises nous montrent l’importance d’une régulation.
C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à la transposition, dans ces conditions, des dispositions européennes relatives à la transparence des aides d’État à caractère fiscal.
Il ne s’agit pas, comme on pourrait naïvement le croire, de faire en sorte que les citoyens et acteurs économiques soient informés de manière transparente de l’emploi de l’argent public et des allégements de charges accordées aux entreprises ; il s’agit, en réalité, de mieux identifier et contrôler les potentielles atteintes à la libre concurrence et d’éviter que l’État ne soutienne, par des mesures ciblées, un secteur industriel en péril, au moment même où nous avons plus que jamais besoin d’un État stratège et interventionniste.
Enfin, nous ne comprenons pas, comme d’autres l’ont dit avant moi, la suppression de l’article 4 bis par l’Assemblée nationale et la volonté du Gouvernement de confirmer cette suppression.
Adopté à l’unanimité par le Sénat, l’article 4 bis propose un nouvel encadrement des géants du numérique, au travers de trois grandes dispositions : la neutralité des terminaux, l’interopérabilité des plateformes et le renforcement du contrôle des concentrations afin d’appréhender les acquisitions dites prédatrices.
Après avoir repoussé tout moratoire sur les implantations d’Amazon, monsieur le secrétaire d’État, vous refusez à présent de porter le fer contre les géants du numérique, servant ainsi des intérêts qui ne sont pas, de notre point de vue, conformes à l’intérêt général.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste, particulièrement attaché à l’Europe, apprécie de trouver dans ce texte un certain nombre de règles allant dans le sens de la construction de l’Union européenne et du marché unique européen.
Ce que nous regrettons, monsieur le secrétaire d’État, c’est le recours beaucoup trop important aux ordonnances. Nous vous le disons clairement, nous préférons, de manière générale, que les règles soient élaborées par le Parlement et inscrites dans le dur de la loi.
Ce texte est néanmoins très attendu, comme André Gattolin a pu le souligner, pour tout ce qui concerne les droits d’auteur et droits voisins ou les services de médias audiovisuels. Oui, il est urgent que ces dispositions puissent être traduites dans notre droit.
Le groupe Union Centriste tient aussi à saluer les apports du Sénat tout au long de l’examen de ce projet de loi.
Je pense notamment aux questions vétérinaires, chères à notre rapporteur, même si je sais que, sur le sujet, nous devons ces apports à la commission des affaires économiques. Il est important de travailler sur le maillage et la présence en zone rurale.
C’est tout autant le cas en matière de gestion du Feader, gestion que notre groupe, monsieur le secrétaire d’État, souhaite la plus déconcentrée possible. Pourquoi ne pas envisager, d’ailleurs, de mettre en place une gestion déconcentrée pour les régions qui souhaiteraient gérer directement ces fonds et de laisser cette responsabilité à l’État pour celles qui ne le souhaiteraient pas ? Même si l’attribution des aides européennes pour la période 2014-2020 a été laborieuse dans sa mise en place, nous pensons qu’une attribution au plus près du terrain apporterait une plus grande efficience au dispositif.
Ce projet de loi traite aussi de la question du service universel en matière de télécommunications – un sujet qui vous est cher, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous affichons des ambitions dans le domaine du numérique, notamment s’agissant du déploiement des réseaux dans notre pays.
Le plan France très haut débit, que vous pilotez, vise l’objectif suivant : à la fin de 2020, tous nos concitoyens doivent bénéficier d’une desserte d’au moins 8 mégabits par seconde. Je crois qu’un effort s’impose, monsieur le secrétaire d’État, sans quoi nous n’y parviendrons pas partout. Chez moi, nous sommes en moyenne à 1,26 mégabit par seconde ; c’est dire l’effort à fournir pour que cet objectif ambitieux qui a été fixé – je le rappelle : 8 mégabits par seconde pour tous, à la fin de 2020 – soit atteint.
Je profite donc de l’examen de ce texte, qui aborde cette question du service universel, pour rappeler le sens du principe d’universalité : chacun doit avoir accès au numérique, d’autant que ce dernier prend une place chaque jour plus grande au sein de notre société.
Comme l’ont dit les orateurs précédents et comme le dira Laurent Duplomb, que je sais particulièrement attaché au sujet, la régulation économique des plateformes numériques est tout à fait essentielle.
Le Sénat, sous l’égide de Sophie Primas, a beaucoup travaillé, et de façon extrêmement efficace, sur la question. Je rejoins Jean Bizet : il faut maintenant avancer – nous l’avons fait sur un certain nombre d’autres sujets, comme la taxe sur les services numériques, dite « GAFA », sur laquelle nous avons été précurseurs.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Michel Canevet. Oui, malgré le travail collectif engagé, nous n’avons pas attendu que l’on se mette d’accord à l’échelle internationale. Il faut savoir être précurseur à certains moments ! Dans ce domaine, on le voit bien, tout évolue très rapidement. Si nous ne sommes pas capables de mettre en place rapidement des outils de régulation, c’est l’impasse et, comme l’a souligné André Gattolin, nous risquons non seulement de perdre des recettes, mais aussi de perdre en efficience dans cette mise en place.
