Mme Monique Lubin. L’article 6 du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire comporte des dispositions à même de protéger certaines personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise dans le cadre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, ces personnes ne pourront « encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ».
Le présent amendement a pour objet de mettre en place des dispositions semblables au profit des particuliers. Il s’agit de les protéger eux aussi de l’encours d’intérêts, de pénalités ou de toute mesure financière, action, sanction ou voie d’exécution forcée pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux à usage d’habitation ou mixtes.
Nous demandons la même protection que celle prévue dans le projet de loi pour des personnes qui travaillent dans des entreprises qui seront fermées de manière administrative ou dont l’activité dépend de ces entreprises. Il n’y a pas de raison de protéger les entreprises et pas les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me dois de répondre de manière un peu technique à cet amendement ; je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
Cet amendement vise à étendre les dispositions qui sont prises pour assurer la pérennité de l’activité de certaines entreprises aux particuliers qui, pour leur logement, versent un loyer à leur bailleur. C’est une question qui a une dimension sociale que tout le monde perçoit – je n’y reviens pas –, mais qui a aussi une dimension juridique.
En échange de son loyer, l’entrepreneur bénéficie d’un outil de travail. Or un certain nombre d’entreprises ne peuvent pas exploiter cet outil de travail à cause de la crise du covid ; c’est ce qu’on appelle en droit un trouble de jouissance. Au fond, et pour simplifier, on pourrait dire que l’entrepreneur n’en a plus pour son argent. Ce n’est pas la faute du propriétaire, ce n’est la faute de personne, c’est la faute d’une situation qui fait que le bien ne peut pas être exploité dans les conditions pour lesquelles le bail a été conclu.
En échange du loyer que beaucoup d’entre nous qui sommes locataires versons, le propriétaire fournit en contrepartie une habitation. Or cette contrepartie est toujours là. Nous sommes toujours logés, tandis qu’un entrepreneur n’a plus son outil de travail. C’est la raison pour laquelle, d’un strict point de vue juridique, une différence de traitement se justifie parfaitement entre les deux types de situation.
J’ajoute qu’il existe une autre notion juridique, l’abus de droit, que les tribunaux peuvent sanctionner. Bien souvent, dans une situation sociale difficile, on règle toutes ses dépenses, sauf le loyer, qui devient une variable d’ajustement. Mais nous devons aussi penser aux petits propriétaires qui comptent sur ce loyer pour vivre – je pense notamment à ceux, par exemple anciens agriculteurs ou artisans, qui ont une petite pension de retraite. Devons-nous dire à ces petits propriétaires, qui sont parfois démunis, que leur locataire a le droit de ne pas payer son loyer en raison du covid-19 ? Quand on a une pensée sociale, il faut avoir le souci de l’équilibre.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement, et la commission a été convaincue, en lui donnant un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.
D’une part, une mesure générale de cette nature poserait un certain nombre de difficultés d’application liées tant à la détermination de son champ d’application qu’à des questions d’indemnisation des propriétaires.
D’autre part, elle ignore – permettez-moi de le rappeler – les nombreuses mesures qui ont été prises pour soutenir les personnes en difficulté dans le paiement de leur loyer.
Ainsi, Action Logement a mis en place un fonds de 100 millions d’euros pour soutenir les salariés qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer. Comme l’a annoncé récemment le Premier ministre, ce fonds a été rouvert dans le cadre des nouvelles mesures prises pour lutter contre le basculement dans la pauvreté.
De même, il existe plusieurs dispositifs d’aides, par exemple le Fonds de solidarité pour le logement, qui est géré par les départements et qui peut soutenir les personnes en difficulté de paiement. Il a aussi été décidé d’engager une politique allant vers ces personnes de façon à leur assurer le meilleur accès à ces aides. Les bailleurs sociaux sont également très attentifs à ce sujet ; ils ont mis en place tous les dispositifs nécessaires pour accompagner leurs locataires – il faut saluer cet effort. Je signale d’ailleurs que le pôle national de prévention des expulsions locatives anime une cellule de veille sur les impayés de loyers : à ce jour, ceux-ci apparaissent contenus, ce qui ne doit pas nous empêcher de rester extrêmement vigilants – c’est pour cette raison que des aides ont été mises en place dès le début de la crise.
