COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Prestation de serment d’un juge à la Cour de justice de la République
M. le président. M. Teva Rohfritsch, élu juge titulaire à la Cour de justice de la République le 21 octobre dernier, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir vous lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
(M. Teva Rohfritsch, juge titulaire, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2021
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2021 (projet n° 101, rapport n° 107, avis n° 106).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à la troisième partie.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2021
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier
Tenir compte de la crise de la covid-19
Article additionnel avant l’article 10
M. le président. L’amendement n° 144, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au 1° du II de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « au 5° bis du III de l’article L. 136-1-1, au 3 bis de l’article L. 136-8, aux huitième, onzième et douzième alinéas de l’article L. 137-15, » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le présent amendement a pour objet de remettre en cause les dérogations au principe de compensation instauré par la loi Veil.
Ces dérogations adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020, concernaient la diminution du taux de contribution sociale généralisée (CSG) applicable à certaines pensions, la suppression du forfait social pour les PME et l’exonération des heures supplémentaires, pour un coût total de plus de 4 milliards d’euros par an.
Ces entorses à la loi Veil étaient fondées sur des principes développés dans un rapport du Gouvernement – le fameux rapport Charpy-Dubertret – sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, rapport dont la commission des affaires sociales n’a jamais partagé les conclusions.
Les comptes de la sécurité sociale étant durablement déficitaires, il importe de remettre en cause ces non-compensations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur général, en vertu du principe instauré par la loi Veil, sauf disposition législative expresse, l’État est tenu de compenser intégralement à la sécurité sociale les exonérations de cotisations et de contributions sociales, ainsi que les transferts de charges.
Toutefois, comme vous le savez, depuis la LFSS pour 2019, la doctrine a évolué afin d’instaurer davantage de solidarité financière entre l’État et la sécurité sociale. Désormais, chacun doit assumer le coût des baisses de prélèvements obligatoires concernant les recettes qui lui sont affectées. Tel est le sens des choix effectués en 2019, notamment pour la non-compensation des heures supplémentaires ou le taux intermédiaire de CSG à 6,6 %.
Sans nier l’existence de deux sphères distinctes, nous ne pensons pas souhaitable de rigidifier les relations entre l’État et la sécurité sociale. Les assurés et les entreprises assujetties aux cotisations et contributions sociales, ainsi que les contribuables, sont très fréquemment – pour ne pas dire toujours – les mêmes.
La crise actuelle l’a assez bien montré, notamment avec les exonérations de cotisations sociales que nous avons mises en place : l’État, responsable en matière de transferts, assume le poids de la crise.
Permettez-moi de prendre un exemple récent pour illustrer mon propos. L’État a assez efficacement compensé la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de charges sociales en 2019 grâce à un transfert très important de TVA. Près d’un quart du produit de la TVA est aujourd’hui affecté à la sécurité sociale, soit plus de 40 milliards d’euros.
L’effort budgétaire qui est mobilisé à cet effet est d’une ampleur inédite. Alors que l’enveloppe prévue par la loi de finances rectificative du 30 juillet dernier s’élevait à 3,9 milliards d’euros, le coût du dispositif a été réévalué à un peu plus de 5 milliards d’euros. Compte tenu du coup projeté du second dispositif, l’enveloppe prévue en quatrième loi de finances rectificative sera de 8,2 milliards d’euros.
Monsieur le rapporteur général, malgré notre divergence, vous conviendrez que l’État a assumé ses responsabilités en prenant intégralement à sa charge la baisse exceptionnelle des prélèvements sociaux pour les entreprises les plus affectées par les mesures sanitaires.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les pertes de recettes n’ont pas été compensées comme elles auraient dû l’être en vertu de la loi Veil, qu’elles résultent de la diminution de la CSG pour les revenus inférieurs à 2 000 euros, de la suppression du forfait social, qui permet de développer l’épargne salariale et l’intéressement des salariés – c’est un point positif pour les entreprises –, de l’exonération des cotisations salariales ou de la défiscalisation des heures supplémentaires. Ces mesures ont entraîné une augmentation du revenu des salariés.