Dans le domaine du numérique, on le sait, il y a le déploiement des réseaux, que j’ai évoqué précédemment, et le développement des usages.
Ces usages ne peuvent se développer que si l’on y met les moyens, en affichant une ambition numérique extrêmement forte. Cela passe, notamment, par le fait de permettre aux entreprises de poursuivre la mise au point de dispositifs digitaux, en particulier par le recours au crédit d’impôt recherche – nous avons là un outil essentiel, que nous devons manier avec souplesse.
Au sein du groupe Union Centriste, nous pensons que nous avons une place importante à prendre dans ce domaine du numérique. Mais pour cela, il faut que, au plus haut niveau de l’État, il y ait la volonté d’avancer, de réguler et d’imposer des règles du jeu extrêmement claires.
Ce fut le sens du combat mené par le Sénat sur ce texte et, comme l’ensemble de mes collègues, je ne puis que déplorer que le Gouvernement n’ait pas saisi cette chance de proposer une orientation claire, permettant de faire progresser le traitement de cette question à l’échelle internationale. Je tenais à le dire.
Cela étant, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’autres avant moi ont expliqué les raisons pour lesquelles nous sommes réunis ici, aujourd’hui, afin de nous prononcer une nouvelle fois sur ce projet de loi.
La commission mixte paritaire à laquelle j’ai eu l’honneur de participer s’est réunie le 22 octobre dernier et n’est pas parvenue à un accord. L’ensemble des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le regrettent véritablement.
Au-delà de cette déception, on ne peut pas dire que nous soyons extrêmement surpris de la tournure prise par l’examen du texte… Celle-ci témoigne de la difficulté qu’éprouvent le Gouvernement et sa majorité avec le fonctionnement normal d’une démocratie parlementaire.
Sur la forme, nous avons déjà eu l’occasion de le dénoncer à de multiples reprises, l’ensemble de ce texte reflète la tendance du Gouvernement à privilégier le recours aux ordonnances. Nous le déplorons. Cette démarche n’est pas de nature à renforcer les liens indispensables entre les instances européennes et les instances nationales, ainsi que l’articulation de leurs travaux.
Cette réserve étant formulée, face à l’urgence de certaines transpositions, nous avions néanmoins accepté l’essentiel des habilitations sollicitées, en précisant parfois leur portée.
Sur le fond, ce texte sorti du Sénat et enrichi de nos propositions apparaissait comme globalement positif, au-delà même du fait qu’il permettait la transposition de nombreuses dispositions très attendues.
Ces dispositions ayant été déclinées par de précédents orateurs, je n’en mentionnerai que quelques-unes.
Je pense, en particulier, aux moyens accordés aux autorités françaises pour lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, par la mise en œuvre de nouvelles règles relatives aux mouvements d’argent liquide en provenance ou à destination des pays tiers et le renforcement des sanctions en cas de violation de la réglementation douanière.
Je pense également aux dispositions relatives aux techniques des plateformes numériques de vente en ligne, qui créent des blocages géographiques injustifiés au sein du marché intérieur. Il fallait bien évidemment interdire ces pratiques, pour favoriser la fluidité des marchés dans l’intérêt des consommateurs.
Ces dispositions étaient particulièrement souhaitables. Malheureusement, lors de la CMP, nous avons dû faire face à plusieurs points de désaccord, aboutissant, malgré notre bonne volonté, à un échec.
Ainsi, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 24 relatif à la répartition future des compétences entre l’État et les régions en matière de gestion du Feader. Nous n’en voulions pas.
Nous avions supprimé cette habilitation pour deux raisons : d’une part, les intentions du Gouvernement n’étaient pas clairement établies à l’époque, ce qui suscitait l’inquiétude des régions ; d’autre part, pour un tel sujet touchant à l’aménagement du territoire et à la décentralisation, nous jugions préférable de passer par l’examen d’une loi, permettant un vrai et large débat en séance.
Nous n’avons malheureusement pas été écoutés. Mais nous étions prêts à y renoncer, en contrepartie d’une avancée sur les mesures que nous avions introduites dans le projet de loi, à savoir les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, texte cosigné par un grand nombre de sénateurs et voté à l’unanimité en février dernier.
L’article 4 bis, adopté lui aussi à l’unanimité au Sénat, proposait un nouvel encadrement des géants du numérique, au travers de trois grandes dispositions : la neutralité des terminaux, l’interopérabilité des plateformes et le renforcement du contrôle des concentrations, afin d’appréhender les acquisitions dites « prédatrices » des géants du numérique. Un quatrième dispositif avait été ajouté pour protéger les consommateurs contre les interfaces trompeuses.
