M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Madame la ministre, je suis un peu surpris que cette proposition, qui me paraît relever éminemment d’une sagesse et d’un bon sens ancrés dans la terre, puisse créer une polémique ou poser un problème. J’ai même du mal à concevoir pourquoi cet amendement ne serait pas accepté par le Gouvernement.

Revenons dans la réalité : j’étais samedi dernier à la préfecture des Bouches-du-Rhône, où les parlementaires étaient reçus par le Premier ministre et le préfet du département. La préoccupation majeure de tous les représentants des différentes corporations de commerçants et d’artisans qui étaient présents à cette réunion était que leur cas puisse être étudié de manière spécifique en tenant compte de ce qui se passe, précisément, dans la réalité. Telle était également la préoccupation des maires des petits villages des Bouches-du-Rhône qui étaient présents.

L’incompréhension est totale ; elle tient au fait que le sujet n’est pas étudié d’une manière déconcentrée et décentralisée, au niveau des territoires. C’est tout ce que nous demandons ! Nous ne demandons pas que tous les commerces rouvrent demain ; nous demandons simplement que les problèmes soient étudiés au cas par cas, par le biais qu’a très bien expliqué notre rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je voudrais vous exhorter à sauver les centres-villes. On ne peut pas promettre une loi sur la décentralisation, la différenciation et la déconcentration et, dans le même temps, tuer les petits commerces. J’ai entendu mes collègues parler de la ruralité. Je peux vous assurer que dans les grandes villes, à Marseille par exemple, tout ce qu’on peut faire pour le petit commerce permet d’assurer la sécurité et la pérennité de notre ville. Aujourd’hui, tous les centres-villes souffrent en France. De quoi souffrent-ils ? Des grandes surfaces !

Déjà, pendant le confinement, nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait se chausser, s’habiller, acheter les produits de première nécessité dans les grandes surfaces alors que tous les magasins, par ailleurs, étaient fermés. C’est encore plus incompréhensible aujourd’hui, surtout lorsqu’on entend le Président de la République dire qu’il veut réindustrialiser le pays et favoriser la production locale. En effet, que se passe-t-il ? Mes collègues vous l’ont dit, depuis toutes les travées de cette assemblée : un bouquin que vous n’achetez pas dans une librairie, c’est une vente pour Amazon ! Amazon s’apprête à embaucher pendant que nous assistons à la destruction de nos commerces de proximité. Mais jusqu’où ira cette absurdité, madame la ministre ?

Je voudrais que la voix du Parlement soit entendue afin que puisse cesser cette concurrence biaisée, déloyale, que vous allez créer en favorisant les grandes surfaces. Ou bien, si vous nous entendez, madame la ministre, il faudra proposer à ces dernières de ne vendre que des produits alimentaires, pour que les autres commerces ne soient pas lésés.

Les Français en ont assez, par ailleurs, que vous instrumentalisiez le Parlement. Le Parlement n’est pas la chambre d’enregistrement des désirs du Président de la République ! Nous ne sommes pas là pour faire un petit tour sans participer à la décision ! Quand on en appelle à l’union nationale, on respecte la représentation nationale, et on l’écoute, madame la ministre ! On ne fait pas semblant de venir tout en n’écoutant pas ce que les parlementaires ont à dire. Les parlementaires sont élus par les Français, et les Français, aujourd’hui, ont envie d’être entendus et respectés dans leurs choix ; ils ont envie que l’on respecte les petits commerces, les centres-villes et la ruralité.

Je vous en prie, madame la ministre : sauvez les petits commerçants, qui ont tant souffert. Cela ne sert à rien de faire de la dette si c’est pour tuer ceux qui restent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, ce sont, sous plusieurs formes, les mêmes exhortations qui sont énoncées, ici, dans cette assemblée, pour défendre le petit commerce, mais aussi, au-delà du petit commerce, la vie de nos villages et de chacune de nos PME.

Quand on regarde le bilan en termes de perte de chiffre d’affaires de la première vague de confinement pour ce secteur économique, il est impossible d’expliquer dans nos territoires que, demain, on appliquera de nouveau une différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, les seconds accueillant pourtant dix, cent, mille fois moins de clients que les premières.

