M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Quelque soin que vous aurez pris, il reste que les données des Français pourront être saisies par qui voudra s’en emparer… C’est un problème, surtout s’agissant de données particulièrement intéressantes pour diverses personnes, voire des États.

Au passage, nous aurons aussi abandonné une part de liberté. Vous savez ce que disait Benjamin Franklin à ce sujet : « Un peuple qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux. »

En prime, nous aurons gagné une ambiance de défiance généralisée… Ne faudrait-il pas plutôt parier sur la confiance, une confiance réciproque qui s’est un peu perdue ces derniers temps ? Comme l’explique l’historien Noah Harari, « une population informée et motivée est beaucoup plus puissante et efficace qu’une population ignorante et contrôlée par la police ».

Oui, la citoyenneté est un puissant facteur de réussite, fédérateur par essence ; il est dommage de ne pas actionner ce levier constitutif de notre République !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, madame la garde des sceaux, madame, monsieur les secrétaires d’État, à la suite de Bruno Retailleau, je serai plutôt satisfaite d’apporter mon soutien à ce projet, qui nous permet de revenir sur la notion de souveraineté numérique, mise en exergue par le Sénat l’année dernière, à la faveur de sa commission d’enquête sur le sujet.

Le Gouvernement a donc décidé de développer sa propre application en vue d’accompagner le déconfinement. Je ne reviendrai pas sur les nombreuses apories de ce projet ; elles ont déjà été soulignées. J’attirerai plutôt l’attention – M. le secrétaire d’État n’en sera pas étonné – sur un aspect plus discret du débat, mais essentiel, car il souligne la potentielle impuissance de l’État dans le monde numérique.

Dans la genèse de l’application StopCovid, le Gouvernement s’est heurté au refus des deux géants Apple et Google de lever certaines barrières techniques sur leur système d’exploitation. Vous avez trouvé une astuce, mais admettez, monsieur le secrétaire d’État, que c’est inadmissible !

En réalité, la puissance publique s’est retrouvée dans la position de n’importe quel développeur d’applications face au duopole Apple-Google, qui impose ses conditions sans se justifier et de façon opaque.

Cette situation est d’autant moins acceptable qu’elle aurait pu être prévenue, si un principe de neutralité des smartphones avait été consacré, comme le Sénat l’avait proposé en adoptant une proposition de loi de la commission des affaires économiques, votée à l’unanimité des groupes politiques de notre assemblée le 19 février dernier.

Monsieur le secrétaire d’État, cette crise sans précédent doit être l’occasion de tirer des enseignements et des leçons pour l’avenir et de mettre fin aux errements du passé. En particulier, il est temps d’adopter un principe de neutralité des terminaux.

En février dernier, le Gouvernement était favorable sur le fond à la solution proposée par la commission, mais trouvait que, sur la forme, il était prématuré d’adopter ce texte à l’échelon national. Il y a là un peu d’ironie… Aujourd’hui, après plusieurs expériences, y compris celle de l’échec du projet européen en la matière, a-t-il l’intention d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Larcher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la présidente Primas, j’aurais été déçu si vous ne m’aviez pas interrogé sur ce sujet – il faut dire que la situation s’y prête…

Sur le fond, vous avez raison : ce qui s’est passé est inadmissible. De fait, aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens juridiques de contraindre Apple et Google à modifier leur attitude dans ce qui s’apparenterait, si nous étions dans le champ commercial, à un abus de position dominante. C’est à peu près de cela qu’il s’agit : « Vous me proposez une innovation, je vais la faire moi-même et vous obliger à passer par mon système »… Mais comme ce sont des États qui développent et qu’il n’y a donc pas d’intérêts commerciaux, la situation n’entre pas dans cette classification.

Reste que cette expérience apporte de l’eau au moulin de tous ceux, dont vous faites partie, qui dénoncent une situation oligopolistique et un marché fermé sur des infrastructures qui pourraient s’apparenter à des infrastructures essentielles.

Nous en avons débattu voilà quelques mois, lors de l’examen de la proposition de loi dont vous avez parlé. J’avais expliqué, en effet, que nous préférions agir au niveau européen, pour des raisons évidentes.

Or le Digital Services Act – excusez ces termes anglais – devrait passer d’ici à la fin de l’année à la Commission européenne. La France veillera à ce qu’il comporte des dispositions importantes sur la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, pour employer une expression assez générale.

En raison de la crise du Covid, la Commission européenne a envisagé de décaler ce texte à l’année prochaine ; la France a beaucoup pesé pour qu’il soit maintenu cette année, ce qui vient d’être confirmé.

Soyez assurée, madame Primas, que la France fera tout pour que les enjeux de régulation des géants de l’internet soient inclus dans ce texte. S’ils devaient ne pas l’être, je pense que nous en reparlerions à l’échelon national. Dans l’immédiat, laissons l’année se terminer et laissons sa chance à l’Europe. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat interactif.

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, de notre règlement, il va être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues à l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l’adoption 186
Contre 127

Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 28 mai 2020 :

De neuf heures à treize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d’épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues (texte n° 311, 2019-2020) ;

Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l’assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (texte n° 708, 2018-2019).

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

Proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol et M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (texte n° 339, 2019-2020) ;

Débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. »

À l’issue de l’ordre du jour de l’après-midi et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (texte de la commission n° 454, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à dautres mesures urgentes ainsi quau retrait du Royaume-Uni de lUnion européenne a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. Philippe Bas, Mme Muriel Jourda, MM. René-Paul Savary, Loïc Hervé, Mme Monique Lubin, MM. Didier Marie, et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Albéric de Montgolfier, Hervé Marseille, Éric Kerrouche, Mmes Josiane Costes et Esther Benbassa.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication