Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 312 rectifié bis et demande le retrait des amendements nos 594 rectifié et 618 rectifié quinquies, qui portent sur le fractionnement.
Madame Puissat, si je vous suis bien, vous considérez que les liens d’attachement et le développement de l’enfant doivent être conditionnés pour partie au statut professionnel du père, à la nature de son contrat de travail, au fait qu’il soit en contrat à durée déterminée ou indéterminée ? Du point de vue de l’enfant, cela n’a pas de sens !
Ainsi que Mme la rapporteure l’a indiqué, s’il était adopté, cet amendement créerait des situations de discrimination entre les salariés.
Dans les faits, aujourd’hui, le congé de paternité est pris par 67 % des pères : 80 % de ceux qui le prennent sont en CDI, ce taux chutant à 47 % pour les pères en CDD.
Pour instaurer un droit réel, une égalité entre tous les pères de ce pays, le congé doit être obligatoire. À cet égard, je reviendrai lors de l’examen d’un amendement suivant sur ces jeunes pères qui ne voudraient pas prendre leur congé dont a parlé la sénatrice Deseyne. Le caractère obligatoire est un instrument de lutte contre l’autocensure d’un certain nombre de pères aujourd’hui.
Vous dites que personne ne vient vous réclamer ce congé lors de vos permanences, madame Puissat. Pour ma part, j’ai rencontré depuis un an plus de mille parents, j’ai participé à des tables rondes, visité des services de néonatologie. Systématiquement, le congé de paternité et la question de la présence du père auprès de l’enfant et de la mère ont été évoqués alors même ce n’était pas le sujet.
À cet égard, permettez-moi de vous livrer une anecdote, en anticipation de nos discussions sur le caractère obligatoire de ce congé. J’ai visité à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart le service de néonatologie dirigé par la professeure Alexandra Benachi, gynécologue-obstétricienne, membre de la commission des 1 000 jours, dont je salue ici le travail. J’y ai rencontré le père d’un enfant né grand prématuré. Magasinier de profession, il m’a dit que lorsqu’il avait annoncé à son patron qu’il attendait un enfant, celui-ci lui avait répondu : « tu es gentil, mais ce n’est pas toi qui es enceinte ! », …
Mme Frédérique Puissat. En effet !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … sous-entendu : « tu ne peux pas prendre ton congé ». Je ne généralise pas, mais je suis désolé de devoir vous dire que ce genre de situation existe aujourd’hui dans les entreprises.
Monsieur le sénateur Mouiller, vous m’avez interrogé sur la temporalité. Le fait est que ce n’est jamais le bon moment. Vous verrez pourtant que, dans quelques années, quand vous aurez voté, ainsi que vous nous l’avez indiqué, cette avancée sociale majeure – qui en appelle d’autres, madame de La Gontrie, monsieur Gontard –, on ne se dira pas qu’elle n’aura pas été votée au bon moment. Tous les Français nous seront redevables.
Moi aussi, avant d’être député et, tout récemment, secrétaire d’État, j’ai été chef d’une entreprise de vingt-cinq, de quarante, puis de cent cinquante salariés. Lorsque j’ai créé ma propre boîte, nous étions deux au fond d’un garage.
Je puis vous dire, madame la sénatrice, que ces sujets sont des questions d’organisation et d’anticipation. Quand une femme est enceinte et prend son congé de maternité, l’entreprise s’organise. Pourquoi un congé de paternité plus long de deux semaines désorganiserait-il toute l’entreprise ? C’est un faux argument, et c’est l’ancien chef d’entreprise qui vous le dit. Je le répète : il s’agit d’une question d’organisation et d’anticipation, tous ceux qui ont été chefs d’entreprise sur ces travées le savent.
Le coût de cette mesure, lequel a fait l’objet de réflexions et de débats avec les partenaires sociaux, ne repose pas sur les entreprises, vous le savez. À l’inverse, madame la sénatrice, il ne me semble pas que le doublement de la durée du congé de paternité mettra à bas le système de protection sociale et la sécurité sociale de notre pays.
Mme Frédérique Puissat. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Certes, mais vous sembliez établir une corrélation entre la situation financière et la mesure que nous proposons.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
J’en viens aux questions de fractionnement du congé. Comme l’a dit Mme la rapporteure, le principe est fixé dans la loi, certaines modalités seront fixées par décret.
À cet égard, nous avons discuté de ces sujets, y compris du principe même de l’extension du congé de paternité, avec les partenaires sociaux et les organisations syndicales. Avec la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, Élisabeth Borne, nous avons rencontré les organisations syndicales et patronales, la première fois le 11 septembre, puis à plusieurs reprises depuis, au cours de quatre réunions.
Nous avons notamment discuté d’un certain nombre de sujets. Toutes les décisions ne sont pas encore arrêtées, certaines seront prises par voie réglementaire. Ainsi, le délai de prévenance de l’employeur ou le fractionnement de ce congé suscitent des avis très contradictoires.
Démultiplier le fractionnement permettra aux indépendants, par exemple, de recourir davantage à ce congé, alors qu’il est souvent difficile pour eux de le prendre, on le sait. Tel était d’ailleurs l’objet de l’amendement de M. Henno sur le congé prénatal. À l’inverse, trop fractionner peut poser des problèmes d’organisation pour une entreprise. Il faut trouver un équilibre, nous en discutons avec les partenaires sociaux.
La durée de la période pendant laquelle ce congé pourra être pris fait également l’objet de discussions. Aujourd’hui, le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois suivant la naissance. Faut-il modifier ce délai et permettre un peu de souplesse ? Nous en discutons également avec les partenaires sociaux.
Je me suis engagé à présenter devant l’Assemblée nationale en nouvelle lecture les décisions qui auront été prises avec les partenaires sociaux, afin que les parlementaires puissent avoir une vision globale du dispositif, voter en conscience sur le principe, tout en ayant connaissance des modalités d’application. Je réitère ici cet engagement : je partagerai avec vous les décisions prises avec les partenaires sociaux sur ces questions de mise en œuvre concrètes et opérationnelles.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait des amendements nos 594 rectifié et 618 rectifié quinquies, ces sujets faisant l’objet de discussion avec les partenaires sociaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Mes chers collègues, j’ai du mal à comprendre votre position sur le caractère obligatoire du congé de paternité. M. le secrétaire d’État ne l’a pas rappelé, mais ni le Mouvement des entreprises de France (Medef) ni la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ne sont opposés à ce congé de paternité : ils y sont favorables ! Ne soyez donc pas plus royalistes que le roi !
Ce congé répond vraiment à une demande de la société. Il permet au père, ou au deuxième parent, de s’impliquer lors des premiers jours de l’enfant, comme cela est dit dans le rapport Cyrulnik, dont les auteurs préconisent même d’aller au-delà de vingt-huit jours de congé, dont sept obligatoires. Il s’agit donc d’une première avancée dont nous devons nous réjouir et que je soutiens complètement.
On pourrait aussi considérer que l’arrivée d’un enfant ralentissant une carrière professionnelle, autant que ce soient les femmes qui en subissent les conséquences !
La réalité, c’est que durant les trois jours qui sont actuellement obligatoires, le père a tout juste le temps de ramener son épouse à la maison, de déclarer la naissance à la mairie, éventuellement de déposer une demande à la crèche, s’il en a le temps et si ce n’est pas le week-end, avant de reprendre son travail.
Les jours suivants, c’est la femme qui s’occupera du reste des démarches administratives, qui déclarera l’enfant à la sécurité sociale, à la caisse d’allocations familiales. La femme est ensuite vouée à s’occuper au cours des dix-huit années suivantes de toutes les démarches administratives concernant l’enfant. Pendant dix-huit ans, on considérera qu’il est plus pratique que ce soit elle qui l’emmène chez le médecin ou chez le dentiste puisqu’il est sur sa carte Vitale.
Le congé de sept jours doit permettre d’instaurer une égalité dans le couple, entre l’homme et la femme, pour les dix-huit années suivantes.
Je soutiens donc cet article et je vous demande, en responsabilité, mes chers collègues, de retirer vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. J’ai l’impression d’être à une tout autre époque. Nous sommes pourtant en 2020 !
