Congé de deuil pour le décès d’un enfant
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d’un enfant.
Discussion générale (suite)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, y a-t-il plus douloureuse épreuve, dans une famille, que la perte d’un enfant ? Celle-ci est un terrible choc. Puis vient le temps des nombreuses démarches, du deuil et de la reconstruction.
Améliorer l’accompagnement des parents qui y sont confrontés est l’objet de la proposition de loi déposée par le député Guy Bricout, dont nous ne pouvons que saluer l’initiative. Ce texte vise à porter à douze jours le congé d’un parent salarié venant de perdre son enfant.
Ce congé très spécifique était, à l’origine, de deux jours seulement, avant l’adoption de la loi du 8 août 2016, qui a étendu ce droit à cinq jours, sans condition d’ancienneté et sans réduction de rémunération.
Avoir plus de temps pour gérer la dimension pratique du décès d’un enfant, se préparer plus paisiblement n’est pas un luxe. Or certains parents endeuillés ne peuvent pas se permettre de prendre plus que ce que la loi accorde.
Chez nos voisins, la Suède propose un congé de dix jours. Le Royaume-Uni offre deux semaines. Bien sûr, chaque personne est libre de prendre ces congés ; cela n’a rien d’une obligation. D’ailleurs, certains parents préféreront reprendre le travail rapidement, pour mieux affronter l’épreuve. Il me semble que la meilleure réponse est celle qui saura s’adapter aux besoins de chacun.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a souhaité remplacer l’article unique de la proposition de loi par l’ouverture d’un droit au congé au bénéfice du salarié, dans la limite des jours qui lui sont accordés. Cette position n’est pas en phase avec la réalité.
De la même façon, il ne paraît pas opportun de remplacer ces sept jours de congé supplémentaires par un dispositif de don de jours de congé de la part d’un autre salarié de l’entreprise. Il est normal que la solidarité s’exerce en priorité de la part de l’entreprise vis-à-vis de son salarié, avant de s’exercer entre salariés. Aussi, le don de jours de repos est un dispositif intéressant, mais qui ne peut être que complémentaire au droit au repos des parents.
Les deux commissions sénatoriales ont amélioré le texte afin de faciliter au mieux la vie des parents endeuillés et d’améliorer leurs droits sociaux.
La commission des affaires sociales va plus loin que le texte initial, en portant le droit au congé à quinze jours pour le décès d’un enfant de moins de 25 ans. La prise en charge des sept premiers jours de congé sera assurée par l’entreprise.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement déposé par le Gouvernement, tendant à créer un nouveau congé de répit, d’une durée de huit jours, fractionnable sur une année. Sa prise en charge sera assurée par la sécurité sociale sur la base d’une indemnité journalière et complétée par l’employeur, pour garantir au salarié le maintien de son niveau de revenu. Les travailleurs indépendants bénéficieront d’un congé de quinze jours qui donnera droit à une indemnité journalière de la sécurité sociale.
Quant à elle, la commission des lois du Sénat est à l’initiative d’un amendement, adopté en commission, visant à rétablir une équité de traitement entre les agents du secteur public et les salariés du secteur privé. En effet, la fonction publique d’État ne prévoit qu’un congé de trois jours pour les parents confrontés au deuil d’un enfant. Aussi, la commission propose un niveau de protection équivalent entre les secteurs public et privé.
Pour reprendre les mots très justes de Philippe Bas, président de notre commission des lois, ces dispositions n’effaceront pas la douleur des parents, mais expriment la solidarité de la Nation face à ces épreuves.
Le Gouvernement a également proposé un amendement ayant pour objet de prolonger, pour une durée de trois mois, le versement des prestations familiales aux familles confrontées à la perte d’un enfant.
Enfin, notre collègue Catherine Deroche propose le versement d’une allocation forfaitaire de 2 000 euros afin de faciliter la prise en charge des frais d’obsèques. Financée par les caisses d’allocations familiales, cette allocation sera versée à toutes les familles concernées, sans conditions de ressources, mais elle sera modulable selon les revenus du foyer.