Il faut absolument sortir d’une forme d’autisme quant à la réalité de nos territoires et il faut effectivement, madame la ministre, que vous puissiez donner quelques gages au Parlement et, à travers nous, aux acteurs des territoires, aux PME aujourd’hui à l’agonie. Si vous ne le faites pas, vous en porterez la pleine responsabilité, car, après la mort « sanitaire » de certains de nos concitoyens, nous assisterons à une mort économique et sociale d’un grand nombre d’acteurs qui font la vie quotidienne de nos territoires et la richesse de nos centres-villes dans les grandes, moyennes et petites villes.

Ayez enfin un peu d’écoute à l’égard des parlementaires, lesquels représentent les territoires et leur diversité ! Je vous en conjure ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En réponse aux différentes interventions, je précise de nouveau que, soit l’amendement est une injonction à déconcentrer adressée au Premier ministre, soit il n’est pas normatif. D’où l’avis défavorable du Gouvernement.

Par ailleurs, je voudrais tout de même vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons décidé l’instauration d’un fonds de solidarité. En un mois, nous allons dépenser plus que sur la totalité du premier confinement !

Mme Éliane Assassi. Ils veulent travailler, pas être aidés !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je vous ai laissé parler, madame la sénatrice ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Je tiens donc à m’exprimer – je ne parle pas souvent –, notamment pour indiquer que je suis élue depuis plus de huit ans dans une circonscription extrêmement rurale. Par conséquent, je connais parfaitement les problèmes des commerçants, et compatis tout autant que vous à leur situation.

Mais j’affronte une crise sanitaire ! Je ne reste pas là à m’apitoyer, mesdames, messieurs les sénateurs ; je suis aux côtés des commerçants de mon territoire et je leur parle autrement : je leur explique ce que nous allons faire pour les aider. (Mme Pascale Gruny sexclame.)

Croyez-vous que nous n’ayons pas envie, nous aussi, de vivre normalement, de vivre à notre guise, de vivre sans confinement ? Aujourd’hui, il y a une crise sanitaire, et nous en sommes tous victimes ! Nous devrions plutôt être dans l’union et, à tous ces commerçants que nous tenons à bout de bras depuis des semaines et des mois, nous adresser d’une même voix !

Je ne suis pas une ministre « hors-sol » ! Voilà plus de huit ans que je suis élue. Venez sur mon territoire, madame la sénatrice, je vous y invite vous aussi… Je pourrai vous présenter des tas de gens, que je connais très bien et qui connaissent mon sens de la proximité. Je n’apprends rien de ces territoires ce soir, comme on vient de le laisser entendre ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-présidente

Mme le président. La séance est reprise.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42

Articles additionnels après l’article 1er

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 41, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-13 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 3131-13. – L’état d’urgence sanitaire est déclaré à la suite d’un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat sur proposition du gouvernement. L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application de l’état d’urgence sanitaire. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de ces dispositions. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

« La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19. Une loi autorise tous les douze jours son renouvellement, également après avis du comité des scientifiques prévu à l’article L. 3131-19. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Je vous propose, mes chers collègues, de continuer nos débats dans le même esprit qu’avant la coupure du dîner. En effet, cet amendement, qui tend à modifier le code de la santé publique, est en lien direct avec les dernières phases de notre discussion : l’état d’urgence sanitaire serait déclaré à la suite d’un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur proposition du Gouvernement.

D’ailleurs – j’ai écouté ce que vous avez dit, madame la ministre –, cela vaudra la peine de regarder combien d’amendements votés ici, en particulier d’amendements votés à l’unanimité, vous n’allez pas soutenir par la suite. On regardera, et on fera les comptes !

M. Pascal Savoldelli. Avec cet amendement, nous proposons que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré après un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat, sur proposition du Gouvernement. L’instauration d’une telle procédure participe d’un souci qui nous est commun à tous ici – forcément –, aussi bien au Gouvernement qu’aux parlementaires : mobiliser la Nation. Mais, excusez-moi de le dire, comment peut-on mobiliser la Nation avec les parodies de démocratie auxquelles nous avons assisté, que ce soit lors de la réunion de mardi ou du débat de cet après-midi ?

La question qui se pose est donc de savoir si l’on se donne les moyens d’avoir un moment d’unité…

Vous avez parlé d’union, madame la ministre ; j’ai bien écouté vos propos. Pour qu’il y ait unité, pour qu’il y ait union, il faut mobiliser la Nation ! Il faut écouter les parlementaires !