Enfin, concernant le remboursement des prêts, la période précédente a montré l’engagement des banques pour trouver les aménagements nécessaires avec leurs clients en difficulté. Soyez convaincus que nous continuerons d’être attentifs sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le présent article est applicable aux personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les types et seuils de revenus concernés, et en tant qu’ils ont été impactés par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur revenu cesse d’être affecté par ces mesures, les personnes mentionnées au I peuvent bénéficier d’aménagements tels que le paiement de leurs loyers et de leurs mensualités de prêt immobilier puisse être différé et échelonné dans des conditions établies par décret.
III. – Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers, charges locatives et mensualité de prêts immobiliers dus pour la période au cours de laquelle les revenus de la personne physique sont affectés par les mesures de police administrative prises dans le cadre de la crise sanitaire et impactant les personnes physiques, salariées d’entreprises frappées par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l’article L. 3131-17 du même code, et ayant de ce fait connu une perte de revenus.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement, qui est de la même veine que le précédent, vise à ce que les particuliers victimes de pertes de revenus qui travaillent dans des entreprises fermées administrativement ou dont l’activité dépend de celles-ci puissent bénéficier d’aménagements pour le paiement de leur loyer ou de leur mensualité de prêt.
Je sais que vous allez me répondre la même chose que tout à l’heure. Je me permets donc de vous livrer les commentaires que m’ont inspirés vos avis sur mon précédent amendement.
Monsieur le rapporteur, je comprends parfaitement les contraintes juridiques. En revanche, je ne souhaite pas que mon amendement soit caricaturé. Il ne s’agit pas de permettre aux gens de ne plus payer leur loyer du fait du covid-19 : seuls ceux qui travaillent dans des entreprises fermées administrativement ou dont l’activité dépend de celles-ci seraient concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, je me permets juste de vous rappeler que vous ne cessez de malmener Action Logement. Vous ne cessez de lui enlever des crédits. Dans les préconisations relatives au financement de la future branche autonomie, il est encore question de taper sur Action Logement…
Je veux également évoquer tous les coups de canif que vous avez mis dans le contrat concernant les aides au logement pour les particuliers, et je rappelle que la branche des aides au logement et du logement est l’une des plus pauvres de votre politique.
Il n’est donc absolument pas vrai que tous les dispositifs sont prévus aujourd’hui. Je sais quel sort sera réservé à mon amendement, mais nous tenions aujourd’hui à ce que tout cela soit répété de manière ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement comme au précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, j’étais prêt à vous rejoindre quand vous avez évoqué la nécessité de ne pas tomber dans la caricature. Je regrette que vous tombiez à votre tour dans la caricature sur la politique menée par le Gouvernement.
J’émets sur l’amendement un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Par dérogation, les Français expatriés rentrés en France entre le 1er octobre 2020 et le 1er avril 2021 et n’exerçant pas d’activité professionnelle sont affiliés à l’assurance maladie et maternité sans que puisse leur être opposé un délai de carence. Les modalités d’application du présent article peuvent être précisées par décret. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Deromedi et Di Folco, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Le Gleut, Regnard et Hugonet, Mme Berthet, MM. Pellevat, Daubresse, D. Laurent et Lefèvre, Mme Lopez, M. Piednoir, Mmes Demas et Joseph, MM. Chaize et Brisson, Mmes M. Mercier et Procaccia, MM. Bouloux et Courtial, Mme Lassarade, MM. Vogel et Bonne, Mme Gruny, MM. B. Fournier, Paccaud, Calvet, Mouiller et Savin, Mmes L. Darcos, Dumont, Imbert, Thomas et Bonfanti-Dossat et M. Babary, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les titres d’identité et les passeports des ressortissants français résidant à l’étranger dont la fin de validité est postérieure à la publication du décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire sont prorogés pour une durée de six mois après la cessation de cet état.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Nos compatriotes expatriés rencontrent de grandes difficultés pour obtenir le renouvellement ou la prorogation de leurs cartes d’identité ou passeports en raison de la crise pandémique.