Trop souvent, j’entends dire des hommes qu’ils sont irresponsables ; trop souvent, j’entends dire que certains pères ne s’occupent jamais de leurs enfants.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de proposer aux pères de mieux s’occuper de leurs enfants, et beaucoup d’entre eux attendent cela. De nombreux enfants atteignent l’âge de 2 ou 3 ans sans beaucoup voir leur père : celui-ci part travailler à cinq heures du matin, il rentre tard, il n’a pas de temps pour ses enfants. Nous pouvons aujourd’hui offrir à l’enfant des moments précieux, dont pourra également profiter la mère. De sa naissance à son entrée en maternelle à l’âge de 3 ans, un enfant demande beaucoup d’attention et a besoin de ses deux parents.
Quand j’entends des discours incroyables pour notre temps, je dis non ! En arrivant le matin, je croise beaucoup de pères avec des poussettes, qui s’occupent de leurs enfants. Certes, cette mesure aura peut-être un coût pour la sécurité sociale, mais les pères travaillent et cotisent.
Notre société est décadente à certains moments parce que beaucoup d’enfants n’ont pas la chance d’avoir à leurs côtés un père pour les éduquer. Les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement voient des parents vraiment défaillants, parce qu’ils sont seuls. La plupart du temps, il s’agit de mères.
Aujourd’hui, nous avons l’occasion de changer les choses. Il faut qu’on prenne la mesure de la situation dans laquelle se trouve notre société et que l’on comprenne qu’il est nécessaire que les pères aient une vraie place auprès de leurs enfants et de leur femme.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je tiens d’abord à rassurer M. le secrétaire d’État : je ne boude pas mon plaisir ! Ce congé constitue bien une belle et grande avancée, je n’ai aucune difficulté à le reconnaître. J’espère simplement qu’elle sera suivie d’autres progrès et que l’on ira beaucoup plus loin. C’est ce que j’ai voulu dire tout à l’heure. Nous avons encore du travail.
Ma collègue Frédérique Puissat, qui est comme moi de l’Isère, dit que personne n’est venu toquer à la porte de sa permanence pour lui demander un allongement de la durée du congé de paternité. Je n’ai pas les mêmes retours qu’elle. Je pense que ce congé répond à une réelle attente de la société, mais aussi des associations familiales que nous rencontrons tous. Il est nécessaire de répondre à cette aspiration de la société et de passer réellement à l’acte.
Une chose m’étonne dans ces amendements. On entend souvent parler de la famille sur les travées de la droite, mais l’intérêt de la famille s’arrête souvent là où commence celui de l’entreprise ! Je pense qu’il faut remettre l’intérêt de la famille et de l’enfant au centre. Tel est clairement l’objet de cet article.
Par ailleurs, le caractère obligatoire de la mesure me paraît indispensable. Ça aussi, c’est une réelle avancée. On a évoqué le taux de recours : six pères sur dix ne prennent pas leur congé parental !
J’ai moi aussi été chef d’une toute petite entreprise, de trois salariés. Je puis vous garantir que l’on arrive à s’organiser lors des congés maternité, et c’est heureux. Il n’y a pas de raison de ne pas y parvenir lors d’un congé paternité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je ne veux pas être dans la caricature. En tant que sénateurs, nous pouvons avoir des discussions posées, dans le respect de chacun.
Je tiens à revenir sur les propos de M. Iacovelli. Cet amendement a été travaillé avec la CPME et avec les chefs des petites et moyennes entreprises. Vous dites, cher collègue, que ce congé ne pose pas de difficulté ; pour ma part, je n’en suis pas certaine !
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos propos et je les respecte. Il est d’ailleurs important que nous nous respections les uns et les autres. J’y insiste, car j’ai lu quelques tweets sur nos amendements et j’ai été très étonnée de la violence des messages caricaturaux d’un certain nombre de parlementaires – plutôt des députés, pas des sénateurs.
