Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. J’ai cinquante ans de vie politique derrière moi, ayant été l’un des plus jeunes élus de mon département. Je puis vous assurer, monsieur le ministre, qu’organiser le même jour les élections régionales et les élections départementales ne serait pas une bonne chose. Dans un tel cas de figure, vous pouvez être certain que ce sera l’extrême droite qui sera gagnante, car les électeurs votent traditionnellement beaucoup plus volontiers pour elle lors des régionales que lors des départementales. Je l’ai vérifié à plusieurs reprises. Je le répète, ce ne serait donc pas une bonne chose que les deux scrutins se tiennent le même jour, sauf à vouloir faire une plus grande place au Rassemblement national, ce qui n’est pas mon cas. C’est mon expérience qui me fait raisonner ainsi.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi organique, dont la commission a rédigé ainsi l’intitulé : projet de loi organique portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 124 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 262
Contre 73

Le Sénat a adopté le projet de loi organique.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
Discussion générale (suite)

Élections municipales, communautaires et consulaires de 2020

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires (texte de la commission n° 509, rapport n° 508).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
Articles 1er A et 1er

M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref : je suis très satisfait de l’accord auquel nous sommes parvenus, grâce notamment à la compréhension du rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Guillaume Vuilletet, député du Val-d’Oise.

Nous avons réussi à renforcer, pour les élections du 28 juin prochain, le régime des procurations, certes pas autant que je l’aurais souhaité, monsieur le ministre ; je pense que j’aurais pu convaincre M. Vuilletet si vos services n’avaient pas été si vigilants, vigilance que je déplore et que j’ai trouvée excessive.

En effet, je tenais à ce qu’un fils ou une fille puisse voter pour sa mère ou son père âgé, même quand il n’est pas inscrit sur la liste électorale de la commune. Et je ne vois pas en quoi nous courions le moindre risque de fraude. Je déplore que cela n’ait pas été rendu possible.

Pour autant, j’apprécie que la majeure partie des dispositions de la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de présenter avec mes collègues Bruno Retailleau et Hervé Marseille ait été retenue dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. De cela, je suis très satisfait.

Naturellement, nous avons écarté toutes les dispositions dont vous n’aviez plus besoin, à savoir celles qui portaient sur le report des élections municipales, qui auraient eu des conséquences sur la vie de nos collectivités et de nos groupements de communes. En revanche, nous avons maintenu le report des élections des conseillers consulaires.

Par le biais de cette question que nous avions à trancher, nous avons pu aussi introduire des dispositions que je trouve fort intéressantes sur les élus des Français établis hors de France.

À cet égard, je tiens à saluer la proposition de loi de nos collègues Jacky Deromedi et Christophe-André Frassa, dont Ronan Le Gleut était également cosignataire, ainsi que le président de notre groupe, Bruno Retailleau. Je trouve très important, alors que ce texte a été bloqué par l’Assemblée nationale après son adoption par le Sénat il y a quelques semaines, que nous ayons pu le réintroduire à la faveur de cette commission mixte paritaire. Et la plupart de ces dispositions très importantes ont été accueillies avec bienveillance par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues élus des Français de l’étranger, vous ne rentrerez pas bredouilles à la maison ! Vous pourrez dire que le travail accompli, ces dernières années ou ces dernières semaines, pour faciliter la vie de ceux qui sont auprès des Français résidant à l’étranger, pour traiter leurs difficultés et porter leur voix, a payé, ce qui est très important. Je me réjouis donc de ces apports et je me félicite que le Sénat ait été entendu.

Cela ne signifie pas que nous ayons eu tout ce que nous souhaitions, mais nous avons obtenu beaucoup dans ce travail avec nos collègues députés. Et je crois bien qu’eux aussi sont satisfaits de l’équilibre auquel nous sommes parvenus.

C’est pourquoi je souhaite vivement que le Sénat adopte les conclusions de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Je salue à mon tour l’accord trouvé en commission mixte paritaire. À écouter le président Philippe Bas, je regrette presque que le Gouvernement ne puisse participer, au moins comme observateur, à ces débats et aux conquêtes républicaines réalisées par les deux chambres, non pas l’une contre l’autre, mais l’une à côté de l’autre !