Au nom du groupe Les Indépendants, je suis favorable à l’ensemble de ces dispositions adoptées en commission. Elles sont à la fois suffisamment protectrices pour aider au mieux chaque famille à traverser la terrible épreuve qu’est la perte d’un enfant et assez souples pour s’adapter aux situations personnelles de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un important texte d’accompagnement de familles touchées par ce que chacun d’entre nous redoute : la perte d’un enfant.
Je remercie Mmes les rapporteurs pour leur travail. Je remercie particulièrement Élisabeth Doineau d’avoir bien voulu intégrer, dès le début de la réflexion, la proposition de loi que Stéphane Piednoir et moi-même avions déposée en juillet dernier, qui avait été cosignée par plus de quatre-vingts collègues des groupes LR et UC.
Je veux également vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de votre écoute attentive et du travail réalisé avec votre cabinet.
Notre proposition de loi faisait suite à un travail mené depuis plusieurs années avec une association de notre département, l’Association Audrey, devenue Méningites France, engagée dans le soutien aux familles et dans la prévention des méningites, mais aussi des autres infections bactériennes ou virales. Je salue M. et Mme Voisine, qui sont présents dans la tribune, pour leur engagement sans faille depuis le décès de leur fille Audrey.
Dans le texte que nous examinons, deux articles répondent à nos propositions. Je remercie le Gouvernement d’avoir déposé des amendements en miroir, levant ainsi l’application de l’article 40 de la Constitution, qui nous aurait été opposé.
L’article 3 permet de considérer l’enfant à charge et de maintenir ainsi les prestations d’entretien pendant trois mois après le décès.
L’article 4 crée une prestation forfaitaire pour faire face au décès d’un enfant mineur, notamment aux frais d’obsèques. Cette prestation sera versée sans conditions de ressources, mais avec un plafond fixé par décret et une modulation en fonction des ressources du foyer.
Je suis bien évidemment favorable à l’allongement du congé pour deuil proposé conjointement par la commission des affaires sociales et par la commission des lois. Permettez-moi un petit rappel sénatorial : en 2006, notre collègue Christian Gaudin, sénateur de Maine-et-Loire, avait fait voter une proposition de loi de loi faisant passer de deux à quatre jours le congé pour événement familial en cas de décès d’un enfant ou d’un conjoint. Malgré plusieurs transmissions du texte à l’Assemblée nationale, il a fallu attendre la loi de 2016 pour que ce congé passe de deux à cinq jours.
Dans le texte que nous examinons, la période d’absence supplémentaire de huit jours peut être prise dans les douze mois suivant le décès. J’approuve cette souplesse apportée. En revanche, et nous allons en débattre, le terme de « répit » ne me satisfait pas pleinement.
J’avais proposé deux autres dispositions : la première, à savoir la transmission automatique des actes d’état civil aux caisses d’allocations familiales est désormais satisfaite ; la seconde, irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, concernait la renégociation gratuite des prêts bancaires.
Je voterai bien évidemment ce texte, comme l’ensemble des membres de mon groupe. Il apporte aux familles endeuillées un soutien important. Toutefois, nous devons également nous attacher à faire baisser le nombre de décès d’enfants : accidentels – accidents de circulation ou accidents domestiques, dont le grand nombre montre la nécessité d’informer les familles à leur sujet –, dus à la maladie – je pense au cancer, première cause de décès, contre lequel notre groupe d’études est mobilisé, mais aussi aux pathologies infectieuses, ce qui souligne encore l’importance majeure de la vaccination et de sa promotion pour éviter tous ces décès – ou par suicide.
Dans ce dernier cas, les causes sont nombreuses et vous les connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État : harcèlement scolaire, réseaux sociaux, violences physiques, psychiques ou sexuelles, addictions… Notre pays doit s’emparer de ce sujet, comme d’autres pays l’ont fait. Cette question concerne la société tout entière. Y répondre permettrait d’éviter que des familles se retrouvent dans les situations terribles qui nous poussent à voter ce texte aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et LaREM. – Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « la patience est la sagesse de ceux qui en ont le temps » résumait un célèbre romancier canadien.