Nous avons souvent entendu dans nos départements que les personnes qui travaillent doivent gagner davantage que celles qui n’exercent pas d’activité, notamment pour compenser les frais de transport et de repas. Il nous faut par ailleurs aider ceux qui ne travaillent pas.
Ces exonérations permettent aux entreprises de se développer, car, malgré le taux de chômage élevé, beaucoup de TPE ne trouvaient pas de salariés à la fin 2019, comme c’est encore le cas encore aujourd’hui. Le recours aux « heures sup » est donc nécessaire pour assurer l’activité de l’entreprise.
Enfin, plus encore pendant cette période, nous devons tout faire pour retrouver de l’emploi.
Je comprends l’interprétation stricte retenue par la commission, monsieur le rapporteur général, mais compte tenu de ce qui se passe actuellement, je m’abstiendrai sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En 2019, dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes mettait en garde, d’une part, sur les manques de l’annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sur les exonérations de cotisations et leur compensation et, d’autre part, sur l’évolution ces dernières années des exonérations et exemptions de cotisations sociales. Celles-ci ont augmenté de 32,8 milliards d’euros entre 2013 et 2021, passant de 34 à 66 milliards d’euros, ce qui entraîne une disparition de cotisations sociales et une augmentation des compensations de l’État, et donc une fiscalisation de plus en plus forte de la sécurité sociale.
En remettant en cause la loi Veil, c’est-à-dire en refusant de compenser intégralement les exonérations de cotisations sociales, l’État agit comme si la sécurité sociale était devenue son porte-monnaie, comme s’il pouvait agir comme bon lui semble.
Non seulement les exonérations de cotisations sociales n’ont jamais démontré leur efficacité économique, mais leur compensation intégrale ou partielle par l’État fragilise notre modèle de sécurité sociale.
À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la sécurité sociale, nous regrettons que la part des cotisations sociales soit aussi faible. En effet, selon ses créateurs, la cotisation sociale était la part socialisée du salaire, et non une charge.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation du rapporteur général.
Il ne s’agit pas tant de supprimer des exonérations, cher Daniel Chasseing, que de clarifier la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour plus de clarté, mais aussi pour que nos concitoyens puissent comprendre les décisions publiques – c’est ainsi en démocratie –, nous voterons cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 10.
Article 10
Il est institué au titre de l’année 2021 une contribution exceptionnelle à la prise en charge des dépenses liées à la gestion de l’épidémie de covid-19. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Cette contribution est due par les organismes mentionnés au I de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale en activité au 31 décembre 2021.
La contribution est assise sur l’ensemble des sommes versées en 2021, au titre des cotisations d’assurance maladie complémentaire, au profit de ces organismes selon les modalités définies au I et au dernier alinéa du II bis du même article L. 862-4, à l’exception des garanties mentionnées au 4° du même II bis.
Le taux de la contribution est fixé à 1,3 %.
La contribution est recouvrée par l’organisme désigné pour le recouvrement de la taxe mentionnée audit article L. 862-4, concomitamment au recouvrement de cette même taxe. Elle est déclarée et liquidée au plus tard le 31 janvier 2022. Elle peut faire l’objet d’une régularisation annuelle selon les mêmes modalités que la contribution mentionnée au même article L. 862-4, au plus tard le 30 juin 2022.
Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, garanties et sanctions prévues au premier alinéa de l’article L. 862-5 du code de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous entamons l’examen du budget de la sécurité sociale pour 2021, je souhaite revenir sur le recours généralisé, dans le cadre de la crise de la covid-19, à de nouvelles exonérations de cotisations sociales.
M. Dussopt a rappelé hier que le Gouvernement assurait intégralement la compensation des exonérations de cotisations sociales – vous venez de le rappeler à votre tour, madame la secrétaire d’État –, comme s’il s’agissait d’un engagement fort de votre part, alors que, en réalité, comme l’ont indiqué plusieurs collègues, vous ne faites que respecter la loi Veil.
De plus, selon l’annexe 5 du PLFSS, le montant pour 2021 des exonérations de cotisations sociales non compensées s’élèvera tout de même à 2 milliards d’euros, montant auquel il faudra ajouter les exemptions non compensées, soit 8 milliards d’euros.
Si mes calculs sont justes, le Gouvernement prévoit donc de laisser une ardoise de 10 milliards d’euros – permettez-moi cette expression quelque peu familière – à la sécurité sociale. Comme je l’ai rappelé hier tout au long de nos débats, si l’on « pompe » ainsi plusieurs milliards d’euros dans les caisses de la sécurité sociale, il est impératif de trouver d’autres financements. Or les pistes qui sont proposées, notamment par notre groupe, ne sont pas suivies par le Gouvernement, mesdames les ministres.
Ce PLFSS repose de nouveau sur la même philosophie : une fois la crise de la covid passée, vous restreindrez les dépenses de santé, qui vous apparaissent comme un coût. Nous estimons pour notre part qu’elles permettent de répondre aux besoins de santé. Ces restrictions feront peser une nouvelle pression sur les hôpitaux.
Ne pas compenser intégralement les exonérations, les exemptions et les allégements de cotisations revient à déstabiliser ce pilier qu’est la sécurité sociale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 695 rectifié bis est présenté par Mmes Préville et Jasmin, M. Bourgi, Mmes Blatrix Contat et G. Jourda, MM. Kerrouche, P. Joly et Vaugrenard, Mme Conway-Mouret, M. Marie, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Redon-Sarrazy, Gillé et Tissot et Mmes Monier et Lepage.
L’amendement n° 912 est présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Remplacer l’année :
2021
par l’année :
2020
II. – Alinéa 4
Après le mot :
fixé
insérer les mots :
par décret en Conseil d’État et ne peut être supérieur
La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 695 rectifié bis.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement, qui a été déposé par Mme Angèle Préville, vise à prolonger la participation exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la gestion de l’épidémie de covid-19.
La contribution demandée aux organismes complémentaires d’assurance maladie s’applique sans différenciation aux mutuelles. Or ces dernières n’ont pas de but lucratif. Cette contribution pourrait déséquilibrer leur modèle économique, menaçant ainsi leur forte contribution à l’accès aux soins des Français et à la promotion d’une complémentaire santé accessible pour tous.
Par ailleurs, le calcul de cette contribution est fondé sur la baisse des dépenses de soins liée au confinement intervenu de mars à mai 2020.
Cet amendement vise donc à garantir une meilleure transparence et une plus grande cohérence de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d’assurance maladie en utilisant comme référence les cotisations perçues en 2020.
Le Gouvernement estime les baisses de prestations des organismes complémentaires d’assurance maladie, qu’il qualifie d’« économies », à plus de 2,2 milliards d’euros, sans étude préalable, notamment sur le rattrapage de la consommation de soins.
Par conséquent, il est proposé de créer un dispositif réglementaire plus souple comprenant une clause de revoyure sur le taux de la contribution afin, si besoin, de l’adapter en 2021.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 912.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans le droit fil de l’intervention précédente, je rappelle que, à l’issue du confinement et après les déprogrammations d’opérations qui en ont résulté, lesquelles, on le sait, induisent des risques de santé supplémentaires, des rattrapages des dépenses de soins ont déjà eu lieu en 2020, pendant la courte période où nous n’avons pas été confinés.
Ces rattrapages ont concerné les postes couverts par les organismes complémentaires : les soins dentaires ont ainsi connu une hausse de 30 %, les analyses médicales de 65 %, les soins optiques de 20 %. Ce phénomène se produira de nouveau quand sera levé le deuxième confinement.
Comme je l’ai dit hier, nous devons maintenir les garanties santé et prévoyance des centaines de milliers de travailleurs qui vont perdre leur emploi et avoir à l’esprit les difficultés économiques, financières et sociales qui risquent d’avoir des effets délétères sur la santé des populations les plus modestes. Nous devrons accompagner ces personnes de façon plus forte.