Ce texte est conforme à nos objectifs communs : sécuriser les élections du 28 juin et nous doter des meilleures armes pour lutter contre l’abstention qui est à craindre.

Je profiterai des quelques minutes dont je dispose pour tenir des propos dont la publicité devra être assurée au-delà de cet hémicycle.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une difficulté. Les Français ont globalement conscience que, compte tenu des mesures de prévention et de protection sanitaires qui sont prises, des dispositifs qui sont mis à leur disposition et des conseils de sécurité qui leur sont dispensés pendant la campagne elle-même, ils peuvent aller voter. Néanmoins, peu d’entre eux ont en tête que des élections se tiendront le 28 juin prochain ! L’enjeu, maintenant, est de battre le rappel, pour que la participation soit la plus importante possible dans les communes où le vote aura lieu.

Je veux insister sur la sérénité sanitaire qui doit être la nôtre. Tout d’abord, ce sont les avis du conseil scientifique du 18 mai, puis du 8 juin et du 14 juin, qui ont conduit le Président de la République à confirmer la date du 28 juin, le conseil ayant non pas affirmé – ce faisant, il endosserait une responsabilité qui n’est pas la sienne –, mais apporté son éclairage sur le fait que ce deuxième tour pourrait se tenir dans de bonnes conditions, dans la mesure où chacun respecte les règles sanitaires en vigueur.

Par ailleurs, vous avez souhaité formaliser dans ce texte certains engagements que j’avais pris devant vous : je pense par exemple à la mise à disposition des masques. Au-delà de cette question, les engagements que le Gouvernement a pris sont en passe d’être tenus. Au moment où je vous parle, la quasi-totalité des départements de France ont reçu les dotations nécessaires pour équiper toutes les communes le jour du vote, comme je m’y étais engagé. Vous avez souhaité « sanctifier » cet engagement dans la loi, et nous le reprenons évidemment à notre compte.

Je voudrais évoquer très rapidement les décisions rendues aujourd’hui par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité, par lesquelles il a validé le report du second tour des élections municipales et le maintien des résultats du premier tour, sous réserve de l’issue des actions contentieuses qui auraient été introduites.

Je le souligne, si votre assemblée vote les conclusions de cette commission mixte paritaire, cela nous permettra de publier, dès ce soir ou cette nuit, les deux vade-mecum à destination des candidats dans les communes de moins de moins de 1 000 habitants. S’agissant des communes de plus de 1 000 habitants, ils sont déjà prêts et intègrent évidemment les résultats de la commission mixte paritaire que vous avez évoqués à l’instant, monsieur le président de la commission.

De la même façon, nous pourrons publier dès cette nuit deux décrets : un décret simple relatif aux conditions d’accès et de fonctionnement des bureaux de vote, décret nécessaire qui répond aux engagements que nous avions pris devant vous ; un décret en Conseil d’État relatif aux conditions de délivrance des procurations – par exemple, l’absence de nécessité d’apposer le tampon indiquant le jour de l’élection sur les cartes d’électeur –, et, plus globalement, à l’organisation du scrutin le jour du vote, notamment l’obligation de porter un masque – je répète d’ailleurs que des masques seront disponibles, dans chaque bureau de vote, pour ceux qui n’en auraient pas.

J’indique aussi que ce décret en Conseil d’État comportera une mesure pérenne, qui continuera de s’appliquer après le 28 juin, les autres mesures n’ayant plus cours après cette date : la possibilité que les délégués des officiers de police judiciaire préparent les procurations en dehors des commissariats et des gendarmeries.

J’insiste sur ce sujet, dont nous avons déjà débattu et qui, à mon sens, peut faire consensus. Les tâches dont il s’agit sont souvent considérées comme indues pour nos forces de sécurité intérieure. Bien sûr, il est nécessaire de vérifier que les procurations sont conformes à la loi ; mais ce travail prend beaucoup de temps aux gendarmes et aux policiers.

Nous souhaitons qu’un plus grand nombre de délégués préparent le travail qui est contrôlé, ensuite, par les officiers de police judiciaire ; ces délégués pourront se trouver dans des lieux ouverts au public – à l’exception des lieux communaux –, comme les maisons France services.