Si la patience dont il est question est une sagesse, alors je veux croire que le Sénat, dans ce bicamérisme français, en fait notamment preuve lorsqu’il faut faire aboutir une proposition de loi.
Mais surtout, s’il est des personnes dont le temps est compté – un temps devenu si précieux –, ce sont bien ces parents dont l’enfant est parti trop tôt, beaucoup trop tôt… C’est tout le sens du message qu’a souhaité porter notre collègue député du groupe UDI, Agir et Indépendants, Guy Bricout, par son initiative.
En effet, il faut du temps pour faire face à un tel drame, pour assumer les démarches administratives, pour préparer les obsèques et régler les formalités. Oui, il en faut pour accomplir, avec déchirement, les derniers devoirs de parents, ce qui, en cinq jours seulement, n’est pas toujours possible. Sans parler du temps de la douleur.
Que le Parlement se soit saisi d’un sujet – et pas n’importe lequel – qui touche le quotidien de certains de nos concitoyens est important. Toutefois, il eût peut-être été préférable de faire l’économie d’une deuxième lecture à venir, au nom même de cet élément temporel que je viens d’évoquer et pour affirmer, collectivement, un message de soutien rapide à ces parents.
On nous dira que le texte initial n’était pas parfait, qu’il n’optait pas pour le bon financement ou qu’il devait peut-être s’inscrire dans une approche plus globale. Mais, à force de miser sur la globalité, que le Gouvernement prenne garde de ne pas perdre de vue la réalité : il avait la possibilité d’amender ce texte dès la première lecture à l’Assemblée nationale. Un grand hebdomadaire indiquait qu’une députée de la majorité n’y avait pas pensé. Apparemment, elle ne devait pas être la seule, car, lors de la réunion interministérielle du 17 janvier dernier, le Gouvernement non plus n’a pas eu cette idée.
Permettre à des parents frappés par le malheur, désorientés par le choc, parfois laissés dans le désarroi le plus profond, de bénéficier d’un peu plus de temps, voilà un sujet qui ne méritait pas la moindre polémique. Au lieu de cela, la majorité est revenue, en première lecture, sur la mesure phare de cette proposition de loi, en modifiant en commission la rédaction de l’unique article. C’est regrettable pour l’image que cela renvoie du débat parlementaire, pour l’incompréhension que cela a suscité chez les Français, pour des raisons de justice sociale, dans laquelle la République puise ses fondements.
Devant vous, mes chers collègues, je l’affirme : la République, ce n’est pas un slogan ; c’est avant tout une force de conviction !
L’émotion a été grande dans tout le pays. Cette situation a beaucoup choqué. Nous pouvons d’ailleurs saluer le soutien public du Medef. Car, oui, les entreprises ne sont pas étrangères à la douleur de leurs salariés. Ainsi fallait-il attendre un tweet pour que, enfin, le texte suscite une attention nouvelle.
Aussi, la proposition de loi arrivée au Sénat était totalement modifiée et comportait deux articles, bien en deçà des ambitions exprimées initialement.
L’article 1er permettait à un salarié de prendre des jours de congés légaux, ou même des RTT, à la suite du congé de cinq jours. Mais cette possibilité était limitée, car conditionnée à la conclusion d’un accord collectif. Par ailleurs, notre droit positif le permet déjà.
De plus, l’article 2 prévoyait la possibilité de poser des RTT ou d’en faire don. Mais il convient de préciser que le dispositif des RTT ne s’applique pas aujourd’hui, en France, à l’ensemble des salariés.
Dans ces conditions, si cette proposition de loi avait été adoptée en l’état, son effet quantitatif aurait été limité. La commission des affaires sociales du Sénat a veillé, dans un esprit constructif avec le Gouvernement, à enrichir le texte. Ce travail, main dans la main, a porté ses fruits. Je tiens à saluer ma collègue Élisabeth Doineau, rapporteure, pour sa détermination qui a permis de compléter ce texte et de lui donner une envergure tout autre, ainsi que notre collègue Catherine Di Folco, rapporteure pour avis.