Ces enjeux sont décisifs, et le Gouvernement avait pourtant indiqué en séance qu’ils étaient au cœur de sa réflexion. Mais il a rejeté l’intégralité des propositions du Sénat, au motif, notamment, qu’elles pourraient créer des distorsions majeures et affecter le dynamisme de l’écosystème des start-up du numérique, qui, pour bon nombre d’entre elles, se développent dans une perspective de rachat par une plateforme plus grande.
On ne peut que regretter cette appréciation, d’autant que l’Assemblée nationale a fini par suivre le Gouvernement dans ce rejet de l’article 4 bis. Nous aurions pu ainsi orienter les travaux de la Commission européenne vers une régulation plus agile, plus efficace, qui ne bride ni n’empêche l’innovation et qui permette de mettre un terme à la dynamique actuelle d’enfermement du consommateur.
Il semble que l’Allemagne s’engage dès à présent dans cette direction à laquelle nous renonçons… Les États-Unis, eux-mêmes, semblent affermir leur régulation des géants du numérique, comme en témoigne l’action engagée par le Département de la justice contre Google pour abus de position dominante. Il est essentiel que la France ouvre la voie en Europe, en attendant qu’une solution européenne soit arrêtée.
Oui, c’est au niveau de l’Union européenne qu’il faut agir ! Celle-ci s’est imposée comme un acteur majeur de la régulation numérique, et la Commission européenne fait preuve de volontarisme sur le dossier. Notre ambition au Sénat est de peser dans les négociations, notamment celles qui auront lieu autour du futur Digital Services Act.
C’était le sens de nos propositions, qui fixaient un cap et une exigence française. C’était aussi le sens des dispositions que nous avions adoptées pour, enfin, donner du pouvoir aux consommateurs et, derrière eux, à toutes les entreprises qui se retrouvent impuissantes face aux géants du numérique, et cela en agissant dès à présent.
Aujourd’hui, nous devons faire face à ce rendez-vous manqué, qui aurait été, sans nul doute, un signe encourageant et un soutien à notre gouvernement dans les négociations. N’ayez peur ni du Parlement ni des corps intermédiaires, monsieur le secrétaire d’État ! Sachez, au contraire, vous appuyer sur eux !
Opposés au texte de l’Assemblée nationale, nous voterons donc le texte tel que la commission des finances l’a amendé, c’est-à-dire reprenant les dispositions de l’article 4 bis. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Sophie Primas et M. Laurent Duplomb applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a failli être conclusive.
Nos collègues députés, y compris, j’y insiste, certains qui appartiennent à la majorité, étaient d’accord pour aboutir à un tel résultat, car ils ne concevaient pas une seconde que nos négociations puissent échouer sur un sujet aussi consensuel que la régulation des géants du numérique.
Pourtant, au dernier moment, le Gouvernement a tranché : ce sera non ! Non, les consommateurs n’ont pas le droit de recouvrer leur libre choix en matière de smartphone. Non, ils ne pourront pas facilement migrer d’une plateforme à une autre grâce à l’interopérabilité. Non, la lutte contre les interfaces trompeuses n’est pas une priorité.
Pourquoi ce non, me direz-vous ? Pourquoi refuser ces nouveaux droits aux Français ? Parce que la Commission européenne a enfin décidé de publier ses propositions sur le sujet en décembre prochain ? C’est la raison avancée par le Gouvernement pour ne pas agir au niveau national.
Je souhaite tout d’abord rappeler qu’il n’y a pas de débat entre nous sur la question de savoir s’il faut agir au niveau européen ; très clairement, c’est l’idéal !
Le débat se situe ailleurs, sur la question de savoir si, dans l’attente d’un texte européen, les parlements nationaux doivent se dessaisir de leur pouvoir et se faire hara-kiri. Pour notre part, nous répondons par la négative : il ne faut pas que les parlements nationaux renoncent à leurs prérogatives sous prétexte que la Commission européenne est sur le point de publier une première version de texte. Ce serait dangereux, non seulement d’un point de vue démocratique, mais aussi parce que, dans les cas comme celui qui nous occupe, les négociations européennes prennent beaucoup de temps, on le sait.
Qui peut croire que la bataille au niveau européen durera quelques mois seulement ? Elle sera d’une très grande intensité. À la fin du mois d’octobre dernier, la presse a révélé les intentions de Google pour contrer le texte proposé par la Commission européenne. Tous les moyens seront les bons : aide au gouvernement américain, sollicitation des alliés transatlantiques, exploitation des divisions entre ministères européens, etc. Bref, il faudra du temps avant que l’initiative européenne ne trouve une application sur le terrain.
Or du temps, monsieur le secrétaire d’État, nous n’en avons pas ! Pour mettre fin à l’hégémonie de quelques-uns sur internet, hégémonie qui se fait au détriment des consommateurs et de nos entreprises, c’est maintenant qu’il faut agir. Nous avons besoin d’un texte applicable sans délai.