De nombreux compatriotes ne peuvent se déplacer dans les postes consulaires compétents pour la délivrance de ces documents pour y effectuer les démarches nécessaires. Il s’agit particulièrement de nos compatriotes résidant à l’étranger âgés, handicapés ou confinés. Les services numériques dédiés à ces procédures ne fonctionnent pas toujours dans certains pays. Par ailleurs, les tournées consulaires sont limitées par la crise.
Dans certains pays, l’obtention d’un visa est conditionnée à une date d’expiration du passeport intervenant au moins six mois avant la date de séjour. Certains États estampillent les visas de séjour temporaire directement sur le passeport, ce qui place le titulaire d’un passeport périmé en situation irrégulière au regard des services de l’immigration.
Nous proposons donc que ces titres soient prorogés pour une durée de six mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie nos collègues auteurs de cet amendement, au premier rang desquels Mme Jacky Deromedi, qui est très au contact de tous nos compatriotes Français établis hors de France, de nous avoir fait connaître cette situation très pénible pour nos concitoyens.
Dans certains pays, nos ressortissants ont déjà beaucoup de difficultés à pouvoir se rendre en France pour visiter leur famille, indépendamment de cette difficulté administrative. Je salue donc l’heureuse initiative qui consiste à y mettre un terme.
La commission est favorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous avons évidemment conscience des difficultés que rencontrent ou ont pu rencontrer un certain nombre de nos ressortissants résidant à l’étranger. Toutefois, en plein accord avec le ministère de l’intérieur, j’émettrai un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
D’abord, si vous me permettez l’expression, l’État reste ouvert. Il en va de même des services publics. Le Président de la République a affirmé fortement ce principe, dont on retrouve l’application dans le décret qui a été publié la nuit dernière.
Ensuite, sachez, madame la sénatrice, que des consignes très claires ont été passées pour que soient traités en priorité les dossiers des ressortissants français.
En outre, les services des consulats sont un peu soulagés par l’amoindrissement de l’activité de délivrance de visas pour l’international. Ils disposent dès lors de davantage de temps pour s’occuper du renouvellement dans les délais impartis pendant l’état d’urgence sanitaire et, a fortiori, dans les six mois qui suivront.
Pour toutes ces raisons très concrètes, très pratiques, très opérationnelles, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie notre collègue Jacky Deromedi d’avoir déposé cet amendement. Effectivement, le sujet mérite d’être abordé : au pire de la crise, 50 000 Français résidant à l’étranger n’avaient pas la possibilité d’aller récupérer leur passeport. La situation continue à être difficile.
Cela étant, je ne pense pas que l’adoption de cet amendement, que je voterai, permettra de résoudre l’ensemble des difficultés. Nous avons déjà vécu une telle situation voilà quelque temps, lorsque le Gouvernement avait décidé de proroger de quelques années les cartes nationales d’identité. Bien entendu, si le passeport a une date limite de validité, les autorités étrangères vont considérer qu’il n’est plus valable au-delà de celle-ci. Même si une autre loi est votée, des difficultés continueront à se poser.
Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas correct de ne pas bouger sur ce sujet, alors même que la loi ASAP vient d’être adoptée. Le problème se pose à l’étranger, mais pas seulement. Le renouvellement des passeports représente une charge de travail immense, dans la mesure où tous les demandeurs doivent se déplacer en préfecture ou en consulat pour fournir leurs empreintes biométriques, bien qu’elles figurent déjà dans la base TES. C’est une aberration complète. Expliquez-moi où est la simplification ! Celle-ci consisterait tout simplement à ne pas redemander les empreintes biométriques.
Il est absolument indispensable que, sur ce sujet, le ministère de l’intérieur clarifie les choses et simplifie ses exigences, afin qu’un renouvellement de passeport ou de carte nationale d’identité n’exige pas un déplacement pour un relevé d’empreintes existant déjà dans la base TES. Nous le demandons depuis des années.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, la crise sanitaire a créé de grandes difficultés dans les consulats ! Nous avons absolument besoin que, à l’occasion de celle-ci, des dispositions soient prises pour simplifier la manière dont les passeports peuvent être renouvelés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai rarement l’occasion de faire des confessions personnelles, mais je veux évoquer le cas de ma fille, qui attend ses papiers depuis huit mois à New York.
Je veux témoigner de l’état de désorganisation d’un certain nombre de services ainsi que des difficultés que rencontrent nos concitoyens qui habitent à l’étranger pour accéder aux lieux où l’on délivre ces passeports.
L’amendement est de bon sens. Il est évident qu’il faut arranger les choses, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je ne crois pas du tout que les services soient soulagés !
Nous allons, dans le débat budgétaire, évoquer ce sujet et les moyens de nos consulats. Pour l’heure, je soutiendrai l’amendement des deux mains.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Je suis désolée, monsieur le secrétaire d’État, mais je crois que vous connaissez mal ce qui se passe à l’étranger. Pour y vivre depuis longtemps, je peux vous dire que les services consulaires sont totalement débordés. Le personnel est réduit à peu près partout. La plupart des services sont actuellement fermés à cause de la crise sanitaire et n’ouvrent que sur rendez-vous, avec des délais parfois très longs.
Je pense qu’aujourd’hui des dispositions doivent être prises pour les Français de l’étranger, parce que, dans certains pays, quand on n’a plus de passeport en règle, donc de possibilité de prouver son identité, les visas sautent. C’est un problème urgent, qu’il faut régler rapidement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 76, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les conditions de modification du revenu de solidarité active pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, dès dix-huit ans, assorties de mesures d’accompagnement par le biais notamment de formations, afin de lever les verrous actuellement existants et empêchant ces jeunes de bénéficier de la solidarité nationale à hauteur de leurs besoins. Dans ce rapport figurent également les dispositions prises par le Gouvernement en direction des publics jeunes et étudiants pour leur garantir l’accès à des espaces de détente salubres et respectueux de la dignité humaine sur la base d’une périodicité suffisante afin de protéger leur intégrité psychique et psychiatrique dans le cadre de la crise de la covid-19.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 77.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 77, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant les dispositions qu’il a prises pour assurer la sécurité alimentaire des personnes en situation de fragilité sociale ainsi que leur accès aux produits de première nécessité.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Monique Lubin. Je connais le sort qui sera réservé à ces amendements, puisqu’il s’agit de demander la production de deux rapports, mais nous n’avions pas d’autre solution.
L’amendement n° 76 porte sur la situation des jeunes dans ce pays.
La question du RSA jeune se pose non pas depuis que le RSA a été créé, mais depuis maintenant un certain nombre d’années. En effet, depuis quelque temps, les jeunes – comme les seniors, à l’autre bout de la chaîne – sont les premières victimes de la crise. Mais, aujourd’hui, la question de la situation des jeunes de moins de 25 ans en situation de grande précarité se fait particulièrement prégnante.
Un certain nombre de collègues ne veulent pas entendre parler de la mise en place du RSA jeune. Il faut pourtant s’interroger : dans un pays comme le nôtre, avec les sommes que le Gouvernement est capable de débloquer pour venir en aide aux entreprises en difficulté, mais également à leurs salariés, je ne vois pas comment on peut continuer à fermer les yeux ou à faire la sourde oreille face aux jeunes en difficulté.
Je veux aussi, au travers de cet amendement, évoquer la situation des jeunes étudiants, dont nombre d’entre eux ont rencontré, durant le premier confinement, de grandes difficultés, non seulement sociales et alimentaires, mais aussi psychiques, parce qu’ils étaient cloîtrés chez eux, dans des chambres universitaires, très loin de leur famille et dans l’impossibilité de sortir. Or il n’y a pas de raison que les choses se passent différemment cette fois.
Le présent amendement vise à demander la production d’un rapport qui nous permettra de savoir dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à mettre en place un RSA jeune et à s’intéresser à tous les jeunes, notamment les étudiants, qui, pour une raison ou une autre, sont seuls et peuvent se retrouver dans une situation d’aggravation de leur état psychique à la suite du confinement.
Le second amendement tend à la remise d’un rapport sur la sécurité alimentaire de nos concitoyens, car, aujourd’hui, malgré l’investissement de nombreux bénévoles, beaucoup se retrouvent en difficulté sur ce plan.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je ne comptais pas revenir sur la position de la commission sur les injonctions qui sont faites au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement.