Désormais, l’article 1er porte à sept jours ouvrés, à la charge de l’employeur, la durée du congé pour événement familial, en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans. Il crée également un congé de deuil d’une durée maximale de huit jours, pendant lesquels le salarié bénéficierait d’une indemnité journalière de la sécurité sociale. Ces huit jours d’absence seraient fractionnables et pourraient être pris dans l’année suivant le décès de l’enfant.
Cette entraide privé-public est fondamentale, car la solidarité nationale a également un rôle à jouer. Mais surtout, les fonctionnaires – sur ce point, mais aussi sur celui de l’autorisation spéciale d’absence –, les travailleurs indépendants et les non-salariés agricoles sont pris en compte.
Je ne reviendrai pas sur les détails techniques de ces dispositions ou de celles qui tendent à tenir systématiquement compte de l’enfant décédé dans le calcul du RSA. Il s’agit de points majeurs qui permettent à ce texte d’être le plus complet possible.
En outre, une question a été soulevée par notre collègue Catherine Deroche, qui a d’ailleurs été à l’initiative d’une belle proposition de loi portant diverses mesures d’accompagnement des parents en cas de décès d’un enfant mineur, sur le maintien des prestations familiales durant les trois mois suivant le décès de l’enfant. Cette proposition de loi consacre désormais ce droit pour les prestations générales d’entretien de l’enfant – seraient ainsi concernées, par exemple, les allocations familiales et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. L’enfant décédé sera donc considéré, pendant cette période, à la charge effective et permanente de la famille pour apprécier les conditions d’attribution de l’ensemble des prestations servies au foyer, au titre d’un autre enfant – comme l’allocation de rentrée scolaire versée à un autre enfant.
Le choix a été fait d’apporter une mesure de protection contre le licenciement, durant un délai de treize semaines. Si elle peut permettre de favoriser une protection optimale du salarié, alors nous la soutenons.
En ce qui concerne la question du don de RTT, l’article 2 a été réécrit substantiellement. Je salue le fait que ce dispositif de solidarité soit étendu aux agents publics.
De plus, afin de soutenir le revenu des familles endeuillées pendant une période d’exceptionnelle fragilité, la commission a décidé de supprimer le délai de carence applicable au premier arrêt de travail pour maladie survenant dans un délai de treize semaines à compter du décès de l’enfant. Cette mesure, applicable également aux fonctionnaires et aux travailleurs indépendants, s’inscrit dans le bon sens.
Nous le savons, les frais d’obsèques sont très onéreux. Permettre aux parents d’acquitter les frais d’obsèques grâce à une nouvelle allocation forfaitaire, modulée selon les conditions de ressources, c’est le témoignage de la Nation tout entière à ses enfants.
Surtout, c’est un point auquel j’accorde une très grande importance, il est vital que cette solidarité puisse s’exprimer au travers d’un accompagnement psychologique des parents et des frères et sœurs. Je salue la mise en place de cette expérimentation.
Le choc émotionnel ne saurait être exprimé par mes simples mots, tant la situation peut être bouleversante pour une famille entière. Mes chers collègues, madame la ministre, la démocratie sort grandie de faire progresser les droits sociaux pour une République qui rassemble, pour une République plus juste, pour une République fidèle à ses valeurs.
Pour toutes ces raisons, et saluant de nouveau ce travail de collaboration entre le Sénat et le Gouvernement, le groupe Union Centriste votera favorablement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la perte d’un enfant est la plus douloureuse épreuve que peut rencontrer un parent dans la vie, parce que c’est un deuil contre nature.