J’entends que vous allez reprendre contact avec les organisations syndicales, le MEDEF et la CPME, monsieur le secrétaire d’État. Je retire donc mon amendement, mais j’aimerais que vous abordiez cet aspect de la question avec eux, comme ne manquera pas à mon avis de le demander la CPME, avec qui j’ai travaillé sur cet amendement. Je le dis très honnêtement : la temporalité n’est pas bonne.
Mme la présidente. L’amendement n° 312 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je remercierai, pour commencer, Élisabeth Doineau de ses propos extrêmement touchants et sincères. C’est avec beaucoup de plaisir, j’en suis sûre, que je lirai Boris Cyrulnik. Elle est parfaitement dans son rôle de rapporteure pour la branche famille, qui lui convient très bien.
Néanmoins, je ne voterai pas l’article 35. Je suis très ennuyée : on fait comme si la société n’était composée que de salariés. Or notre société est traversée de très graves fractures, particulièrement en ce moment. Actuellement, il y a deux catégories de gens : ceux qui ont la chance d’être salariés et ceux qui n’ont pas la chance de l’être. On va agrandir encore ce fossé. Nous connaissons tous autour de nous des professionnels du secteur libéral ou des agriculteurs. Seraient-ils de mauvais parents parce qu’ils n’ont pas la possibilité de prendre des journées de congé ?
Je ne peux pas voter cet article, mais je souhaitais m’en expliquer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Il ne faut pas faire de procès d’intentions. J’ai compris quel était le souci de Frédérique Puissat. Cependant, je voterai cet article.
J’ai une question à poser à M. le secrétaire d’État. J’ai été femme de militaire et ma fille est née alors que mon mari était en opérations extérieures au Kosovo. Il n’est revenu que trois mois après sa naissance. Dans une situation semblable, les militaires auront-ils droit à ce congé comme tous les pères, deux ou trois mois après la naissance ? La question ici porte non pas sur un fractionnement du congé, mais sur la possibilité de le prendre plusieurs mois après.
Je vous fais part de mon expérience. J’aurais été très heureuse que mon mari soit à mes côtés dans ce moment si précieux.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je voterai quant à moi l’article 35, qui me paraît extrêmement important, mais je ne voterai sûrement pas les amendements visant à réduire la portée de cette avancée sociale. Je souhaite néanmoins revenir sur deux ou trois points.
Ce congé est en effet une attente forte de la société. En revanche, je préférerais que l’on dise qu’il participera au développement harmonieux de l’enfant plutôt que de dire qu’il le conditionnera. Mon père était mineur de fond et je ne l’ai pas beaucoup vu. Pour autant, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir un développement disharmonieux. Il faut donc faire attention à ce que l’on dit et à la façon dont on le dit.
Par ailleurs, il ne suffit pas d’affirmer qu’il s’agit d’une avancée sociale majeure, ce que je veux bien croire, et je suis prêt à en défendre l’idée, il faut aussi, dans le même temps, faire en sorte qu’elle puisse être pérenne. À cette fin, il importe d’assurer l’avenir de la sécurité sociale. Or, pour l’instant, je ne vois dans le présent PLFSS, je l’ai dit lors de la discussion générale, que des milliards de déficits pour les années 2020 et 2021 et aucune solution susceptible de garantir la pérennité de cette mesure. Ce point m’inquiète un peu.
Enfin, je suis complètement d’accord pour parler de l’intérêt des familles, comme mon collègue de l’Isère, mais alors pourquoi cautionner la baisse du quotient familial et la suppression de l’allocation jeune enfant ?
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. J’allais dire à peu près la même chose qu’Alain Milon, exception faite de la fin de son intervention.
Je remercie Frédérique Puissat d’avoir retiré son amendement. Il était certes important de signaler le point que vous avez soulevé afin qu’il soit discuté lors des négociations, comme le secrétaire d’État s’y est engagé, mais il était aussi important que les discussions ne freinent pas cette véritable avancée.
Personnellement, je me place – et c’est ma petite différence avec Alain Milon – du côté de la famille et de l’enfant. Je me réjouis donc de cette avancée.