Ainsi, nous développerons notre capacité de recevoir les procurations dans les meilleures conditions, tout en allégeant les tâches de nos forces de sécurité intérieure.

Si je reviens sur cette question, c’est parce que j’ai souvent été interpellé sur ce point : il est important de réduire ces tâches considérées comme indues, pour que les policiers et les gendarmes se concentrent sur leur cœur de métier.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République l’a annoncé dimanche dernier : les élections municipales se tiendront bien, sauf exception locale, le 28 juin prochain. Nous regrettons que les conditions sanitaires en Guyane ne permettent pas la tenue d’un second tour. Tout doit être fait pour que la situation s’y améliore rapidement.

Même s’il faut rester prudent, l’épidémie semble toujours sous contrôle en métropole, comme l’indiquait le comité scientifique au début du mois. Nous nous réjouissons que la situation sanitaire se soit améliorée.

Sans oublier les morts et les efforts remarquables des professionnels de santé, dans son adresse aux Français, le chef de l’État a insisté sur le fait que notre pays a tenu bon.

Une fois encore, nous saluons l’engagement du personnel médical. De plus, nous nous réjouissons que le Parlement se soit montré à la hauteur et que les deux chambres aient su travailler en si bonne intelligence. La gestion de la crise doit aussi beaucoup à l’engagement et au travail des élus de terrain, qui sont la colonne vertébrale de notre République. Ils ont beaucoup fait, et pas seulement durant cette crise. Néanmoins, ils doivent pouvoir agir avec une pleine légitimité.

Au total, quelque 16,5 millions de Français attendent encore le second tour qui permettra la formation de leur conseil municipal. Ce scrutin se déroulera dans des conditions toujours exceptionnelles, même si, comme l’a expliqué M. le ministre, elles seront meilleures que lors du premier tour.

Il fallait donc prévoir la possibilité d’annuler localement les élections dans les communes faisant face à une résurgence du virus. Cette disposition n’est guère réjouissante, mais il nous semble que c’est une mesure de prudence.

En outre, la possibilité de détenir deux procurations est une avancée majeure pour nos concitoyens vulnérables. Elle permettra sans doute à de nombreux électeurs qui ne peuvent pas se déplacer de voter. Ceux qui se déplaceront pourront, quant à eux, se faire remettre un masque lors de leur arrivée au bureau de vote.

Toutes ces mesures concourent à ce que les électeurs puissent voter sans risque pour leur santé. Nous espérons ainsi que la participation au second tour sera bien plus forte que le 15 mars dernier.

Si les conditions sanitaires s’améliorent globalement en France, il n’en va pas de même dans le reste du monde : les chiffres des contaminations continuent d’augmenter à l’échelle mondiale. Comme on ne peut pas garantir que les scrutins se dérouleront dans des conditions satisfaisantes, il nous semble plus sage de reporter les élections consulaires au mois de mai 2021.

Au surplus, tant que la situation n’est pas totalement revenue à la normale, il nous paraît préférable que les assemblées locales puissent continuer à fonctionner selon des procédures plus simples et plus souples.

Doucement, la France reprend vie. Nous allons devoir vivre encore au moins plusieurs mois avec le virus. Il nous faut rester unis, comme nous l’étions au plus fort de la crise sanitaire, pour permettre à notre pays de retrouver une activité normale.

Ce texte de compromis y concourt : c’est pourquoi le groupe Les Indépendants le votera.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un accord lundi dernier.

Ce projet de loi aura suivi un parcours peu banal. Au cours de la navette, il a perdu son objet principal : le report du second tour des élections municipales.

Je ne reviens pas sur la méthode employée par le Gouvernement. En premier lieu, il nous avait proposé un texte largement virtuel : nous avons eu ce débat en première lecture, et le Sénat a largement remodelé ce projet de loi, en le limitant aux dispositions strictement nécessaires à l’organisation du second tour, qui, presque partout, aura lieu le 28 juin lorsqu’il est nécessaire.