Pour y faire face, les salariés disposent actuellement d’un congé de cinq jours, pris en charge par leur employeur. Cette durée est nettement insuffisante pour couvrir les nombreuses démarches nécessaires aux obsèques de l’enfant et permettre aux parents de se relever. Les salariés concernés n’ont alors pas d’autre solution que de prendre des congés décomptés sur leurs vacances ou de demander un arrêt maladie. Dans ce dernier cas, les trois jours de carence s’appliquent, avec les conséquences financières induises. Au final, les parents qui font face à la perte d’un enfant restent peu soutenus par les pouvoirs publics.
La proposition de loi de notre collègue député, M. Bricout, vise à remédier à cette situation en étendant la durée du congé à douze jours ouvrables en cas de décès d’un enfant mineur, ou à charge, au sens du droit de la sécurité sociale.
En effet, les parents endeuillés ne sont généralement pas en mesure de reprendre leur travail à l’issue des cinq jours prévus dans le code du travail. Face au deuil d’un enfant, les parents prennent en moyenne trente-cinq jours d’arrêt maladie.
La durée de cinq jours actuellement en vigueur est bien inférieure à celle qui est appliquée au Royaume-Uni, où, depuis l’adoption du Parental Bereavement Act, certains salariés peuvent bénéficier de deux semaines de congé de deuil pendant lesquelles ils sont rémunérés. L’employeur a l’obligation de verser à son employé sa rémunération habituelle. Ces jours peuvent être pris de manière discontinue. En Suède, la loi autorise un congé parental de dix jours pendant lequel la sécurité sociale prend en charge la rémunération du salarié.
Le congé de deuil pour le décès d’un enfant a fait l’objet de débats houleux à l’Assemblée nationale. Les députés du groupe La République En Marche ont vidé le texte de sa substance. Je tiens à vous faire part de mon indignation en tant qu’élue, en tant que médecin et en tant que mère. Évidemment qu’on ne peut pas déterminer le deuil d’un enfant en nombre de jours ! Mais cette proposition de loi est une façon de reconnaître les souffrances de ces parents et de ces familles ; au-delà des parents endeuillés, il y a parfois des frères et des sœurs qui ont aussi besoin que leurs parents s’occupent d’eux.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit, à condition qu’un accord collectif l’autorise, que le salarié pourra prendre tout ou partie des jours de congés annuels ou de RTT dont il dispose au moment de la perte d’un enfant. Mais les congés payés ne sont pas faits pour permettre aux salariés de se remettre du décès d’un enfant. Cette position est incompréhensible.
La seule évolution, mesquinement consentie par les députés En Marche, est l’impossibilité pour l’employeur de s’opposer, dans le meilleur des cas, à ce que le salarié prenne ses congés annuels à la suite de son congé de deuil.
C’est donc à la Haute Assemblée qu’il revient d’humaniser ce texte, avec le soutien du Gouvernement qui consent désormais à reconnaître le manque d’humanité de la version votée par les députés de la majorité.
La commission des affaires sociales a su faire preuve de compassion. Elle a augmenté la durée du congé pour événement familial, rémunéré par l’employeur, à sept jours ouvrés en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans.
Une période d’absence supplémentaire de huit jours en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans a été créée, portant ainsi le total des droits d’absence des salariés concernés à quinze jours.
Cette autorisation d’absence, appelée pour l’instant « congé de répit », pourra être prise séparément du congé pour événement familial dans le délai de douze mois suivant le décès. À la différence du congé pour événement familial, la rémunération de ces huit jours d’absence pourra être partiellement prise en charge par la solidarité nationale. En pratique, le salaire sera maintenu par l’employeur et fera l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale sous la forme d’indemnités journalières.
En commission des affaires sociales, nous avons étendu ce congé aux travailleurs indépendants et aux agents publics. Le texte prévoit également le maintien des droits aux prestations familiales pendant un délai déterminé après le décès d’un enfant, ainsi que le maintien de la prise en compte de l’enfant au titre des droits au RSA.
Enfin, à la suite de l’adoption d’un amendement de ma collègue Catherine Deroche, ce texte crée une allocation forfaitaire versée automatiquement aux familles en cas de décès d’un enfant à charge.