Un amendement a été voté à l’unanimité avant la suspension du dîner et vous nous dites, à travers votre réponse ou votre absence de réponse, qu’il sera de toute façon balayé à l’Assemblée nationale par votre majorité. Ce n’est tout de même pas une bonne façon de faire !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je n’ai jamais dit cela !

M. Pascal Savoldelli. J’ai parlé aussi de vos absences de réponse ou de vos silences, madame la ministre… Mais nous verrons bien ce que vous répondrez à la présente intervention !

J’ai en mémoire, aussi, le débat que vous avez eu avec ma collègue Laurence Cohen. Vous lui avez donné des chiffres, des chiffres, et encore des chiffres. Mais, vous qui avez mis en avant votre expérience d’élue locale, vous qui êtes aujourd’hui ministre, vous savez bien que l’on ne gouverne pas uniquement avec des chiffres ! On gouverne avec des chiffres, certes, mais aussi avec des valeurs et, parmi ces valeurs, se trouve l’humanité ! Tout cela relève de l’exercice politique !

Déjà, rappelez-vous, nous vous avions demandé un débat, ici, au Sénat, le 16 octobre dernier. Vous nous avez refusé ce débat, et vous nous en avez imposé un cet après-midi. C’est pourquoi nous vous demandons de nouveau, pour aujourd’hui, mais aussi pour demain, quels que soient l’exécutif et la majorité, de faire en sorte que l’on redonne du pouvoir et de la crédibilité au Parlement – Assemblée nationale et Sénat.

Mme le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le rapport mentionné au premier alinéa est communiqué à l’Assemblée nationale et au Sénat qui l’approuvent dans un délai de cinq jours au plus tard. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous cherchons – et nous en avons trouvé, avec la contribution du rapporteur – des dispositifs permettant d’associer plus étroitement le Parlement à cet état d’exception qu’est l’état d’urgence sanitaire.

À ce stade, néanmoins, nous n’avons proposé qu’un dispositif s’appliquant en cas de prorogation de cet état d’urgence sanitaire.

L’amendement n° 59 rectifié a donc pour objet d’associer le Parlement dès l’origine. Comment ? Par application de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré par un décret pris sur rapport du ministre chargé de la santé. Nous proposons ici que ce rapport soit adressé immédiatement à l’Assemblée nationale et au Sénat, et soumis aux parlementaires dans un délai de cinq jours.

Le scénario serait donc le suivant : le Président de la République annoncerait qu’il a l’intention de demander la proclamation de l’état d’urgence sanitaire, un décret serait pris sur rapport du ministre de la santé et, dans les cinq jours, le Parlement se prononcerait.

Cet amendement est complémentaire de l’amendement du rapporteur prévoyant une saisine du Parlement, uniquement après prorogation d’un état d’urgence qui durerait déjà depuis un mois. C’est très complémentaire, mes chers collègues, et au niveau, je pense, de l’exigence qui est la nôtre concernant l’association du Parlement.

Mme le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 3131-13, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots « douze jours » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 3131-14 est ainsi rédigé :

« La loi ne peut proroger l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois. Au-delà de cette durée, le vote d’une loi de prorogation est nécessaire tous les quinze jours. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. On pourrait dire ici – je ne suis pas complètement certain que le terme soit exact – qu’il s’agit d’un amendement de repli. Que proposons-nous ? De limiter le délai prévu entre la publication du décret déclenchant l’état d’urgence sanitaire et la loi de prorogation à douze jours, au lieu d’un mois.

Je le dis avec sérieux et solennité, on nous annonce un délai de réflexion de quinze jours pour évaluer la situation des commerces et de toute une série d’activités et on risque, je le crains, de déclarer hors-jeu notre proposition, à nous, parlementaires, de réduire ce délai d’un mois à douze jours.

Je veux attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait qu’il ne peut pas y avoir de différences dans les temporalités. Il ne peut pas y avoir la temporalité de l’artisan et du commerçant, celle de l’infirmière et de l’enseignant, celle du parlementaire, et puis celle d’un gouvernement. La démocratie doit s’exercer simultanément pour tous, dans le respect des fonctions et des identités de chacune et chacun.

Avec cet amendement, nous proposons donc de réduire le délai d’un mois à douze jours et, comme vous le savez, madame la ministre, nous serons là tous les douze jours ! Nous répondrons présent ! Chacun exercera son mandat de parlementaire avec responsabilité !

Ainsi, les mêmes temporalités seront appliquées à tous. On n’aura pas un régime d’exception avec des clauses de revoyure à quinze jours pour certains, un mois pour d’autres, et même plusieurs mois pour d’autres encore.

Compte tenu de l’exercice de la démocratie tel qu’il est attendu par nos concitoyennes et nos concitoyens, nous considérons que cette modification peut être apportée au texte. Cette limitation de la durée de l’état d’urgence initial permettrait une réactivité par rapport à une situation qui est extrêmement grave et qui doit nous mobiliser tous ensemble.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission comprend ce qui inspire ces trois amendements, ayant elle-même été inspirée par les mêmes motivations pour déterminer le système que j’ai précédemment exposé à notre assemblée et qui permet au Parlement de voter, à intervalles réguliers, la prorogation éventuelle du régime de l’état d’urgence et, à l’intérieur de ce régime, l’utilisation de pouvoirs pouvant aller jusqu’à l’imposition du confinement.

Cela étant, le dispositif de l’amendement n° 41, qui consiste à faire voter le Parlement tous les douze jours, nous placerait devant une quasi-impossibilité. On ne peut tout de même pas prendre un abonnement, mes chers collègues !

Cette solution me paraît tout à fait excessive. Autant je souhaite un contrôle resserré du Parlement, autant je trouve que, dans cette hypothèse, nous ne pourrions plus rien faire d’autre ici que de discuter, avant même d’avoir pu dresser le bilan des mesures prises, de la prorogation des pouvoirs spéciaux de l’état d’urgence sanitaire.

De la même façon, l’idée, défendue à l’amendement n° 59 rectifié, selon laquelle il faudrait que nous votions l’approbation d’un rapport scientifique est particulièrement créative, mais ne me semble pas comporter une dimension d’utilité pratique très grande.

Enfin, le système proposé à l’amendement n° 39 rectifié est contraire à la position de la commission. Celle-ci préfère que la reconduction de l’état d’urgence soit votée au bout d’un mois, et non douze jours, afin d’avoir le temps de mesurer les effets.

Nous ne sommes pas tout à fait dans le même cadre que celui de l’état d’urgence de la loi de 1955… Quand il s’agit de rétablir l’ordre public, on n’a pas en face de soi une épidémie. Quand il s’agit de combattre une épidémie, on a besoin d’un peu plus de temps. C’est pour cette raison, aussi, que la commission n’est pas favorable à l’amendement n° 39 rectifié.

Je vous prie de m’en excuser, mes chers collègues, parce que nous ne sommes pas si éloignés sur le plan des objectifs à atteindre. Néanmoins, nous souhaitons atteindre ces derniers selon d’autres modalités.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Savoldelli, ne me prêtez surtout pas des mots que je n’ai pas prononcés ! Je n’ai jamais dit que l’Assemblée nationale allait balayer ce que vous aviez décidé, parce que j’ai du respect pour la vie parlementaire. J’étais présidente de commission juste avant d’être ministre. Croyez-moi, je suis la première à défendre le débat parlementaire et je suis trop respectueuse de cette vie parlementaire pour tenir de tels propos. Donc, de nouveau, ne me les prêtez pas !

J’en viens à vos amendements. Conditionner la déclaration de l’état d’urgence sanitaire à une autorisation préalable du Parlement n’est pas conciliable avec l’urgence impérieuse de la situation.

Pour les mêmes raisons, limiter à douze jours la durée des prorogations successives pouvant être autorisées par le Parlement n’apparaît pas davantage compatible.

De manière plus générale, ces différents sujets pourront être examinés lors de la discussion, en début d’année prochaine, d’un projet de loi visant à créer un régime pérenne de gestion de l’urgence sanitaire.

Par ailleurs, madame la sénatrice de La Gontrie, le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire est obligatoirement motivé et le Parlement est déjà informé sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence. L’article 50-1 de la Constitution permet en outre de procéder à une déclaration, suivie d’un débat et d’un vote, comme cela a toujours été le cas – il y en a eu une cet après-midi même, dans cette assemblée.