D’ailleurs, si j’en crois une récente interview que vous avez donnée sur le sujet connexe de la haine en ligne, c’est aussi, désormais, votre conviction. Permettez-moi de vous citer : « Le processus législatif européen est long, et le texte pourrait ne pas être adopté avant plusieurs mois […]. Il est donc indispensable d’agir dans l’intervalle pour responsabiliser davantage les plateformes. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est vous !
Dois-je comprendre que vous vous ralliez à notre méthode, monsieur le secrétaire d’État, et que, puisque vous nous rejoignez sur le fond, il n’y a plus de désaccord ?… Si tel est le cas, il vous suffit de retirer votre amendement de suppression. Faites-le sans délai ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Primas applaudit.)
Mais non, l’amendement de suppression est toujours là ! Comment voulez-vous que les Français comprennent l’action du Gouvernement, si vous dites tout et son contraire ? D’un côté, il faut avancer sans attendre l’Europe ; de l’autre, il ne faut surtout pas avancer tant que l’Europe n’a pas entamé son processus législatif. Comment voulez-vous que les Français comprennent ? Et, dans l’un et l’autre cas, vous êtes d’accord sur le fond. C’est vraiment compliqué de vous suivre !
Au-delà de cette contradiction interne dans votre raisonnement, comment pouvez-vous assumer devant nous une telle position, quand l’Allemagne avance de son propre côté ?
Je souhaite évoquer brièvement ici l’action menée par le gouvernement allemand en la matière, car c’est un sujet que notre propre gouvernement prend un soin tout particulier à ne pas mentionner.
À l’occasion de l’examen de l’équivalent du présent texte, l’Allemagne va instaurer une régulation économique des géants du numérique. Certes, M. André Gattolin a raison de dire que le texte n’est pas encore voté, mais cette régulation est proposée, ce qui n’est pas le cas en France. En effet, c’est exactement ce que nous voulons faire, nous, les sénateurs, et ce à quoi le gouvernement français s’oppose.
L’Allemagne va même plus loin que ce que nous proposions d’expérimenter au niveau national, car notre perspective était, depuis le début, de trouver un consensus ; je vous rappelle à ce titre que nous avons consenti, avec Jean Bizet, à retirer certains articles en commission mixte paritaire.
Je termine sur ce sujet en vous citant de nouveau, monsieur le secrétaire d’État – là, c’est le pompon : « L’initiative présentée le 9 septembre dernier fait consensus en Allemagne et devrait être adoptée en début d’année prochaine ».
Franchement, soyons sérieux ! Qu’est-ce qui vous pousse à refuser d’agir au niveau national, alors que, d’une part, nous ne serions pas les seuls à le faire et que, d’autre part, vous avez accepté de le faire dans d’autres domaines, comme la fiscalité, les fausses informations ou la haine en ligne, pour ne prendre que trois exemples ?
Partout sur la planète, il y a une prise de conscience. Nous proposons que la France soit précurseur, pour offrir à l’Europe et au monde un premier retour d’expérience.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez ici une occasion de faire taire toutes les critiques que l’on entend depuis des années sur le renoncement des élites françaises en matière numérique, sur l’impuissance publique numérique. C’est votre dernière chance. Saisissez-la ! (Sourires.) L’histoire et les Français nous regardent, et ces derniers, comme la plupart de nos collègues députés, qui n’envisageaient pas un échec en CMP, ne comprendraient pas bien non plus la situation si on la leur expliquait.
Rien que pour cela – je me permets de vous le dire, monsieur le secrétaire d’État –, vous auriez pu vous passer de l’attitude, que l’on pourrait qualifier de vexatoire, que vous avez adoptée devant nos collègues députés lors de la nouvelle lecture du texte. Vous avez osé dire que la présidente Sophie Primas avait écrit l’article sur les dark patterns « avec les pieds ». Ce n’est pas très correct !
M. Laurent Duplomb. On dit tellement de choses que l’on regrette ensuite, monsieur le secrétaire d’État… Mais vous l’avez bien dit, et je ne trouve pas cela très correct ! Connaissant très bien Mme Sophie Primas, comme vous, il n’était pas nécessaire d’entrer dans ce genre de débats.
La proposition que nous faisions était honnête ; elle allait dans le sens de l’évolution de la société. Vous n’avez pas voulu l’entendre, préférant faire de la politique, plutôt que d’agir concrètement.
D’ailleurs, interrogeons-nous : à qui cette situation profitera-t-elle ? Certainement pas aux Français ! Aux quelques firmes américaines concernées, qui, entre nous, n’avaient pas besoin de ce cadeau de la part du gouvernement français.
En conclusion, et parce que cette question ne doit pas, à elle seule, expliquer la totalité du texte, je souhaite rappeler que nous étions parvenus à une rédaction globalement consensuelle, pour ne pas dire totalement consensuelle, hormis, justement, ce point.
Par ailleurs, si la plupart des dispositions étaient issues de textes européens, nous en avons également inséré certaines, par exemple sur les déserts vétérinaires – notez ici encore, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’avons pas attendu l’Europe.
Je dirai même que, sur le fond, il y a consensus sur pratiquement tout le texte, y compris sur l’article 4 bis. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, dans un élan de générosité, après avoir reconnu votre erreur et regretté vos propos concernant la présidente Sophie Primas,…
Mme Sophie Primas. Et ses pieds ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. … acceptez de retirer votre amendement de suppression. Cela vous honorera et vous ferez œuvre utile envers les Français ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne en matière économique et financière
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la protection des consommateurs
Article 1er
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et de la directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE, ainsi que les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition.
II. – (Non modifié)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 3
(Non modifié)
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section I du chapitre II du titre III du livre Ier est complétée par une sous-section 10 ainsi rédigée :
« Sous-section 10
« Blocage géographique injustifié
« Art. L. 132-24-1. – Est passible d’une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale, tout manquement aux dispositions du règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE, constitué par le fait :
« 1° De bloquer ou de limiter l’accès d’un client à une interface en ligne ou de le rediriger sans son consentement vers une version différente de l’interface à laquelle il a initialement voulu accéder en violation des interdictions prévues à l’article 3 du même règlement ;
« 2° D’appliquer des conditions générales d’accès aux biens et aux services en méconnaissance de l’article 4 dudit règlement ;
« 3° D’appliquer des conditions de paiement discriminatoires en violation de l’article 5 du même règlement.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du présent code. » ;
2° Après le 24° de l’article L. 511-7, il est inséré un 25° ainsi rédigé :
« 25° Du règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE. » ;
3° L’article L. 141-2 est ainsi rétabli :
« Art. L. 141-2. – Les règles en vigueur en application des dispositions du règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE sont applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. » – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section XII du chapitre Ier du titre II du livre Ier est ainsi rétablie :
« Section XII
« Blocage géographique injustifié
« Art. L. 121-23. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24-1, il est interdit à un professionnel :
« 1° De bloquer ou de limiter l’accès d’un consommateur à son interface en ligne, par l’utilisation de mesures technologiques ou autres, pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national de ce consommateur.
« Il est également interdit à un professionnel de rediriger, pour des motifs liés à son lieu de résidence, un consommateur vers une version de son interface en ligne qui est différente de celle à laquelle il a initialement voulu accéder, sauf s’il a expressément donné son consentement à cet effet. Lorsque le consommateur est redirigé après avoir donné son consentement, il doit pouvoir continuer à accéder facilement à la version de l’interface en ligne du professionnel à laquelle il a initialement voulu accéder.
« Les interdictions énoncées aux deux premiers alinéas du présent 1° ne sont pas applicables lorsque le blocage, la limitation de l’accès ou la redirection sont nécessaires en vue de satisfaire une exigence légale applicable aux activités du professionnel ; dans de tels cas, le professionnel fournit une explication claire et précise au consommateur sur les raisons pour lesquelles le blocage, la limitation d’accès ou la redirection sont nécessaires à des fins de mise en conformité ;
« 2° D’appliquer, pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national du consommateur, des conditions générales de vente de biens ou de fourniture de services différentes dans les cas où ce consommateur cherche à :
« a) Acheter des biens auprès d’un professionnel et que ces biens sont soit livrés en un lieu vers lequel la livraison est proposée dans les conditions générales de vente du professionnel, soit retirés en un lieu défini d’un commun accord entre le professionnel et le consommateur et pour lequel le professionnel propose une telle option dans ses conditions générales de vente ;
« b) Obtenir des services fournis par un professionnel par voie électronique ;
« c) Obtenir des services d’un professionnel autres que des services fournis par voie électronique, en un lieu situé dans la zone géographique où le professionnel exerce son activité.
« Les interdictions énoncées aux quatre premiers alinéas du présent 2° n’empêchent pas le professionnel de proposer des conditions générales de vente, notamment des prix de vente nets, qui varient d’un endroit à l’autre et qui sont proposées, de manière non discriminatoire, à des clients résidant dans une zone géographique spécifique ou à certains groupes de clients ;
« 3° D’appliquer, pour des motifs liés à la localisation, sur le territoire national, de la résidence du consommateur, de son compte de paiement, du prestataire de services de paiement ou de l’émission de l’instrument de paiement, des conditions différentes aux opérations de paiement réalisées par les consommateurs à l’aide des moyens de paiement acceptés par ce professionnel, lorsque :
« a) L’opération de paiement est effectuée au moyen d’un service de paiement mentionné aux 1° à 7° du II de l’article L. 314-1 du code monétaire et financier ;
« b) Les exigences en matière d’authentification sont remplies en application de l’article L. 133-4 du même code ;
« c) L’opération de paiement est effectuée dans une devise que le professionnel accepte.