Je tiens à saluer le travail remarquable des rapporteurs Élisabeth Doineau et Catherine Di Folco, ainsi que celui des associations qui soutiennent les familles endeuillées.
Le Sénat s’honore d’avoir fait preuve d’humanité et de fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Bernard Bonne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en modifiant largement, à l’Assemblée nationale, le 30 janvier dernier, la proposition de loi visant à étendre de cinq à douze jours le congé de deuil pour les parents confrontés à la mort de leur enfant, la majorité a démontré, s’il en était encore besoin, son entêtement et une absence totale de sens politique face à un texte qui aurait dû emporter l’adhésion de tous.
Plus grave encore, le compte rendu des débats révèle aussi le degré de dysfonctionnement et d’amateurisme du Gouvernement, qui aurait pu, en déposant un amendement, transférer la charge financière des entreprises à la solidarité nationale. La polémique aurait ainsi été largement évitée.
De même, le texte adopté était complètement inadapté à la situation des petites entreprises, des artisans et indépendants, ou à la fonction publique.
La proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale n’offrait aux parents endeuillés que la possibilité de prendre des jours de congés légaux ou de RTT au-delà des cinq jours de congé de deuil actuels et permettait à leurs collègues de leur céder des jours de RTT, le tout sur la base d’accords collectifs ou de branche.
Je ne reviendrai pas sur l’indignation qui a suivi. En tout état de cause, madame la ministre, vous avez vous-même qualifié ce texte d’« erreur collective ». La polémique a ensuite donné lieu à une véritable surenchère, à la fois dans les déclarations du Président de la République, qui demandait de faire preuve d’humanité, et de la majorité. Le Gouvernement a ensuite souhaité apparaître comme le plus donnant, en proposant notamment un plan global d’accompagnement des familles endeuillées.
Alors, après avoir refusé les douze jours, on passait à quinze… Et pourquoi pas davantage ? Quel que soit le nombre de jours donnés, il est bien évident que la douleur des familles ne s’éteindra jamais. Attention donc à ne pas tomber dans une sorte de contagion des émotions.
En commission des affaires sociales, nous avons examiné plusieurs amendements du Gouvernement reprenant, pour une large part, les dispositions contenues dans une proposition de loi déposée en juillet 2019 par notre collègue Catherine Deroche et collant, là aussi, aux propositions de notre rapporteure Élisabeth Doineau – preuve, s’il en était besoin, que le Sénat n’est pas déconnecté des préoccupations et des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens.
Les dispositions votées en commission me semblent en effet répondre à une réelle demande des parents endeuillés, notamment l’allongement à sept jours du congé actuellement prévu par le code du travail et pris en charge par l’employeur et la création d’un congé de deuil supplémentaire de huit jours pris en charge, pour partie, par la sécurité sociale.
Mais cessons de parler de « congé de répit ». De répit, il n’y en aura plus jamais pour ces parents. Il s’agit d’un congé de deuil, et rien d’autre. Permettez-moi, cependant, d’émettre quelques réserves sur le fait que ce congé soit fractionnable et qu’il puisse être pris plus tard dans l’année suivant le décès de l’enfant.
Pour autant, les mesures de protection votées qui prennent en compte la difficulté de ces parents à reprendre le travail après cette douloureuse épreuve – je pense à la protection contre les licenciements durant une période de treize semaines, à la suppression du délai de carence en cas d’arrêt maladie et au suivi psychologique proposé – vont naturellement dans le bon sens.
Enfin, et surtout, il me paraissait très important d’étendre à l’ensemble des actifs, salariés du secteur privé, mais aussi travailleurs indépendants et agents publics, le nouveau dispositif.
Je salue donc ici l’unanimité qui a prévalu en commission. Elle est la preuve que le fait de prendre le temps d’être à l’écoute et de ne pas se contenter d’une approche technocratique et purement financière permet de trouver des réponses adaptées qui emportent l’adhésion de tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et RDSE.)