Nous savons tous que, sous le régime de la Ve République, le rapport de force entre l’exécutif et le législatif s’est inversé en défaveur du Parlement. J’ose dire que, chaque fois que nous demandons un rapport au Gouvernement, au lieu de régler un problème, nous accentuons cette faiblesse du législatif par rapport à l’exécutif. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant, pour soulever un problème, à demander au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement. Par conséquent, elle est défavorable aux amendements nos 76 et 77.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces deux amendements.
S’agissant de l’activité des jeunes, vous connaissez, madame la sénatrice, l’ensemble des dispositions prises par le Gouvernement en cette période de crise, particulièrement pour faire en sorte que la « génération covid » ne soit pas une génération sacrifiée, dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », sous-tendu par l’idée que chaque jeune doit se voir proposer une solution.
Vous savez par ailleurs que le versement d’une aide exceptionnelle de 150 euros a été décidé pour un certain nombre d’entre eux.
En outre, sur la question du RSA jeune, sur laquelle vous demandez un rapport, de nombreux travaux ont été réalisés et sont encore en cours dans le cadre des réflexions sur le revenu universel d’activité (RUA).
J’en viens au second sujet que vous souhaitez soumettre au débat.
Votre amendement m’offre l’occasion de rappeler, en dehors de toute caricature, tout ce que le Gouvernement a pu faire en cette période compliquée pour assurer la sécurité alimentaire des plus fragiles de nos concitoyens. Nous avons bien évidemment encore plus conscience qu’en temps normal de la nécessité d’agir en ce sens.
Cette crise a conduit l’État à apporter un soutien opérationnel et financier significatif aux opérateurs de l’alimentaire, tout en confortant son rôle de coordination, afin d’aider les acteurs à faire face à l’urgence et à la hausse des besoins. Deux premiers plans de soutien à l’aide alimentaire, dotés de 94 millions d’euros, ont été déployés dès le mois d’avril afin de soutenir les associations confrontées à des difficultés logistiques, mais aussi pour mettre en place une aide d’urgence alimentaire au profit des foyers les plus en difficulté, dispositif qui a été complémentaire de la distribution de chèques services à hauteur de 50 millions d’euros à destination des personnes sans abri.
Ces décisions s’inscrivent dans l’ensemble des mesures sociales d’urgence prises afin d’aider les plus précaires face à la crise, dans des proportions jamais connues dans l’histoire de notre pays. Au total, elles ont représenté plus de 3 milliards d’euros de soutien direct aux personnes précaires.
Le Gouvernement a par ailleurs renforcé son rôle de coordination des différents acteurs et dispositifs dès le mois de mars, en permettant la continuité des distributions grâce au réseau préfectoral. Ainsi, la circulaire du 2 juillet 2020 demande aux préfets de créer une instance de coordination opérationnelle pérenne au niveau départemental.
Le Gouvernement a également installé le comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire au début du mois de septembre.
Face aux conséquences de la crise, le plan France Relance comporte une mesure de 100 millions d’euros pour soutenir les associations de lutte contre la pauvreté. Les associations engagées dans la lutte contre la précarité alimentaire sont particulièrement ciblées dans ce dispositif.
Par ailleurs, conformément aux engagements du Président de la République, les montants des fonds européens consacrés à l’aide alimentaire ont été sanctuarisés, voire augmentés. Les commandes réalisées grâce au FEAD sont en train d’arriver et celles qui ont été effectuées au moyen des crédits React-UE sont en cours d’élaboration.
En ce qui concerne le renforcement des mesures sanitaires, rassurez-vous, le décret d’application et l’attestation ouvriront une dérogation pour les personnes vulnérables, les travailleurs sociaux et les bénévoles travaillant la nuit, notamment dans le cadre de maraudes sociales.
Enfin, pour être complet, je rappelle que des consignes très claires ont été passées aux forces de l’ordre pour qu’elles agissent avec le plus grand discernement à l’égard des personnes sans abri qu’elles rencontreront. Nous leur demandons de contribuer à les orienter vers la mise à l’abri.
Je vous remercie, madame la sénatrice, de m’avoir donné l’occasion d’évoquer avec précision l’ensemble de ces éléments et, ainsi, d’éclairer la représentation nationale.