J’ajoute, pour éviter tout malentendu, que la mention « sur le rapport du ministre », au sens des textes réglementaires, vise à désigner le ministre compétent pour présenter le projet de décret, mais ne renvoie à aucun document précis.

Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements nos 41, 59 rectifié et 39 rectifié.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je n’interprétais pas vos propos, madame la ministre ; j’essayais de m’expliquer vos silences. Et je ne le faisais pas en rapport avec mes propres interventions, mais en rapport avec celles qui ont précédé la suspension de séance. N’y voyez pas une question personnelle ; cela n’a pas de sens !

Moi, je ne vais pas vous raconter qui j’étais avant d’arriver ici. À mes yeux, ce n’est pas un élément de légitimité. Ma légitimité, madame la ministre, elle est nationale ! Je la tire des électeurs de ma circonscription ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Inutile, donc, de justifier d’un parcours ! Du calme !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. On ne fait pas non plus parler les silences !

M. Pascal Savoldelli. On peut ne pas être d’accord, ce n’est pas grave… Mais il faut alimenter le débat, madame la ministre ! Il faut argumenter ! Nous suggérons qu’il y ait un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur le fondement du décret gouvernemental. Vous refusez. Pourquoi ? C’est un débat politique, et il n’y a là rien d’irrespectueux : nos concitoyennes et nos concitoyens ont le droit de le savoir ! Ce que j’attends, donc, ce sont des arguments !

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de partager avec vous mes interrogations – parce que c’est ce que nous avons l’habitude de faire ici, sans nous jeter à la tête des « postulats » et des « étiquettes » toutes les cinq minutes.

Un délai de douze jours ne serait pas envisageable, car il poserait une question de réactivité, de temps de présence ou toute autre difficulté. Mais que font les élus tout au long de l’année ? Les maires, les présidents de département, les présidents de région ? Ils se fixent des calendriers : douze jours, quinze jours, je ne sais quel délai encore ! Dans une situation aussi difficile et complexe, avec une telle diversité de cas, il faut un degré très élevé de réactivité.

D’où mes interrogations. Ce n’est pas un diktat ! Il s’agit simplement d’essayer d’avoir la démocratie la plus vivante et la plus réactive par rapport aux besoins et aux problèmes posés. Ce n’est pas non plus une bataille de chiffres ou de mots, une simple question de jours. Il faut restimuler la démocratie, si on veut s’éviter les populismes et l’obscurantisme.

Tel était le sens de nos propositions. La rédaction de nos amendements était peut-être insatisfaisante, mais ils méritaient d’être débattus.

M. Jérôme Bascher. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 41,  n° 59 rectifié et n° 39 rectifié
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 2 (supprimé)

Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de la promulgation de la présente loi, est instauré un Comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité scientifique, d’un représentant par formation politique représentée au Parlement, d’un représentant par groupe politique de l’Assemblée nationale et du Sénat et d’un représentant par association nationale d’élus locaux. Ce comité se réunit une fois par semaine. Ses délibérations sont rendues publiques.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nos débats peuvent être marqués par des interventions passionnées, fortes de nos convictions : ce n’est pas gênant ici. On peut aussi se prononcer contre tel ou tel amendement ; mais on peut également faire des propositions ! C’est précisément ce que nous faisons avec cet amendement. Notre présidente de groupe, Éliane Assassi, l’a déposé préalablement au débat et au vote de cet après-midi, qui – je le rappelle – n’était pas contraignant.

Nous proposons de créer un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire. Cela ne remet pas en cause le conseil scientifique. Évidemment, cela ne remet pas non plus en cause le conseil des ministres. En revanche, cette structure politique, composée de femmes et d’hommes élus, choisis par les citoyennes et les citoyens, assurerait un contrôle réactif tout en formulant des suggestions ; elle pourrait alimenter une forme de boîte à idées. Il s’agit de permettre un suivi et d’éviter des erreurs, non d’entretenir des polémiques.

Les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont donc fait une proposition extrêmement constructive, loin des oppositions stériles.

Madame la ministre, le pluralisme, dont ce comité de suivi de l’état d’urgence serait le gage, nous aidera à faire face à la situation, quelle que soit la majorité de demain. Je vais même plus loin : notre proposition ne contient-elle pas les prémices d’une nouvelle Constitution, mettant un terme à la dérive monarchique que connaît l’exercice de la responsabilité présidentielle ?