« Lorsque des raisons objectives le justifient, l’interdiction énoncée au présent 3° ne fait pas obstacle à ce que le professionnel suspende la livraison des biens ou la prestation du service jusqu’à ce qu’il reçoive la confirmation que l’opération de paiement a été dûment engagée. » ;
2° La sous-section 10 de la section I du chapitre II du titre III du même livre Ier, telle qu’elle résulte de l’article 3 de la présente loi, est complétée par un article L. 132-24-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-24-2. – Le fait pour tout professionnel de méconnaître les interdictions prévues aux 1° à 3° de l’article L. 121-23 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. » ;
3° Au 1° de l’article L. 511-5, la référence : « et 11 » est remplacée par les références : « , 11 et 12 ». – (Adopté.)
Article 4 bis
I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le 9° de l’article L. 32, il est inséré un 9° bis… ainsi rédigé :
« 9° bis… Interopérabilité.
« L’interopérabilité est la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce, sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. » ;
2° Le titre Ier du livre III est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un chapitre Ier intitulé : « Recommandé, identification et coffre-fort électroniques » qui comprend les articles L. 100 à L. 103 ;
b) Sont ajoutés des chapitres II et III ainsi rédigés :
« CHAPITRE II
« Protection du libre choix de l’utilisateur de terminaux
« Art. L. 104. – Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé du numérique et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre l’objectif de protection de la liberté de choix des utilisateurs d’équipements terminaux, dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 105. – I. – Est qualifiée de fournisseur de système d’exploitation toute personne qui, à titre professionnel, édite ou adapte le système d’exploitation d’équipements terminaux permettant l’accès à des services de communication au public en ligne ou qui édite ou adapte tout autre logiciel contrôlant l’accès aux fonctionnalités desdits équipements.
« II. – Le fournisseur de système d’exploitation s’assure que les systèmes d’exploitation et les logiciels mentionnés au I du présent article, dont les magasins d’application, proposés à des utilisateurs non professionnels situés sur le territoire français, ne limitent pas de façon injustifiée l’exercice, par les utilisateurs non professionnels de tout équipement terminal au sens du 10° de l’article L. 32, du droit, sur internet, d’accéder aux informations et aux contenus de leur choix et de les diffuser, ainsi que d’utiliser et de fournir des applications et des services.
« Ne sont pas considérées comme limitant de manière injustifiée l’exercice, par les utilisateurs non professionnels, du droit mentionné au premier alinéa du présent II les pratiques qui sont strictement nécessaires à la mise en œuvre d’obligations législatives ou réglementaires, à la sécurité de l’équipement terminal et des contenus et données gérés par celui-ci, ou au bon fonctionnement de l’équipement terminal et des services disponibles au bénéfice des utilisateurs non professionnels et auxquelles des pratiques moins limitatives du droit énoncé au même premier alinéa ne peuvent se substituer.
« Après consultation des acteurs concernés et du public, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse établit et publie des lignes directrices, recommandations ou référentiels portant sur l’application du présent article.
« Art. L. 106. – Le ministre chargé du numérique et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peuvent, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de leurs missions et sur la base d’une décision motivée, recueillir auprès des fournisseurs de système d’exploitation mentionnés au I de l’article L. 105 les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect, par ces personnes, de l’obligation prévue au II du même article L. 105.
« Art. L. 107. – I. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse encourage la mise à disposition, dans le respect des secrets protégés par la loi, des informations susceptibles de favoriser la liberté de choix des utilisateurs non professionnels d’équipements terminaux. Elle met en place ou accompagne la mise en place par des tiers, dans les conditions prévues au II du présent article, des outils d’évaluation et de comparaison des pratiques mises en œuvre par les fournisseurs de système d’exploitation mentionnés au I de l’article L. 105.
« II. – Dans le respect des dispositions du présent code et de ses règlements d’application, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise les règles concernant les contenus, conditions et modalités de transmission ou de mise à disposition, y compris à des organismes tiers recensés par l’autorité, d’informations fiables relatives aux équipements terminaux et à leurs systèmes d’exploitation, dans la mesure où cela s’avère justifié pour la réalisation de l’objectif mentionné à l’article L. 104.
« Art. L. 108. – I. – En cas de différend entre un utilisateur professionnel et un fournisseur de système d’exploitation sur la mise en œuvre des obligations prévues à l’article L. 105, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut être saisie par l’une des parties.
« L’autorité se prononce, dans le délai fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du I de l’article L. 36-8, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l’instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Les frais engendrés par ces consultations et expertises peuvent être mis à la charge de la partie perdante, sauf si les circonstances particulières du différend justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables et non discriminatoires, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’exercice du droit mentionné au II de l’article L. 105 par les utilisateurs non professionnels de tout équipement terminal doit être assuré. L’autorité peut, à la demande de la partie qui la saisit, décider que sa décision produira effet à une date antérieure à sa saisine, sans toutefois que cette date puisse être antérieure à la date à laquelle la contestation a été formellement élevée par l’une des parties pour la première fois et, en tout état de cause, sans que cette date soit antérieure de plus de deux ans à sa saisine. Lorsque les faits à l’origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l’offre de services de communication audiovisuelle, l’autorité recueille l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui se prononce dans un délai fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du I de l’article L. 36-8.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires. Ces pièces sont alors retirées du dossier.