Ainsi – les précédents orateurs l’ont rappelé –, le texte adopté en commission mixte paritaire traite principalement de deux sujets : premièrement, le report des élections consulaires ; deuxièmement, les aménagements permettant de faciliter le vote de nos concitoyens les plus fragiles. J’évoquerai brièvement ces deux aspects.

Tout d’abord, concernant les élections consulaires, on comprend aisément que la problématique était bien différente de l’organisation d’un second tour sur le territoire national.

L’épidémie connaît diverses évolutions à travers le monde, certaines régions pouvant connaître des pics ou des rebonds. Les déplacements vers les bureaux de vote se seraient révélés d’autant plus difficiles que les électeurs doivent parfois parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour accomplir leur devoir électoral.

L’avis du comité scientifique l’a confirmé : il paraît « opportun » de reporter les élections consulaires, la situation épidémiologique en juin, voire au-delà, étant « impossible à anticiper dans l’ensemble du monde ».

Je me félicite que nos collègues députés aient adopté les dispositions votées par le Sénat pour améliorer le statut des élus représentant les Français de l’étranger. Elles permettront notamment de sécuriser le vote par internet et de mieux reconnaître l’expérience des élus grâce à la validation des acquis des expériences, la VAE.

Les travaux de nos deux assemblées ont également permis de créer un dispositif particulier en cas de cluster identifié d’ici au 28 juin prochain.

En cas de besoin, l’article 5 du projet de loi permettrait à l’exécutif d’annuler le scrutin dans un nombre limité de communes qui comptent des clusters. C’est la situation sanitaire en Guyane et à Mayotte que nous avions en tête lors de nos débats. L’actualité récente nous montre que ces craintes étaient malheureusement justifiées dans le cas du département de la Guyane.

Ensuite, concernant le régime des procurations, nous nous félicitons que la voix du Sénat ait été entendue. Chaque mandataire pourra bien disposer de deux procurations, et les mandants pourront plus facilement établir procuration depuis leur domicile, sans se déplacer jusqu’au poste de police ou à la gendarmerie.

Monsieur le ministre, à cet égard, je tiens à vous interpeller : il faut donner aux brigades de gendarmerie et aux commissariats de police les moyens dont ils ont besoin pour assumer ces missions d’ici au 28 juin prochain. C’est extrêmement important. Nous devons faire cet effort pour donner confiance à nos concitoyens souhaitant établir une procuration à domicile.

Les retours d’expérience venus du terrain montrent que, pour les élections du 15 mars dernier, la charge de travail des policiers et des gendarmes était telle que l’établissement des procurations – je pense notamment au cas des établissements de santé – était un peu plus compliqué que ce qui était envisagé au travers des dispositions que le Sénat s’apprête à voter. Il me semble important de vous transmettre ce message !

Ces mesures de bon sens permettront à nos concitoyens les plus fragiles d’exercer leur droit de vote sans être inutilement exposés à un risque de contamination.

Enfin, le groupe Union Centriste salue le fait que la commission mixte paritaire ait validé plusieurs mesures défendues par certains de ses membres et visant à faciliter le fonctionnement des assemblées locales.

Par exemple, il était nécessaire d’adapter le calendrier de renouvellement de certaines instances, comme les comités des syndicats mixtes. En vertu du texte élaboré, les comités de syndicats mixtes fermés pourront tenir leur réunion d’installation jusqu’au vendredi 25 septembre 2020. Ainsi, l’on évitera que ces réunions n’aient lieu en plein mois d’août, ce qui eût été regrettable.

Sans surprise, les élus du groupe Union Centriste soutiendront ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est conclusive, sans surprise,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’était pourtant pas évident !

M. Jean-Yves Leconte. … et elle a, très globalement, repris le texte du Sénat. Elle a suivi à la fois sa rédaction générale et le principe qu’il a observé : n’inscrire dans la loi que ce qui est nécessaire.

En outre, depuis la semaine passée, nous avons eu quelques bonnes nouvelles.

Tout d’abord, l’avis rendu par le conseil scientifique a confirmé l’évolution positive de l’épidémie, au moins dans l’Hexagone.

Ensuite – vous l’avez signalé, monsieur le ministre –, le Conseil constitutionnel, préalablement saisi, a remis sa décision sur certains paragraphes de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020. En clarifiant la situation, cette décision nous permet d’aborder le second tour des élections municipales avec confiance, dans les villes où le premier tour n’a pas suffi.