J’indique que l’alourdissement de la fiscalité des mutuelles est quasiment de même niveau que le montant qui sera alloué à l’économie sociale et solidaire, dont les mutuelles font partie, dans le cadre du plan de relance.
Le présent amendement vise donc à donner de la prévisibilité aux mutuelles en prenant comme référence les cotisations perçues en 2020 et à plafonner le taux de cette dépense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable.
Le montant des cotisations de l’année semble une assiette beaucoup plus cohérente pour cette contribution exceptionnelle en 2021.
Par ailleurs, la commission a déposé un amendement visant à accroître la contribution pour 2021.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Je comprends votre argumentation et les craintes que vous exprimez. Toutefois, l’adoption de ces amendements aboutirait à taxer deux fois – en 2020 et en 2021 – le montant des primes et des cotisations.
Nous sommes toutefois conscients que les choses peuvent encore évoluer, malheureusement. C’est pourquoi le Gouvernement a pris l’engagement, si un écart important était constaté, de revoir le niveau de taxation de 2021. Cette clause de revoyure n’a donc pas vocation à être contrainte a priori, dans un sens ou dans un autre.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 695 rectifié bis et 912.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 145, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
1,3 %
par le taux :
2,6 %
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à faire contribuer les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM, aux charges de la branche maladie à hauteur de 1 milliard d’euros en 2021, c’est-à-dire au même niveau qu’en 2020.
En effet, au regard de la dégradation de la situation sanitaire depuis le dépôt du PLFSS, dégradation que ne nie pas M. Dussopt, les charges et les déficits de la branche maladie risquent de se creuser alors même que les charges des OCAM vont sans doute encore diminuer.
Il est donc nécessaire d’accroître l’effort de solidarité des complémentaires santé envers le régime général en 2021.
M. le président. Le sous-amendement n° 1070, présenté par Mme Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :
Amendement n° 145
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les organismes dont le chiffre d’affaires en 2019 était inférieur à 50 millions d’euros, ce taux est fixé à 1,3 %.
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Je souhaite que l’effort de solidarité demandé, lequel est nécessaire, je ne le conteste pas, s’accompagne d’une plus grande équité.
Peut-on appliquer à tous les organismes, sans exception, les mêmes taux de contribution afin de passer cette crise ? Pour certaines petites ou toutes petites mutuelles, il sera excessivement difficile d’assumer un effort doublé cette année, car elles sont tenues, malgré leur petite taille, de prendre les mêmes précautions financières – taux de réserve, provisions, etc. – qu’une grosse mutuelle.
Les contributeurs de ces mutuelles perçoivent souvent les minima sociaux ou de petites pensions, souvent 600 euros par mois au plus. C’est le cas à la Martinique, où les petites mutuelles ont beaucoup souffert de la crise.
Dans un souci d’équité, je souhaite donc que, plutôt que d’appliquer indifféremment un taux doublé, on distingue ces petites mutuelles, notamment d’outre-mer, des gros organismes, pour lesquels cette contribution de solidarité sera plus indolore.
M. le président. L’amendement n° 704 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
1,3 %
par les mots :
1,6 % pour les organismes régis par le code des assurances et à 1 % pour les organismes régis par le code de la mutualité
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Le présent amendement, comme le précédent, a pour objet d’instaurer une différenciation dans la contribution exceptionnelle demandée en 2021 aux organismes complémentaires selon qu’il s’agisse d’une mutuelle, soit un organisme à but non lucratif, ou d’une compagnie d’assurance privée à but lucratif.
En effet, les compagnies d’assurance privée, qui couvrent d’autres marchés que les complémentaires santé, ont enregistré des dépenses moindres. Il semble donc légitime de leur demander une participation exceptionnelle pour la gestion du covid, différente de celle des acteurs mutualistes.
De plus, le risque de répercussion sur les cotisants est réel. Le deuxième confinement entraîne une augmentation du chômage partiel et des licenciements, et donc une baisse des cotisations en raison de non-paiements. Du fait de la portabilité des droits, les mutuelles devront pourtant continuer à prendre en charge les assurés.
M. Olivier Dussopt a indiqué hier, et vous l’avez également souligné, madame la ministre, que les assurances se sont engagées à maintenir les cotisations. Les mutuelles seront pourtant contraintes de les augmenter pour équilibrer leurs comptes : elles nous alertent déjà sur cette issue probable.
En conséquence, et par cohérence avec notre vote d’hier à l’article 3, je vous propose d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1070 et sur l’amendement n° 704 rectifié ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le sous-amendement n° 1070 nous ayant été transmis après la réunion de la commission, c’est à titre personnel que je m’exprimerai.
J’y suis défavorable, car l’activité ne dépend pas de la taille. Il s’agit non pas de toucher à l’équilibre des comptes, mais de prélever un pourcentage de l’excédent consécutif à la diminution des charges. Ni les mutuelles ni les assurances ne seront contraintes d’augmenter leurs cotisations, car elles ne vont rien perdre, si ce n’est une partie de leurs excédents. Il faut que vous le compreniez.
L’amendement n° 704 rectifié défendu par Mme Le Houerou vise à introduire une différenciation. Hier, l’adoption d’une disposition comparable nous a coûté 400 millions d’euros !
J’entends que, cette fois, nous n’engagions pas une dépense supplémentaire. Je souhaite que nous augmentions le taux pour l’année 2021 afin de parvenir à une contribution de 1 milliard d’euros pour le budget de la sécurité sociale. (Sourires.)
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 704 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 145 et 704 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 1070 ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est le même que celui de M. le rapporteur général, pour les mêmes raisons : défavorable.
Mesdames les sénatrices, le taux est identique pour les mutuelles et les sociétés d’assurance, car elles sont confrontées à la même situation. Nous ne les taxons pas, nous récupérons simplement une forme d’avance que la sécurité sociale a faite en se substituant aux organismes complémentaires.
Les amendements visant à minorer, à doubler ou à supprimer cette contribution ne vont donc pas dans le bon sens. Leur adoption créerait d’ailleurs une distorsion de concurrence potentiellement anticonstitutionnelle. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas toucher à l’assiette de cette contribution.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons déjà eu hier dans les mêmes termes sur l’article 3. Nous avons alors choisi – c’est à mon sens un bon choix – de faire une différence entre les OCAM, ce choix justifiant aujourd’hui le vote de l’amendement n° 704 rectifié.
J’entends bien le message du rapporteur général et les propos de Mme la ministre sur l’équilibre financier. Le Gouvernement pourra nous proposer en commission mixte paritaire des taux différents, qui permettront de ne pas dégrader la situation financière tout en maintenant le principe de la différenciation entre les deux types d’OCAM. Nous pourrons alors nous rallier à une modification de ces taux, à condition que nous soient communiqués des éléments chiffrés.
Pour cela, il faut que nous adoptions aujourd’hui l’amendement n° 704 rectifié, sinon la porte sera fermée.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’abonderai dans le sens de mon collègue Jomier, avec une méthode différente.
Hier, M. Dussopt nous a fait remarquer que les bases étaient différentes et que le manque à gagner s’élèverait à 400 millions d’euros, quand un prélèvement de 1 milliard d’euros était prévu en 2020.
Si j’ai bien compris, madame la ministre, vous souhaitez que les mutuelles abondent la branche maladie à hauteur de 1,5 milliard d’euros sur deux ans – en 2020 et en 2021. Or en 2020, cet abondement sera inférieur de 400 millions d’euros au milliard prévu. Vous devriez donc soutenir l’amendement du rapporteur général, qui vise une contribution non pas de 500 millions d’euros, comme vous le proposiez, mais de 1 milliard d’euros. Cela vous permettrait de porter cet abondement à 1,5 milliard d’euros, comme vous l’envisagiez.
J’incite donc mes collègues à voter l’amendement du rapporteur général afin de parvenir à la somme envisagée par le Gouvernement.