« En cas d’atteinte grave et immédiate au droit mentionné au II de l’article L. 105, l’autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires. Ces mesures doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence.
« L’autorité rend publiques ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties.
« II. – Les décisions prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en application du I peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation dans le délai d’un mois à compter de leur notification.
« Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le sursis à exécution de la décision peut être ordonné, si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité.
« Les mesures conservatoires prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peuvent, au maximum dix jours après leur notification, faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation. Ce recours est jugé dans le délai d’un mois.
« III. – Les recours contre les décisions et mesures conservatoires prises par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en application du présent article sont de la compétence de la cour d’appel de Paris.
« Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut présenter des observations devant la Cour de cassation à l’occasion d’un pourvoi en cassation formé contre un arrêt par lequel la cour d’appel de Paris a statué sur une décision de l’autorité.
« Le pourvoi en cassation formé, le cas échéant, contre l’arrêt de la cour d’appel est exercé dans le délai d’un mois suivant la notification de cet arrêt.
« Art. L. 109. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des fournisseurs de système d’exploitation mentionnés au I de l’article L. 105. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues au présent article.
« I. – En cas de manquement par un fournisseur de système d’exploitation mentionné au I de l’article L. 105 aux dispositions du présent chapitre au respect desquelles l’autorité a pour mission de veiller ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions, le fournisseur est mis en demeure par l’autorité de s’y conformer dans un délai qu’elle détermine.
« La mise en demeure peut être assortie d’obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé. L’autorité peut rendre publique cette mise en demeure.
« Lorsque l’autorité estime qu’il existe un risque caractérisé qu’un fournisseur de système d’exploitation mentionné au I de l’article L. 105 ne respecte pas à l’échéance prévue initialement ses obligations résultant des dispositions et prescriptions mentionnées au présent I, elle peut mettre en demeure l’exploitant ou le fournisseur de s’y conformer à cette échéance.
« II. – Lorsqu’un fournisseur de système d’exploitation mentionné au I de l’article L. 105 ne se conforme pas dans les délais fixés à la mise en demeure prévue au I du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, après instruction conduite par ses services, notifier les griefs à la personne en cause. Elle transmet alors le dossier d’instruction et la notification des griefs à la formation restreinte.
« III. – Après que la personne en cause a reçu la notification des griefs et a été mise à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites, et avant de prononcer une sanction, la formation restreinte procède, selon une procédure contradictoire, à l’audition du représentant de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse chargé de l’instruction et de la personne en cause.
« La formation restreinte peut, en outre, entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« La formation restreinte peut prononcer à l’encontre du fournisseur de système d’exploitation en cause une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l’entreprise en cause au cours de l’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, taux qui est porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €. Ce montant est porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation.
« Lorsque le manquement est constitutif d’une infraction pénale, le montant total des sanctions prononcées ne peut excéder le montant de la sanction encourue le plus élevé.
« Lorsque la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, ce dernier peut ordonner que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende qu’il prononce.
« Les conditions d’application du présent III sont déterminées par le décret mentionné à l’article L. 36-11.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« IV. – En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier alinéa du I du présent article, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum si la mise en œuvre des procédures d’exécution n’est pas terminée, après avoir donné à la personne concernée la possibilité d’exprimer son point de vue et de proposer des solutions.
« V. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et la formation restreinte ne peuvent être saisies de faits remontant à plus de trois ans, s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
« VI. – Les décisions de la formation restreinte sont motivées et notifiées à l’intéressé. Elles peuvent être rendues publiques dans les publications, journaux ou services de communication au public par voie électronique choisis par la formation restreinte, dans un format et pour une durée proportionnés à la sanction infligée. Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de suspension présentée conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d’État.
« VII. – Lorsqu’un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent article est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour une entreprise ou pour l’ensemble du marché, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d’État statuant en référé qu’il soit ordonné à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance.
« CHAPITRE III
« Interopérabilité des plateformes en ligne
« Art. L. 110. – Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé du numérique et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre l’objectif d’interopérabilité des services proposés par les opérateurs de plateformes en ligne au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 111. – Lorsque la capacité des utilisateurs non professionnels à accéder à des services proposés par des opérateurs de plateformes en ligne au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation et à communiquer par leur intermédiaire est compromise en raison d’un manque d’interopérabilité des données et des protocoles pour des motifs autres que ceux visant à assurer le respect d’obligations législatives ou réglementaires, la sécurité, l’intégrité ou le bon fonctionnement de tels services, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut imposer, après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, des obligations aux fournisseurs de ces services afin de les rendre interopérables.
« Les obligations mentionnées au premier alinéa du présent article ne peuvent s’appliquer qu’aux opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret.