Dans la foulée du scrutin, les nouveaux exécutifs pourront se mettre à la tâche, au service de la relance et des politiques publiques – ces dernières sont plus que jamais nécessaires dans le contexte actuel –, sauf, malheureusement, en Guyane ; ce département est voisin du Brésil, où la pandémie fait actuellement des ravages.

Les précédents orateurs l’ont rappelé : pour le second tour des élections municipales, ce projet de loi permettra de recevoir deux procurations. Toutefois, monsieur le ministre, j’exprime la même interrogation que notre collègue Loïc Hervé. Certes, un officier de police judiciaire pourra se déplacer au domicile d’un électeur vulnérable pour recueillir une procuration. Mais il faudra s’assurer que l’ensemble des demandes sera correctement suivi, pour que tout se passe bien.

L’entrée en fonctions des nouveaux élus et des nouveaux conseils sera quelque peu réorganisée, compte tenu du contexte sanitaire.

En parallèle, il reste possible de reporter les élections là où un foyer d’infection serait détecté ; c’est le cas, en particulier, en Guyane.

J’en viens aux élections consulaires. La pandémie fait rage en Amérique latine, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien ; il n’était pas raisonnable de maintenir le calendrier prévu. Nous avons donc décidé en commun de reporter ces élections à une date gravée dans le marbre de la loi, à savoir mai 2021, en espérant que la situation sera rétablie d’ici là.

En conséquence, les mandats actuels des conseillers consulaires et des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, sont prorogés. De surcroît, en vertu du présent texte, la mise en place du vote électronique fera l’objet d’un rapport de suivi ; elle est actuellement fragilisée par la mise en liquidation judiciaire du prestataire chargé de ce chantier.

Nous avons introduit quelques éléments complémentaires dans ce projet de loi, en particulier pour simplifier les déclarations de candidature pour les élections consulaires : la vérification de l’inscription sur les listes électorales pour les candidats, lors du dépôt des candidatures, sera à la fois plus simple et plus appropriée. De plus, sitôt la loi promulguée, les conseillers consulaires deviendront conseillers des Français de l’étranger.

Monsieur le ministre, avec la complicité de M. Bas, vous aviez soutenu une bonne idée permettant d’accélérer l’installation des présidents de conseil consulaire ; je regrette qu’elle n’ait pu aboutir – ces dispositions ont été retirées du texte au cours de la négociation en commission mixte paritaire.

Cette mesure aurait été utile ; mais sa disparition nous laissera quelques mois pour examiner la question avec le ministère des affaires étrangères, tout en consultant l’AFE comme il se doit quant aux décrets nécessaires pour fixer les conditions d’élection des présidents de conseil consulaire. Comme je l’ai signalé la semaine dernière, nous n’aurions pas pu le faire en agissant dans la précipitation.

Monsieur le président de la commission, si je parle de votre « complicité », c’est parce qu’une telle proposition reposait sur une interprétation quelque peu audacieuse de l’article 45 de la Constitution. À l’origine, le présent texte se concentrait sur le report des élections. Au cours du débat, nous y avons ajouté des éléments relatifs au statut des élus. C’est une bonne nouvelle, mais – j’y insiste –, ce procédé ne manque pas d’audace !

La lecture de l’article 45 mériterait bel et bien débat. En effet, avec cette pratique, vous semblez faire vôtre la maxime : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire » !

M. Loïc Hervé. On sait qui a dit cela !

M. Jean-Yves Leconte. Lors de chaque réunion de la commission des lois, pour chaque rapport, vous annoncez ce qui est irrecevable et ce qui ne l’est pas au regard de l’article 45 et vous faites voter la majorité. Mais la ligne de partage varie d’un texte à l’autre, au gré des considérations politiques. Cette fois-ci, par chance, nous sommes d’accord avec vous, mais on ne peut pas se satisfaire d’une application à géométrie variable de l’article 45 selon les projets de loi.