À tous ceux qui s’inquiètent des difficultés qui pourraient apparaître, par exemple pour les indépendants ou les miliaires, je pose la question : faut-il ne pas avancer parce qu’il faudrait régler des difficultés pour d’autres ? Réjouissons-nous d’abord de ce pas en avant, et faisons en sorte ensuite d’en faire bénéficier tout le monde. C’est un très bel article. Je remercie donc vivement ceux qui ont retiré leurs amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous remercions tous Mme Puissat d’avoir retiré son amendement, ou en tout cas une grande partie de l’hémicycle. Elle s’étonnait de la violence des réactions qu’il avait suscitées, mais elles sont normales !
D’après les termes de son amendement, tout le monde n’aurait pas les mêmes droits dans les jours clés qui suivent la naissance d’un enfant, ces droits dépendant du niveau d’insertion économique du père. En situation de précarité, certains n’auraient pas les mêmes droits que les autres dans un moment aussi essentiel pour les parents et pour l’enfant ! Il est donc logique que cet amendement ait provoqué de telles réactions, dont vous semblez d’ailleurs avoir pris toute la mesure.
J’entends les remarques formulées sur les indépendants. Un des points essentiels de notre travail collectif sera d’aligner les droits sociaux des travailleurs indépendants, qui sont souvent des travailleurs précaires, sur les droits des salariés. Ce sera l’un de nos grands chantiers à l’avenir. Il va même falloir avancer vite, car beaucoup de travailleurs indépendants sont d’abord des travailleurs précaires.
Enfin, pour conclure, mais nous aurons tout le temps d’en rediscuter, si vous voulez rééquilibrer le budget de la sécurité sociale, nous pouvons vous faire plein de propositions de tranches supplémentaires : ne vous inquiétez pas, on peut y arriver !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. J’indique à ma collègue Nadia Sollogoub que le congé de paternité est accessible aux indépendants, ainsi qu’aux salariés et aux non-salariés agricoles, à condition – c’est la seule différence – qu’ils se fassent remplacer. Certes, le statut n’est pas le même que celui d’un salarié, mais l’article s’applique bien à l’ensemble des travailleurs. Une ordonnance sera prise pour les agents publics. Sans doute faudra-t-il y inscrire les militaires, qui n’ont nulle raison d’être exclus du dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Il était important d’ouvrir le débat. J’ai parfaitement entendu vos réponses, monsieur le secrétaire d’État. Si je puis me permettre, je vous invite à poursuivre vos négociations avec les organisations syndicales.
Rassurez-vous, je voterai l’article 35. Mon amendement, que je retire, ne portait que sur les modalités de mise en œuvre du congé de paternité.
Mme la présidente. L’amendement n° 618 rectifié quinquies est retiré.
Madame Gruny, l’amendement n° 594 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 594 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1020, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir un fractionnement du congé au-delà du quatorzième jour. » ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’extension du congé de paternité et d’accueil de l’enfant à vingt-huit jours est une mesure positive. Nous voterons cet article, même si nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas retenu l’ensemble des propositions du rapport sur les 1 000 premiers jours, notamment celle de ne pas limiter à vingt-huit jours la durée du congé de paternité.
Avec cet amendement, nous proposons une amélioration supplémentaire : il vise à rendre une partie du congé fractionnable au-delà d’une première période de quatorze jours calendaires. Ce fractionnement serait cautionné à un accord d’entreprise.
Le fractionnement du congé de paternité et d’accueil de l’enfant permettrait ainsi d’offrir une plus grande souplesse d’organisation aux parents, tout en leur laissant la possibilité de s’impliquer plus activement à différents moments dans les semaines suivant la naissance.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu à nos collègues députés que « l’idée du fractionnement est intéressante, mais fait actuellement l’objet de discussions avec les partenaires sociaux », ce que vous avez réaffirmé devant nous ce soir. Vous avez conclu ainsi vos propos devant l’Assemblée nationale : « d’ici à la nouvelle lecture du PLFSS, je reviendrai vers vous pour vous communiquer le résultat des négociations ». Nous souhaiterions a minima, à l’occasion de cet amendement, savoir où en sont ces négociations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir la possibilité de fractionner le congé au-delà du quatorzième jour par accord d’entreprise ou de branche. Or l’article ne l’interdit pas, comme l’a d’ailleurs expliqué M. le secrétaire d’État. Les modalités de fractionnement seront fixées par décret, en concertation avec les partenaires sociaux.
Je cède maintenant la parole au Gouvernement pour répondre à votre question. Je précise au préalable que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’espère que Mme Puissat n’a pas eu le sentiment que je lui manquais de respect. Je respecte évidemment la position de chacun, mais il m’arrive parfois d’être fougueux dans mes argumentations.
Monsieur Milon, vous avez totalement raison. Il s’agissait d’un écart de langage : le congé paternité ne conditionne pas le bon développement de l’enfant, il y participe. Il importe, pour toutes les mesures d’accompagnement à la parentalité que nous proposons dans le cadre des 1 000 premiers jours, qu’il s’agisse du congé de paternité ou d’autres mesures, de se tenir systématiquement sur une ligne de crête par rapport aux parents et de ne pas les culpabiliser.
Vous savez parfaitement, monsieur Milon, car vous êtes médecin, que tout ce qui s’abîme facilement dans le cerveau d’un enfant à cet âge se répare tout aussi facilement. Rien n’est définitif, tout ne se joue pas au cours des 1 000 premiers jours, fort heureusement ! Je vous remercie donc de m’avoir repris, car nous ne voulons pas que les parents aient ce sentiment-là.
Je vous rassure, madame Guidez, un certain nombre d’adaptations seront prévues, notamment pour les militaires. Il ne saurait être question de demander à un militaire qui part en opérations militaires extérieures de poser ses sept jours. Tout cela fera l’objet d’adaptations, comme c’est souvent le cas pour les militaires, du moins je l’espère, car je ne maîtrise pas totalement cet aspect.
Madame Apourceau-Poly, je répète ce que j’ai déjà dit : ces sujets sont en cours de discussion. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Où en sommes-nous ? Comme je l’ai indiqué, quatre rencontres au niveau technique et au niveau plus politique ont été organisées entre la ministre Élisabeth Borne, moi-même et les différents représentants syndicaux.
Sans m’avancer sur des décisions qui ne sont pas encore prises ni m’exprimer au nom d’autres personnes, je puis d’ores et déjà vous annoncer que nous sommes globalement d’accord sur le délai de prévenance. Idem pour le délai de prise de congé : il n’y a pas de demande particulière pour qu’il soit porté de quatre à six mois. Tous ces points, qui ne sont pas encore arbitrés, ne suscitent pas de crispations.
La vraie question, mais qui n’est pas non plus un sujet de tension, c’est celle du fractionnement, car il s’agit une fois de plus de répondre à différents objectifs. Se pose effectivement la question des indépendants. Le fait de pouvoir fractionner le congé ne résoudra pas toutes leurs difficultés, mais leur offrira du confort et de la souplesse. Ils pourront bénéficier de ce congé en plusieurs fois.
Nous avons aussi évoqué les problèmes d’organisation, car il ne faut pas, en effet, que la multiplicité des fractionnements désorganise l’entreprise.
Il sera obligatoire de prendre un congé de sept jours à la naissance de l’enfant, mais il pourra être intéressant pour le père de prendre le reste plus tard, par exemple au moment où la mère reprend son travail. On sait que cette période, qui correspond à l’entrée de l’enfant à la crèche, est un peu délicate. Il est important que le père puisse être présent dans ce moment d’adaptation.
Par ailleurs, un des gros sujets de réflexion sur la période des 1 000 jours, dont nous débattrons peut-être un jour, c’est la dépression post-partum, qui demeure aujourd’hui un tabou dans notre pays. Or elle touche 15 % à 20 % des femmes, probablement le double. On sait que les pics de dépression post-partum surviennent notamment à la cinquième puis à la douzième semaine.
Le congé paternité ne résoudra pas tout, car il s’agit d’un problème bien plus large – c’est tout l’objet de notre réflexion sur les 1 000 jours –, mais il peut constituer un élément de réponse.
C’est entre tous ces éléments-là que nous devons arbitrer. Nous reparlerons des discussions avec les partenaires sociaux lors de la nouvelle lecture du PLFSS.