« Elles sont raisonnables et proportionnées. Elles peuvent consister en :
« 1° La publication des informations pertinentes ;
« 2° L’autorisation de l’utilisation, de la modification et de la retransmission de ces informations par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ou d’autres opérateurs de plateformes en ligne ;
« 3° La mise en œuvre des standards techniques d’interopérabilité identifiés par l’autorité.
« Les décisions de l’autorité prises en application du présent article font l’objet de la consultation prévue au V de l’article L. 32-1.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 112. – Le ministre chargé du numérique et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peuvent, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de leurs missions et sur la base d’une décision motivée, recueillir auprès des opérateurs de plateformes en ligne les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect, par ces personnes, des obligations édictées en vue d’assurer l’interopérabilité de ces services en application de l’article L. 111.
« Art. L. 113. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés à l’article L. 111. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues au présent article.
« I. – En cas de manquement par un opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111 aux dispositions du présent chapitre au respect desquelles l’autorité a pour mission de veiller ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions, le fournisseur est mis en demeure par l’autorité de s’y conformer dans un délai qu’elle détermine.
« La mise en demeure peut être assortie d’obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé. L’autorité peut rendre publique cette mise en demeure.
« Lorsque l’autorité estime qu’il existe un risque caractérisé qu’un opérateur de plateforme en ligne mentionné au même article L. 111 ne respecte pas à l’échéance prévue initialement ses obligations résultant des dispositions et prescriptions mentionnées au présent I, elle peut mettre en demeure l’exploitant ou le fournisseur de s’y conformer à cette échéance.
« II. – Lorsqu’un opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111 ne se conforme pas dans les délais fixés à la mise en demeure prévue au I du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, après instruction conduite par ses services, notifier les griefs à la personne en cause. Elle transmet alors le dossier d’instruction et la notification des griefs à la formation restreinte.
« III. – Après que la personne en cause a reçu la notification des griefs, a été mise à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites, et avant de prononcer une sanction, la formation restreinte procède, selon une procédure contradictoire, à l’audition du représentant de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse chargé de l’instruction et de la personne en cause.
« La formation restreinte peut, en outre, entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« La formation restreinte peut prononcer, à l’encontre de l’opérateur de plateforme en ligne en cause pour non-respect des obligations édictées en application de l’article L. 111, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l’entreprise en cause au cours de l’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, taux qui est porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation.
« Lorsque le manquement est constitutif d’une infraction pénale, le montant total des sanctions prononcées ne peut excéder le montant de la sanction encourue le plus élevé.
« Lorsque la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, ce dernier peut ordonner que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende qu’il prononce.
« Les conditions d’application du présent III sont déterminées par le décret mentionné à l’article L. 36-11.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« IV. – En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier alinéa du I du présent article, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum si la mise en œuvre des procédures d’exécution n’est pas terminée, après avoir donné à la personne concernée la possibilité d’exprimer son point de vue et de proposer des solutions.
« V. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et la formation restreinte ne peuvent être saisies de faits remontant à plus de trois ans, s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
« VI. – Les décisions de la formation restreinte sont motivées et notifiées à l’intéressé. Elles peuvent être rendues publiques dans les publications, journaux ou services de communication au public par voie électronique choisis par la formation restreinte, dans un format et pour une durée proportionnés à la sanction infligée. Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de suspension présentée conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d’État.
« VII. – Lorsqu’un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent article est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour une entreprise ou pour l’ensemble du marché, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d’État statuant en référé qu’il soit ordonné à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance. » ;
c) L’article L. 130 est ainsi modifié :
– à la première phrase du cinquième alinéa, la référence : « et L. 36-11 » est remplacée par les références : « , L. 36-11, L. 109 et L. 113 » ;
– le sixième alinéa est ainsi modifié :
i) après la référence : « L. 36-8 », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « , des I et II de l’article L. 36-11, de l’article L. 108, et des I et II des articles L. 109 et L. 113. » ;
ii) à la dernière phrase, les mots : « de l’article L. 36-11 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 36-11, L. 109 et L. 113 » ;
– le septième alinéa est ainsi modifié :
i) à la première phrase, les références : « et des I et II de l’article L. 36-11 » sont remplacées par les références : « , des I et II de l’article L. 36-11, de l’article L. 108 et des I et II des articles L. 109 et L. 113 » ;
ii) à la dernière phrase, les mots : « de l’article L. 36-11 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 36-11, L. 109 et L. 113 ».
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 111-7-2, il est inséré un article L. 111-7-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-7-3. – Les opérateurs de plateforme en ligne s’abstiennent de concevoir, de modifier ou de manipuler une interface utilisateur ayant pour objet ou pour effet de subvertir ou d’altérer l’autonomie du consommateur dans sa prise de décision ou d’obtenir son consentement. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 131-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « d’information » sont supprimés ;
b) Les mots : « à l’article L. 111-7 et à l’article L. 111-7-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 111-7, L. 111-7-2 et L. 111-7-3 » ;
III. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi au Journal officiel.