Cela étant, en l’occurrence, nous sommes tous d’accord pour reconnaître les effets positifs de votre audace, même si, sur ce point, elle est inattendue, et nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit des conditions particulières dans lesquelles nous sommes tenus de légiférer, et qui sont d’ailleurs l’objet même de la plupart des textes en discussion, le dialogue parlementaire a, une nouvelle fois, montré toutes ses vertus : c’est encore plus vrai à l’heure du recours massif aux ordonnances et de la généralisation de la procédure accélérée.

La qualité de la loi en dépend. L’accord trouvé en commission mixte paritaire en atteste.

Le groupe du RDSE se réjouit de retrouver dans ce projet de loi l’essentiel de la proposition de loi à laquelle travaillait le Sénat pour faciliter le recours à la procuration. Sur ce sujet, les élus de mon groupe avaient fait de nombreuses propositions. Cette exigence, aussi bien démocratique que sanitaire, devait être satisfaite.

Il appartient désormais au Gouvernement de placer l’administration dans les meilleures conditions, pour rendre effectives les mesures que nous nous apprêtons à voter. Nous savons les qualités et le dévouement de nos fonctionnaires et nous ne doutons pas qu’ils sauront se mobiliser, afin de recueillir les procurations des électeurs dans ces circonstances si particulières.

La modification de l’esprit du texte, suivant le vœu du Sénat, est la bienvenue. En effet, il paraissait indispensable d’ouvrir la possibilité d’annuler le second tour uniquement dans certaines communes, c’est-à-dire là où la situation sanitaire actuelle paralyse la reprise de notre économie.

Le régime dérogatoire prévu pour ces communes l’illustre, avec un délai de quatre semaines laissé pour organiser de nouvelles élections après une éventuelle annulation. À cet égard, nous avons une pensée particulière pour nos compatriotes guyanais et mahorais.

Les nombreuses clarifications, notamment temporelles, dans les aménagements transitoires du droit des collectivités territoriales, rendues nécessaires par l’épidémie de Covid-19, sont, elles aussi, les bienvenues. Il en va ainsi des modalités de réunion des organes délibérants, de partage des compétences en leur sein et d’organisation des exécutifs locaux.

Les précisions relatives aux élections des désormais « conseillers des Français de l’étranger » s’accompagnent d’un statut propre à leur offrir de meilleures conditions d’exercice de leurs fonctions. Elles sont donc autant de moyens de susciter des vocations.

Dorénavant, ces élus bénéficieront d’aménagements dans leurs rapports avec leur employeur et de la garantie que leurs absences professionnelles dues à leurs obligations de conseillers ne diminueront pas la durée de leurs congés payés ou leurs droits aux prestations sociales. L’amélioration de leur situation ne peut que renforcer la représentation des Français de l’étranger. Dans tous les cas, il faut le souhaiter.

Par ailleurs, chacun ici en est conscient, qui plus est après l’examen du texte précédent : la campagne des sénatoriales qui va s’ouvrir se déroulera dans des conditions particulières, notamment du fait de la désignation tardive des délégués municipaux et de leurs suppléants, qui n’ira pas sans créer de la complexité pour nombre de candidats.

Au-delà de cet aspect particulier, il reste une question qui transcende toutes ces élections, et dont nous allons entendre parler durant plusieurs années. Il s’agit des conditions dans lesquelles se sont déroulés, et se dérouleront demain, les scrutins dont la pleine expression se trouve manifestement affectée.

Les élus désignés par les urnes en mars et en juin 2020 auront pourtant de lourdes responsabilités à assumer, afin de remédier aux conséquences terribles de la crise économique. Cette dernière point à peine, mais – on le sait déjà – elle sera d’une ampleur considérable, en particulier sur le plan social.

Aux questions qui se poseront demain, nul ne peut encore apporter de réponse certaine ; mais les conclusions dont nous discutons aujourd’hui, sur lesquelles se sont accordées les deux assemblées, sont le fruit d’une méthode que nous pouvons défendre.

Dans cette situation éprouvante, souhaitons que les leçons que nous pouvons légitimement tirer du travail parlementaire soient prolongées. Si le dialogue institutionnel, l’écoute des territoires et la confiance dans les vertus de la délibération constituent la fierté de notre chambre,…